1 L’insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique (IVCC) L’insuffisance veineuse céphalorachidienne (ou cérébrospinale) chronique (IVCC) est décrite comme une anomalie du drainage veineux en provenance du cerveau et de la moelle. Des sténoses de degrés variables sont le plus souvent en cause. Ce mauvais drainage pourrait avoir comme conséquence une hypoxémie chronique et des dépôts de fer dans certaines zones du cerveau, et pourrait, selon certains, être en cause dans diverses pathologies dont la sclérose en plaques (SEP). Cette hypothèse a été très médiatisée notamment depuis les publications de l’équipe de Zamboni. Depuis Charcot, une relation entre les veines cérébrales et les lésions inflammatoires associées à la SEP a été régulièrement observée. Les lésions périventriculaires semblent s'étendre le long des veines cérébrales et les lésions corticales surviennent sur le territoire drainé par les veines corticales. Les berges de certaines plaques sont dominés par un tissu glial contenant de grosses veines, entouré de pigment hématogène. Bien que ces observations impliquent un lien entre les veines cérébrales et la SEP, cette liaison a été jugée intéressante, mais a été largement ignoré. Les premières communications de Zamboni, faites en milieu surtout angiologique sont passées presque inaperçues en neurologie, jusqu’au jour où une étude de son groupe, est publiée dans une revue scientifique majeure, montrant, après avoir établi un score d’insuffisance veineuse, que tous les patients atteints de SEP avaient cette anomalie et aucun des sujets témoins (Zamboni et al., 2009). Cette étude incluaient 65 personnes atteintes de différentes formes de SEP et 235 témoins. Le drainage veineux du cerveau et de la moelle a été examiné par doppler. Les chercheurs ont également noté que les profils des obstructions 2 veineuses différaient entre les patients selon le stade de la maladie et l’évolution de la SEP bien qu’il n’existe pas de relation claire entre la sévérité de la maladie et l’ampleur de l’obstruction veineuse. La prise ou non de traitement par les patients ne semblait pas influencer dès lors qu’ils présentaient des signes d’IVCC. Les anomalies veineuses ont été constatés de manière très variable au niveau des veines jugulaires, vertébrales et azygos, confirmées ensuite par phlébographie sélective. Une étude ultérieure du même groupe en Italie (Zamboni et al., 2009) analysait les effets sur la SEP de l’amélioration de la circulation veineuse par dilatation. Cette étude ouverte (pas de contrôle ou pas de groupe en aveugle) évaluait la sécurité et les premiers résultats d’une chirurgie vasculaire chez 65 patients SEP qui avaient été préalablement diagnostiqués avec un IVCC (35 personnes avec une forme rémittente, 20 personnes avec une forme secondairement progressive et 10 personnes avec une forme primaire progressive). Quelques résultats positifs ont été rapportés incluant une réduction des nouvelles lésions en IRM et une réduction du nombre de poussées rapportée par quelques participants à l’essai. D’autres symptômes subjectifs étaient améliorés chez certains sujets, comme la fatigue, les troubles du sommeil, les douleurs…Certains points doivent être pris en compte : un nouveau rétrécissement est survenu dans 47% des cas (cela signifie que les veines jugulaires internes ont présenté de nouveau un rétrécissement du flux sanguin après l’intervention), la chronologie et la technologie des IRMs sont hétérogènes et les participants sont restés sont traitement de fond durant la période étudiée. Des études ont tenté de comprendre les liens potentiels entre ces anomalies veineuses et les lésions de la SEP. La cause de ce mauvais drainage, s’il est confirmé, n’est pas connue. Des études ont montré que les patients atteints de SEP 3 ont des troubles du débit sanguin cérébral, y compris une diminution du débit sanguin cérébral, une diminution du volume sanguin cérébral, et un temps de transit moyen prolongée. La baisse du débit sanguin et la diminution du volume sanguin seraient davantage liées à la pathologie veineuse que la résultante d’une baisse de la demande métabolique. Des études en phlébographie MR ont mis en évidence une corrélation significative entre les lésions inflammatoires de la SEP et les veines cérébrales. Le fer est un élément très important dans les processus de myélinisation et de maturation des oligodendrocytes. Quelques arguments à la fois théoriques et expérimentaux pourraient impliquer la surcharge en fer dans la physiopathologie de certaines maladies neurologiques dont la SEP. Le fer en excès augmente le stress oxydatif et la synthèse de radicaux libres, avec des conséquences délétères possibles dans la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson. Les conséquences de l’excès de fer dans l’inflammation sont assez peu documentées au niveau du SNC. Dans un modèle EAE de souris, les souris déficientes en fer ne déclenchent pas la maladie contre 60 à 70% des souris ayant un taux normal de fer, suggérant un rôle protecteur de la carence martiale. Dans l’EAE comme dans la pathologie humaine, les macrophages chargés de fer et les dépôts d’hémosidérine sont nombreux dans et au pourtour des lésions. Les relations entre insuffisance veineuse chronique, dépôts de fer et inflammation sont mieux établies aux membres inférieurs. Le reflux veineux chronique et la surcharge en fer qui en résulte activent des métalloprotéases augmentant potentiellement les échanges transmembranaires. Les conséquences de la surexpression des métalloprotéases sont connues dans la SEP. D’autres phénomènes ont été observés plus fréquemment chez les patients atteints de SEP, en autre par Zamboni et ces collaborateurs, notamment des 4 phénomènes de reflux de sang veineux, responsable de phénomènes d’hyperpression pariétale, susceptible d’augmenter le dysfonctionnement de la barrière hémato-encéphalique. Lors du dernier congrès de l’American Academy of Neurology, l’équipe de Zivadinov a présenté ces premiers travaux sur le sujet. Cette étude a évalué 441 patients (280 patients atteints de SEP et 161 témoins sains) et a constaté une prévalence de l’IVCC chez les patients atteints de SEP était de 56,4% et de 22,4% chez les témoins sains. En excluant 10,2% de sujets pour lesquels les résultats étaient « limites », le pourcentage de patients atteints de SEP touchées a augmenté à 62,5% comparativement à 25,9% des contrôles sains. Ce pourcentage est sensiblement plus élevé dans les formes secondairement progressives que dans les formes rémittentes ou après seulement le premier événement. Cette différence appuierait l’idée que ce phénomène est associé au développement de la pathologie et non la cause. De même, la localisation des sténoses seraient différentes selon les formes cliniques de la maladie. Les anomalies de la veine azygos seraient plus souvent observées dans les formes progressives primaires. Il est important de rappeler que ces études ont été faites en ouvert et il est nécessaire de confirmer ces résultats par des études plus rigoureuses, le radiologue étant aveugle par rapport au diagnostic du patient. Cela est d’autant plus nécessaire que le sujet est devenu vite médiatisé et que les patients sont demandeurs d’un traitement de cette insuffisance de drainage. Bien sur même si un lien entre IVCC et SEP était confirmé par ces études, il n’est pas certain que le traitement de ces sténoses veineuses puissent améliorer les patients ou modifier l’évolution de la maladie. La rigueur est d’autant plus nécessaire que des accidents graves après 5 prise en charge sont déjà survenus (migration de stent, hémorragie cérébrale). De nombreuses universités ont interdits ces traitements en dehors d’essais contrôlés. La fédération internationale de http://www.msif.org/en/news/msif_news/ectrims_endorses.) la et SEP d’autres (MSIF, associations comme l’ARSEP (www.arsep.org) ont mis sur leur site un document résumant pour un public averti les éléments actuels sur ce sujet. Références Chronic cerebrospinal venous insufficiency in patients with multiple sclerosis. Zamboni P, Galeotti R, Menegatti E, Malagoni AM, Tacconi G, Dall'Ara S, Bartolomei I, Salvi F. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2009; 80:392-9. A prospective open-label study of endovascular treatment of chronic cerebrospinal venous insufficiency. Zamboni P, Galeotti R, Menegatti E, Malagoni AM, Gianesini S, Bartolomei I, Mascoli F, Salvi F. J Vasc Surg. 2009; 50:1348-58.