G. Canguilhem. : "Le normal et le pathologique", P.U.F Quadrige, Paris, 1966, Réédition n°8, 1999. Préambule et place dans ma thèse : On croisera avec les travaux de Guy Tardieu en 1954 sur l'infirmité motrice cérébrale. On croisera aussi avec le dossier médical sur le handicap ainsi que sur les traumas et la psychanalyse avec leurs notions de transfert de contre transfert. La clinique nous guidera tout au long de notre travail avec le regard et les thèses de Michel Foucault, d'Henri Jacques Sticker, et de Bernard Allemandou sur une approche historique médicale et sur l'anthropologie du handicap du point de vue du tact et du soin social. On abordera aussi une réflexion sur l'état de la maladie, de la guérison, de la pathologie qui peut atteindre les frontières de la vie. La santé et la normalité sont aussi convoquées : que signifie être en bonne santé dans le cas de handicap très lourd ? Être handicapé est ce être malade forcément ? Il peut paraître étrange d'être en bonne santé et être en même temps atteint d'une infirmité grave et dire : « d'une tétraplégie ce n'est rien, je n'ai pas mal et suis parfaitement heureux » comme le soulignent certains de mes sujets. Pages 11 et 12 : "aujourd'hui encore il existe une hiérarchie vulgaire des maladies, fondée sur la plus ou moins grande facilité d'en localiser les symptômes. C'est ainsi que la paralysie agitante est plus une maladie que le zona thoracique et le zona, plus que le furoncle." ... "La maladie diffère de l'état de santé, le pathologie du normal, comme une qualité d'une autre, soit par présence ou absence d'un principe défini, soit par remaniement de la totalité organique." Mon analyse : le handicap est-il une maladie ? Qui est ce handicapé qui n'est pas forcément malade? L'aveugle, le sourd sont-ils des malades comme les autres, ou des personnes scène ? Mais qu'est-ce que la santé comme le définit l'OMS et du bien-être social et mental, qu'en est-il ? Sommes nous tous des malades qui s'ignorent, sommes nous tous des handicapés un peu plus ou un peu moins, en fonction des temps de la vie ? Pages 11 à 14 : " la maladie entre et sort de l'homme comme par la porte. Aujourd'hui encore il existe une hiérarchie vulgaire des maladies, fondée sur la plus ou moins grande facilité d'en localiser les symptômes. C'est ainsi que la paralysie agitante est plus une maladie que le zona thoracique et le zona, plus que le furoncle." "La maladie diffère de l'état de santé, le pathologique du normal, comme une qualité d'une autre, soit par présence ou absence d'un principe défini, soit par maniement de la totalité organique." "L'identité du normal et du pathologique est affirmée au bénéfice de la correction du pathologique." Mon analyse : On passe aujourd'hui de la physiologie à la génétique. L'identité se trouve au coeur des cellules comme le souligne Axel Kahn dans son livre « et l'homme dans tout ça ». La guérison à tout prix est telle recherchée systématiquement ? Quelle est la chose la plus importante sur le plan de la santé pour une personne handicapée ? Une place sociale reconnue ou/et la guérison totale sont-elles à situer sur le même plan ? hommage ceux qui ne peuvent guérir que pensent-ils entre l'indignation, révolte, activités malgré tout pour rester dans sa dignité ; ne pas subir, ne pas accepter mais intégrer, voici à ce sujet ce que pense le professeur aveugle : John Hull en 1995 dans son ouvrage « le chemin vers la nuit ». Pages 18 et 19 : "Broussais explique en effet toutes les maladies comme consistant essentiellement « dans l'excès ou le défaut de l'excitation des divers tissus au-dessus et au-dessous du degré qui constitue l'état normal ». Les maladies ne sont donc que les effets de simples changements d'intensité dans l'action des stimulants indispensables à l'entretien de la santé." Mon analyse : Depuis la définition de l'OMS en 1947, la santé comme le silence des organes, à l'état de bien-être physique et organique, on a rajouté social et mental voir même psychique. Dans le handicap, la chronicité, l'irréversibilité et santé sont des pôles à mieux définir. Les maladies génétiques graves et l'infirmité motrice cérébrale brouillent les frontières de la santé, du bonheur psychique et du silence des organes. Voir ce sujet le travail sur ce concept de santé dans l'ouvrage de Jacques Henri Sticker sur l'OMS entre 1935 et 1948 et le témoignage de Sylvain Hurault avec sa maladie de Duchêne, une myopathie très grave. Pages 25 et 26 : " Définir l'anormal par le trop où le trop peu, c'est reconnaître le caractère normatif de l'état normal. C'est état normal ou physiologique ce n'est plus seulement une disposition décelable et explicable comme un fait, c'est la manifestation d'un attachement à quelque valeur." Analyse : il faut travailler la limite entre les concepts de normal et anormal, la valeur et le préjugé, quelles sont les valeurs, les nuances et complexités générées par la situation de handicap ? Quelles sont les formes que prennent donc la santé et la normalité chez les différentes personnes handicapées. Page 37 : " Ces idées de lutte entre deux agents opposés, d'antagonisme entre la vie et la mort, la santé et la maladie, la nature brute et la nature animée ont fait leur temps. Il faut reconnaître partout la continuité des phénomènes, leur gradation insensible et leur harmonie." Claude Bernard, leçon sur la chaleur animale, Jean-Baptiste Baillière, Paris, 1876. Mon analyse : il faut différencier le malade et le malade sain par rapport à la maladie, le handicap est porté par une personne irréductible à son seul handicap, ce même handicap forge et force la construction de son identité. Voir à ce sujet les thèses sur l'identité de Lipiansky, Dubar et Goffman. Page 41 : "dire que la santé parfaite existe pas c'est seulement dire que le concept de santé n'est pas celui d'une existence, mais d'une norme dont la fonction et la valeur est d'être mise en rapport avec l'existence pour en susciter la modification. Cela ne signifie pas que santé soit un concept vide." Mon analyse : faire la liaison entre les handicaps et la santé, la cécité, la surdité, les infirmités motrices cérébrales etc... La notion de santé est large et réversible... Et de elle touche à l'immortalité et au bonheur. Page 49 : " un art de vivre -- et la médecine l'est en plein sens du mot [technê] - implique une science de la vie. Une thérapeutique efficace suppose une pathologie expérimentale, une pathologie expérimentale ne se sépare pas d'une physiologie. « Physiologie et pathologie se confondent et sont une et même chose ». Mais fallait-il en déduire, avec une brutale simplicité, que la vie est identique à elle-même dans la santé et dans la maladie, qu'elle n'apprend rien dans la maladie et par elle ?" Mon analyse : un témoin aveugle nous dit que c'est son infirmité qui a fait de lui ce qu'il est malgré l'angoisse et la dépression. D'autres veulent redevenir aveugles pour redevenir ce qu'ils étaient (in Oliver Sachs : un anthropologue sur mars -- sept histoires paradoxales). La maladie s'exprime par infirmités dans le handicap comme espace de reconnaissance et de connaissances sur soi et sur les autres. On retrouve ces idées étranges dans les entretiens et dans les dialogues avec les 17 témoins. Les étrangetés autour du cri, du corps, du coeur et de la cognition se retrouvent aussi bien dans les ouvrages scientifiques que dans les témoignages des histoires de vie. Page 50 : "quand on qualifie de pathologie un symptôme ou un mécanisme fonctionnel isolés, on oublie que ce qui les rend tels c'est leur rapport d'insertion dans la totalité indivisible d'un comportement individuel. En sorte que si l'analyse physiologique de fonctions séparées se sait en présence de faits pathologiques, c'est à une information clinique préalable qu'elle le doit, car la clinique met le médecin en rapport avec les individus complets et concrets et non avec des organes et leurs fonctions." Mon analyse : bien sûr, le handicap c'est une petite partie d'une personne complète et le sujet lui appartient à tous. Sujet qui se définit par l'angoisse, le désir, le déni, et l'écriture. Le sujet et l'acteur social peuvent peuvent-ils être dissociés : les handicapés a pu un corps et il habite son corps quelquefois mais ce corps n'habite pas la société. Pages 52 et 53 : " La santé, dit Leriche, c'est la vie dans le silence des organes". Inversement, " la maladie, c'est ce qui gêne les hommes dans l'exercice normal de leur vie et dans leurs préoccupations et surtout ce qui les fait souffrir". "Leriche montre en effet que « le silence des organes » n'est pas nécessairement équivalent à l'absence de maladie, qu'il existe dans l'organisme des lésions et des perturbations fonctionnelles pendant longtemps imperceptibles pour ceux dont elles mettent la vie en danger." Mon analyse : On croisera pour analyse avec les travaux sur les traumas S.Freud et J. Lacan et la résilience B. Cyrulnik et la douleur dans les témoignages plus quotidiens comme ceux de A. Jollien, J. Hull, etc ...Mais on trouve chez E.Goffman, dans la presse et la littérature la citation suivante " Ce n'est rien une tétraplégie ..." Le malade se fait par la maladie, non ! C'est un homme qui retrouve un autre équilibre (R. Dubos ) par contre le corps est un espace , une limite ou un déni voir l'analyse des "4C" entre la douleur, le cri au quotidien car la situation de handicap c'est la durée et l'irréversibilité il faut intégrer. C'est le cas de Sylvain qui ne savait pas s'il serait encore présent avec nous dans cinq ans. Citation de R.Leriche, Introduction générale. De la santé à la maladie, la douleur dans les maladies, ou va la médecine, Encyclopédie française, Tome VI, 1936. Page 59 : "la maladie est au principe de l'attention spéculative que la vie attache à la vie par le truchement de l'homme. Si la santé est la vie dans le silence des organes, il n'y a pas à proprement parler de sciences de la santé. La santé c'est l'innocence organique [...]. Il en est de la physiologie comme de toute science, selon Aristote, elle procède de l'étonnement. Mais l'étonnement proprement vital c'est l'angoisse suscitée par la maladie." Mon analyse : et je suis très étonné par ce que j'entends et je vois .Voilà qui est posé avec l'angoisse (kierkegaardien en contre point). Le handicap comme révélateur de soi et de l'autre, de l'humain comme "soi même comme un autre " de P.Ricœur. Page 71 :" Tout d'abord dans l'anomalie il y a primauté du négatif ; le mal se détache de la vie tandis que le bien se confond avec le dynamisme vital et trouve son sens uniquement « dans une progression constante appelée à déborder toute formule conceptuelle relative à cette prétendue norme »". Dans Georges Canguilhem : E. Minkowski, A la recherche de la norme en psychopathologie, dans l'évolution psychiatrique, numéro un, 1938. Mon analyse : la place handicap de la personne handicapée dans l'évolution de l'anomalie, du mal et du négatif par rapport au poids du médical. Réfléchir sur le handicap au Colloque de Clermont-Ferrand à partir du nombre de médecins présents ! Pages 72 et 73 :" Nous pensons avec Sigerist que « la maladie isole », et que même si « cet isolement n'éloigne pas des hommes, mais rapproche au contraire que c'est derniers du malade », aucun malade perspicace ne peut ignorer les renoncements et les limitations que s'imposent les hommes sains pour se rapprocher de lui. [...] Nous pensons en résumé que considérer la vie comme une puissance dynamique de dépassement, à la façon de Minkowski dont les sympathies pour la philosophie bergsonienne se manifestent dans les ouvrages comme La schizophrénie ou Le temps perdu, c'est s'obliger à traiter uniquement l'anomalie somatique et l'anomalie psychique. Lorsque Ey, approuvant les vues de Minkowski, déclare : « Le normal n'est pas une moyenne corrélative à un concept social, ce n'est pas un jugement de réalité, c'est un jugement de valeur, c'est une notion limite qui définit le maximum de capacité psychique d'un être. Il n'y a pas de limite supérieure de la normalité »." "Redevenir normal, pour un homme dont l'avenir est presque toujours imaginé à partir d'expérience passée, c'est reprendre une activité ininterrompue, ou du moins une activité jugée équivalente d'après les goûts individuels ou les valeurs sociales du milieu. Même si cette activité est réduite , même si les comportements possibles sont moins variés, moins souples qu'ils se n'étaient auparavant, l'individu n'y regarde pas toujours de si près. L'essentiel est d'être remonté d'un abîme d'impotence ou de souffrance où le malade a failli rester ; l'essentiel est de l'avoir échappé belle. Soit l'exemple d'un jeune homme, récemment examiné, qui était tombé sur une scie circulaire en action, dont le bras avait été sectionné transversalement aux trois-quarts, le papier vasculo-nerveux interne étant resté indemne. [...] Ce malade est heureux de savoir qu'il récupérera une très large possibilité d'usage de son membre." Mon analyse : à croiser le travail de Vygotsky. L'isolement qui réduit ou le combat pour aller vers l'autre, tout est encore difficile dans le social pour le handicap. La personne handicapée peut être tout à fait normale ; ceci est étrange et étonnant. Le rêve est-il de redevenir normal, certains ne le veulent pas absolument. Posez la question aux différents témoins : si un jour la technique le permet voudrait-on une guérison totale ? Pages 75 et 76 : "Ce qui les intéresse [les médecins], c'est de diagnostiquer et de guérir. Guérir c'est en principe ramener à la norme une fonction ou un organisme qui s'en sont écartés. La norme, le médecin l'emprunte usuellement à sa connaissance de la physiologie, dite science de l'homme normal, à son expérience vécue des fonctions organiques, à la représentation commune de la norme dans un milieu social un moment donné." "Le vocabulaire technique et critique de la philosophie de Lalande est plus explicite : est normale , étymologiquement , puisque norma désigne l'équerre, ce qui ne penche ni à droite ni à gauche, donc ce qui se tient dans un juste milieu, d’où deux sens dérivés : est normal ce qui est tel qu'il doit être : est normal , au sens le plus usuel du mot, ce qui se rencontre dans la majorité des cas d'une espèce déterminée ou ce qui constitue soit la moyenne soit le module d'un caractère mesurable". Mon analyse : Annie Triomphe de l'INSERM sur l'économie du handicap et l'exemple des cérébraux lésés : une limite à aux sciences économiques et physiologiques mais ils sont dans l'université, alors que faire ? (Voir la pque du SACEH). On cache certains l'économie recycle les plus visibles (voir Yann et le marketing, le Colloque de Clermont-Ferrand sur l'esthétique des personnes handicapées qui trouve un travail dans le milieu social.) A croiser avec les parties d'analyses cliniques et médicales. Analyse du vocabulaire à partir de l'histoire : invalide, déficience, handicap et infirmité ; inclure ici mon article CNRS sur infirmité avec la lecture des "4C" et les témoignages. Lalande A., Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Alcan, 4e édition, Paris, 1938. Page 77 : "Nous pensons que la médecine existe comme art de la vie parce que le vivant humain qualifie lui-même comme pathologiques, donc devant être évités ou corrigés, certains états ou comportements appréhendés, relativement à la polarité dynamique de la vie, sous forme de valeur négative." Mon analyse : Eviter de vouloir corriger ou guérir les autres à tous prix, éviter par tact et soin de rentrer dans des lieux où ne nous sommes point conviés. Le handicap doit encore se cacher car on lui fait comprendre par une douce pression sociale qu'il coûte cher, il véhicule donc des valeurs négatives. Citation du philosophe P.A Dupuis : "…Chercher les valeurs dans des lieux où elles brillent encore d'un très faible éclat..." On trouvera chez L.S. Vigotsky et A. Luria une école pour repérer l'intactologie – défectologie des déficiences de toutes sortes, on parle aujourd'hui de compensations de toutes factures pour égaliser dans le social ; la situation de handicap au sens large. Pages 87 et 88 : "Quand l'anomalie est interprétée quant à ses effets, relativement à l'activité de l'individu, et donc à la représentation qu'il se fait de sa valeur et de sa destinée, l'anomalie est infirmité. Infirmité est une notion vulgaire mais instructive. On naît ou on devient infirme. C'est le fait de devenir tel, interprété comme déchéance irrémédiable, qui retentit sur le fait de naître tel. Au fond, il peut y avoir pour un infirme une activité possible et un rôle social honorable." "Une norme unique de vie est ressentie privativement et non positivement. Celui qui ne peut courir se sent lésé, c'est à dire qu'il convertit sa lésion en frustration, et bien que son entourage évite e lui renvoyer l'image de son incapacité, comme lorsque des enfants affectueux se gardent de courir en compagnie d'un petit boiteux, l'infirme sent bien par quelle retenue et quelles absentions de la part des ses semblables toute différence est apparemment annulée entre eux et lui." Mon analyse : Faire jouer ici notre article historique sur l'infirmité entre la faute divine, la suspicion sociale, et la dette humaine ainsi que la limite entre normalité / anormalité et maladie réversible et irréversible (B. Allemandou, H.J. Stiker …). G. Canguilhem nous signale que l'image en négatif est toujours tenace et ces traces bien présentes dans les entretiens. Page 117 : "De l'univers de tout vivant on peut dire ce que Reininger dit de l'univers de l'homme : "Unser Weltbild ist immer zugleich ein Wertbild ", notre image du monde est toujours aussi un tableau de valeurs". Reininger R., Wertphilosophie und Ethik, p 29, Braumüller, Vienne Leipzig, 1939. Mon analyse : Les deux citations montrent que le handicap mobilise ce tableau de valeurs en fonction des différentes niches et réseaux sociaux. On pourrait au niveau éducatif réfléchir et apprendre à penser ces valeurs très tôt pour changer le regard et le déplacer sur … Page 133 : "L'homme, même physique, ne se limite pas à son organisme. L'homme ayant prolongé ses organes par des outils, ne voit dans son corps que le moyen de tous les moyens d'action possibles. C'est donc au-delà du corps qu'il faut regarder pour apprécier ce qui est normal ou pathologique pour ce corps même. Avec une infirmité comme l'astigmatisme ou la myopie on serait normal dans une société agricole ou pastorale, mais on est anormal dans la marine ou dans l'aviation." Mon analyse : Voici une belle démonstration de l'arbitraire et de la relativité des choses et des situations sociales. La compensation matérielle et humaine pour l'accès de tous à tout (loi sur le handicap 2004). Le handicap tout au long de la vie nous approche c'est une question de temps, de regard anthropologique et de situation sociale ou culturelle : P. Bourdieu parle d'économie du bonheur et de son chiffrage par l'économie (Voir son film sur la sociologie comme sport de combat en 2000). C'est aussi le sens de ma question sur le temps et la fragilité ; notions à retravailler pour les groupes sociaux. Page 135 : "D'abord parce que le concept de normal n'est pas un concept d'existence, susceptible en soi de mesure objective. Ensuite, parce que le pathologique doit être compris comme une espèce du normal, l'anormal n'étant pas ce qui n'est pas normal, mais ce qui est un autre normal." Mon analyse : le handicap est aussi une sorte, une catégorie du normal ; c'est en ce sens que l'éducation devrait travailler et le diffuser partout. C'est bien le concept de situation qui est anormale et non pas l'humain qui subit, il faut renverser le regard et notre travail le montre. Une vraie sociologie de la souffrance et de l'exclusion recouvre "la misère du monde" mis à jour par P. Bourdieu et son équipe. Pages 139 et 149 : "C'est l'anormal qui suscite l'intérêt théorique pour le normal. Des normes ne sont reconnues pour telles que dans des infractions. Des fonctions ne sont révélées que par leurs ratés. La vie ne s'élève à la conscience et à la science d'elle-même que par l'inadaptation, l'échec et la douleur." "Avant la science, ce sont les techniques, les arts, les mythologies et les religions qui valorisent spontanément la vie humaine. Après l'apparition de la science, ce sont encore les mêmes fonctions, mais dont le conflit inévitable avec la science doit être réglé par la philosophie, qui est expressément philosophie des valeurs " Mon analyse : Très belle phrase pour la situation des handicapés, à ajouter à celle sur le fauteuil de EPCO "On est tous fait pour aimer la vie !" C'est la force des approches transdisciplinaires avec le handicap comme révélateur d'une philosophie des valeurs prenant origine dans les traces "douloureuses et difficiles" des situations sociales d'exclusion. Les sciences humaines et sociales comme langage universel et transversal entre les espaces scientifiques durs et la culture. Dans une recherche microsociologique quelles sont les valeurs qui remontent pour interroger la sociologie du handicap ? Les recherches sur les cas éthiques et les limites des concepts ne sont ni des approches inductives ni déductives car l'humain résiste et c'est d'une intégration scientifique dont il faudrait parler. Page 156 : "La guérison est la reconquête d'un état de stabilité des normes physiologiques. Elle est d'autant plus voisine de la maladie ou de la santé que cette stabilité est moins ou plus ouverte à des remaniements éventuels. En tout cas, "aucune guérison n'est retour à l'innocence biologique" Guérir c'est se donner de nouvelles normes de vie, parfois supérieures aux anciennes. Il y aune irréversibilité de la normativité biologique." Mon analyse : c'est le rêve ultime de guérir, d'être comme avant ou comme les autres : une renaissance pour certains et un autre départ pour les autres. Quand tout est stable et équilibré qui doit guérir les autres ou la société ? Voilà ce qu'il écrivait en 1943 et voyons maintenant en 1966 les apports. Page 173 : "Le sens des concepts de norme et de normal dans les sciences humaines, en sociologie, en ethnologie, en économie, entraîne à des recherches qui tendent finalement, qu'ils s'agissent des types sociaux, des critères d'inadaptation au groupe, des besoins et des comportements de consommation, des systèmes de préférence, à la question des rapports entre normalité et généralité. Si j'emprunte, au départ, quelques éléments d'analyse aux leçons dans lesquelles j'ai examiné, à ma manière, quelques aspects de cette question, c'est uniquement pour éclairer, par la confrontation des normes sociales et des normes vitales, la signification spécifique de ces dernières." Mon analyse : le problème du handicap est bien posé entre les normes sociales et les normes vitales voici l'espace réel du " habiter son corps". La maladie évolutive et la mort prématurée posent question sur les limites éthiques et sociales des handicaps lourds. Pages 177 et NDBDP : "Gaston Bachelard, qui s'est beaucoup intéressé aux valeurs sous leur forme cosmique ou populaire, et à la valorisation selon les axes de l'imagination, a bien aperçu que toute valeur doit être gagnée contre une anti - valeur "… "Le concept de droit, selon qu'il s'agit de géométrie, de morale ou de technique, qualifie ce qui résiste à son application de tordu, de tortueux ou de gauche " "Il serait possible et fructueux - mais ce n'est pas ici le lieu – de constituer des familles sémantiques de concepts représentant la parenté du concept populaire de normal et d'anormal, par exemple la série torve, torturé, retors, etc., et la série oblique, dévié, travers, etc;" Mon analyse : Le handicap représente des valeurs à gagner sur des anti valeurs, quelles sont elles ? A travers la grille des quatre "C", on peut approcher ces valeurs à travers les différents témoignages. L'anormalité, le handicap, l'invalidité / infirmité ne doit plus désigner une personne mais le combat d'une valeur contre des anti – valeurs de tous ordres, ne doit plus désigner le sujet mais la situation qu'il faut socialement compensée pour le même départ pour tous à compétence égale. Le handicap est une problématique sociale que l'acteur porte seul, transforme et intègre comme il le peut… Page 180 : "Au mot de Kant : "Le bien être n'est pas ressenti, car il est simple conscience de vivre " fait écho la définition de Leriche : "La santé c'est la vie dans le silence des organes". Mais c'est dans la fureur de la culpabilité comme dans le bruit de la souffrance que l'innocence et la santé surgissent comme les termes d'une régression impossible autant que recherchée." Mon analyse : Handicap, bien être et bonne santé malgré une impossible guérison qui hypothèque l'espérance de vie. La vie malgré la chronicité, la douleur et les traumas est prégnante chez tous. Pages 207 : "Dans notre Essai, nous avons confronté la conception ontologique de la maladie qui la réalise comme l'opposé qualitatif de la santé et la conception positiviste qui la dérive quantitativement de l'état normal. Quand la maladie est tenue pour un mal, la thérapeutique est donnée pour une revalorisation ; quand la maladie est tenue pour un défaut ou pour un excédent, la thérapeutique consiste dans une compensation." Mon analyse : Il nous faut comparer : le poids du médico-social dans le handicap, la tact et le soin dans la relation "empêchée", la chronicité et la difficulté à vivre à égalité, la compensation sociale et la faisabilité économique . Pages 210 et 211 : "Le terme d'erreur mobilise moins l'affectivité que ne le font les termes de maladie ou de mal, à tord cependant, s'il est vrai que l'erreur est au principe de l'échec …On peut cependant soutenir que la notion des erreurs organique innées n'est rien moins que rassurante. Il faut beaucoup de lucidité, jointe à un grand courage, pour ne pas préférer une idée de la maladie où quelque sentiment de culpabilité individuelle peut encore trouver place à une explication de la maladie qui en pulvérise et dissémine la causalité dans le génome familiale, dans un héritage que l'héritier ne peut refuser puisque l'héritage et l'héritier ne font qu'un." Mon analyse : Erreur et échec à mettre en contre point à la mort, le suicide et le repli. Le handicap ne prédispose pas plus à cela mais les limites sont vite atteintes mais mieux supportées comme le souligne B.Cyrulnik dans son concept de résilience.