LA RELATION ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE DANS L'ECONOMIE DE MARCHE. LE ROLE DE LA FORMATION LA RELATION ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE DANS L'ECONOMIE DE MARCHE. LE ROLE DE LA FORMATION sous la direction de Nguyen Minh Thuyet, Le Danh Ton, Jean-Louis Hermen et Jean-Pierre Théron Presses de l'Université des sciences sociales de Toulouse Copyright : 2000 Presses de l'Université des sciences sociales de Toulouse Place Anatole France 31042 Toulouse cedex France ISBN : 2- 909628-57-4 Couverture : peinture sur soie, représentant la pagode au pilier unique (Hanoi) DISCOURS D'OUVERTURE ET DE BIENVENUE DISCOURS D'OUVERTURE DU PROFESSEUR-DOCTEUR HOANG VAN HUAY VICE-MINISTRE DES SCIENCES, DES TECHNOLOGIES ET DE L'ENVIRONNEMENT - Monsieur l'ambassadeur de la République française à Hanoi, - Monsieur le directeur de l'AUPELF-UREF en Asie du sud-est - Monsieur le vice-président de l'Université nationale d'Hanoi, - Monsieur le recteur de l'Université des sciences sociales et humaines, - Mesdames, Messieurs, J'ai aujourd'hui l'honneur d'ouvrir cet important colloque international et je voudrais en remercier les organisateurs. Au nom du ministre des Sciences, de la Technologie et de l'Environnement, je voudrais aussi souhaiter la bienvenue au sein de notre Université à Monsieur l'ambassadeur de France, à Monsieur le directeur de l'Aupelf-Uref en Asie du sud-est, à Messieurs les responsables de l'Université nationale de Hanoi et de son Université des sciences sociales et humaines, à Messieurs les responsables de l'Université des sciences sociales de Toulouse et de la Faculté de droit et des sciences politiques de l'Université de Tunis III ainsi qu'à tous les scientifiques et personnes présentes aujourd'hui pour ce colloque. Puissions-nous librement partager nos expériences, nos travaux et nos connaissances dans un but d'enrichissement mutuel. Mesdames, Messieurs, Ces récentes années, l'économie du Vietnam a surmonté de nombreux défis et aussi enregistré -nous en sommes convaincus- des 10 HOANG VAN HUAY succès remarquables. Ces succès ont été obtenus en partie par l'application de la politique de renouveau, de doi moi, conçue et menée par le Parti communiste vietnatnien. L'application de cette politique a été amplement et systématiquement appliquée à partir des dernières années de la décennie 1980. Parallèlement à l'existence d'une économie de plusieurs composantes, nous avons assisté à l'émergence et à la reconnaissance du secteur privé, composante d'une économie de marché et reconnu à ce titre comme partie intégrante de l'économie vietnamienne. Il dispose encore aujourd'hui de nombreuses opportunités pour se développer. Les entreprises publiques se trouvent elles aussi dans un environnement renouvelé et sont plus dynamiques. Ainsi, dans les nouveaux mécanismes économiques vietnamiens, les différents types d'entreprises sont traités comme des sujets économiques égaux Cependant, il existe encore plusieurs problèmes à aborder et à résoudre dans le cadre des relations entre le secteur privé et le secteur public au Vietnam. Comment: rendre les entreprises publiques plus efficaces ? Comment élever le rôle de l'État en tant que leader économique ? Quels obstacles lever pour que le secteur privé puisse jouer pleinement son rôle et apporter une contribution significative au développement économique en général ? Comment aménager les relations entre le secteur privé et le secteur public et définir une voie de développement économique unique au Vietnam ? Comment adapter la formation du personnel au nouveau marché du travail ? Ce sont là des problèmes compliqués, exigeant la coopération entre scientifiques, économistes et politiciens. Les recherches et les expériences internationales jouent un rôle très important dans la résolution de tels problèmes. Dans ce sens, j'apprécie hautement le fait d'organiser ce colloque au sein de l'Université des sciences sociales et humaines appartenant à l'Université nationale de Hanoi et 1a coopération de l'Université des sciences sociales de Toulouse I et 1a Faculté de droit et des sciences politiques de l'Université de Tunis III. Les travaux et rapports des scientifiques français et tunisiens sont incontestablement des expériences précieuses obtenues après 11 11 DISCOURS D'OUVERTURE plusieurs années de recherches et d'expérimentation. Les recherches des professeurs vietnamiens contribuent aussi certainement pour une part importante au processus de renouveau économique du Vietnam. Ce colloque permettra de franchir un nouveau pas dans la coopération pour la recherche scientifique et la formation entre les Universités françaises, tunisiennes et vietnamiennes. Encore une fois, je souhaite un bon déroulement de ce colloque et un partage du savoir et de l'expérience de nos trois pays, France, Tunisie et Vietnam. Je vous remercie de votre attention. DISCOURS DE BIENVENUE DU PROFESSEUR-DOCTEUR DAO TRONG THI MEMBRE DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE VIETNAMIEN VICE-PRESIDENT DE L'UNIVERSITE NATIONALE D'HANOI - Monsieur l'ambassadeur de France, - Monsieur le vice-ministre des Sciences, des Technologies et de l'Environnement, - Monsieur le directeur de l'AUPELF-UREF en Asie du sud-est, - Messieurs les représentants des Universités française, tunisienne et vietnamiennes, - Mesdames, Messieurs, Au nom de la direction de l'Université nationale d'Hanoi, je voudrais souhaiter la bienvenue ici à Monsieur l'ambassadeur de France, à Monsieur le directeur de l'AUPELF-UREF, à Monsieur le vice-ministre des Sciences, des Technologies et de l'Environnement, aux responsables de l'Université des sciences sociales de Toulouse I, de la Faculté de droit et des sciences politiques de l'Université de Tunis III, à tous nos invités étrangers ainsi qu'à tous les scientifiques présents aujourd'hui. Mesdames, Messieurs, L'Université nationale d'Hanoi et en son sein l'Université des sciences humaines et sociales, est un centre de premier rang dans les 14 DAO TRONG THI domaines de la formation et de 1a recherche scientifique multi-sectorielles au Vietnam. Parmi nos activités de formation et de recherche, celles liées à l'Économie ont toujours été considérées comme prioritaires. Ces derniers temps en effet, notre Université a organisé plusieurs colloques sur les problèmes économiques essentiels auxquels le Vietnam et d'autres pays de la région font face actuellement et dans le futur. Aujourd'hui, dans le cadre de la coopération entre nos Universités respectives, il s'agit d'aborder le problème des relations entre les secteurs public et privé dans l'économie de marché, d'y étudier le rôle de la formation, de partager nos différentes expériences internationales et de les confronter à la réalité du Vietnam. Ce colloque est donc un événement important pour l'Université d'Hanoi et pour ses membres, non seulement pour le développement de ses activités de recherche scientifiques mais aussi pour ses relations internationales. Comme vient de le souligner Monsieur le vice-ministre des Sciences, des Technologies et de l'Environnement, ce colloque contribuera en effet grandement d'une part à renforcer le processus général -déjà engagé- de renouveau économique du Vietnam, d'autre part à éclairer d'un oeil nouveau et avisé les relations entre les secteurs public et privé dans notre pays. Au nom de la direction de l'Université nationale d'Hanoi, je remercie donc tous les scientifiques étrangers et vietnamiens pour leur contribution en acceptant d'apporter et de mettre en commun aujourd'hui les résultats de leurs travaux. Je remercie également l'ambassade de France à Hanoi et l'AUPELF-UREF pour leur aide précieuse. Et je vous souhaite, à vous, Mesdames et Messieurs, ainsi qu'à nos Universités de Toulouse, Tunis et Hanoi, un bon déroulement pour ce colloque. Puisse notre coopération se renforcer et porter bientôt ses fruits. Merci de votre attention. PRÉSENTATION DES ACTES DU COLLOQUE PRESENTATION DES ACTES DU COLLOQUE PAR ALBERT LOURDE, DIRECTEUR GENERAL DE L'AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA FRANCOPHONIE EN ASIE DU SUD-EST La tenue de cet important colloque sur "La relation entre secteur public et privé dans l'économie de marché. Le rôle de la formation" consacre plusieurs années de contacts et de préparation entre les universitaires d'Hanoi, de Toulouse et de Tunis. Le thème choisi est particulièrement bienvenu puisqu'il a permis une confrontation des questions, des points de vue et des expériences entre des universitaires et des professionnels se réclamant de traditions, de pratiques et de préoccupations différentes mais que réunit un souci commun de favoriser l'entrée de leur pays et de son économie dans l'ère de la mondialisation, de faire une place décisive aux mécanismes du marché sans que les pouvoirs publics renoncent à leur devoir d'encadrement des initiatives et de contrôle des structures privées. Ce colloque témoigne également de l'importance que l'Agence universitaire de la francophonie attache à la mise en œuvre d'opérations fondées sur le multilatéralisme. De ce point de vue aussi, la réunion, à Hanoi, de chercheurs et de praticiens venus d'institutions universitaires ou économiques se situant sur trois continents, en Afrique, en Europe et en Asie, apparaît comme exemplaire. Par-delà les distances et les systèmes sociaux différents, c'est notamment la langue française qui a permis aux divers partenaires dans cette recherche de rassembler leurs efforts. Des traditions intellectuelles communes, mêlant le souci de l'objectivité, l'attachement aux méthodes de la recherche scientifique et un intérêt constant pour les expériences étrangères ont facilité les contacts préalables, la définition 18 ALBERT LOURDE de la problématique, la délimitation et la répartition des thèmes d'étude. Cette manifestation prend sa place dans un important effort de coopération au centre duquel figure l'Université des sciences sociales d'Hanoi, sa Faculté de droit et sa Faculté d'économie. Les formations d'enseignement supérieur qui s'y déroulent en français couronnent l'action soutenue par le Bureau Asie du Sud-Est de l'Agence universitaire de la francophonie, depuis cinq ans, à l'intention de plus de vingt mille enfant et adolescent, aux niveaux primaire et secondaire, en vue de faire de la langue française, leur moyen de communication privilégiée au niveau international, dans le cadre de la politique définie par les plus hautes instances du Viet Nam en faveur d'une ouverture sur le monde, aux plans tant économique que culturel. Cette rencontre scientifique témoigne aussi, s'il en était besoin, deux ans après le Sommet de Hanoi, du niveau et de la vigueur de la francophonie universitaire au Viet Nam où plus de cinq mille étudiants étudient en français les disciplines scientifiques dans quarante-sept filières universitaires francophones. Les étudiants issus de la filière juridique ont d'ores et déjà fait la preuve de leur compétence en obtenant le D.E.A. au sein de l'Université de Toulouse I qui accueille aussi des professeurs chargés d'enseigner le droit français à Hanoi et à Ho Chi Minh ville. L'élargissement de cette coopération avec la Faculté de droit de Vientiane qui a déjà commencé par l'accueil à Toulouse de professeurs lao, va également dans le bon sens. La publication de ce livre arrive donc à point nommé pour conclure une opération exemplaire, pour en constater la réussite et pour en diffuser les résultats. Il ouvre en même temps sur de nouvelles perspectives et de nouveaux projets qui contribueront à renforcer l'action francophone en Asie du sud-est. PRESENTATION DES ACTES DU COLLOQUE PAR MOHAMED RIDHA BEN HAMMED, DOYEN DE LA FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES DE TUNIS Le fait que l'Université des sciences sociales et humaines de Hanoi et l'Université des sciences sociales de Toulouse aient souhaité s'associer avec la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis pour organiser ce colloque sur "la relation entre secteur public et privé" est révélateur de l'ouverture tous azimuts qui caractérise désormais la politique de relations internationales de nos établissements d'enseignement supérieur. Il est devenu habituel que, par-delà les différences de continents, les membres des communautés académiques d'Afrique, d'Amérique, d'Asie et d'Europe se retrouvent pour comparer leurs réflexions et échanger leurs expériences. Ce colloque en témoigne, en l'occurrence autour de la pratique du français et d'une tradition de francophonie qui nous ont réunis. Le thème choisi, qui a conduit à analyser les conditions de coexistence et de collaboration entre administrations, entreprises publiques, coopératives et entreprises privées des trois secteurs de l'économie, dans le cadre d'un système soumis aux lois du marché, ne pouvait que retenir l'attention des chercheurs tunisiens. Chacun a conscience qu'en ces temps d'élargissement des équilibres économiques à l'échelle de la planète et de généralisation de règles de concurrence par-delà les frontières, il y a là des questions qui intéressent toutes les nations désireuses de ne pas rester à l'écart du mouvement général de mondialisation. C'est le cas de la Tunisie. Au surplus, les inflexions dans les politiques économiques suivies par notre pays au cours des trente dernières années en font un riche 20 MOHAMED RIDHA BEN HAMMED terrain d'expériences, tant du point des résultats obtenus en fonction de la plus ou moins grande implication de l'État en faveur du développement que de la façon de gérer les transitions, les périodes d'accroissement du rôle des pouvoirs publics comme celles d'allègement de leur intervention. À chaque étape, le souci toujours présent chez les dirigeants politiques tunisiens, quelles que soient les équipes au pouvoir, d'éviter les solutions rigides et de leur préférer les compromis, de tempérer l'idéologie par l'empirisme et de ne jamais négliger la dimension sociale des problèmes peut fournir, hors de nos frontières, des thèmes de réflexion, parfois des modèles intéressants. C'est bien ainsi que l'ont entendu les participants à ce colloque, collègues vietnamiens, français ou appartenant à d'autres nationalités que celles des trois pays organisateurs. L'université d'Hanoi a accueilli la délégation de la Faculté de droit de Tunis avec une efficacité et un souci de compréhension réciproque dans le traitement des thèmes retenus qui font bien augurer du succès de nos projets de coopération future. Avec les professeurs de l'Université des sciences sociales de Toulouse, les liens sont déjà anciens et les opérations de recherche commune nombreuses. Cette nouvelle expérience et ce livre supplémentaire viennent compléter la longue liste des thèmes traités ensemble et des ouvrages publiés. C'est une étape nouvelle dans notre coopération et il faut souhaiter qu'elle continue de se développer tant de façon bi-latérale que multilatérale. PRESENTATION DES ACTES DU COLLOQUE PAR BERNARD BELLOC, PRESIDENT DE L'UNIVERSITE DES SCIENCES SOCIALES DE TOULOUSE Une coopération exemplaire s'est développée entre l'Université des sciences sociales et humaines d'Hanoi et notre Université. Initiée, il y a quatre ans, par une délégation venue de Toulouse et composée de juristes et d'économistes, elle s'est prolongée et développée sur un principe de réciprocité et d'équilibre des échanges, avec toute une série de visites croisées et de séjours scientifiques de collègues vietnamiens à Toulouse et de Toulousains à Hanoi. Tout au long de ces années, elle a préservé le souci de pluridisciplinarité qu'elle avait adopté dès l'origine et qui constitue l'une des caractéristiques et l'un des plus importants atouts de nos deux institutions d'enseignement supérieur. Le colloque dont ce volume reproduit les actes a retenu le thème de "La relation entre secteurs public et privé dans l'économie de marché. Le rôle de la formation". Les questions traitées se prêtaient particulièrement à une approche pluridisciplinaire, au point que l'on n'imagine pas qu'elles aient pu être étudiées sans que soient rassemblés et parfois confrontés les points de vue des juristes et des économistes, ainsi que des historiens et des sociologues. Coopération exemplaire également par la volonté de se placer sous le signe d'une collaboration aussi étroite que possible entre le monde universitaire et celui de l'entreprise. Ce colloque ne se présente pas seulement comme une occasion de réflexions académiques entre spécialistes des questions traitées. Y ont été associées la Chambre de commerce d'Hanoi, la Chambre de commerce française à Hanoi ainsi que la Chambre régionale de commerce et d'industrie de Midi-Pyrénées. Ici comme ailleurs, il s'agit, pour notre Université, 22 BERNARD BELLOC d'offrir aux organisations et aux entreprises partenaires la possibilité de bénéficier de nos compétences scientifiques pour mieux appréhender leur environnement et, par là-même, pour mieux préparer leurs décisions stratégiques, à travers des actions de recherche appliquée qui sont autant d'actions de transfert de technologie transposées aux disciplines qui sont les nôtres. Il faut souhaiter que l'avenir vienne concrétiser, de ce point de vue, les ouvertures et les opportunités que ce colloque a permis d'esquisser, à Hanoi ainsi que dans le reste du Viêt-nam. Les actes de ce colloque témoignent de l'ampleur des travaux effectués et de la diversité des recherches engagées. Comme le prouve la répartition des interventions, n'ont été négligés ni la description des évolutions idéologiques qui ont préparé et soutenu les transformations économiques dont le Viêt-nam est le théâtre, ni le problème des rapports entre entreprises d'État et entreprises privées. Les unes comme les autres sont désormais invitées à joindre leurs efforts pour participer au développement du pays. Le rôle que peuvent jouer les politiques économiques de l'État à l'égard des secteurs public et privé est aussi traité dans la mesure où nul n'imagine des équilibres entièrement laissés aux mécanismes du marché. Enfin les questions de restructuration des entreprises publiques ont été abordées en tenant compte du modèle que constitue l'entreprise privée mais sans perdre leurs spécificités tant pour ce qui est de leurs missions que des contraintes particulières qui pèsent sur elles. Un dernier ensemble de communications traite de l'ingénierie de la formation dans l'accompagnement du processus d'évolution du secteur privé. Il y a là un complément logique des réflexions conduites autour du thème central du colloque et un domaine que notre Université maîtrise parfaitement comme en témoignent les multiples applications qui en ont été faites en France et dans le monde, chaque fois adaptées aux contraintes locales mais toujours marquées par un souci constant de rigueur scientifique. Répétons-le : il est de la vocation souhaitable d'un tel colloque de constituer le point de départ de nouvelles initiatives et de nouvelles actions de coopération. Une importante réunion comme celle qui s'est tenue les 10 et 11 mai 1999 à Hanoi doit apparaître comme un commencement bien plus que comme la conclusion d'efforts anciens. Les 23 23 PRESENTATION DES ACTES opérations avec le Viêt-nam et notamment avec les facultés de droit et d'économie d'Hanoi constituent l'une des récentes et fortes priorités de notre Université. L'accueil qui nous a été réservé, la qualité des travaux qui ont été présentés, le sérieux des échanges qui se sont noués ne peuvent que nous conforter dans ces choix. Ils se sont déroulés en 1999 sous le signe de la francophonie avec la participation de la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis à laquelle nous rattachent des liens anciens et étroits. Ainsi, entre nos collègues tunisiens et vietnamiens, une très vieille coopération en a rejoint une toute jeune. Tout en préservant la dimension francophone et cet intérêt pour des thèmes juridiques et économiques qui nous a réunis, il conviendra d'en élargir le cadre, en accord avec nos partenaires actuels, pour s'ouvrir sur d'autres pays du sud-est asiatique et sur d'autres disciplines. PREMIERE PARTIE RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE : EVOLUTIONS IDEOLOGIQUES Chapitre 1 RELATIONS ENTRE SECTEUR PUBLIC ET SECTEUR PRIVE AU VIET NAM docteur Phi Manh Hong, professeur associé Cette étude porte sur les relations existant entre le secteur public et le secteur privé au Viet Nam en terme d'évolution historique. Cette dernière est influencée par le modèle économique dominant à chaque période de l'histoire du pays. Un tournant dans l'évolution des relations entre ces deux secteurs résulte du changement de modèle économique qui a démarré au Viet Nam il y a plus d'une dizaine d'années et qui se poursuit actuellement. -IPériode antérieure au Doimoi (avant 1986) A - La période de planification centralisée Les relations entre le secteur public et le secteur privé sont déterminées par le modèle économique socialiste calqué sur celui de l'ex-U.R.S.S. Ce modèle s'est imposé au nord-Viet Nam dès 1958 et a été étendu ensuite au sud après la réunification du pays en 1975. Il repose sur plusieurs principes. La propriété privée et spécialement la possession capitaliste des moyens de production, sont considérées comme la source des diverses maladies affectant le capitalisme. L'instauration du socialisme suppose la mise en place puis la généralisation d'un régime de propriété sociale des moyens de production reposant sur l'élimination de la 28 ANDRE CABANIS propriété privée. La propriété sociale (également qualifiée de "propriété publique") peut prendre deux formes différentes : soit la propriété du peuple entier, synonyme de propriété étatique et présentée comme la variante la plus haute de la propriété sociale, soit la propriété collective qui est considérée comme une forme de propriété publique de niveau inférieur. Dans une telle logique, la victoire du socialisme se traduit par une domination totale de la propriété publique. La propriété privée sous toutes ses formes est, par nature, étrangère au socialisme et son élimination constitue l'un des éléments prioritaires de la réforme socialiste. La planification centralisée et obligatoire est considérée comme l'outil privilégié pour que l'État puisse contrôler et même gérer l'ensemble de l'économie nationale. Par la planification globale des activités économiques, l'État s'assure le monopole de la distribution des ressources. L'économie de marché est contestée en raison de sa nature anarchique et spontanée. L'élimination des mécanismes du marché par la planification est présentée comme un des éléments de supériorité du nouveau régime économique. Le principe de la répartition des ressources par la planification est assuré en s'appuyant sur le pouvoir administratif de l'État. Ce modèle économique permet, en peu de temps, de fermer les blessures causées par la guerre et de donner un nouvel élan au développement grâce notamment à la réforme agraire. Pendant les années allant de 1958 à 1960, la réforme socialiste est vigoureusement conduite au nord. Les entreprises privées capitalistes sont transformées en entreprises publiques ou en entreprises mixtes, devenues publiques plus tard. La quasi-totalité des paysans et des travailleurs individuels sont rassemblés dans des coopératives. Ainsi, au nord, le secteur privé, de toutes façons fort modeste et peu développé, surtout dans le secteur secondaire, est-il précocement restreint et éliminé. Le secteur public s'est développé sur la base des nationalisations et des nouveaux investissements. Il est devenu le secteur dominant et quasi unique parmi les activités industrielles. Simultanément, le processus de collectivisation de l'agriculture se révèle défavorable aux diverses formes de l'économie privée. 29 29 RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE La position monopolistique du secteur public ne constitue qu'une facette du modèle économique socialiste. L'autre aspect se retrouve dans les rapports spécifiques qui se développent entre l'État et les entreprises dont il détient la propriété. Les entreprises publiques dépendent entièrement de l'État et ne constituent aucunement des sujets économiques autonomes susceptibles de prendre des décisions par elles-mêmes. L'État fait figure de chef, imposant aux entreprises leurs objectifs et leurs plans de production et contrôlant en même temps les "inputs" nécessaires pour atteindre ces objectifs et cette production. La destination et le prix des produits sont également déterminés par l'État. L'output de chaque entreprise est prédéterminé par la planification étatique au même titre que l'input. Les profits des entreprises sont en général transférés à l'État. À l'inverse, lorsqu'une entreprise est déficitaire, elle reçoit de l'État une subvention destinée à combler ses pertes. Quant aux coopératives, elles n'existent pas vraiment en tant qu'entreprises. Elles sont étatisées mais avec un niveau de contrainte moins important dans la mesure où leur output doit seulement se situer dans le cadre des plans d'achat prévus par l'État. Il résulte de ce système économique que les transactions spontanées entre les entreprises sont en principe exclues. Des relations liées à l'équilibre du marché n'existent qu'en apparence. Les prix déterminés par l'État ne reflètent pas exactement les coûts de production, ni les bénéfices escomptés par les producteurs, pas plus que le niveau de la demande en provenance des consommateurs. Ces prix sont donc loin de jouer le rôle de reflet d’un marché influant sur la décision des acteurs économiques. En réalité, la prédominance du secteur public fondée sur une planification centralisée n'est pas compatible avec les activités d'un marché réel. Telle est la raison qui justifie la thèse selon laquelle la recherche d'un autre type de rapports entre secteur public et secteur privé implique la mise en place d'un autre modèle économique quant aux relations du marché. Bien que l’expansion du secteur public au Viet Nam résulte surtout des choix effectués par les pouvoirs publics en faveur du modèle économique institutionnalisé décrit plus haut, le rythme rapide du développement de ce secteur durant la période examinée s’explique aussi par d'autres facteurs. Il faut d’abord souligner que l’économie 30 ANDRE CABANIS traditionnelle du nord, caractérisée par une autosuffisance globale et par le repli des échanges sur de petits espaces aboutit à accepter facilement un modèle économique non-marchand. Il convient également de constater que, comme dans d'autres pays sous-développés, après avoir reconquis son indépendance, le Viet Nam considère l'objectif de construction de son indépendance économique comme une priorité fondamentale nécessaire pour consolider son indépendance politique. Face à un secteur privé peu développé, particulièrement pour ce qui est des industries, le développement d'un secteur public puissant est alors analysé comme relevant d’une stratégie visant à promouvoir l'économie nationale. Après de longues années de guerre, du fait de l'aspiration à l’indépendance économique et du désir d’accélérer le processus de développement, les efforts déployés pour sortir le pays d’une logique internationale fondée sur des échanges commerciaux inégaux et sur une vocation exportatrice limitée à des produits non-manufacturés ou de première transformation incitent le Viet Nam à mettre rapidement sur pied un important secteur industriel, privilégiant notamment l'industrie mécanique. Les éléments de dynamisme liés au marché libre ne sont pas considérés comme fiables pour le développement de ces entreprises. Aussi les entreprises publiques fondées et contrôlées par l'État sont-elles chargées d’un rôle de mise en oeuvre de l'industrialisation. Il est clair que le souhait de développer l'industrie a contribué à la croissance du secteur public. En effet, au Viet Nam, l'industrialisation est alors présentée comme la tâche centrale de la période transitoire. Il s'agit d'une forme d'industrialisation surtout orientée vers la satisfaction des besoins internes avec une priorité accordée au développement de l'industrie lourde. La distribution des ressources monopolisée et centralisée entre les mains de l'État favorise l'installation de cette industrie au détriment de l'agriculture, des industries légères et de l'installation d'une économie efficace. L'orientation en faveur du marché intérieur ainsi qu'une conception rigide de l'indépendance et de la souveraineté contribuent également à l'instauration d'une économie généralement fermée et d'un commerce entièrement contrôlé par l'État et peu développé. 31 31 RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE Un tel modèle économique révèle vite ses limites. En raison d'un manque d'autonomie dans l'organisation de leurs activités et dans la répartition de leurs bénéfices, les entreprises ne sont guère encouragées à améliorer leur productivité et leur efficacité. Les mécanismes de distribution des ressources fondés sur une planification directe par l'État ne peuvent que refléter la rareté relative de ces ressources et se montrent incapables d'en assurer l'utilisation la plus efficace. Pour y remédier, dès le début des années 1960, le Parti communiste et l'État entreprennent une campagne dite "Ba xay, ba chong" (ce que l'on peut traduire par : "triple édification et triple opposition"). Simultanément, est engagée une politique de rénovation de la gestion des coopératives. Par la suite, ces tendances réformatrices doivent céder le pas à l'élargissement de l'effort de guerre et à la riposte aux bombardements américains au nord à partir de 1965. Les opérations militaires et l'aide massive en provenance des pays se réclamant à l'époque du socialisme empêchent les dirigeants de prendre conscience des lacunes du système économique. Ces aides permettent au gouvernement de combler les déficits budgétaires et de répondre aux demandes tant des industries que des villes pour ce qui est des éléments d'input et, plus spécialement, des diverses formes d'approvisionnement. Le secteur public est ainsi en mesure de fonctionner et même de se développer, sans avoir besoin de s'appuyer sur ses propres forces. En raison de ces spécificités (économie agricole traditionnelle, situation de guerre), le système économique sur lequel fonctionne le Viet Nam durant cette période n'est pas aussi rigoureusement centralisé et planifié que ne le prescrit le modèle soviétique. Malgré une économie agricole largement collectivisée, les paysans gardent la disposition d'une partie des terres cultivables (5 %) pour les exploiter à leur gré. Le surplus de produits émanant de cette économie privée peut être ensuite vendu sur les marchés ruraux autorisés dans tous les villages. Ainsi, une forme de marché libre, quoique limitée, n'a jamais été entièrement éliminée. Il fait même preuve d'une vitalité qui lui permet d'attirer des ressources et des produits normalement distribués dans le cadre du secteur public conformément aux mécanismes fixés par la planification. Une telle possibilité est mise à profit par tous ceux ayant accès aux articles vendus par l'État à un prix 32 ANDRE CABANIS modique. En l'occurrence, on peut analyser ce mécanisme comme l'élément annonciateur de rapports commerciaux s'établissant sur un marché privé fonctionnant au sein du secteur public mais en dehors de ce qui est prévu par les procédures de planification. Après la réunification du pays, le modèle économique fondé sur la planification et la centralisation se répand dans l'ensemble du pays. Les aides -surtout les aides non-remboursables- se sont progressivement réduites. Les échanges se déroulant conformément aux lois du marché, depuis longtemps enracinées au sud, s'avèrent incompatibles avec les nouveaux rapports économiques imposés par le Nord. Les lacunes du modèle économique fondé sur la planification et la centralisation se manifestent progressivement et de façon de plus en plus claire. La crise économique que connaît le pays vers la fin des années 1970 et le début des années 1980 conduit à contester la valeur de ce modèle économique. B - La période de transition C'est la période où l'ancien modèle économique continue globalement d'exister bien que certains aspects soient attaqués de plusieurs côtés et partiellement remplacés par de nouveaux éléments. Simultanément, des efforts de rénovation sont déployés pour adapter le modèle aux nouvelles circonstances. Toutefois, le secteur privé et le marché libre ne sont pas officiellement reconnus. En même temps, certains mécanismes de l'économie de marché sont introduits dans le secteur public, pour le revitaliser. Tout ceci contribue à établir un nouveau rapport entre le seAAAEcWkAEAAAICBgMFBAUCAwSHOgAAAAAAAAAAAAA AAAAA/wAAAAAAAABUAGkAbQBlAHMAIABOAGUAdwAgA FIAbwBtAGEAbgAAADUWkAECAAUFAQIBBwYCBQcAAAAAA AAAEAAAAAAAAAAAAAAAgAAAAABTAHkAbQBiAG8AbAA AADMmkAEAAAILBgQCAgICAgSHOgAAAAAAAAAAAAAAAA AA/wAAAAAAAABBAHIAaQBhAGwAAAA5FpABAAACAgQEA wMBAQgDhwIAAAAAAAAAAAAAAAAAAJ8AAAAAAAAARw BhAHIAYQBtAG8AbgBkAAAAIgAEAHAIiBgAAMQCAACpAQA AAAC2g1umtoNbpl80W0YCAAEAAACkAgAADg8AAAEABwAA AAQAAxAgAAAAAAAAAAAAAAABAAEAAAABAAAAAAAA 33 33 RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE AFkCAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAKUGwAe 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AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAA/v8AAAQKAgAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAgAAAALVzdWcLhsQk5cIACss+a5EAAAABdXN1ZwuGxCTlw gAKyz5rkABAAD8AAAADAAAAAEAAABoAAAADwAAAHAAA AAFAAAAgAAAAAYAAACIAAAAEQAAAJAAAAAXAAAAmA AAAAsAAACgAAAAEAAAAKgAAAATAAAAsAAAABYAAAC4 AAAADQAAAMAAAAAMAAAA2wAAAAIAAADkBAAAHgAA AAUAAABTR0FSAABFAAMAAAAgAAAAAwAAAAcAAAADAA AAfBIAAAMAAADoEAgACwAAAAAAAAALAAAAAAAAAAsA AAAAAAAACwAAAAAAAAAeEAAAAQAAAA8AAABGSUNIRS BERSBQT1NURQAMEAAAAgAAAB4AAAAGAAAAVGl0cmUAA wAAAAEAAAAAAACYAAAAAwAAAAAAAAAgAAAAAQAAA 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AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA 39 39 RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA 40 ANDRE CABANIS AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA 41 41 RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AEAAAACAAAAAwAAAAQAAAAFAAAABgAAAAcAAAAIAA AACQAAAAoAAAALAAAADAAAAA0AAAAOAAAADwAAAB AAAAARAAAAEgAAAP7///8UAAAAFQAAABYAAAAXAAAA GAAAABkAAAAaAAAA/v///xwAAAAdAAAAHgAAAB8AAAA gAAAAIQAAACIAAAD+////JAAAACUAAAAmAAAAJwAAAC gAAAApAAAAKgAAAP7////9////LQAAAP7////+/////v/// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////// 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AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA=--B_30891990 58_1043004Content-type: application/msword; name="Diffusion fiche de poste de Dr du sesgar.doc"; x-mac-creator="4D535744"; x-mac-type="42494E41"Content-disposition: attachmentContent-transfer-encoding: base640M8R4KGxGuEAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAPgADAP 7/CQAGAAAAAAAAAAAAAAABAAAAIwAAAAAAAAAAEAA AJQAAAAEAAAD+////AAAAACIAAAD////////////////// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////// /////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// //////////////////////////////////////////////////////////////////////// //////////////////////////////////////////spcEAWQA MBAAAABK/AAAAAAAAEAAAAAAABAAAkQkAAA4AYmpiav 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ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE W4gcGFyaXNpZW4NLSBkZSBsJ2FuaW1hdGlvbiBkdSBncm91cGUgI nN5c3TobWVzIGQnaW5mb3JtYXRpb25zIGfpb2dyYXBoaXF1ZXMiI DogbWlzZSBlbiBwbGFjZSBkJ3VuZSBjYXJ0b3Ro6HF1ZSBy6Wdpb25 hbGUgZXQgZCd1biBwb3J0YWlsIGV4dHJhbmV0LCBzdWl2aSBldCB 2YWxvcmlzYXRpb24gZGUgbCdvcOlyYXRpb24gb3J0aG9waG90b3Bs YW5zLCBzdWl2aSBkZSBsJ2FuYWx5c2UgZGVzIGZyYW5nZXMgZn JhbmNpbGllbm5lcw0NQ2V0dGUgZm9uY3Rpb24gZXhpZ2UgdW5lI GJvbm5lIGN1bHR1cmUgZGFucyBsZSBkb21haW5lIGRlIGwn6WNvb m9taWUgZXQgZGUgbCdhbeluYWdlbWVudCBkdSB0ZXJyaXRvaXJl IGFpbnNpIHF1ZSBkZSBy6WVsbGVzIGNhcGFjaXTpcyBkJ2FuaW1h dGlvbi4NDU1lcyBpbnRlcmxvY3V0ZXVycyBkZSBsJ0lOU0VFIG0nb2 50IGluZGlxdekgcXVlIGNlIHBvc3RlIHBvdXZhaXQgaW506XJlc3Nlci B1biBkaXBs9G3pIGNvbmZpcm3pIGlzc3UgIGRlIGxhIGZvcm1hdGlv biBxdWUgdm91cyBkaXJpZ2V6LiBTaSB0ZWwgZXN0IGxlIGNhcywg amUgdm91cyBzZXJhaXMgdHLocyByZWNvbm5haXNzYW50IGRlIG RpZmZ1c2VyIGNldHRlICBvZmZyZSBhdXBy6HMgZGUgY2VzIHBl cnNvbm5lcyBvdSB2aWEgbGVzIHLpc2VhdXggZCdpbmZvcm1hdGl vbiBhZCBob2MuDQ1Tb3VoYWl0YW50IGF2b2lyIHJldGVudSB2b3Ry 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AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA 48 ANDRE CABANIS AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAABIAEAAKAAEAWwAPAAIAA AAAAAAAMAAAQPH/AgAwAAAABgBOAG8AcgBtAGEAbAAA AAIAAAAQAENKGABPSgMAUUoDAG1IDAQAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAyAEFA8v+hADIAAAARAFAAbwBsAGkAY wBlACAAcABhAHIAIABkAOkAZgBhAHUAdAAAAAAAAAAAA AAAAAA6AEJAAQDyADoAAAAOAEMAbwByAHAAcwAgAGQ AZQAgAHQAZQB4AHQAZQAAAAsADwADJAMSZGgBAQAAA AAAAAAAkQUAAAQAABIAAAAA/////wAEAACRCQAABQA AAAAEAABbCAAAkQkAAAYAAAAIAAAAAAQAAJEJAAAHAA AAAAAAAEECAABJAgAAcAIAAH8CAAD+BAAABgUAAJMFAA AHABwABwAcAAcABAAHAP//DgAAAAEAcwA6AEMAOgBcA HcAaQBuAGQAbwB3AHMAXABUAEUATQBQAFwARQBuAHIA ZQBnAGkAcwB0AHIAZQBtAGUAbgB0ACAAYQB1AHQAbwBtAG EAdABpAHEAdQBlACAAZABlAEQAbwBjAHUAbQBlAG4AdAA2 AC4AYQBzAGQAAQBzAEsAQwA6AFwAUABMAFwATABFAEcA QQBMAFwAQwBoAGEAcgBnAOkAcwAgAGQAZQAgAG0AaQBz AHMAaQBvAG4AXABEAGkAZgBmAHUAcwBpAG8AbgAgAGYA aQBjAGgAZQAgAGQAZQAgAHAAbwBzAHQAZQAgAGQAZQA 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AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA 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AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA 53 53 RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA AAAAéfastes pour certains de l'ouverture à la concurrence. - II - 54 ANDRE CABANIS Influences réciproques des secteurs public et privé sur leurs modes de gestion S'agissant des collaborations éventuelles entre secteurs privé et public, ce sont les libéraux qui sont les plus méfiants quant aux risques de contagion éventuelle auxquels le premier pourrait s'exposer en collaborant avec le second. À l'inverse, les modes de gestion privée exercent une forte attraction sur les partisans d'un interventionnisme plus poussé de l'État dans des domaines qui ne sont pas traditionnellement les siens. À partir de la fin des années 1930 et plus encore après la Libération, l'extension des nationalisations et la multiplication des entreprises publiques avec le passage pour nombre de responsables publics, de postes de directeur de ministère à des fonctions dirigeantes au sein des sociétés nationales, développent cet état d'esprit. Les grandes écoles y contribuent également. Elles mêlent dans leurs enseignements défense du service public et méthodes de gestion privée. Elles ancrent les nouvelles générations dans l'idée qu'il faut diriger un établissement public comme une entreprise. Les problèmes de financement public constituent une puissante incitation à chercher des crédits à l'extérieur. Les comparaisons coûts-avantages prennent la forme d'une rationalisation des choix budgétaires. Cet état d'esprit atteint son paroxysme dans les années soixante et soixante-dix où les hauts fonctionnaires se voient comme les nouveaux dirigeants d'entreprise privilégiant des exigences de souplesse dans l'action administrative et de productivité dans les objectifs. Le ministre se rêve à la tête de son département dans la situation d'un manager dirigeant sa société, disposant d'une batterie d'indicateurs économiques et financiers, véritable tableau de bord sur la situation du pays, prenant ses décisions de façon purement objective, se libérant de toute dépendance à l'égard d'organes collégiaux malveillants et agressifs. Tout au plus accepte-t-il de rendre compte au peuple en général conçu comme une sorte d'assemblée d'actionnaires, respectueuse et déférente, honorée qu'on lui fournisse quelques éléments sur la bonne marche de l'institution, se contentant des informations partielles que l'on veut bien lui distiller, celles que la confidentialité des affaires et le secret des modes de production permettent de 55 55 RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE lui révéler. Il n'est pas exclu qu'avec le libéralisme, cette confusion des genres puisse être appelée à disparaître. Aux temps de l'interventionnisme économique, l'on s'efforce, au sein des mêmes structures, à combiner les avantages des gestions privée et publique. C'est la logique à laquelle répond le système des sociétés d'économie mixte. En les multipliant, dans les années 1960, les pouvoirs publics souhaitent donner à leurs interventions à la fois l'efficacité et la souplesse que l'on prête a priori aux entreprises privées ainsi que le rôle de défense de l'intérêt général que doivent remplir les structures publiques. En principe, au sein du capital des sociétés d'économie mixte, doivent figurer à la fois des capitaux privés et publics. En fait l'intérêt de ce régime juridique paraît tel qu'il en vient à être utilisé par des institutions exclusivement publiques, comme l'État et les collectivités locales lorsqu'elles ont une opération de quelque envergure à mettre en oeuvre. Au XIXe comme en cette fin du XXe siècle, c'est au contraire la recherche d'une coupure aussi nette que possible entre l'intervention du secteur public et celle du secteur privé. À les réunir, a fortiori à les confondre, l'on risque d'accumuler les inconvénients au lieu d'additionner les avantages. Protégées par la présence, à leur côté, de l'autorité publique, rassurées par le sentiment de bénéficier des garanties de solvabilité qui s'attache normalement à cette dernière, les entreprises privées ont tendance à perdre ce souci de la rentabilité, de la productivité, de l'équilibre financier qui est normalement l'une de leurs qualités primordiales. Entraînés par la proximité de salariés habitués aux facilités, aux incitations et à la souplesse des modes de gestion privés, les agents des administrations sont tentés d'oublier les exigences de rigueur, de soumission des intérêts particuliers à la préservation de l'intérêt général. Il résulte de cette crainte des effets néfastes d'un cotoiement trop poussé, un souci marqué de bien différencier ce qui relève des uns et des autres et d'éviter autant que possible toute rencontre et même toute proximité. En témoigne le satut des chemins de fer organisé par un ensemble législatif élaboré, au terme de longs débats parlementaires, au cours des années 1840. L'État ne pouvant se désintéresser d'un secteur dont chacun pressent qu'il va constituer un élément décisif du développe- 56 ANDRE CABANIS ment économique, ce que confirmeront a posteriori les historiens du démarrage industriel, il est prévu qu'il s'occupe du tracé des voies, des expropriations et des importants travaux de terrassement rendus nécessaires par les exigences spécifiques au transport ferroviaire. Ainsi les pouvoirs publics peuvent-ils à la fois aider au développement du réseau en prennant une partie des frais à sa charge et en orienter la configuration dans une triple perspective de défense du pays par le développement du réseau du nord-est indispensable en cas de mobilisation, d'aménagement du territoire avant l'heure par le souci de relier toutes les villes importantes, enfin et parfois de succès électoral par des promesses parfois imprudentes de dessertes à la rentabilité douteuse mais traversant des circonscriptions qui constituent des enjeux politiques notables ou dont les élus savent user de leur influence. Une fois leur travail effectué, les ingénieurs de l'État se retirent et une entreprise privée vient prendre en charge, dans des conditions définies de façon contractuelle, la pose des rails, l'installation et l'entretien du matériel roulant, d'une façon générale tout ce qui concerne l'exploitation. Au bout de 99 ans, tout doit revenir à l'État, lui permettant, le cas échéant, de renégocier la concession ou de préférer une gestion en régie. Il y a donc, en l'occurrence, séparation stricte des responsabilités des acteurs publics et privés, avec une zone de contact aussi limitée que possible, réduite à la remise de l'emplacement des voies après la fin des travaux de terassement et de construction des ouvrages d'art. Cela ne suffit d'ailleurs pas à assurer la rentabilité aux diverses sociétés ferroviaires qui se partagent le réseau. Les libéraux interprètent cette situation qui nécessite l'intervention financière du budget de l'État, comme la preuve que toute rencontre si fugitive soit-elle avec ce dernier, a des effets néfastes sur les entreprises. À l'inverse, les partisans de l'interventionnisme, de plus en plus nombreux à la fin du XIXe et au XXe siècle y voient la preuve que la rentabilité n'est pas toujours au rendez-vous de l'initiative privée. Il s'ensuit un programme de nationalisations qui se conclut en 1937 avec la création d'une structure unique, la S.N.C.F. Là encore les interprétations varient sur une telle mesure, certains soulignant que les sociétés ferroviaires vivaient depuis longtemps des subventions 57 57 RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE d'équilibre versées par le contribuable, d'autres faisant valoir que, de toutes façons la plupart des concessions pour 99 ans allaient progressivement venir à expiration en commençant par les tronçons les plus utilisés, les plus fréquentés, donc les plus rentables. Quelle que soit l'interprétation des mesures intervenues entre 1842 et 1937, il est à remarquer que le système en cours d'installation sous la pression de la communauté européenne et présenté comme susceptible d'introduire certains éléments de concurrence renoue, sous des modalités différentes, avec l'idée d'une séparation entre la gestion du réseau proprement dit selon des techniques centralisées et son exploitation par des sociétés privées, éventuellement diverses. Ce système a eu, en outre, l'avantage d'alléger la dette de la S.N.C.F., alourdie par les frais de construction des nouvelles voies destinées au T.G.V. - III L'exception française en matière de relations entre secteurs public et privé Il n'est pas question de surestimer les spécificités françaises dans un monde où les évolutions sont de plus en plus internationales, surtout au niveau économique. Du moins peut-on tenter d'esquisser quelques lignes de forces plus marquées en France qu'ailleurs, ainsi que quelques directions de recherches particulières. Il vaut d'abord de noter, de ce point de vue, que, si la France s'inscrit dans un mouvement mondial pour ce qui est des rapports plus ou moins étroits entre secteur public et secteur privé et de la place plus ou moins prépondérante reconnue à l'un ou l'autre, si les avancées et les reculs alternés de l'interventionnisme et du libéralisme se constatent de façon à peu près parallèle dans tous les pays développés, en revanche c'est plutôt du monde anglo-saxon qu'est venu le modèle libéral économique qui s'est ensuite imposé en Europe occidentale à la fin du XVIIIe et au début du XXe siècle, dans le monde entier en cette fin de XXe siècle. Il faut souligner, dans cette perspective, l'antériorité et l'influence des auteurs libéraux britanniques au XVIIIe siècle et américains au XXe siècle. Les auteurs français partisans du libéralisme économique font ici plutôt figure de disciples. Il suffit de comparer Adam Smith publiant ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations 58 ANDRE CABANIS en 1776 ou Malthus avec son Essai sur le principe de population sorti en 1798 avec Jean-Baptiste Say, auteur de la loi des débouchés, ou Frédéric Bastiat, meilleur vulgarisateur que théoricien. Il suffit également de comparer l'École de Chicago avec Hayek et La route de la servitude ou Friedman et Capitalisme et liberté avec ceux qui ont popularisé leurs idées en France, ainsi Henri Lepage avec Demain le capitalisme (1978) ou Guy Sorman et La révolution conservatrice (1983). La spécificité française peut être recherchée dans un modèle essayant de trouver le bon dosage entre interventionnisme et libéralisme, tentant d'organiser des rapports de collaboration entre secteur public et secteur privé, sans aller jusqu'à la quasi exclusion de l'un par l'autre ou réciproquement. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, la démarche planificatrice indicative a constitué un élément de cette volonté et de cette expérimentation. Elle a été préparé, sous le nom de "planisme" par des groupes de réflexion qui se sont développés aussi bien à droite qu'à gauche pendant les années 1930 et dont les itinéraires différents pendant la guerre n'ont pas affaibli les thèses. Ainsi certains membres du groupe X-Crise, composé surtout d'ingénieurs, pour beaucoup polytechniciens, et partisans d'un dirigisme économique, se retrouvent-ils avec Gérard Bardet comme inspirateur de certains aspects de la politique du gouvernement de Vichy. Simultanément, c'est dans le milieu syndical et sous l'impulsion de Léon Jouhaux, secrétaire général de la C.G.T., qu'un groupe de travail à tendance plutôt socialiste élabore au milieu des années 1930 un projet de plan économique qui s'efforce de promouvoir une gestion rationalisée de l'économie avec instance de concertation constituée par un Conseil supérieur de l'économie qui regrouperait représentants des syndicats, des secteur économiques et des consommateurs, avec une orientation de l'économie prioritairement par l'intermédiaire d'un secteur bancaire placé, dans une large mesure, au service de l'intérêt général. Ces analyses influenceront les analyses présentées dans le programme de la Résistance et les politiques conduites à la Libération. Pour autant, le plan initié par Jean Monnet se veut respectueux de certaines valeurs libérales. Son premier objectif est fort pratique : il s'agit, en période de pénurie, de répartir au mieux les ressources en énergie, en matières premières, en matériel et en équipement pour fa- 59 59 RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE ciliter le redémarrage de l'économie française. À plus long terme, il entend, sur une base de concertation et de confrontation des projets, élaborer un outil de prévision qui puisse éclairer et orienter l'action des secteurs public et privé, voire promouvoir des politiques communes. L'idée d'"ardente obligation" formulée à l'époque gaulliste vient ajouter un élément plus volontariste à ce qui était à l'origine et pour ce qui est des grands équilibres, plutôt prévisionnel. Au cours des années 1960 et 1970, les auteurs et la classe politique à l'époque au pouvoir, dans le cadre de la majorité gaulliste, s'efforcent de proposer des schémas nouveaux, prenant en compte l'essoufflement perceptible du modèle interventionniste en honneur jusqu'alors mais sans renoncer à ce que le secteur public joue un rôle prépondérant dans l'économie. De ce point de vue les idées gaullistes selon lesquelles il appartient à l'État de définir les grands équilibres doivent s'accommoder d'autres composantes du même mouvement, prônant la concertation et la participation. Edgar Faure, originaire du courant radical, met une longue et incontestable expérience politique au service d'une volonté de mise en question de la "techno-bureaucratie". En 1968, il s'efforce de répondre aux revendications étudiantes en instituant une organisation universitaire encore en vigueur de nos jours et qui fait, par rapport aux structures de gestion des universités ailleurs dans le monde, une place remarquablement importante à la représentation des étudiants et du personnel administratif. On est très loin du système traditionnel des anciennes facultés dirigées par les professeurs les plus anciens. Avec Edgar Faure, le thème du nouveau contrat social qui donne son nom à son mouvement renvoie non pas tant aux constructions de Rousseau pour lequel les individus abandonnent une fois pour toutes leur liberté originelle au profit d'une volonté générale à laquelle chacun doit désormais se plier, mais plutôt à un consensus social où le contrôle parlementaire trouverait sa place pour limiter les excès de la technocratie. Jacques Chaban-Delmas, placé à la tête du gouvernement par Georges Pompidou, insiste pour sa part sur le thème de la "nouvelle société" qui répond comme en écho à l'ouvrage de Michel Crozier sur La société bloquée (1970). Le rôle des pouvoirs publics est moins 60 ANDRE CABANIS d'imposer le changement que de l'accompagner, d'éliminer les dysfonctionnements qui peuvent venir de la législation, voire des modes de fonctionnement de l'administration, de faciliter la transition en prenant en charge les situations les plus difficiles, les victimes de la croissance. La généralisation des procédures de concertation est conduite par un de ses plus proches collaborateurs, par Jacques Delors, empreint de convictions démocrates-chrétiennes dont on retrouvera des éléments lorsqu'il occupera le poste de ministre des Finances au sein du gouvernement socialiste mis en place en 1981, puis à la tête de la commission des Communautés européennes où il essaie d'imposer des éléments de politiques sociales à une institution dont ce n'est pas la première préoccupation. Alain Peyrefitte renoue avec certains auteurs du XIXe siècle, au premier rang desquels Alexis de Tocqueville, en dénonçant comme Le mal français (1976), la tradition centralisatrice de notre pays. Le problème n'est pas seulement l'hypertrophie du secteur public, il est à l'intérieur même de ce dernier, dans l'organisation des rapports de pouvoir entre le centre et la périphérie. Le fait que toutes les décisions doivent remonter au sommet pour être prises dans la capitale introduit des éléments de lenteur et de méconnaissance des problèmes locaux auxquels la base répond en multipliant les attitudes d'irresponsabilité. En fait, c'est là encore, à la gauche qu'il appartiendra de réaliser ce projet décentralisateur avec les lois prise sous l'impulsion du ministre de l'Intérieur, Gaston Deferre, à partir de 1982. Ces transferts de pouvoirs, de responsabilités et de crédits aux collectivités locales sont même considérés comme le plus important et le plus durable résultat de l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Une formule essaie de résumer ces dénonciations partielles et dispersées d'une société interventionniste dont on ne sait encore si elle va basculer vers une place plus importante du secteur public ou vers un désengagement massif de l'État. Cette formule, celle de "libéralisme avancée" utilisée par Valéry Giscard d'Estaing. Son livre sur La démocratie française qui a donné son nom à l'une des grandes composantes de la vie politique française est à la fois un plaidoyer pour son action en cours, un témoignage sur l'état d'esprit optimiste qui règne alors au sein d'une société qui espère échapper plus ou moins à la crise et l'appel à une nouvelle répartition des responsabilités, telles 61 61 RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE EN FRANCE qu'il appartiendrait aux pouvoirs publics d'accompagner et d'accélérer les inévitables mutations qui sont "la loi de l'époque". De tous ces points de vue, l'avenir ne va pas confirmer ses analyses. Il appartiendra à la gauche d'en gérer les contradictions. Ce n'est pas le moindre paradoxe de l'époque actuelle que de constater qu'il y a là une situation qui n'est pas spécifiquement française : au contraire, c'est à une Europe dominée par les majorités socialistes dans la plupart des grands parlements nationaux qu'il appartient de mettre en oeuvre une politique concertée très empreinte de libéralisme. Dans son Rapport 1999, le Conseil d'État esquisse une description de l'évolution de la notion d'intérêt général qui demeure au centre de l'action du secteur public. Il souligne qu'il s'agit d'un terme d'utilisation habituelle à partir du XVIIIe siècle, en remplacement de celui de "bien commun". Les libéraux y voient le résultat du libre jeu des intérêts privés ce qui limite la responsabilité de l'État à la protection des libertés publiques. À la suite de Rousseau, une autre conception recherche l'intérêt général dans un dépassement des intérêts particuliers, défini par la loi expression de la volonté générale. Actuellement la notion traditionnelle d'intérêt général serait mise en cause par une décentralisation qui aboutirait à le définir différemment selon les niveaux territoriaux considérés. La contractualisation mais aussi la démocratie participative s'efforceraient de compenser les faiblesses de la démocratie représentative. La construction européenne ferait une place à l'intérêt général par le biais du concept de "service universel" qui menace le "service public à la française". DEUXIEME PARTIE RAPPORTS ENTRE ENTREPRISES D'ÉTAT ET ENTREPRISES PRIVEES Chapitre 1 L'ÉCONOMIE PRIVÉE AU VlET NAM DANS LE CONTEXTE DE LA POLITIQUE DE RÉNOVATION docteur Hoang Kim Giao, professeur associé Il n'est pas simple de tenter une évaluation exacte de l'économie d'État, de cette forme d'économie que le Viet Nam a adopté il y a quelques cinquante ans et dont il s'est accommodé. Il est encore plus difficile d'essayer de mesurer les caractéristiques réelles du secteur privé, évaluation qui se heurte à des obstacles que l'on s'efforce de dépasser en envisageant une réconciliation des deux systèmes. L'économie privée n'est reconnue et admise que depuis dix ans. Elle est en voie de développement et de mutation. C'est une réalité économique déjà acceptée, mais en mutation constante et qui reste très changeante. En poussant la métaphore un peu loin, on peut la comparer à un corps en état de puberté et dont les caractères ne sont pas encore stabilisés. Cacher ses biens et ne pas révéler ses revenus constituent l'une des spécificités psychologiques de la population mais aussi l'un des obstacles les plus difficiles à surmonter par le gouvernement lorsqu'il veut connaître avec précision la situation de l'économie privée. Il faut y voir la conséquence d'une méfiance ancienne à l'égard des précédentes réformes économiques et, par contrecoup, vis-à-vis de la politique économique actuelle. Les capitaux dont disposent les individus dans l'ensemble du pays demeurent un secret. Il en résulte une incapacité à exploiter convenablement les ressources nationales. 66 HOANG KIM GIAO L'ignorance du potentiel économique national est évidemment anti-économique. Il existe des formes d'investissements privés très variées et riches, astucieuses et libres, camouflées sous des appellations diverses : compagnie, industrie, fabrique, groupe, centre, magasin, salon etc., avec un fort décalage entre les déclarations déposées auprès des administrations et la réalité des structures. Le nombre des investisseurs privés, leurs capitaux, leurs revenus sont incontrôlables, surtout dans le secteur du commerce et des services et malgré un effort incessant des bureaux de statistiques et des impôts qui, en fait, ne parviennent qu'à des chiffres approximatifs. C'est au prix d'une prise en compte de tous ces problèmes que l'on peut tenter d'esquisser une image de la situation actuelle de l'économie privée. -ICaractéristiques de l'économie privée A - Place de l'économie privée dans un système économique à plusieurs composantes Dans des pays relevant d'idéologies diverses, se retrouve la même forme de système économique réunissant plusieurs composantes, en général au nombre de deux : économie d'État et économie privée avec un critère de différenciation fondé sur le droit de propriété. Entre ces deux composantes, il peut exister des formes économiques intermédiaires avec des types de propriétés divers. L'économie d'État et l'économie privée sont complémentaires. Le problème de l'État est d'organiser l'ensemble de telle façon que chaque activité occupe sa place, dans une proportion raisonnable par rapport à l'ensemble et avec une structure convenable. On soutient volontiers que l’économie d'État doit se voir reconnaître un rôle directeur. Pour apprécier la véracité d'une telle affirmation, il faut se demander ce que serait l’économie en dehors de l’État et quelle est sa place tant dans l’économie nationale que dans la vie quotidienne. Dans certains cas, l’économie fonctionnant en dehors de l’État s’oppose à l’économie d’État. L'économie dite "à plusieurs 67 67 ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM composantes" intègre les éléments suivants : à côté de l'économie d'État qui appartient aux pouvoirs publics et de l'économie privée ou individuelle qui est gérée par des particuliers, il peut exister une économie fondée sur des investissements "ralliés" : c'est l'économie où se trouvent regroupés des droits de propriété et des composantes économiques venant des opérateurs nationaux et étrangers. Les nouvelles formes de coopérative font partie de cette sorte d'économie. B - Conditions d'un retour à la confiance en matière économique Pour instaurer la confiance, l'État doit lui-même avoir confiance dans la population. Existe-il vraiment jusqu'à présent une confiance de l'État envers le peuple ? Il faudrait en faire la démonstration. Le peuple ne compte pas sur l'économie d'État pour faire progresser le pays. Le peuple n'est convaincu ni de la compétence de l'État en matière de gestion économique au moment où s'installe une économie du marché, ni de l'efficacité de sa politique à long terme en faveur du développement de l'économie privée. La réforme économique a produit des effets non souhaités sur une population marquée par un profond complexe de culpabilité chez les riches, donc par la crainte d'être considérés comme trop à l'aise, sentiment perceptible depuis quelques dizaines d'années. C'est ce qui explique que les pouvoirs publics, tant au niveau central que local, soient très en peine d'évaluer le potentiel économique national. Paradoxalement, il faut développer des action de sensibilisation et d'information pour encourager les gens à s'enrichir, à accepter les contraintes de la concurrence dans le secteur commercial, dans une perspective non seulement de survie mais également d'enrichissement. Pour ressusciter au sein de la population cette volonté d'enrichissement, l'État doit intensifier les mesures pour conseiller et convaincre les particuliers disposant de capitaux de placer leur argent dans des activités productives. Il lui appartient également de lutter contre les violations de la loi et de punir les pratiques illégales. Il faut déplorer les erreurs commises actuellement dans le cadre de l'économie privée. Cette situation n'est pas seulement imputable à la faute des investisseurs : elle résulte aussi du manque de lois et de 68 HOANG KIM GIAO règlements nécessaires pour une bonne organisation capable de réunir les composantes économiques. C - Patronat et économie privée Les patrons des entreprises privées doivent remplir les conditions posées par les lois en vigueur. Ils sont tenus de respecter ces dernières. C'est en fonction de leurs activités actuelles dans le domaine économique ainsi que politique ou social qu'ils seront évalués. Peu importe ce qu'a pu être leur action ancienne. Il faut laisser dormir le passé. À ce jour, la politique n'insiste que sur le présent et l'avenir de chaque individu. De fait, parmi les actuels patrons d'entreprises privées, rares sont ceux qui possèdent une vraie compétence dans le domaine économique. S'il est vrai que certains sont instruits et expérimentés, il en est beaucoup qui se jettent dans les activités commerciales sans les avoir jamais pratiquées, par opportunisme. Dans ces conditions, nombre d'entre eux paraissent voués à faire faillite ou à violer les prescriptions légales. Il faudrait donc arrêter des critères de choix avant d'autoriser les individus à créer une entreprise. Ils doivent être reconnus compétents et expérimentés dans le secteur commercial et en particulier dans la spécialité qu'ils entendent exercer. D - Place de l'économie privée dans une stratégie économique globale En dehors de la détermination du rôle de l'État ou de la place de l'économie privée, les pouvoirs publics n'ont pas encore défini une vraie doctrine en matière de développement économique. Cependant, au sein de la population, il existe déjà une stratégie propre à favoriser sa prospérité. Cette stratégie que l'on peut qualifier de "populaire", de "conventionnelle" et fondée sur le "bouche à oreille", se développe rapidement et imprègne la vie quotidienne des individus. Elle est caractérisée par les principes suivants : individualisme dans l'investissement, préférence pour des placements limités et une immobilisation courte, modes de gestion fondés sur la confiance en priorité, sur l'argent ensuite. 69 69 ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM Ce système est logique par le lien établi entre investissement, développement et gestion. Il est à la fois empirique et quasi philosophique. Il est bien adapté au développement économique du pays et convient à la politique de l'État. Pour une plus forte croissance du produit national, il faut bien évaluer les stratégies de l'économie privée et ses caractéristiques notamment sociales d'autant qu'elle occupe une place de plus en plus importante dans le pays. Ce dernier a déjà connu une période de "gestion économique à plusieurs composantes", entre 1945 et 1954, pendant la guerre contre les colonialistes français accompagnée d'un souci de rénovation de l'organisation économique nationale. Actuellement, on revient à un système de gestion économique à plusieurs composantes. Si l'histoire ne se répète pas, du moins peut-on en tirer quelques expériences. - II Avenir de l'économie privée A - Les quatre objectifs Le nouveau système poursuit quatre objectifs : mobiliser le capital national, résoudre le problème du chômage, élever les revenus de la population, développer le budget national. En fait, si l'on prétend atteindre ces quatre objectifs simultanément, l'on risque de n'en atteindre aucun ou de faire très peu de progrès sur chaque aspect dans la mesure où les efforts déployés pour atteindre l'un d'entre eux peut mettre en cause l'équilibre général du système et menacer les trois autres. Ainsi, l'augmentation du budget national passe par l'alourdissement des impôts ce qui risque de dissuader les investisseurs et d'inciter à la fraude fiscale. C'est pourquoi, il faut parfois sacrifier certains de ces quatre objectifs pour se concentrer sur un ou deux d'entre eux et être sûr de les atteindre. Il faut étudier avec soin la situation économique de chaque région, de chaque période, de chaque secteur, de chaque profession... pour déterminer avec précision et exactitude les objectifs à privilégier dans chaque cas. Par exemple, il est évident que, dans tout le pays, s'imposent deux objectifs principaux consistant à mobiliser le capital 70 HOANG KIM GIAO national et à résoudre le problème du chômage. Reste entière la question de déterminer, s'il faut en privilégier un, lequel sacrifier. Longtemps, il n'y eut aucune réponse à une telle interrogation. Maintenant, l'on admet que la solution doit se fonder sur l'étude des caractéristiques propres à chaque période, à chaque région et à chaque profession. Ainsi, dans le secteur de la production, l'objectif de base est à chercher dans la mobilisation du capital national et dans la création d'emplois. Dans cette perspective, le paiement des impôts apparaît souhaitable mais secondaire. Dans le commerce et les services privés où il est au contraire, moins indispensable de mobiliser les capitaux privés et plus difficile de susciter des emplois de salariés, il est plus aisée d'imposer le respect d'une législation fiscale rigoureuse. Actuellement, les investissements privés se répartissent à raison de 70 % dans le commerce et les services contre 30 % seulement dans les activités productives. On ne peut se satisfaire d'une telle situation. Seule une politique fiscale adaptée peut contribuer à régler ce déséquilibre. C'est surtout dans la domaine de la production agricole que l’investissement d'origine privée apparaît tout à fait insuffisant, alors qu'il y a là une des conditions de base pour la modernisation de ce secteur décisif. Le système fiscal n'est pas suffisamment incitatif. Si la majeure partie des investissements privés s'oriente vers le commerce et les services c'est parce que, dans ce domaine, "le montant des intérêts est élevé pour un capital minime et le retour sur investissement rapide". Il faut accepter ce constat. Le commerce privé représente 90 % du système de distribution des marchandises au détail, ce qui rend les achats des consommateurs plus faciles. Le marché noir et la fraude fiscale constituent un phénomène général dans l'ensemble du commerce comme dans la production, qu'elles soient ou non sous la responsabilité de l'État. Seul le niveau d'irrégularité et de fraude sont différents. Actuellement, les commerçants ne participent pas réellement à l'effort d'accroissement de la production de marchandises. Les autorités ne savent pas comment adosser le développement des activités productives aux progrès de la distribution. Il faudrait pourtant réorienter vers ces activités les capitaux gagnés dans le commerce. Ce 71 71 ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM sera difficile aussi longtemps que le commerce rapportera des bénéfices plus importants que la production. C'est bien pour cette raison que ceux qui ont l'habitude d'investir dans la production ne se cantonnent pas à ce domaine mais s'occupent aussi de la distribution de leurs produits, voire du trafic des matériels pour la production. Qu'apporte donc le développement du commerce privé au développement de l'économie à plusieurs composantes ? La réponse n'est pas simple. Le commerce privé satisfait deux des quatre objectifs poursuivis par les pouvoirs publics : il apporte une contribution importante au budget national, il verse des revenus élevés au travail et des intérêts substantiels au capital investi. Faut-il donc renoncer aux objectifs "mobilisation du capital national" et "solution au problème du chômage" pour atteindre les objectifs d'augmentation du "budget national" et des "revenu des travailleurs" ? B - Les trois formes d'économie En dehors de celle qui relève de l’État, on peut distinguer trois formes d'économie : collective, individuelle et privée. 1 - L'économie collective Cette forme économique est, peut-être un peu vite, assimilée à l'économie coopérative. En fait, il s'agit d'un type d'organisation de la production ou du commerce en fort déclin et, donc, en évolution rapide vers l'économie individuelle ou purement privée. Cette mutation s'explique par l'impression d'inefficacité que donnent les coopératives et par leur médiocre adéquation à la psychologie des travailleurs vietnamiens. Le nombre des coopératives et de leurs membres diminue spectaculairement chaque année, dans toutes les régions du pays. En 1987, il existe 33 000 coopératives rassemblant 1,22 millions de travailleurs. En 1990, il ne reste plus que 13 000 coopératives avec 450 000 travailleurs et en 1991, 9 600 coopératives avec 337 000 travailleurs. Ainsi, de 1987 à 1991, cette forme d'économie a connu une baisse de 70 % de ses établissements et de 72 % de ses travailleurs. Et 72 HOANG KIM GIAO la situation continue de se détériorer. La solution la plus répandue consiste à transformer les coopératives en structures individuelles. Parfois, c'est la mutation en entreprise privée qui est privilégiée mais il ne s'agit pas là d'une solution très fréquente même si elle semble avoir démontré son efficacité. Une troisième possibilité consiste à choisir d'évoluer en coopérative par actions, ce qui est loin de résoudre tous les problèmes et, le plus souvent, dure peu. Les deux premières solutions témoignent d'une volonté d'adaptation à la vie économique et à la psychologie tant des travailleurs que des investisseurs. Le mouvement est particulièrement marqué dans l'agriculture. Il permet aux agriculteurs, à partir d'une juste évaluation de leurs besoins en matière d'équipements, de mettre en place des structures de production efficaces qui pourront ensuite se grouper de nouveau au sein de coopératives rénovées, sur la base du volontariat, pour des objectifs limités et en fonction de la contribution de chacun sous forme de capital ou de travail. Cette évolution concerne aussi les métiers traditionnels, dans les villages. Il serait vain de s'y opposer. Elle ne se fait d'ailleurs pas sans hésitation, ni recul, comme une illustration de la formule populaire : "deux pas en avant, un en arrière". 2 - L'économie privée Il s'agit d'une forme d'entreprises aux statuts variés, adaptés et librement choisis, créées sous des dénominations diverses qui oscillent entre "compagnie", "fabrique", "centre", "groupe", "société"... L'apogée de cette formule remonte à la fin de 1988 et dure jusqu'en 1990, période qui voit la création de cinq cents compagnies et sociétés privées, surtout à Ho Chi Minh-Ville avec 235 établissements dotés d'un capital de plus de cent millions de dongs chacun. À Hanoi, le mouvement est plus modeste avec soixante-dix-sept établissements dotés de 33 millions de dongs en moyenne. Après la faillite d'un certain nombre d'établissements de crédit privés en 1990, le nombre de ces compagnies et sociétés diminue. À Ho Chi Minh-Ville, il n'en reste que cent soixante-dix dont 30 % seulement fonctionnent dans de bonnes conditions. À l'inverse, 30 % sont en mauvaise santé ou subsistent dans l'illégalité. En 1991, avec la promulgation d'une loi sur les 73 73 ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM investissements privés qui prescrit aux structures privées dans ce secteur de souscrire une nouvelle déclaration, nombre d'investisseurs hésitent à renouveler cette formalité sans que l'on connaisse avec précision les causes de leurs réticences. En février 1992, presque un an après la promulgation de la loi, le pays compte deux cent vingt investisseurs privés déclarés, représentant un montant total de capitaux de 127,6 milliards de dongs. À Ho Chi Minh-Ville, les cinquante-sept investisseurs ayant renouvelé leur déclaration sur les cent soixante-dix anciens disposent d'un capital moyen situé entre 1,5 et 2 milliards de dongs. À Hanoi, les vingt-quatre redéclarés sur soixante-dix-sept annoncent un montant de capital représentant entre 500 et 800 millions de dongs. À Hai Phong, quarante-deux redéclarés totalisent 16,5 milliards de dongs, soit une moyenne de 400 millions pour chaque investisseur. À Hau Giang, soixante-trois redéclarés atteignent 6,7 milliards de dongs, soit 100 millions en moyenne pour chaque investisseur. À Quang Nam-Da Nang, cent quatre redéclarés rassemblent 9,5 milliards de dongs. La plupart sont des investisseurs privés, il n'y a que six sociétés à responsabilité limitée. À Quang Ngai, sur quinze investisseurs représentant trois milliards de dongs, il n'y a, selon des statistiques d'octobre 1992, que deux compagnies à responsabilité limitée. En juillet 1992, plus d'un an après la promulgation de cette loi, il n'y a encore, dans tout le pays, que 785 compagnies et sociétés déclarées pour une masse de capitaux de 424 milliards de dongs. Sur ce total, les entreprises privées représentent 57 % (avec 447 entreprises), les sociétés à responsabilité limitée 41 % (avec 318 compagnies) et les sociétés par actions seulement 2 % (soit 21 sociétés) alors que l'apport de fonds extérieurs constitue la forme désirée. En août 1992, dans tout le pays, l'on compte 1 292 opérations d'investissement représentant seulement 700 milliards de dongs de capitaux. Fin 1992, les organismes économiques ont enregistré 2 796 opérations réalisées par des investisseurs privés, par les 119 sociétés à responsabilité limitée et les 74 sociétés anonymes. Les villes où ces enregistrements sont les plus nombreux sont Ho Chi Minh-Ville avec 891 enregistrements, Manoi avec 460, Quang Nam Da Nang avec 398, Dong Nai avec 394, Song Be avec 294, Khanh Hoa avec 236 et Minh 74 HOANG KIM GIAO Hai avec 230. Depuis 1993, le développement de l'économie privée paraît plus stable. Formes d'investissements Entreprises privées SARL Sociétés anonymes 1993 1994 1995 8 418 71 % 13 532 72 % 20 000 71 % 3 217 28 % 5 034 27 % 8 300 28 % 103 1% 131 1% 180 1% Total des investis-sements 11 738 18 697 28 480 Total du capital (en milliards) 3 979 6 311 12 100 Par rapport à 1993, le nombre des opérations d'investissement a connu une augmentation de 159 % en 1994 et de 242 % en 1996. En même temps que le nombre d'opérations, le capital investi augmente de 158 % et de 304 %. Ces chiffres montrent que l'augmentation des masses de capitaux investis est plus rapide que celle des opérations elles-mêmes, encore que la différence ne soit pas encore très importante : 304 % par rapport à 242 %. Le nombre des entreprises individuelles augmente progressivement : 70 % contre 57 % en 1992. En contrepartie, la proportion des sociétés à responsabilité limitée est tombée à 28 %, par rapport à 41 % en 1992. Quant aux sociétés anonymes, elles stagnent à 2 %, pour également 2 % en 1992. Ces chiffres montrent que les structures privées continuent de préférer la forme "uni-patronale" à la forme de "multi-patronale" adaptée aux grandes sociétés. Les sociétés anonymes n'occupent que 2 % et les S.A.R.L. que 28 %, avec des pourcentages plus élevés dans les grandes villes telles que Hochiminh ville, 75 75 ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM Hanoi et Hai Phong. Et en réalité, ces sociétés sont encore moins nombreuses que les chiffres officiels ne le laisseraient croire dans la mesure où certains investisseurs n'hésitent pas à déposer deux ou trois déclarations pour des sociétés différentes afin de répartir les risques et d'éviter une faillite totale en cas d'échec. Les statistiques sur les investissements aboutissent à des résultats apparemment comparables : les grandes villes comptent un certain nombre de sociétés anonymes et de S.A.R.L., alors que les petites villes n'abritent guère que des sociétés individuelles. Cette situation apparente est la conséquence d'erreurs dans certaines dispositions de la loi sur les investissements et de celle sur les sociétés. Elle résulte aussi de dysfonctionnements dans l'organisation des enregistrements au niveau local et d'un respect limité de la réglementation de la part des investisseurs. L'économie privée fonctionne donc difficilement et lentement. Fin 1996, les capitaux mobilisés en provenance de l'ensemble de la population n'atteignent que 12 100 milliards de dongs. Les capitaux mobilisés par personne se situent entre 100 et 300 millions de dongs en moyenne. Celui d'une S.A.R.L. s'élève entre 400 et 700 millions et celui d'une société anonyme entre 1 000 et 2 000 millions de dongs. Le nombre des travailleurs employés dans cette forme d'économie privée est de l'ordre de deux millions. Les deux objectifs consistant à mobiliser le capital national et à résoudre le problème du chômage n'ont donc pas été pleinement atteints. Pourtant, les entreprises et les sociétés privées doivent impérativement se développer durant la période d'ouverture pour favoriser les transactions commerciales avec les pays étrangers. Leur croissance n'est pas encore suffisante, même après la période de redéclaration ouverte par la loi. 3 - L'économie individuelle Un phénomène surprenant tient à l'apparition -sous des noms divers- d'entreprises dont les activités s'appuient sur des dizaine de milliers de familles. C'est sur elles que repose l'économie dite "individuelle". Chaque unité de commerce ou de production compte de 76 HOANG KIM GIAO trois à cinq travailleurs, avec un capital de quinze à vingt millions de dongs. Cette économie individuelle se développe discrètement et régulièrement : 360 000 familles en 1990, environ 500 000 en 1991 après la loi sur les investissements et celle sur les sociétés, plus de 700 000 à la fin de 1992. Actuellement, selon le Bureau central des impôts, il n'existe pas moins d'un million de familles de ce type. Cette forme d'économie résout plus efficacement que les entreprises et les sociétés privées les problèmes de mobilisation du capital et de chômage. En moyenne, la masse des capitaux et le nombre de travailleurs par famille sont inférieurs à ceux d'une entreprise privée. Mais, globalement, cette forme d'économie joue un rôle plus important que celui les entreprises privées. Elle mobilise une masse de capitaux 2 à 2,5 fois plus importante que celle des entreprises et fait travailler 3,5 à 4 fois plus de personnes. L'économie individuelle est souvent liée au monde rural et à ces métiers traditionnellement pratiqués à la campagne qui avaient tendance à tomber en désuétude. Cette forme d'activité se développe très bien et silencieusement. Elle ressuscite les anciens métiers plus ou moins oubliés. Dans tout le pays, il y a trois cents villages artisanaux traditionnels qui attirent des travailleurs de la campagne et qui produisent des marchandises ayant une grande réputation tant dans le pays qu'à l'étranger. L'appel à l'économie individuelle relève d'une "stratégie de circonstance". Elle permet de fournir rapidement du travail aux chômeurs et d'améliorer le niveau de vie des catégories démunies. Elle présente l'inconvénient d'être fondée sur des structures de petite envergure et sur des technologies arriérées. Elle ne constitue pas véritablement un moyen d'enrichir ceux qui s'y livrent et ne peut donner naissance à de grandes entreprises. Elle ne joue donc qu'un rôle très limité dans le progrès économique du pays. Il lui est difficile à s'intégrer à l'économie d'ouverture, dans la mesure où elle n'a pas encore la capacité commerciale de s'imposer sur les marchés internationaux sauf à bénéficier d'un soutien de l'État. En définitive, la mise en place de nouvelles formes d'entreprises privées se fait selon un mouvement marqué par la complexité et l'instabilité. Il faut des modes de sélection pour retenir les meilleurs. Il faut remplacer les sociétés anonymes et les S.A.R.L. par des sociétés 77 77 ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM au statut unifié et adapté à la variété des situations actuelles. Si l'on considère que le premier objectif de la politique de développement d'une économie à plusieurs composantes consiste à mobiliser le capital national, il faut reconnaître que les résultats demeurent encore modestes. Le pays se trouve en face d'un grand défi. Le capital investi par la population au cours des dix dernières années ne représente qu’environ 12 000 milliards de dongs, soit 25 % du budget annuel de l'État, soit 1,5 fois l'argent que les ménages déposent auprès des caisses de crédit. Il faut constater pour le déplorer que, d'après les estimations, les sommes liées à des opérations de corruption atteignent à peu près le même chiffre que l'effort financier de tout un peuple en faveur de son économie. Il reste à surmonter trois problèmes. Il faut d'abord reconnaître que la politique de l'État n'inspire pas suffisamment confiance au peuple et ne le rassure pas sur les conditions de développement de l'économie privée. En deuxième lieu, il convient de souligner que les investisseurs nationaux n'ont pas une connaissance suffisante des processus d'investissement dans le cadre d'une économie de marché et qu'ils ne possèdent qu'un niveau technologique très bas. Il faut enfin constater les insuffisances du tissu économique, des dynamismes locaux, des informations économiques nationales et internationales, de la stabilité du marché, de l'efficacité et de la sévérité de la loi. Une politique fiscale adaptée peut contribuer à résoudre certains problèmes. Elle passe d'une part par le remplacement du vieil impôt sur les recettes par la T.V.A., d'autre part par un abaissement des taux susceptibles de déboucher à terme sur un accroissement des recettes globales. La diminution des taux accroît la confiance de la population, tant d'un point de vue psychologique que juridique. Il est révélateur que, dans les pays pratiquant l'économie de marché, où les entreprises privées représentent entre 70 et 80 % de l'économie nationale, l'évasion fiscale ne soit pas aussi importante que dans notre pays. Un défaut supplémentaire de notre politique fiscale tient à ce que le poids de l'impôt augmente en fonction de l'augmentation des sommes investies. Il y a là un mode de calcul dissuasif pour ceux qui sont prêts à mobiliser leurs disponibilités financières pour rendre leur 78 HOANG KIM GIAO entreprise plus importante et participer à l'effort national de développement économique. Dans la mesure où l'on souhaite ne pas perdre de vue le double objectif de mobilisation du capital national et de solution au problème de l'emploi, il serait beaucoup plus efficace de prévoir un allégement au moins temporaire de la pression fiscale en cas de nouvel investissement ou d'embauche supplémentaire. Il appartient aux pouvoirs publics de soutenir l'économie privée lorsque ses activités contribuent au développement de l'économie nationale. Le fait que les taux d'intérêt demeurent très élevés, entre 10 et 20 %, ne contribue pas à une plus grande crédibilité du programme gouvernemental de développement économique aux yeux de la population. Il conviendrait de prendre des mesures tendant à encourager le dynamisme et à assurer la sécurité des investissements. C'est à ce prix que pourront se révéler toutes les potentialités économiques de la population. C - Motivations des investisseurs dans l'économie privée Lorsque les particuliers décident d'investir, c'est avec des motivations diverses liées à plusieurs modes de gestion de leurs capitaux. Ils passent par des phases d'apprentissage, d'exploration et d'expérimentation à l'égard des nouvelles institutions financières mises à leur disposition. Il est donc inévitable que le montant des sommes placées passe par des hauts et des bas, liés à l'évolution de la vie des affaires. De ce point de vue, il convient de chercher à déterminer les raisonnements et les critères de choix qui expliquent que tel ou tel type de placement ait été privilégié à tel moment et qui éclairent sur les motivations de la clientèle nationale et étrangère. Jusqu'à présent, les gros commerçants en activité avant les événements survenus entre 1945 et 1975 ainsi que leurs descendants n'investissent pas dans le secteur commercial, à l'exception de ceux qui étaient partis à l'étranger et qui y voient un moyen de se réimplanter. Cette abstention est surprenante dans la mesure où il s'agit de personnes qui disposent encore d'une compétence, d'une expérience et d'une connaissance du monde des affaires qui devraient leur faciliter les contacts pour lier des relations au niveau 79 79 ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM international et se trouver des clients et des fournisseurs. En fait, ils semblent attendre un moment plus favorable, lorsqu'auront disparu les facteurs de risques qui pourraient se produire dans un milieu économique instable et où subsistent nombre d'obstacles, avec un appareil législatif qui n'assure pas encore une réelle sécurité. Lorsqu'il aura été répondu à ces interrogations, ces agents économiques potentiels dans le domaine du commerce de gros et de détail pourront se révéler, pour le développement de l'économie nationale, une ressource importante à exploiter. Actuellement, la majorité des investisseurs dont la plupart sont propriétaires des capitaux qu'ils placent, n'a pas de projet à long terme. Ils lancent des affaires au coup par coup. Lorsqu'ils font faillite, ils encourent souvent des sanctions dans la mesure où apparaissent alors des irrégularités dans leur gestion. On peut dire que les investisseurs expérimentés et compétents ne représentent que 10 % du total. Ce sont eux qui apportent la contribution la plus durable au développement économique du pays. À noter que figurent également parmi les nouveaux opérateurs, des individus ayant encourus des condamnations pénales pour des raisons diverses et dont certains voient dans le lancement d'une activité commerciale un moyen de se réhabiliter en se rendant utiles au pays. D - Domaines de prédilection de l'économie privée Une première considération à prendre en compte en matière d'orientation des investissements tient à la masse des marchandises étrangères introduites clandestinement dans le pays. Il convient donc de s'abstenir absolument de s'engager dans des fabrications qui pourraient se trouver par la suite concurrencées par des produits homologues en provenance de l'étranger tant il est vrai que, depuis quelques années, nombre d'entreprises locales, surtout dans le secteur des articles ménagers, sont confrontées à l'invasion des marchandises étrangères. En revanche, les investisseurs ont à juste titre tendance à se positionner sur des marchés porteurs tant au plan régional que national et où ils savent pouvoir se montrer concurrentiels du point de vue de la 80 HOANG KIM GIAO qualité et des prix. Il en va ainsi dans le secteur des matériaux de construction et de la construction en général, en très forte croissance depuis quelques années et où les opérateurs étrangers n'occupent qu'une place modeste. Ce constat explique que 20 % des investissements se fassent dans ce domaine. Autre activité intéressante : le conditionnement des produits agricoles où la concurrence étrangère ne joue guère non plus. Les entreprises affluent sur ce créneau, attirées par la perspective d'obtenir un retour sur investissement en monnaies étrangères. Il s'agit de conditionner, pour des ventes au détail, des fruits de mer, du poivre, du café, de la cannelle ou de l'anis. Ces produits sont ensuite vendus à des intermédiaires privés qui se font une concurrence féroce tant au niveau des achats que des ventes, ce qui se traduit malheureusement par une baisse des prix à l'étranger. En tous cas, ce secteur mobilise également 20 % des investissements. La production de céramiques de qualité est également source de bénéfices non négligeables. Elle s'oriente soit vers la reproduction de modèles anciens, soit vers des créations contemporaines. Les prix très bas pratiqués par notre pays lui permettent d'attirer un certain nombre d'amateurs occidentaux. Ce sont 5 % des investissements qui s'orientent vers cette activité. Pour ce qui est des marchandises destinées à un usage quotidien, il existe un nombre considérable de centres de production de toutes tailles, situés surtout dans le sud. Ce sont essentiellement des marchandises en provenance du sud que l'on trouve actuellement sur les marchés du nord. Paradoxalement, les produits de ce type fabriqués dans le nord ne se vendent pas sur place mais dans les régions de montagnes ou à la campagne. De toutes façons et compte tenu de l'importance des besoins, les perspectives d'augmentation de la demande à l'égard de ces produits paraissent pour le moment illimitées. Finalement, c'est la qualité et le prix qui décident des ventes. Ce secteur représente 20 % des investissements. Depuis cinq ou six ans, une nouvelle activité se fait jour. Elle consiste en la confection de vêtements adaptés aux besoins des marchés occidentaux. En pratique, les ateliers du pays louent leur savoir faire aux investisseurs étrangers en fabriquant les produits comman- 81 81 ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM dés avec des matériaux importés et selon les modèles imposés par les clients. Dans tout le pays, se multiplient les fabriques, les entreprises, voire simplement les familles qui travaillent dans ce cadre. Il y a là une activité prospère qui fournit des emplois mais à laquelle manque un encadrement syndical. La surenchère à laquelle se livrent les fabricants nationaux aboutit, là aussi, à une baisse des prix préjudiciable à tous. Cette activité attire environ 10 % des investissements. La stratégie de production à laquelle se rallient actuellement nombre d'entreprises privées consiste à multiplier les types d'articles proposés tout en préservant un principe de "synchronisme dans la fabrication" avec des lignes de produits coordonnées. Par delà la diversification des marchandises offertes à la vente, demeurent cependant quelques produits de base qui constituent le fond des ventes et donnent leur image à l'ensemble. E - Concurrence avec les marchandises étrangères Les marchandises locales qui peuvent, avec quelques chances de succès, entrer en concurrence avec les marchandises étrangères sont peu nombreuses. Il est loisible aux particuliers de déposer des demandes en vue de bénéficier d'un droit d'exportation directe. Une telle possibilité est prévue par la réglementation. En fait, peu d'investisseurs s'y aventurent dans la mesure où les produits locaux ont de la peine à s'imposer sur les marchés internationaux par un manque de confiance de la part de la clientèle étrangère. Cela s'explique par une insuffisante fiabilité des marchandises du point de vue de leur qualité, par la faible marge de maneuvre des investisseurs et par une image encore trop peu favorable des produits vietnamiens hors des frontières. Si l'on veut aller au fond des choses, il faut reconnaître que l'une des principales lacunes qui expliquent l'impossibilité d'affronter victorieusement les concurrents étrangers tient à l'incapacité de faire appel à des technologies modernes dans les activités de production. S'y ajoute un déficit de communication avec le monde extérieur. Les opérateurs vietnamiens manquent des informations les plus nécessaires sur les flux d'échanges au niveau mondial et sur les techniques 82 HOANG KIM GIAO juridiques en matière de transactions internationales. À la limite, la fierté nationale et la conviction que la marchandise que l'on offre ne peut qu'être la meilleure constituent un obstacle à l'exportation en compromettant d'utiles adaptations aux goûts de la clientèle. F - Recherche de la clientèle et des informations technologiques Les pouvoirs publics n'ont guère pris d'initiatives pour venir en aide sur ce point aux opérateurs privés au point de donner l'impression que leur principale préoccupation consiste à consolider l'économie d'État, quitte à abandonner le secteur non étatique à ses propres forces. Il est révélateur que, dans les délégations étrangères reçues au Viet Nam figurent une forte proportion de chefs d'entreprises venus étudier les potentialités du marché local. En revanche, dans les délégations diplomatiques vietnamiennes à l'étranger, les commerçants et les industriels sont peu nombreux. Il est vrai aussi que notre pays manque de sociétés privées à capitaux nationaux de grande taille capables de discuter d'égal à égal avec des partenaires étrangers. Dans ces conditions, la recherche d'une clientèle nouvelle hors des frontières comme la quête d'informations technologiques transposables à l'intérieur du pays demeurent l'affaire d'initiatives individuelles. Chacun se débrouille en fonction de ses contacts personnels à l'étranger ou en s'appuyant sur des experts internationaux, spécialisés dans la coopération avec le Viet Nam, organisateurs de foires et d'expositions à l'étranger. G - Développement illégal de l'économie privée Si les responsables politiques laissent les initiatives se développer sans aucun encadrement, l'on peut craindre l'apparition de déséquilibres importants. Il faut promouvoir une politique économique à la fois assez générale pour concerner tout le pays et assez souple pour permettre la survie, voire le développement des spécificités régionales. Ce souci d'adaptation peut passer par la faculté de compléter la législation nationale par des règlements locaux qui tiennent compte des potentialités particulières à chaque zone du pays. Il est souhaitable de valoriser les particularismes et les diversités qui op- 83 83 ÉCONOMIE PRIVEE AU VIET NAM posent non seulement le nord et le sud comme on l'a déjà vu à plusieurs reprises mais également le centre et les hauts plateaux. L'État doit, par exemple et c'est un minimum, autoriser chacun à investir là où il le souhaite sans lui imposer ni de demeurer dans sa région d'origine, ni de se rendre dans les seules zones en retard de développement. En l'absence de souplesse et de liberté, la fraude se développe. Développement de l'économie privée dans le nord, le centre et le sud (en nombre d'investiseurs et en capitaux) (Exemples représentatifs : Hanoi, Danang, Hô Chi Minh-Ville ... Statistiques 1993) Régions Hanoi Danang Hô Chi Minh Entreprise s privée 340 35 % 324 74 % 595 29 % S.A.R.L. 631 64 % 108 25 % 1411 69 % 1% 4 1% 48 2% Sociétés 9 par actions Total des entreprises Total du capital 980 436 2054 394 milliards 104 milliards 1460 milliards Il est clair que, dans le sud, les investissements sont deux fois plus importants que dans le nord et cinq fois plus que dans le centre. De même la capitale du sud est dans un rapport de 1 à 3,5 avec celle du nord et de 1 à 13 avec celle du centre. Plusieurs raisons expliquent cette supériorité du sud tant par la qualité que par la variété des productions. 84 HOANG KIM GIAO Il se trouve d'abord que le sud a su maintenir une économie fondée sur un niveau de consommation important et sur une grande diversité de produits. Il n'a abandonné l'économie de marché que pendant une dizaine d'années et n'en a pas perdu tous les réflexes qui, de toutes façons, reviennent rapidement. À l'inverse, le nord n'a plus pratiqué un système fondé sur la concurrence pendant quarante ans et demeure marqué par les habitudes de l'économie dirigée. Pour ce qui est du centre, il s'appuie sur un niveau de consommation insuffisant tandis que les hauts plateaux pratiquent l'autarcie et l'autosuffisance. Par ailleurs, le sud constitue un point de rencontre traditionnel avec les partenaires internationaux. Les gros commerçants du sud sont habitués au marché libre et à l'économie ouverte avec les pays développés étrangers. Il y a là un avantage décisif du sud par rapport au nord ou aux autres régions. Le dynamisme, la disponibilité, la sensibilité aux besoins de la clientèle, le goût du risque dans les opérations commerciales fournissent d'indéniables atouts au sud. * ** Le passage à l'économie de marché dans les pays voisins a convaincu chacun qu'un "gouvernement intelligent doit savoir amener le pays de la misère à la prospérité". Dans une économie fondée sur la concurrence, le rôle des entreprises privées est fondamental. Une exacte évaluation de leur contribution au développement économique général est indispensable pour que l'État soit en mesure de planifier avec efficacité son intervention pour les années à venir. Il demeure cependant regrettable que persiste un écart important entre la connaissance des principes de l'économie privée et l'évaluation de son apport à l'économie nationale. Chapitre 2 ÉCONOMIE PRIVÉE ET RÈGLEMENT DU PROBLÈME DE L'EMPLOI AU VIET NAM Vu Minh Vieng Le processus de renouveau au Viet Nam a démarré il y a plus d'une décennie. Le trait le plus marquant de ce processus résulte de la volonté de mettre en place une économie fonctionnant selon les mécanismes du marché, ce qui impose la prise en compte de nombreux problèmes macro-économiques, notamment ceux liés à l'emploi et au chômage. Au temps de l'économie planifiée et centralisée, il incombait à l'État de garantir un emploi à chacun, essentiellement grâce aux entreprises publiques et aux coopératives. La place de l'économie privée demeurait limitée. L'embauche contractuelle des travailleurs était en général interdite. Dans l'esprit de chacun, avoir un emploi impliquait d'être employé par le secteur économique étatique. Le chômage était marginal et quasi clandestin. Avec la transition vers une économie de marché, il apparaît au grand jour et le gouvernement doit y faire face. -ILes caractéristiques et les causes du chômage Actuellement, les campagnes abritent 80 % de la population et mobilisent 73 % des ressources humaines. Dans la mesure où le travail dans ce secteur revêt un caractère essentiellement saisonnier, on peut parler, chez les paysans, de chômage partiel. En 1998, le taux moyen d'utilisation du temps de travail dans ce secteur est de 70,88 %, soit une baisse de 2,02 % par rapport à l'année 1997. Certaines régions 86 VU MINH VIENG rurales atteignent des taux plus élevés, tels 76,97 % à Tay Nguyen, 74,46 % dans le sud-est, 71,32 % dans le bassin du fleuve Cuu Long. Reportés en terme de postes de travail, ces chiffres conduiraient à conclure que ce sont de l'ordre de 20 à 30 % des travailleurs de la campagne qui n'ont pas d'emploi. À l'heure actuelle, le temps que les agriculteurs consacrent à la culture et à l'élevage occupe une place relativement modeste dans leur temps de travail total. En ville, le taux de chômage est de 6,85 % en 1998, en augmentation de 0,84 % par rapport à l'année 1997. C'est le bassin du fleuve Rouge qui enregistre le taux le plus élevé (8,25 %) suivi par le nord du centre (7,26 %). En revanche, c'est au nord-ouest et à Tay Nguyen que ce taux est le plus bas avec moins de 6 %. Pour ce qui est des femmes, ce taux s'établit à 6,55 %. avec des écarts tels que 9,09 % à Hanoi, 6,76 % à Hô Chi Minh-Ville, 6,35 % à Da Nang et 8,43 % à Haiphong. Dans le secteur public, on compte près de 1,8 million de travailleurs répartis dans près de 6 000 entreprises étatiques. Selon les rapports des syndicats, la proportion des travailleurs à la recherche d'emploi dans ce secteur est supérieure à 8 %, parfois même supérieure à 25 ou 30 %, voire à 50 ou 60 %. Pourtant la situation de déficit durable de nombreuses entreprises étatiques exige de poursuivre et d'accentuer la restructuration et le réaménagement de ce secteur, avec les dégagements de personnels que cela implique. Comme dans les autres pays en développement, le chômage au Viet Nam prend différentes formes : chômage complet ou chômage partiel, chômage corporel et chômage incorporel. Le chômage au Viet Nam existe au sein d'une économie agricole où les habitudes d'autoconsommation n'ont pas réellement disparu. Le rendement du travail et le revenu moyen demeurent très bas. La pression sur l'emploi continue à s'aggraver. Les caractéristiques et les réalités sus-mentionnées résultent de plusieurs facteurs. Le premier tient à ce que le taux de croissance démographique est encore élevé dans le pays. Malgré les efforts déployés par le gouvernement en vue de maîtriser la natalité, la population augmente de 1,4 million de personnes chaque année donc avec un taux de croissance de 2 % pour un nombre total de 76 millions de 87 87 ÉCONOMIE PRIVEE ET EMPLOI AU VIET NAM personnes. Il est prévu qu'en l'an 2000, il y aura environ 46 millions de personnes en âge d'exercer un métier. Le capital humain n'est pas d'un niveau très élevé. Les travailleurs sans formation représentent 87 % du total, les travailleurs qualifiés 8 %, les ingénieurs 2 %, enfin les experts de haut rang 0,5 %. Deux motifs expliquent cette situation. La principale cause tient à la modestie des revenus de la plupart des travailleurs ce qui les dissuade d'investir dans l'éducation. La deuxième est liée à l'archaïsme du système de formation professionnelle qui a de la peine à s'adapter à la transformation de l'économie. Il n'est donc guère en mesure de préparer efficacement les travailleurs dans leur volonté d'adaptation aux changements structurels qui affectent leur profession. Plus de 70 % des travailleurs sont employés dans l'agriculture ou dans la sylviculture. Pourtant la superficie des terres est limitée. La surface moyenne de terre cultivée par personne reste très réduite (0,1 hectare par personne) et la densité démographique considérable (200 personnes par km2). Chaque année, à la campagne, un million de personnes entrent dans la tranche d'âge en âge de travailler. Le revenu des agriculteurs reste bas : 20 % des foyers sont très pauvres (avec un revenu moyen inférieur à 15 kg de riz par personne et par mois). Le marché du travail en milieu rural est donc limité et il est difficile de développer de nouvelles professions. Faute de capitaux, de techniques, de ressources naturelles disponibles, de capacité de bonne gestion... la pression de l'emploi à la campagne s'aggrave continuellement. Il en résulte un exode des populations du nord vers le sud et des fermes vers les villes. Le nombre des travailleurs urbains du secteur informel et des chômeurs augmente donc. D'autres changements tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays ont également des conséquences sur l'emploi au Viet Nam. À l'intérieur, il s'agit de la réorganisation des entreprises étatiques, ce qui implique le départ d'un grand nombre de salariés. S'y ajoutent les militaires démobilisés et le retour des travailleurs émigrés. Au plan international, il faut souligner les conséquences de la crise financière et monétaire en Asie du sud-est qui entraîne d'une part une diminution de la production des entreprises fondées sur des capitaux étran- 88 VU MINH VIENG gers et d'autre part des difficultés supplémentaires pour l'émigration des travailleurs. - II Les efforts déployés par l'État et les collectivités locales La maîtrise du chômage puis la solution du problème de l'emploi n'ont évidemment pas seulement une dimension économique mais également sociale. L'objectif est de créer de nouveaux emplois, de diminuer le nombre de personnes à la recherche d'un travail, de fournir des postes à plein temps et stables à ceux qui n'occupent que des activités à temps partiel et provisoires, enfin d'améliorer la productivité et d'augmenter les salaires de ceux qui ont trouvé une place en entreprise mais qui demeurent mal payés. L'État se donne pour objectif de développer une économie à plusieurs composantes dans laquelle le secteur privé se voit reconnaître un espace d'existence et même de développement. Le travailleur bénéficie de la liberté de choix de l'emploi et de l'entreprise où il va postuler. L'employeur de quelque composante économique qu'il relève, décide seul du choix des employés selon ses besoins et dans le respect de la loi. L'État s'engage dans des programmes d'appui à la formation et au bon fonctionnement du marché du travail. Pendant trois ans, de 1991 à 1993, 2,28 millions de personnes ont trouvé un emploi. En 1994, plus d'un million d'emplois ont été créés. Il est estimé qu'en 1998, environ 1,3 million de personnes ont trouvé un emploi dont la plupart venaient d'être créés. Le Fonds national d'emploi a prêté un montant de 500 milliards de dongs répartis entre 13 600 projets. Grâce à ces crédits et à la bonne orientation de l'économie, de nouveaux emplois sont créés, des emplois à plein-temps ont été fournis à 260 000 personnes. L'année 1998 est également marquée par le départ de 12 000 travailleurs à l'étranger qui allègent d'autant le marché de l'emploi. Dans tout le pays, les collectivités locales déploient également des efforts en vue d'apporter leur contribution à la solution du problème de l'emploi. Ils lancent des programmes de développement socio-économique pour exploiter efficacement les ressources existantes, 89 89 ÉCONOMIE PRIVEE ET EMPLOI AU VIET NAM également pour investir dans la limite de leurs moyens dans la création de postes de travail. En ce qui concerne les politiques impulsées par le gouvernement en vue d'appuyer et de faciliter la recherche d'emplois, elles s'appuient sur des allègements fiscaux, des subventions, des crédits, l'appel aux nouvelles technologies, des investissements, de la formation... Des centres au service de l'emploi ont largement contribué au règlement du problème de l'emploi du secteur privé. Dans la mesure où ce secteur privé occupe 92 % du total des travailleurs (en y incluant les paysans), c'est lui qui apporte la meilleure contribution en création d'emplois au cours de ces dernières années. - III Le marché du travail Pour étudier le marché du travail qui ne se développe pas encore assez rapidement, les auteurs sont conduits à distinguer deux marchés différents qui traduisent une structure de l'emploi à trois niveaux. Au fur et à mesure du passage à l'économie de marché et de l'élargissement du secteur privé, s'impose la loi de l'offre et de la demande qui n'était pas reconnue dans l'ancienne économie planifiée et centralisée. Le marché urbain du travail officiel concerne les grandes entreprises publiques ou à capitaux étrangers. Les premières sont restructurées pour renouveler leurs technologies, moderniser leurs techniques de gestion, améliorer leur compétitivité et élargir leurs marchés. L'objectif principal est de créer de nouveaux emplois et d'assurer à ceux qui y travaillent des revenus stables. Les salariés de ces entreprises sont recrutés par voie de concours et sur la base de contrats de travail ce qui a mis un terme au système ancien des emplois à vie. Ces nouvelles pratiques tendent à rendre les employés et les employeurs plus responsables. Ils encouragent les personnes qui n'ont pas encore été intégrées en entreprise à suivre au plus près les besoins du marché du travail et à réajuster leurs comportements, dans le choix des domaines de formation, par l'acquisition des connaissances complémentaires qui ne leur ont pas été fournies dans le cadre de leur cursus de formation initiale. Cette nouvelle attitude 90 VU MINH VIENG facilite l'augmentation de l'offre de formation et de recyclage dans le secteur privé. Dans les entreprises à participation étrangère, les exigences imposées aux travailleurs sont encore plus rigoureuses. Actuellement, 1 500 entreprises de ce type emploient environ 230 000 personnes. Les salaires y sont attrayants mais la demande en main-d'œuvre évolue de façon désordonnée en fonction des fluctuations de la production imputables notamment aux conséquences de la crise. Ainsi, en 1998, le nombre total enregistré des travailleurs ayant perdu leur emploi dans des entreprises à participation étrangère à Hô Chi Minh-Ville s'est élevé à 4 500 personnes. Ce chiffre officiel est sans doute sousestimé et le nombre réel est estimé à 10 000 personnes. À Hanoi, une étude conduite sur douze entreprises a abouti au chiffre de 1 300 personnes qui ont perdu leur emploi ou qui ont vu réduire leur temps de travail. D'une façon générale, ce marché officiel mobilise la plus grande partie de la main-d'œuvre qualifiée et satisfait sans trop de difficultés les besoins de main-d'œuvre tant des entreprises publiques, que des entreprises conjointes et des entreprises privées. Plus animé apparaît le marché urbain de travail non-officiel. L'excédent de travailleurs résulte de la réduction des effectifs dans le secteur public, des licenciements, des pré-retraites, de la démobilisation des militaires, du retour des coopérants vietnamiens de l'étranger, de l'exode rural, de la vacuité de la main-d'œuvre agricole pendant les périodes de soudures, enfin de l'entrée des bacheliers sur le marché du travail. À Hanoi, en 1998, on évalue à 56 000 les travailleurs qui proviennent d'autres provinces. À Hô Chi Minh-Ville, ce chiffre est de 700 000 personnes. Ce marché est capable de leur offrir un nombre considérable d'emplois mais à très bas salaire. Parmi ceux qui ont la chance de trouver un travail relativement stable, les salaires de certains atteignent 450 000 dongs par mois. D'autres qui doivent se contenter de la recherche toujours renouvelée d'un travail quotidien, se groupent spontanément dans des lieux convenus à l'avance pour se tenir à disposition des employeurs éventuels et constituer une sorte de "marché parallèle du travail" à Hanoi. Les contrats de recrutement sont négociés de façon simplifiée. Dans la plupart des cas, ce sont des contrats verbaux. En revanche, les salaires 91 91 ÉCONOMIE PRIVEE ET EMPLOI AU VIET NAM sur ce marché sont malgré tout sensiblement plus élevés que ceux offerts dans le monde rural. Le fonctionnement du marché du travail est étroitement lié aux flux migratoires à l'intérieur du pays. L'écart de salaires entre les différentes régions témoigne des difficultés qui font obstacle à certaines migrations. Une bonne circulation de la main-d'œuvre permet de réduire le poids des salaires : les ressources humaines peuvent être déplacées d'une région où le niveau de salaire est élevé vers une autre où les salaires sont moindres et où seront créés de nouveaux emplois. En fait, bon nombre de raisons expliquent pourquoi la mobilité de la main-d'œuvre n'est pas meilleure. Les mécanismes du marché du travail ont aussi des conséquences sur la psychologie et le comportement de chaque individu. Ils font évoluer la conception et la perception des demandeurs d'emplois vis-à-vis des entreprises. La participation au marché du travail et la concurrence dans la recherche d'un poste requièrent des efforts individuels et des investissements financiers pour améliorer la qualification de ceux qui souhaitent une embauche ou une amélioration de leur situation. Le fonctionnement du marché du travail est lié aux politiques gouvernementales. Toute politique économique l'influence peu ou prou. Les besoins en main-d'œuvre étant, dans une économie de marché, générés par le développement économique, les politiques de promotion de la production constituent le meilleur garant d'importantes créations d'emplois. Les mesures législatives et réglementaires ayant trait aux salaires, à l'embauche, aux licenciements fournissent l'environnement juridique du marché du travail. C'est sur ces bases que le secteur privé se développe. - IV Le rôle joué par les PME et les PMI La définition des PME-PMI est différente d'un pays à l'autre. Au Viet Nam, le Premier ministre a signé une note n° 681/CP-KTN datée du 20 mars 1996 fixant provisoirement les critères de classification dans la catégorie des PME-PMI. En fait ces critères reflètent seulement 92 VU MINH VIENG des décisions administratives destinées à établir les bases juridiques sur lesquelles sont mises en œuvre les politiques d'appui aux PME-PMI. Ils ne sont pas suffisants pour délimiter de façon incontestable le secteur des PME-PMI. Au demeurant, le manque de précisions, sur plusieurs points, dans le cadre juridique régissant le commerce rend cette détermination plus difficile. Il existe donc d'autres critères : sont classées PME-PMI les petits établissements de production et de commerce ayant été enregistrées, possédant un capital et employant des salariés conformément à la réglementation. Selon cette définition, le secteur des PME-PMI se compose en premier lieu des entreprises étatiques de moyenne ou de petite taille, enregistrées conformément à la loi sur les entreprises étatiques, en deuxième lieu des sociétés par actions, des sociétés à responsabilité limitée et des entreprises privées de moyenne ou de petite taille enregistrées conformément à la loi sur les sociétés, à la loi sur les entreprises privées et à la loi sur les investissements étrangers. Ce secteur comprend, en troisième lieu, les moyennes et les petites coopératives enregistrées selon la loi sur les coopératives, enfin et en quatrième lieu les entreprises individuelles et les groupes de production et de commerce qui possèdent un capital légal conforme à la réglementation gouvernementale et qui ont été enregistrés selon l'arrêté n° 66HDBT. Selon les statistiques résultant de l'enquête générale menée en 1995 et portant sur les établissements économiques, administratifs et sur les services publics, les PME-PMI représentent 88,2 % du total des entreprises si l'on se fonde sur le critère du capital. Si c'est le critère du nombre des travailleurs qui est retenu, la proportion est de 96 %. Il y a donc environ 90 % des entreprises au Viet Nam qui sont des PME-PMI. Si l'on adopte à la fois le critère du capital et celui du nombre des salariés, plus de 90 % des entreprises du secteur privé sont des PME-PMI. Ces dernières fonctionnent essentiellement dans les domaines du commerce et des services sociaux, de l'industrie et de la construction, du transport des marchandises et des voyageurs. Le développement du secteur privé à la faveur du passage vers l'économie de marché se confond avec celui des PME-PMI. Ce modèle se généralise dans toutes les branches autorisées par la loi et dans toutes 93 93 ÉCONOMIE PRIVEE ET EMPLOI AU VIET NAM les régions du pays. Il en résulte l'idée que le secteur des PME-PMI s'identifie au secteur non-étatique. Un peu partout dans le monde, parler du secteur des PME-PMI, c'est parler d'un secteur qui attire un grand nombre de salariés et qui contribue donc de façon décisive à la solution du problème de l'emploi. Au Viet Nam, au cours de ces dernières années, le secteur privé essentiellement composé de PME-PMI, joue un rôle décisif pour fournir un emploi aux nouveaux travailleurs ainsi qu'aux salariés superflus du secteur public. En 1995, la plupart des travailleurs du secteur privé (24,5 millions) exercent leur activité dans l'agriculture et la sylviculture, dans des exploitations individuelles ou familiales produisant sans être enregistrées. Les autres travailleurs qui sont environ 6,6 millions, relèvent essentiellement des PME-PMI enregistrées et travaillent dans d'autres domaines. En fait, la majorité des professionnels du secteur des PME-PMI se concentrent dans le domaine des industries de transformation, de la construction, des services commerciaux et du transport. À titre d'exemple, 35,7 % des travailleurs des PME-PMI travaillent dans les industries de transformation, 19,5 % dans le commerce et dans les services de réparation, 15,6 % dans la construction, 11,1 % dans le transport et dans les services de dépôt... Un facteur qui contribue à expliquer le rôle de créateur d'emplois joué par les PME-PMI tient à ce que le coût nécessaire pour créer un emploi dans les PME-PMI est moins élevé que dans les grandes entreprises. Les études montrent que, dans le premier cas, le montant est seulement de 740 000 dongs, c'est-à-dire correspondant à 3 % du coût nécessaire dans le deuxième cas. L'élargissement des activités des PME-PMI au secteur privé est parvenu à rétablir et à développer des professions traditionnelles, à utiliser différentes catégories de travailleurs et à mieux s'adapter aux changements nés du processus de transition de l'économie. Pour autant, ce secteur n'a pas pu éviter certains problèmes. La plupart des PME-PMI ont été créées ces dernières années. Dans de nombreux cas, les investisseurs ont fondé leur entreprise sans avoir réuni les conditions nécessaires pour son succès. D'où inefficacité, voire faillite. Environ 30 % des investissements initiaux des PME-PMI 94 VU MINH VIENG sont utilisés pour la production alimentaire ou, d'une façon générale, de biens de consommation. Le niveau de technologie et de gestion est en général limité. La compétitivité est donc réduite. En ce qui concerne les travailleurs et les gestionnaires, l'on constate également qu'ils présentent certains défauts. -VL'économie des familles paysannes et le secteur rural En 1988, il a été reconnu que, dans l'agriculture, l'exploitation familiale pouvait remplacer les coopératives agricoles tant pour la production que pour la commercialisation. À partir de là, le secteur rural connaît de grands changements. La loi agraire, adoptée en 1993, reconnaît des droits d'utilisation de longue durée, d'héritage, d'hypothèque et de transfert de terre. La production et le commerce agricoles enregistrent des taux de développement considérables : la production vivrière moyenne dépasse 400 kg par personne, le taux de croissance agricole est de 2,7 % en 1998 et de 4 % en moyenne pendant les quatre années précédentes. Il existe encore à l'heure actuelle quelques unités économiques contrôlées par l'État dans l'agriculture. Pourtant, 98 % de la production vivrière sont fournis par le secteur non-étatique. Comme il a été indiqué plus haut, plus de 70 % de la main-d'œuvre travaillent dans l'agriculture et chaque année, ce secteur doit accueillir un million de travailleurs supplémentaires. Les agriculteurs se répartissent entre onze millions de familles. Il s'agit donc d'une production agricole éparpillée tant du point de vue de la répartition de la terre que des moyens de production. Pourtant, si l'on compare avec le modèle de production des coopératives d'antan, contrôlées par l'État, on peut constater que l'économie des familles paysannes a fait preuve de davantage d'efficacité dans l'utilisation des ressources naturelles. La productivité et le revenu sont donc plus élevés. Pourtant, même avec l'économie des familles paysannes, les problèmes d'emploi dans le secteur agricole n'ont pas été réglés de façon satisfaisante. Ces problèmes supposent, pour être résolus, un développement plus multiforme. 95 95 ÉCONOMIE PRIVEE ET EMPLOI AU VIET NAM Au cours de ces dernières années, il est apparu dans l'agriculture, certaines formes nouvelles de production et de commerce tels des fermes, des petites exploitations de caoutchouc, des groupes coopératifs fondés sur le volontariat, des coopératives de service... Bien qu'aucune enquête officielle n'ait été conduite, l'on estime à 50 000 le nombre des fermes dans les domaines de l'agriculture, de la sylviculture et des produits aquatiques. Ces fermes ont réussi à se doter de terrains suffisants, de moyens de production et à attirer des travailleurs contractuels. Chaque ferme, en moyenne, utilise sept hectares de terre agricole, dix travailleurs et investit 97,6 millions de dongs (dont 87 % sont des capitaux propres). Ces fermes qu'elles se soient spécialisées dans des productions précises ou qu'elles pratiquent la polyculture, ont contribué au développement de l'agriculture, de la sylviculture et des produits aquatiques. Les coopératives de fournitures de crédits et de consommation fondées sur les besoins internes, ont renforcé l'économie familiale et aidé les agriculteurs à avoir accès aux nouvelles technologies et à mieux s'adapter au marché. Le fonctionnement du marché du travail dans le secteur rural est marqué par certaines spécialités. L'embauche des travailleurs se généralise dans des régions de culture spécialisée tels le Bassin du fleuve Cuu Long pour le riz, tels Dac Lac et Lam Dong pour les plantes industrielles comme les caféiers et les caoutchoutiers, tel Bac thai pour les théiers... Cette embauche est, dans la plupart des cas, saisonnière et crée donc des flux de migration à caractère périodique. Si l'emploi est plus stable dans les petites industries, celles-ci ne se développent que très lentement dans le secteur rural. Ainsi, entre recrutements saisonniers ou trop rares, la situation de l'emploi ne s'est pas suffisamment améliorée dans les campagnes. - VILes solutions envisagées La maîtrise du chômage et la solution du problème de l'emploi constituent des problèmes stratégiques dans le cadre du processus de développement et concernent toutes les politiques ma- 96 VU MINH VIENG cro-économiques. Pour l'année l999, l'objectif visé est de créer un à deux millions d'emplois, de venir en aide à 250 000 personnes dans la recherche d'un travail stable, enfin d'encourager l'émigration de 25 000 travailleurs et experts. Il faut maintenir le taux de chômage urbain au-dessous de 7 % et augmenter le taux d'utilisation du temps de travail à la campagne pour le faire passer à 72-73 %. L'appui au secteur privé dans le règlement des problèmes d'emploi suppose plusieurs mesures. Il convient de perfectionner les politiques d'aide au secteur privé commercial par le biais de mesures fiscales, d'assistance financière, de fournitures de capitaux pour investissement, d'encouragement au rétablissement des professions traditionnelles, de création de nouvelles professions et technologies, de développement des petites entreprises attirant de nombreux travailleurs, enfin des aides aux assurances et à la formation. Il convient d'utiliser plus efficacement les crédits directs réservés au règlement du problème d'emploi. Selon le plan envisagé pour l'année 1999, un montant de l'ordre de 485 milliards de dongs venant du Fonds national d'appui aux emplois sera réservé aux prêts, sans compter d'autres crédits préférentiels. Cette politique passe aussi par l'amélioration de l'investissement pour le développement agricole et rural. En 1999, l'État envisage d'augmenter de 50 % le budget versé aux activités agricoles et rurales, notamment pour la restructuration de l'économie agricole, pour le règlement des problèmes d'urbanisation de la campagne et pour le développement de l'industrie rurale. Le gouvernement s'efforce également de perfectionner et de développer les services chargés de l'emploi, de faire en sorte que ces services soient étroitement liés au marché du travail, d'appuyer les établissements de formation professionnelle et de créer de nouveaux emplois. Il reste encore à contrôler la croissance démographique et à établir un programme de développement des ressources humaines pour que les travailleurs puissent mieux s'adapter au développement de l'économie de marché. Chapitre 3 LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRIVATISATION DES SERVICES PUBLICS LOCAUX EN FRANCE Jacques Viguier, professeur Chaque État possède une tradition historique et une culture propre quant à la place respective des entreprises d'État et des entreprises privées et quant à l'étendue des services publics. La France a toujours été perçue comme attachée à une conception plutôt extensive des services publics, dont l'État assurait la mise en oeuvre. Pourtant, progressivement, l'État a accepté que les collectivités locales puis les personnes morales de droit privé interviennent dans le domaine du service public. Quant aux collectivités locales, il est frappant de constater l'opposition entre la fin du XIXème siècle et la fin du XXème siècle. À la fin du XIXème, l'État est totalement rétif à toute extension des compétences des collectivités locales et lutte contre les revendications des communes, exprimées principalement à travers la théorie du socialisme municipal. À la fin du XXème siècle, l'État est prêt à se désengager dans de nombreux secteurs et à accorder aux collectivités locales des compétences nouvelles. Quant aux personnes morales de droit privé, elles interviennent aujourd'hui à l'échelon national, comme à l'échelon local. À l'échelon national, même les gouvernements dominés par une idéologie de gauche ont accordé aux personnes morales de droit privé une place de plus en plus grande dans divers secteurs, en opposition avec des principes soutenus quelques décennies auparavant. À l'échelon local, 98 JACQUES VIGUIER les compétences accrues des communes, départements, régions les ont conduits dans de nombreux cas à faire appel à des personnes morales de droit privé pour certains secteurs, même parmi ceux relevant d'une intervention ancienne. Les collectivités locales ont donc connu en France un développement important de privatisation de leurs services publics locaux. C'est un mouvement qui se manifeste clairement depuis une quinzaine d'années et dont il faut évoquer les raisons (I) et la nature (II). -ILes raisons du développement de la privatisation Si les autorités administratives locales choisissent de privatiser leurs services publics locaux, il paraît évident qu'elles croient que le recours au privé est meilleur que la gestion publique. Lorsque l'on recherche les raisons plus précises de la privatisation, apparaissent des raisons idéologiques et politiques (A) ainsi que des raisons économiques et sociales (B). A - Les raisons idéologiques et politiques Les raisons idéologiques et politiques ont marqué l'échelon national. Elles apparaissent aussi à l'échelon local. Il y a parfois une influence de la logique nationale sur la logique locale. A l'échelon national, les choix politiques sont généralement affichés de manière claire par les gouvernants ou les futurs gouvernants au moment des élections. Certains sont attachés au libéralisme et souhaitent confier de nombreuses activités au secteur privé, d'autres sont favorables à un interventionnisme important de l'État. Les débats et les réformes autour des secteurs des télécommunications, de l'audiovisuel et des transports le montrent. L'influence de la logique européenne de concurrence a été importante pour le secteur des transports ferroviaires ou de l'électricité. A l'échelon local, l'autonomie de plus en plus grande au cours du XXème siècle des collectivités locales leur permet de bénéficier d'une grande liberté de choix pour la gestion de leurs services publics. Le 99 99 PRIVATISATION DES SERVICES PUBLICS LOCAUX EN FRANCE principe de libre administration des collectivités locales affirmé constitutionnellement fonde leur capacité à choisir la gestion publique ou la gestion privée de leurs services publics. À la différence de l'échelon national, il n'y a pas toujours d'affirmation très claire, notamment au moment des élections, quant aux préférences des candidats pour tel ou tel mode de gestion. Plus précisément, si les grandes communes se caractérisent par une politisation de leurs élections au sens où les candidats s'affirment de droite ou de gauche, avec les conséquences que cela implique pour la gestion privée ou publique de certains services publics, les petites communes, dans lesquelles les élections sont souvent peu politisées, ne sont pas le cadre de tels débats. Pourtant des priorités apparaîtront au sein de l'organe délibérant de la collectivité locale. Elles pourront conduire à conserver une gestion directe pour certains services publics et à faire appel à des personnes privées pour d'autres activités. La modification du rôle de l'État a joué incontestablement un rôle de modèle pour les collectivités locales. Celles-ci constituent un microcosme de l'État et reproduisent sur de nombreux points la logique étatique. Le mouvement d'interventionnisme croissant et d'extension des compétences de l'État marquant la fin du XIXème et le début du XXème siècle a été poursuivi, de nombreuses décennies après, par un mouvement d'accroissement des compétences locales. De la même manière que l'État, lorsqu'il était trop engorgé par l'élargissement de ses compétences, s'est déchargé de certaines d'entre elles sur le secteur privé où les collectivités locales, de même ces dernières ont dû, suite à l'augmentation de leurs actions, recourir au secteur privé. Il y a en quelque sorte un effet mécanique qui a touché successivement État et collectivités locales. On est ici à la fois sur le terrain politique et économique. En effet, à côté des raisons idéologiques et politiques, certaines raisons économiques et sociales apparaissent. B - Les raisons économiques et sociales 100 JACQUES VIGUIER Les raisons économiques et sociales sont à l'origine de la technique de la concession de service public à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle. La distribution d'eau et la distribution de gaz sont ressenties comme des besoins d'intérêt collectif impliquant l'intervention des communes. Or tout en ressentant la nécessité sociale de créer de tels services, certaines collectivités ne disposent pas de la capacité financière de les mettre en place. Elles vont alors faire appel à des personnes morales de droit privé avec lesquelles elles vont passer un contrat de concession de service public. La personne privée reçoit la mission de construire les installations (réseaux, usines, etc.) et de gérer le service créé. L'avantage pour la commune concédante, c'est qu'elle n'investit pas elle-même tout en permettant à ses habitants de disposer à moyen terme de la capacité d'accéder à l'eau et au gaz directement dans leurs habitations, ou indirectement, en se rendant par exemple dans les bains-douches municipaux. Aujourd'hui d'autres facteurs que la seule capacité financière peuvent jouer. Ainsi, depuis une quinzaine d'années, les autorités locales se voient investies d'une mission implicite de défense de l'emploi et de lutte contre le chômage. En favorisant la mise en place rapide de services publics pris en charge par des personnes privées, elles peuvent favoriser l'emploi. Ainsi voit-on mettre en avant l'idée de qualité, d'efficacité, de compétence reconnue. Il ne s'agit pas de retomber dans les errements d'un débat politique non appuyé par la réalité, moins de recourir à des groupes importants de droit privé qui, dans certains secteurs techniques (assainissement, traitement des déchets, télévision...), ont fait preuve de leurs capacités. De manière générale, le choix entre public et privé s'effectue aujourd'hui pour certaines collectivités locales à l'approche empirique. Elles se prononcent après un véritable examen du dossier. Cependant les collectivités locales sont encore très partagées quant à la nécessité de faire appel à des personnes morales de droit privé pour la gestion de leurs services publics. De très nombreux départements, communes et régions sont encore attachés à préserver 101 101 PRIVATISATION DES SERVICES PUBLICS LOCAUX EN FRANCE une gestion publique. Mais quelles que soient les préférences affichées par telle ou telle collectivité locale, le mouvement de privatisation des services publics locaux s'est développé et la nature de ce mouvement de privatisation est toujours la même. - II La nature du développement de la privatisation Le mouvement de privatisation se traduit par le transfert au secteur privé de la prise en charge de certaines activités (A). Plusieurs modalités d'intervention du secteur privé peuvent être utilisées (B). A - Le transfert au secteur privé de la prise en charge de certaines activités La qualification de privatisation recouvre deux réalités différentes. Soit il s'agit de la mise en place d'une nouvelle activité de service public qui n'avait jamais existé dans une collectivité locale donnée. La prise en charge de cette activité peut être confiée dès sa création à une personne morale de droit privé. On parle alors de privatisation au sens où cette activité aurait pu être confiée à un service déjà existant de la collectivité locale qui aurait étendu son champ d'activité ou aurait pu entraîner la création d'un nouveau service à l'intérieur de la collectivité publique à elle-même. L'exemple de la télévision locale peut être donné ici. Ce type de service public reste exceptionnel, mais implique généralement l'intervention de personnes privées. À un moindre degré, certaines actions de communication de communes, départements ou régions font appel à des personnes privées. Soit il s'agit de confier à une personne morale de droit privé une activité de service public que la collectivité locale assurait jusque-là elle-même. Cette seconde hypothèse donne parfois lieu à polémique lorsque le service public paraissait fonctionner de manière correcte. C'est là où le choix politique peut jouer et des conflits importants se manifester entre ceux qui détiennent la majorité dans l'organe délibérant de la collectivité locale et l'opposition. On parle parfois de démembrement pour désigner cette situation. Il s'agit de faire passer 102 JACQUES VIGUIER un service public assuré dans le cadre d'une gestion directe ou, même, par un établissement public, dans le secteur privé, et ainsi de démembrer la collectivité locale. Un service de la collectivité ou un établissement public est supprimé et l'activité qu'il assurait sera prise en charge par une personne morale de droit privé, qui pourra intervenir dans le cadre de plusieurs techniques. B - Les différentes modalités d'intervention du secteur privé La personne morale de droit privé n'a pas forcément le choix quant à son mode d'intervention. Tout se décide ici dans le cadre d'un dialogue entre les organes de la collectivité locale et la personne privée. L'organe délibérant de la collectivité locale a la capacité juridique de choisir tel ou tel mode privé de gestion et de l'imposer à son co-contractant, si un contrat est passé. La situation est différente si l'attribution au secteur privé se fait dans un cadre non-contractuel. Les contrats passés entre la collectivité locale et des personnes morales de droit privé apparaissent dans des secteurs comme l'eau, l'assainissement ou les transports. La collectivité locale passe un contrat avec une personne morale de droit privé en confiant à celle-ci la prise en charge de certains services publics. La concession de service public est le procédé le plus ancien. La collectivité locale concédante confie au concessionnaire pour une longue durée (en moyenne cinquante ans) la construction des installations nécessaires au fonctionnement du service ainsi que la gestion du service mis en place. À la fin du contrat, la collectivité locale devient propriétaire des installations construites par la personne privée, et peut, si elle le souhaite, assurer elle-même le service public. De nombreuses autres modalités contractuelles existent. Elles se sont multipliées depuis quelques décennies. Chaque contrat passé devient presque un contrat original dans certaines de ses clauses. Pourtant, à côté de la concession, d'autres modalités de gestion privée existent. L'affermage conduit la collectivité locale à confier à une personne privée la gestion d'un service public pour lequel les installations nécessaires sont déjà construites et demeurent la propriété de la collectivité locale. La régie intéressée se traduit par un système 103 103 PRIVATISATION DES SERVICES PUBLICS LOCAUX EN FRANCE de rémunération particulier, où le régisseur intéressé voit les sommes qu'il reçoit augmenter non en fonction du chiffre d'affaires mais de certains critères comme, pour un service de transport, l'augmentation du nombre de voyageurs transportés. Les techniques non contractuelles se traduisent par une habilitation ou un agrément accordé à une personne morale de droit privé, qui interviendra alors dans un secteur donné avec un cadre plus concurrentiel. On peut citer ici le service extérieur des pompes funèbres dans lequel les communes peuvent intervenir directement ou passer des contrats, mais aussi voir une entreprise habilitée concurrencer leurs actions (article L.2223-19 et article L.2223-23 du code général des collectivités territoriales). L'habilitation est délivrée ici par le préfet. Depuis une vingtaine d'années, les collectivités locales et certaines personnes morales de droit privé ont rivalisé d'ingéniosité pour créer de nouvelles techniques. Les collectivités locales doivent rester vigilantes et ne pas se laisser manipuler. Qu'il s'agisse de gestion publique directe ou indirecte ou de gestion privée, la capacité de contrôle de la collectivité locale demeure. Un contrôle permanent et attentif est le meilleur garant contre des risques de mauvaise gestion, en particulier par des personnes morales de droit privé. TROISIEME PARTIE POLITIQUE ECONOMIQUE DE L'ÉTAT A L'EGARD DES SECTEURS PUBLICS ET PRIVES Chapitre 1 LES RAPPORTS ENTRE L'ÉCONOMIE D'ÉTAT ET L'ÉCONOMIE PRIVÉE DU VIET NAM : RÉALITÉ ET SOLUTION docteur Trinh Thi Hoa Mai La plupart des auteurs sont désormais d’accord pour considérer comme une nécessité l’existence et le développement de l’économie privée au sein de cette économie à plusieurs composantes qui caractérise désormais notre pays. Dans ces conditions, régler les rapports entre ces divers secteurs conditionne leur développement parallèle. L’expérience a montré que, dans les pays ayant choisi de développer une économie à plusieurs composantes, organiser les relations entre l'économie étatique et les autres composantes économiques en général, et entre l'économie étatique et l'économie privée en particulier constitue un enjeu important, capable de décider du succès ou de l’échec de l’effort de développement économique de chaque pays. Au Viet Nam, un problème urgent posé aux économistes tant sur le plan théorique que pratique consiste à définir la place et le rôle de chaque secteur économique et les rapports qui peuvent se développer entre eux. Le processus de développement d’une économie à plusieurs composantes au Viet Nam ces dernières années induit des solutions mais aussi des problèmes. Pourtant, seule une solution réfléchie et judicieuse à tous les problèmes est capable d’accélérer le développement économique du Viet Nam dans l’avenir. Dans le cadre de ce travail, ce sont les relations entre l’économie d’État et l’économie privée qui seront traitées. 108 TRINH THI HOA MAI -IOrganiser les relations entre l’économie d’État et l’économie privée implique tout d’abord de définir leur place exacte dans l’économie du pays. Ce choix conditionne le développement de chaque secteur économique. La signification de ce choix est double : il constitue à la fois la cause et le résultat de l’accumulation des conditions nécessaires pour bien organiser les rapports entre ces deux secteurs. A – L’économie d’État comprend les activités économiques de l’État parmi lesquelles celles des entreprises étatiques occupent une part prépondérante : elles constituent la force de production la plus importante du pays et assurent la réalisation des objectifs socio-économiques de l’État. Dans le système économique d’un pays tel que le nôtre, l’économie d’État doit être la composante dominante. Elle intervient à plusieurs niveaux. Il revient d’abord aux entreprises d’État de créer de la valeur sous forme de marchandises ou de services de façon à orienter les prix du marché. Les activités de ce secteur manifestent la responsabilité régulatrice de l’État sur le marché à travers la qualité et la quantité des produits marchands et des services fournis, ce qui contribue au développement des autres composantes de l’économie. Il revient également au secteur public de prendre en charge certaines activités médiocrement rémunératrices, peu attirantes pour l’économie privée, mais indispensables du point de vue de l’intérêt national et de la vie quotidienne des populations. L’État a un rôle d’exploration et d'expérimentation à l'égard des branches à caractère stratégique afin d’atteindre les objectifs d’industrialisation et de modernisation du pays fixés par le gouvernement et le parti. La finalité du secteur public ne se limite évidemment pas à maximiser les profits économiques. Il doit privilégier l’effet socio-économique. Il lui revient de prouver sa capacité à contrôler le marché financier et monétaire et à contribuer à la stabilisation des grands équilibres macro-économiques du pays. 109 109 ÉCONOMIE D'ÉTAT ET ECONOMIE PRIVEE AU VIET NAM B – L’économie privée, les autres composantes de l’économie non étatique et l’économie d’État constituent un système cohérent. Si l’économie d’État joue un rôle décisif, l’économie privée et les autres composantes se voient reconnaître une place complémentaire mais importante. Encore que les choix stratégiques en matière d’investissement, de politique commerciale et de méthode de gestion des entreprises privées relèvent de la décision des chefs d’entreprises concernés, toutes ces entreprises, à quelque composante qu’elles appartiennent, doivent tendre vers un objectif commun : le développement d’une économie à orientation socialiste. Elles se fondent sur des méthodes communes qui tendent à l’amélioration du rendement du travail, de la qualité des produits et de l’efficacité de la gestion. Donc, l’économie d’État et l’économie privée sont considérées comme des forces convergentes au service du développement économique. Produisant les mêmes marchandises, offrant les mêmes services à la société, les entreprises privées et d’État sont des acteurs égaux du monde économique. Leurs rapports sont placés sous le signe à la fois de l’égalité, de la coopération et de la concurrence. Cette dernière doit être comprise comme le moyen de mieux satisfaire les besoins de plus en plus importants de la société. Donc, il n'est pas souhaitable que la concurrence entre entreprises fonctionne comme un processus tendant à s’exclure mutuellement, du type "le fort vainc le faible" ou "le grand poisson mange le petit poisson". Au contraire, les entreprises doivent chercher à se développer grâce à la concurrence. Cette dernière contribue à une valorisation maximale des points forts qui caractérisent chaque structure de production. Elle ne doit pas déboucher sur un monopole au profit d'une entreprise ou d'une composante économique. Des modes de gestion efficaces et adaptés à la demande doivent voir le jour. Les résultats ainsi obtenus vont rendre service à toutes les composantes de l’économie pour un développement plus rapide et pour une meilleure réponse aux demandes de développement économique du pays. Ainsi, même dans la concurrence, il y a encore place pour la coopération, grâce à une économie de marché bien orientée. 110 TRINH THI HOA MAI - II L’examen réaliste des caractéristiques de l’économie à plusieurs composantes au Viet Nam ces dernières années montre que l’économie étatique, secteur encore important, continue de bénéficier des faveurs de l’État. Elle bénéficie de divers privilèges, à travers les politiques financière et monétaire de l’État. Pourtant, durant ces années de rénovation et bien que ce secteur ait évolué, dans l’ensemble il ne répond pas encore aux besoins d’une économie soucieuse de développement. A - Situation médiocre des entreprises d'État Le secteur public ne met pas suffisamment en valeur sa position dominante au sein de l’économie nationale. Plusieurs considérations peuvent être évoquées à l'appui de ce bilan. Il faut d'abord constater que la plupart des entreprises d’État sont peu efficaces et n’atteignent que 40 à 50 % d'une productivité considérée comme normale. Le besoin d’équipement pour une unité de production dans ce secteur est de 1,3 à 2,2 fois plus élevé que dans le secteur non-étatique. Le taux profits / fonds est insuffisant (environ 15 %) et diminue d’une année sur l’autre. D’après une statistique nationale, 20 à 25 % de ces entreprises gagnent de l’argent, 30 à 35 % équilibrent leurs comptes et 40 % sont en déficit. La production de la majorité des entreprises d'État est de mauvaise qualité. Selon la même statistique, 15 % de leurs produits sont exportables, 65 % sont de qualité moyenne et 20 % sont de mauvaise ou de très mauvaise qualité. Les mécanismes de gestion sont relâchés et la gestion financière médiocre. La fuite des capitaux et la diminution de leur valeur lorsqu’ils restent dans le pays sont révélatrices. L’ordre social et la loi ne sont pas respectés avec assez de rigueur. La concussion et le gaspillage s’aggravent. Les raisons de la situation médiocre des entreprises d’État sont multiples. Il y a, bien sûr, des raisons extérieures telles les catastrophes naturelles dont le pays est parfois victime, ou encore la crise financière qui a frappé l'Asie ces dernières années… Mais il faut chercher les causes essentielles de ces problèmes dans le subjecti- 111 111 ÉCONOMIE D'ÉTAT ET ECONOMIE PRIVEE AU VIET NAM visme dont font preuve les responsables, dans des processus de prise de décision hasardeux, dans des choix en faveur d'investissements mal orientés et d'une structure d’investissement mal aménagée, voire illogique. S'y ajoutent les insuffisances de la gestion d’affaires. B - Relative bonne santé des entreprises privées Les entreprises privées coexistent avec les entreprises d’État. Bien qu’elles se développent dans des conditions moins favorables du point de vue de leur régime juridique, elles ont beaucoup progressé. Cela prouve la place et les grandes potentialités du secteur privé dans l’économie nationale. L'expérience a ainsi montré que, si les entreprises privées pouvaient bénéficier d’investissements bien orientés, elles seraient effectivement une force économique supplémentaire pour l’économie d’État. D’après les données résultant d’un sondage de l’Institut central de gestion économique, on constate qu’au niveau national, les capitaux investis dans les entreprises privées ont presque doublé. Le nombre des sociétés à responsabilité limitée de grande envergure augmente régulièrement. Si le nombre des sociétés disposant de capitaux d’un montant de trois cent millions de dongs a diminué au cours des dernières années, passant de 32,2 % à 22,3 %, en revanche celles disposant de 1,5 milliard de dongs de capitaux augmentent, progressant de 11,5 % à 22,8 %. C’est particulièrement vrai à Hanoi où ces sociétés occupent 30 % du total (contre 14,64 % auparavant), 15,7 % à Haiphong (auparavant : 8 %), et 17,07 % à Hô Chi Minh-Ville (auparavant : 10,3 %). Le potentiel de croissance de l’économie privée se traduit par le besoin de diversifier les professions et d’attirer des capitaux étrangers. Quant aux domaines d’activités où s’épanouissent les sociétés privées, ils sont multiples. 1 - Des entreprises privées de taille inégale Les entreprises privées sont en majorité des entreprises à propriétaire unique, de taille petite ou moyenne. Une particularité du mode 112 TRINH THI HOA MAI d’appropriation est liée à la dimension des entreprises privées. En général, les entreprises à propriétaire unique sont de petites entreprises avec un capital de l'ordre de cent à cent trente millions de dongs. Elles constituent 71 % des entreprises privées du pays. Les entreprises appartenant à plusieurs propriétaires sont le plus souvent des entreprises d’envergure moyenne et représentent 28 % des entreprises privées. Elles prennent la forme de sociétés à responsabilité limitée, avec un propriétaire officiel unique. En fait, les détenteurs de ces entreprises relèvent d’une même famille et cherchent ainsi à éviter que pèsent sur tous les lourdes obligations liées aux entreprises à responsabilité limitée. Telle est du moins leur stratégie qui a des conséquences sur les modes de fonctionnement de ce genre d’entreprises. Quant aux entreprises de grande envergure ayant pris la forme de sociétés par actions, elles bénéficient d’une attention particulière, mais n’occupent que 1 % du nombre total. 2 - Des entreprises privées inégalement réparties entre secteurs d'activité et régions du pays Les entreprises privées sont concentrées dans les domaines du commerce, des services, de la production alimentaire et de confection. Il s’agit de secteurs gros consommateurs de main-d’œuvre, avec un retour rapide sur investissement, avec beaucoup de bénéfices et peu de risque. Ces domaines rassemblent 70 % des entreprises privées du pays. En revanche les activités purement productives en général et de production agricole en particulier, n'attirent guère les investisseurs privés. C’est ce qui explique que les entreprises privées qui fonctionnent dans ces domaines n’occupent que 30 % du total. À l’heure actuelle dans l’ensemble du pays, 21 % des sociétés à responsabilité limitée sont dans l’industrie contre 5 % de ces sociétés dans l’hôtellerie. Pour ce qui est des entreprises privées en général 25 % sont dans l’industrie et 12 % dans l’hôtellerie et le tourisme. Les modalités d'installation géographique de ces entreprises privées sont également diverses : 19 % sont au nord, 18 % au centre, 63 % au sud et 4,18 % dans les régions montagneuses. La répartition inégale des 113 113 ÉCONOMIE D'ÉTAT ET ECONOMIE PRIVEE AU VIET NAM entreprises privées du pays montre que leur naissance et leur développement sont directement liés aux conditions de mise en place d'une économie de marché, à l’accentuation de l’ouverture économique et aux particularités psychologiques des agents économiques. 3 - Le niveau des travailleurs dans les entreprises privées Les chefs d’entreprises sont jeunes. À Hô Chi Minh-Ville, ils ont entre trente-cinq et quarante-cinq ans (48,5 %) contre quarante à soixante ans à Hanoi (82,8 %). Pour ce qui est de la formation dont ils ont bénéficié : à Hô Chi Minh-Ville 32,8 % ont une formation universitaire contre 41,9 % à Hanoi. En général, les chefs d’entreprises privées manquent de connaissance en matière de gestion. La plupart ont de la peine à s’habituer à l’économie de marché. Actuellement, le directeur d’une entreprise doit être un professionnel et présenter des qualités tout à fait nouvelles par rapport aux habitudes du travail en structures collectives. Ce n’est pas le cas de la majorité des propriétaires des entreprises vietnamiennes. Le niveau d’instruction des salariés dans les entreprises privées est modeste, adapté à un travail de type artisanal. Étant peu formés, ils manquent de compétence. Moins de 70 % des travailleurs n’ont pas fini la dixième. - III Les problèmes urgents À partir du panorama des deux secteurs économiques traités ici, on peut repérer les problèmes à résoudre en priorité parmi ceux qui exercent une influence sur le développement de ce secteur. A - Plus que jamais, dans le cadre du processus d’industrialisation et de modernisation du pays, l’économie d’État se trouve confrontée à un grand défi. Le développement exige que les entreprises d’État jouent un rôle moteur dans l’orientation de l’économie. En fait, leur 114 TRINH THI HOA MAI influence sur la croissance demeure marginale. Globalement, le secteur d’État est loin de tenir toute sa place dans le développement économique. Pourtant, il faut souligner que les faiblesses des entreprises d’État au Viet Nam ces derniers temps résultent moins des défauts inhérents à cette forme juridique que des insuffisances constatées au niveau du personnel ainsi que de facteurs externes sur lesquelles les structures de production ont peu de prise. Pour que les deux secteurs se développent, il faut en finir avec des politiques qui constituent l'expression d'habitudes de pensée erronées et archaïques. B - L’économie privée fait preuve de dynamisme mais elle n’est pas toujours bien orientée. Nombre de potentialités du secteur privé restent encore inexplorées soit par manque d'audace dans les stratégies de développement, soit du fait d’obstacles au progrès des affaires. C - Entre l’économie privée et l’économie d’État, il n’y a pas ni entraide, ni coopération alors qu'elles devraient se développer entre composantes différentes d’un système cohérent. D - L’égalité nécessaire dans le cadre de la vie des affaires n'est pas encore respectée pas plus que n'est mis en place un environnement juridique régissant les diverses composantes économiques du pays et les traitant comme des acteurs également nécessaires au développement. - IV Quelques solutions fondamentales Plusieurs solutions sont proposées par les économistes afin d’améliorer les relations entre l’économie d’État et l’économie privée et afin d'accélérer leur développement. Dans le cadre de ce travail nous voudrions évoquer quelques-unes de ces propositions. 115 115 ÉCONOMIE D'ÉTAT ET ECONOMIE PRIVEE AU VIET NAM A - Il faut créer un environnement notamment juridique fondé sur une égalité entre économie d’État et économie privée afin qu'elles coexistent dans de bonnes conditions et qu'elles se développent de concert. Il est temps de distinguer les entreprises d’État qui sont en charge d'un service public et dont les objectifs sont socio-économiques, des entreprises d’État qui visent simplement à faire des profits. Les entreprises étatiques relevant par leurs activités du monde des affaires doivent être dans une situation d’égalité par rapport aux entreprises privées. L’inégalité de ces deux secteurs se constate ces derniers temps dans le régime des capitaux, dans la répartition des impôts et dans la formation de la main-d’œuvre utilisée. Remédier aux inégalités de traitement par le système bancaire entre les entreprises étatiques et privées, est devenu un impératif. Cette inégalité empêche les entreprises privées d’accéder aux marchés des capitaux, donc à certains crédits. La création d’un environnement juridique placé sous le signe de l’égalité entre toutes les composantes économiques est liée au perfectionnement du droit économique, à la reconnaissance d’un statut pour les entreprises privées, à la création d’un "espace de jeu" traitant équitablement les établissements économiques internes et étrangers au Viet Nam. L’État et les institutions socio-économiques doivent prendre des mesures pour améliorer la formation et fournir une main-d’œuvre de bonne qualité à l’économie privée. Symétriquement, l’égalité dans la formation des ressources humaines exige que l’économie privée ne bénéficie pas seulement d’un certain nombre d’avantages mais qu’elle participe à la formation de personnels de bonne qualité. L’économie privée constitue un élément à part entière de l’économie et un atout important pour le développement. C’est pourquoi elle ne doit pas se développer dans une ambiance de malentendu, mais sur la base d’un projet concerté et dans un contexte de concurrence saine avec les autres composantes économiques afin de minimiser les points faibles et de valoriser les points forts potentiels de ce secteur économique dans notre pays. 116 TRINH THI HOA MAI B - L’État doit fournir suffisamment d’informations à toutes les composantes, particulièrement aux composantes non étatiques, telle l’économie privée. Le manque d’informations a posé pas mal de problèmes aux entreprises privées. Fournir les connaissances utiles aux entreprises privées, partie intégrante de l’économie unie, doit être considéré comme un travail nécessaire et urgent. Certains proposent de créer un centre national d’informations économiques, ayant pour tâche de publier les données les plus récentes indispensables aux entreprises. C - Il faut améliorer les liaisons entre entreprises étatiques et privées. Ces derniers temps, les entreprises d’État se développent grâce aux mesures prises en leur faveur mais sans tenir compte de l’existence des entreprises privées. Ces dernières ne se développent qu'en surmontant beaucoup d’obstacles et de difficultés, parfois même en devant se protéger contre l’économie d’État. Cette attitude limite le développement des deux secteurs. Si l’on maintient la situation des rapports limités entre économie d’État et économie privée comme auparavant, on limitera les atouts de chaque secteur. Des interventions communes profiteront à toutes les deux. Leurs points forts seront maximisés et l’on diminuera les handicaps de chaque composante. Les atouts de l’État en ce domaine tiennent au contrôle des flux financiers, à la maîtrise des infrastructures, enfin à ses pouvoirs économiques et politiques. Les atouts de l’économie privée tiennent à sa capacité à mobiliser l’épargne populaire, à utiliser certaines techniques traditionnelles et à faire appel à des personnels qualifiés. Les chefs d’entreprises doivent détenir le don ou l’art de gérer. L’action cohérente des deux secteurs économiques correspond au modèle d'une économie capitaliste d’État. Les documents adoptés lors du sixième congrès du Parti communiste du Viet Nam ont souligné la nécessité de mettre en œuvre les bons modèles économiques à chaque étape de la chaîne de production et de circulation des produits, afin d’exploiter toutes les capacités des 117 117 ÉCONOMIE D'ÉTAT ET ECONOMIE PRIVEE AU VIET NAM secteurs économiques alliés. Il y a là une décision stratégique qui participe de la volonté de libérer et d’exploiter toutes les capacités disponibles en vue de développer les forces productives du pays. L’économie capitaliste privée est encouragée et orientée, en fonction de l’idéologie socialiste, vers les formes du capitalisme d’État. L’économie capitaliste d’État constitue une forme économique de transition, organisée à tous les niveaux, depuis les structures d’offre et de vente de marchandises jusqu’aux entreprises d’État. Dans un contexte économique international favorable, l’édification d’une structure économique ouverte est considérée comme un impératif. Le capitalisme d’État résultant d’une collaboration entre le gouvernement prolétarien et le capitalisme étranger constitue une forme à développer. L’introduction du capitalisme d’État dans notre pays est fondée sur l’idée qu'il constitue une forme économique intermédiaire et un élément important dans une politique économique de transition vers le socialisme. L’appel au capitalisme d’État dans le cadre de l'effort d’industrialisation et de modernisation revêt une signification importante. Grâce à lui, l’on peut espérer attirer des milliards de dollars de capitaux et de techniques nouvelles. Le capitalisme d’État doit préserver le rôle de recensement et de contrôle de l’État sur tous les secteurs dans une ambiance de succès de l’économie de marché et de respect des orientations socialistes du pays. Il en résulte que l’alliance du secteur d’État et du secteur privé, l’actionnarisation et la joint venture de l’économie nationale et du capitalisme étranger constituent trois programmes à développer dans notre pays. D’après les économistes, il faudrait améliorer le rapport économie d’État / économie privée pour augmenter la place de l’économie capitaliste d’État au sein de notre économie à plusieurs composantes, tous ces éléments étant mobilisés pour concourir au développement de l’économie. Chapitre 2 LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE DE L'ÉTAT ET LE SECTEUR ÉCONOMIQUE PRIVÉ AU VIET NAM docteur Vu Duc Thanh L'étude de ce thème doit être éclairée par trois remarques préalables. En premier lieu, il faut souligner que le terme "politique économique de l'État" désigne l'ensemble des décisions stratégiques résultant des motions adoptées par les organes dirigeants du Parti communiste du Viet Nam ; s'y ajoutent évidemment la législation d'État et les éléments de la réglementation gouvernementale organisant la vie économique. En deuxième lieu, il convient de tenir compte de ce que le secteur privé au Viet Nam ne concerne directement que les activités économiques des individus, des familles et des petits commerçants ; actuellement, ce secteur est désigné sous la dénomination : "secteur d'exploitation privée". Enfin, l'on doit souligner que le secteur privé ne représente qu'une partie du système économique du pays ; il est donc affecté non seulement par les mesures qui le touchent directement mais également et indirectement par les décisions concernant d'autres composantes de l'économie, notamment le secteur public. 120 VU DUC THANH -IAperçu de la politique économique de l'État à l'égard du secteur privé avant le "renouveau" économique (1955-1985) S'agissant de la politique économique imposée par le gouvernement, l'époque se situant entre 1955 et 1985 peut se diviser en quatre courtes périodes présentant différentes caractéristiques. A - Période de restauration économique Durant cette période, le Viet Nam est provisoirement divisé en deux zones dotées de deux régimes différents. Le nord développe son économie sous la direction du Parti communiste vietnamien. L'économie du nord est en retard depuis longtemps, phénomène aggravé par les conséquences de la guerre contre les colonialistes français. Dès septembre 1954, le bureau politique du Parti communiste vietnamien établit un plan triennal (1955-1957) pour réparer les dommages de la guerre et, simultanément, reconstruire et développer l'économie avec, comme tâche centrale, la réforme agraire. En mai 1955, le gouvernement promulgue huit politiques encourageant la production, surtout celle des paysans. Dans le contexte d'une économie agricole arriérée, ces politiques sont évidemment orientées vers le développement de l'économie privée en la considérant comme un agent important dans la reconstruction économique. Les résultats obtenus ont prouvé la justesse de ces politiques. B - Période de la réforme socialiste de l'économie (1958-1960) Au carrefour de plusieurs influences, le Viet Nam a très tôt choisi la voie du développement socialiste, suivant le modèle de l'URSS. En avril 1958, l'Assemblée nationale du Viet Nam adopte un deuxième plan triennal (1958-1960) organisant la réforme et le développement de l'économie ainsi que les progrès de la culture. La réforme socialiste de l'économie est mise en oeuvre en poursuivant trois objectifs essentiels : la nationalisation des entreprises héritées de l'ancien régime ainsi que celles appartenant aux capitalistes compradors, l'application aux "capitalistes nationaux" d'un processus de réforme 121 121 ÉTAT ET SECTEUR PRIVE AU VIET NAM progressive par la mise en place d'entreprises commerciales mixtes avec participation de l'État, enfin la collectivisation de l'agriculture, du commerce et des industries individuelles. Parallèlement à ce processus, l'État accroît ses investissements en faveur du développement de l'économie nationale. De tout cela, il résulte une réduction de la place de l'économie privée qui était encore peu développée lors de l'indépendance et qui devient un élément secondaire dans l'économie du pays. C - Période 1961-1975 En septembre 1960, le Parti communiste vietnamien réunit son troisième congrès en vue de tracer la voie révolutionnaire vers le socialisme avec un nouveau plan quinquennal (1961-1965). L'une des plus importantes décisions tend à "achever la réforme socialiste en transformant l'économie du nord en économie socialiste". Conformément à cette orientation, le nord accélère l'effort de réforme de l'économie privée en élargissant la place des coopératives et de l'économie d'État. Jusqu'en 1965, le nord s'est surtout appliqué, dans ce domaine, à effacer l'économie privée en tant que secteur économique. Pendant les dix ans de la guerre (1965-1975), l'économie socialiste, sous ses deux formes, secteur étatique et secteur coopératif, occupe une place prédominante dans l'économie. D - Période 1976-1985 Le 30 avril 1975, la guerre prend fin et en 1976, le Viet Nam unifie l'organisation de l'État et celle du Parti. Le quatrième congrès du Parti communiste vietnamien détermine une orientation socialiste pour le pays entier et arrête un plan quinquennal de l'économie (1976-1980). Cette politique et ce plan économique tendent à élargir le modèle socialiste du nord à tout le pays. Les efforts en vue d'élargir l'économie socialiste et d'effacer l'économie privée n'ont guère obtenu de succès. Le plan quinquennal n'a pas atteint les objectifs ambitieux qu'il se fixait. L'économie s'est affaiblie. La production et la vie du peuple se trouvent dans des situations difficiles. En septembre 1997, le sixième plénum du comité 122 VU DUC THANH central du Parti communiste vietnamien a dû en tirer la leçon et insister sur les tâches urgentes à remplir dans la mesure où l'intérêt des travailleurs était en jeu. Pour la première fois est posé le problème d'une utilisation juste des secteurs économiques privés et des capitalistes nationaux. Pourtant l'économie privée et celle du marché demeurent considérées comme des forces non-socialistes. En mars 1982, le cinquième congrès du Parti communiste vietnamien adopte le nouveau plan quinquennal (1981-1985), fondé sur la transformation des mentalités et sur de nouvelles orientation en matière de politique économique. Avec la reconnaissance d'une structure de l'économie composée de plusieurs secteurs (trois secteurs au nord, cinq au sud), le Parti communiste vietnamien décide "d'associer la réforme à l'utilisation des divers secteurs de l'économie et de réformer les secteurs économiques non-socialistes". Cette politique exclut l'éventualité d'une pure et simple disparition de l'économie privée, cette dernière n'étant pas pour autant encouragée à se développer. En fait, à l'époque, la politique officielle s'intéresse moins à stimuler le développement de l'économie privée qu'à rénover le secteur économique socialiste pour le sauver. Deux décisions importantes méritent d'être signalées : la décision n° 25 /CP du gouvernement du 21 janvier 1981 sur la planification des entreprises étatiques et l'arrêté 100 du comité central du Parti communiste vietnamien de janvier 1981 sur l'application du régime du forfait aux coopératives agricoles. Ces décisions et la réforme monétaire d'octobre 1985 contribuent pour une part déterminante à la désagrégation des structures internes du secteur économique socialiste, ainsi qu'au développement de relations économiques fondées sur le marché, enfin au développement spontané de l'économie privée. Malgré les mesures rigoureuses prises par le gouvernement -vérifications administratives et contrôle du marché jusqu'au milieu des années 1980- l'économie privée se développe et a tendance à favoriser des équilibres fondés sur une comparaison réaliste de l'offre et de la demande. 123 123 ÉTAT ET SECTEUR PRIVE AU VIET NAM - II La politique de l'État à l'égard du secteur privé avant le renouveau économique (jusqu'en 1986) A - Le contexte macro-économique : les orientations de la réforme économique et ses effets sur le secteur privé Jusqu'en 1985, l'économie socialiste tant d'État que collective préserve en principe la place absolue qui lui était reconnue jusqu'alors dans l'économie. Les efforts d'ajustement mis en œuvre par les pouvoirs publics, placent le Viet Nam au seuil de l'économie du marché. En même temps, l'économie s'enfonce dans la crise et s'affaiblit. L'inflation augmente. La production stagne. La vie quotidienne de la population devient plus difficile. En décembre 1986, le sixième congrès du PCV fixe le programme stratégique et les orientations du renouveau de l'économie de marché. L'une des décisions importantes de ce congrès consiste à présenter la reconstruction d'une économie composée de plusieurs secteurs comme une stratégie à long terme, destinée à démocratiser l'économie et à libérer les ressources nécessaires au développement. Ces décisions organisent en même temps les conditions favorables à l'économie privée qui va donc pouvoir se développer en tant que composante importante de l'économie nationale. B - Les nouvelles politiques économiques et leur influence sur le secteur privé Les septième et huitième congrès du Parti complètent les politiques arrêtées lors du sixième congrès. L'objectif consiste à construire une économie de marché composée de plusieurs secteurs avec régulation par l'État et orientation socialiste. À partir de 1986, le Viet Nam met en application simultanément plusieurs politiques importantes en vue de supprimer le protectionnisme et d'accélérer le passage à l'économie de marché. Ces politiques agissent de façon très active sur l'évolution du secteur privé. Sept aspects méritent d'être développés. 124 VU DUC THANH - Le cadre juridique général : le Viet Nam s'efforce d'établir le cadre juridique général apte à encourager le secteur privé. Parmi les textes juridiques les plus importants, l'on peut citer la loi sur des compagnies (21 décembre 1990), la constitution rectifiée (d'avril 1993 dans laquelle, la propriété privée est reconnue et protégée, tous les citoyens ayant la faculté d'effectuer librement des affaires commerciales conformes à la loi), la loi agraire (de 1993) et les deux lois encourageant les investissements dans le pays (de juin 1994 et mai 1998, cette dernière étant encore actuellement en vigueur). Le secteur privé dispose ainsi d'un environnement favorable à sa croissance. De fait, il se développe rapidement en contribuant pour une part importante à la croissance générale de l'économie nationale. - La politique structurelle : en ce qui concerne la propriété, l'économie du Viet Nam comprend plusieurs secteurs parmi lesquels le secteur privé connaît un développement comparable aux autres. Il n'est pas limité aux domaines commerciaux. Il est moins présent dans le domaine industriel. Il ne participe pas encore au système bancaire et ni aux processus de transfert technologique. - La politique fiscale : à partir de 1990, les réformes fiscales sont appliquées au secteur privé dans les mêmes conditions qu'au secteur public. En fait, ce sont les entreprises bénéficiant les investissements étrangers et les petites entreprises qui sont, en ce domaine, les mieux traitées. L'application de la politique fiscale se heurte à l'existence d'une réglementation archaïque en ce qui concerne la comptabilité et l'expertise dans le secteur privé. Ceci contribue a expliquer la faiblesse des rentrées fiscales en provenance de ce secteur, surtout du fait des conditions d'application de la loi sur la TVA du 1er janvier 1999. - La politique de crédit : dans le cadre de la politique actuelle, le secteur privé fait jeu égal avec les autres secteurs dans l'accès au crédit. Pourtant presque toutes les entreprises privées ont des difficultés à emprunter des fonds à leur banque du fait de la prise obligatoire d'hypothèque sur les biens. Les entreprises privées n'ont pas la capa- 125 125 ÉTAT ET SECTEUR PRIVE AU VIET NAM cité d'utiliser à ce titre les fonds des joint-ventures. Par ailleurs une partie de la population -surtout celles habitant à la campagne- bénéficie de privilèges dans l'obtention de crédit grâce aux programmes contre la misère et aux prêts pour le développement économique. Après la promulgation de la loi encourageant des investissement dans le pays (1994), le gouvernement a créé la Caisse d'aide aux investissements nationaux tant au plan central que local, avec comme objectif de privilégier les projets d'investissements intérieurs. En fait 81 % des crédits de cette caisse sont réservés aux entreprises étatiques, du moins jusqu'en juin 1998. En outre, dans onze provinces du pays, les investisseurs privés ne peuvent pas avoir accès à ces ressources. La politique de crédit crée donc des problèmes financiers au secteur privé. - La politique sur des terres : au Viet Nam, les terres appartiennent à l'État. La politique sur les terres joue un rôle particulièrement important pour le développement du secteur privé. La loi sur les terres de 1993 fournit une base juridique aux secteurs économiques qui souhaitent utiliser légalement les terres dans un but commercial. En application de cette loi, le gouvernement promulgue un règlement sur les droits et les obligations des sociétés auxquelles l'État confie des terres sous forme de location. Les investisseurs privés n'ont pas le droit d'aliéner ces terres, de les hypothéquer ou de les relouer (comme dans l'agriculture). De plus les dispositions sur l'allocation de terres aux particuliers sont compliquées et supposent l'accomplissement de beaucoup de formalités et de démarches. La politique d'allocation des terres aux investisseurs vietnamiens qui vivent à l'étranger et aux investisseurs étrangers qui résident depuis longtemps au Viet Nam n'est pas encore très claire. Ainsi le transfert des terres et leur allocation au secteur privé sont encore très difficiles. Après la loi encourageant les investissements intérieurs, jusqu'au mois de juin 1998, 149 projets d'investissement ont permis la location de 100,42 millions de m2. Sur ce total 110 projets (73,8 %) portant sur 108,6 millions de m2 (97,47 % de surface) émanent du secteur public. La politique sur les terres constitue donc un obstacle qui doit être levé pour encourager le secteur privé. 126 VU DUC THANH - La politique commerciale : depuis 1989, le Viet Nam applique une politique de libération du commerce, ce qui permet aux entreprises privées de participer aux activités d'exportation et d'importation. Cependant, les entreprises privées ont plus de difficultés pour obtenir des quotas à ce titre que les entreprises étatiques, ce qui limite leur capacité de concurrence. - La politique sur le travail : la loi sur le travail au Viet Nam promulguée le 23 juin 1994 permet au secteur privé d'embaucher des travailleurs et de signer des contrats de travail. Pourtant le secteur privé éveille la méfiance des particuliers pour ce qui est des relations de travail. L'évolution des mentalités demande du temps. En général, la rénovation politique et économique encourage le développement du secteur privé. En réalité, la contribution de ce dernier au budget de l'État demeure inférieure à celle du secteur public. La croissance du secteur privé est également inférieure à celle du secteur public et à celle de l'économie en général. Cela prouve qu'il existe encore des obstacles politiques, qui limitent la capacité de progrès de ce secteur privé. - III Le rôle du secteur privé dans les politiques économiques de l'État Au terme de cette étude sur l'évolution du secteur privé au Viet Nam, on peut présenter les remarques suivantes. - Depuis la fin des années 1970, l'apparition puis l'explosion spontanée de relations économiques fondées sur la logique du marché, se traduisent par des demandes d'assouplissement de la réglementation et de reconnaissance de la nécessité des activités économiques privées. La fin des années 1970 et le début des années 127 127 ÉTAT ET SECTEUR PRIVE AU VIET NAM 1980 constituent la période où l'économie privée de marché se développe d'une façon illégale mais selon une tendance de plus en plus marquée. Malgré les contrôles, la croissance de l'économie privée conduit alors les responsables politiques à réexaminer le système économique socialiste fondé sur le régime de propriété publique. La multiplication des conflits entre une tendance irrésistible au progrès de l'économie privée et le constat d'un affaiblissement de l'économie publique, planifiée et centralisée, bénéficiant d'une protection mais peu efficace aboutit à des décisions de rénovation de tout le système économique. - Aujourd'hui, le développement du secteur privé dépend de l'évolution interne du secteur public et aussi du perfectionnement des politiques économiques. Pourtant sous la pression de l'internationalisation de la vie économique et de la demande d'une élévation de capacité de concurrence de l'économie, l'aboutissement à l'encouragement du secteur privé est inévitable, surtout pour les particuliers dans le pays. - Enfin, pour conclure, il faut souligner que pour développer l'économie de marché suivant les orientations socialistes, la croissance du secteur privé, articulé avec le respect du rôle directif de l'économie publique, est indispensable à la réalisation des objectifs définis par le Parti et le gouvernement du Viet Nam. Chapitre 3 LA RÉNOVATION DES INSTITUTIONS ÉCONOMIQUES EN TUNISIE Mohamed Ridha Ben Hammed, professeur La Tunisie a entrepris depuis 1986 un vaste programme de rénovation de ses institutions économiques. Cette rénovation a constitué la réponse des pouvoirs publics à la demande formulée par le corps politique pour la résolution de problèmes graves et urgents. En effet, la Tunisie, après des décennies de croissance impressionnante était menacée de banqueroute et d'immobilisme 1. Cette position diminuée de la Tunisie au sein du système économique mondial, a dicté la nécessité d'entreprendre un ajustement structurel. Depuis, la Tunisie a évolué dans le sens d'une profonde rénovation de ses institutions économiques. Les grands axes de cette rénovation qui s'inscrivent dans un vaste mouvement de libéralisation progressive et profonde de l'économie tunisienne, sont notamment : l'ouverture à l'économie mondiale par la suppression progressive des protections douanières et l'appel aux investisseurs étrangers, la promotion de la logique du marché et l'encouragement du secteur privé, enfin la restructuration du secteur public notamment par la privatisation des entreprises du secteur concurrentiel et la dynamisation du marché financier. En effet, le taux d'endettement extérieur était à l'époque de l'ordre de 60 % du produit national brut avec un service de la dette qui représentait 28 % des recettes courantes et cela parallèlement à la régression des réserves en devises, tombées au plus bas niveau enregistré par l'économie nationale en trente années d'indépendance, tandis que le taux d'inflation dépassait 8 % (Banque centrale de Tunisie, Statistiques financières, mars 1988). 1 130 MOHAMED RIDHA BEN HAMMED Les finalités de ces réformes sont la dynamisation de l'économie et la stimulation privée en vue d'une plus grande performance économique et financière. C'est dans le prolongement de ce programme de rénovation que la Tunisie a adhéré au GATT en 1990 devenu aujourd'hui l'OMC (l'Organisation mondiale du commerce) et a signé en 1995 un accord d'association avec l'Union européenne dans le but de créer une zone de libre échange sur une période de douze ans. Pour répondre à cette politique d'ouverture économique et d'insertion de la Tunisie dans l'économie mondiale, la rénovation des institutions économiques s'est effectuée au courant de la dernière décennie d'une part par l'adaptation des instruments en vigueur pour permettre la mise en oeuvre d'une politique d'ouverture économique (I) et d'autre part par la création de nouveaux instruments pour mettre en oeuvre cette politique d'ouverture économique (II). -IL'adaptation des instruments en vigueur pour la mise en oeuvre d'une politique d'ouverture économique Cette adaptation traduit l'adhésion de la Tunisie aux options du libéralisme économique. Elle indique également la volonté des pouvoirs publics de traduire les principes de ce libéralisme en normes juridiques. L'action entreprise dans le cadre de cette stratégie vise à apporter les correctifs nécessaires au droit en vigueur et les restructurations indispensables des institutions existantes. Ces corrections apportées au dispositif jusque là en vigueur et qui se caractérisait par un certain nombre de dysfonctions devaient favoriser l'accélération du rythme de croissance économique et social. De ce souci est né le nouveau cadre juridique de la restructuration du secteur public économique (A) et la rénovation du droit de l'investissement (B). A - La restructuration du secteur public La volonté de rénovation des institutions du secteur public en général et économique en particulier s'est manifestée avec l'adoption du VIIème plan de développement à partir de 1987 qui a opté pour une politique de "restructuration des entreprises publiques par un 131 131 RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE désengagement définitif mais progressif de l'État des secteurs concurrentiels et non stratégiques..." Ce choix repose sur la conviction que "Le maintien de ces entreprises sous la tutelle de l'État ne peut qu'entraîner l'affaiblissement progressif de l'économie. Par conséquent, la seule issue valable de cette impasse, demeure la privatisation, car celle-ci exposerait les entreprises à la discipline du marché et améliorerait leur efficience". Logiquement, la volonté affichée d'approfondir l'orientation de désengagement, appelait la refonte de plusieurs textes régissant divers aspects de la vie économique et sociale. Il s'agit notamment de réduire les déficits publics et de limiter le recours au budget de l'État en améliorant l'efficacité de la gestion et la rentabilité des entreprises. Un cadre juridique a été mis en place par la loi du 1er février 1989 pour permettre la mise en oeuvre du processus de restructuration et de privatisation des entreprises publiques. Cette loi a introduit deux grands mécanismes. D'abord, elle institue le privilège de l'action spécifique inaliénable ou l'action en or (golden share) au profit de l'État. Ensuite, elle instaure la pratique de constitution de noyaux durs à travers l'instauration d'une nouvelle modalité de cession par voie boursière. Cette modalité est la vente de blocs d'actions, par appel d'offres sur cahiers des charges, à une personne physique ou morale ou à un groupe de personnes physiques ou morales. Le gouvernement dans le cadre de cette restructuration est autorisé conformément à cette loi à "céder tout ou partie des participations de l'État dans ces entreprises". Ces opérations de restructuration comprennent d'une part la cession ou l'échange d'actions ou des titres détenus par l'État ou les collectivités publiques locales, les établissements publics et les entreprises à participation publique, d'autre part la cession de tout élément d'actif susceptible de constituer une unité d'exploitation autonome dans une entreprise dans laquelle l'État détient une participation directe au capital mais aussi, les opérations de fusion, d'absorption, de scission d'entreprises dans lesquelles l'État ou les collectivités publiques, les établissements publics et les entreprises à participations publiques, détiennent une participation directe au capital. 132 MOHAMED RIDHA BEN HAMMED C'est sur la base de ce dispositif que plusieurs dizaines d'opérations de privatisation ont été mises en oeuvre depuis 1987. Pour le quinquennat à venir, le texte du IXème plan (1997-2001) prévoit la privatisation de soixante-trois entreprises. Les modalités concrètes de mise en oeuvre de ces privatisations sont très variées 2. La cession au secteur privé peut être effectuée sur le marché financier ou hors du marché financier ou même combiner les deux circuits. Cette mise en oeuvre peut prendre aussi la forme de vente partielle ou totale d'éléments d'actif soit directe de gré à gré, soit par appel d'offre, soit aux enchères publiques volontaires. La cession d'éléments d'actif est la technique consistant pour une entreprise publique à transférer à une personne privée physique ou morale, la propriété des biens, meubles ou immeubles ou des droits qu'elle possède et que constitue son action. Elle peut également consister en une opération relativement complexe de fusion, d'absorption simple ou par la constitution d'une société nouvelle. Dans le souci de faciliter le bon déroulement de ces opérations, la loi du ler février 1989 a prévu, au profit des acquéreurs potentiels, un certain nombre d'avantages fiscaux en amont de l'opération de privatisation et au cours de la cession proprement dite. Il est à remarquer que, pour renforcer l'efficacité de la gestion des entreprises publiques et des services publics non-privatisables, les pouvoirs publics tendent à aligner leur gestion sur le mode de gestion des entreprises privées. B - La rénovation du droit de l'investissement Le droit de l'investissement a connu une grande rénovation par la promulgation d'un code unique, le 27 décembre 1993. Avant la promulgation de ce texte, la Tunisie a connu depuis 1969, une inflation de textes relatifs aux investissements. Chaque secteur de l'activité économique était régi par un code spécifique : code des investissements industriels, code des investissements agricoles et de pêche, code des investissements dans les activités de services, enfin code des investissements touristiques. 2 VIIème plan de développement économique et social (1987-1991), p. 179. 133 133 RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE La multiplicité de ces codes, indique le VIIIème plan de développement, a "engendré de multiples contradictions" et "insuffisances" en raison de "l'absence d'un lien de convergence entre les incitations et les encouragements prévus d'où leur incohérence d'une part et la complexité de leur mise en oeuvre d'autre part" 3. Par ailleurs, il est reproché à la multiplicité des textes et aux difficultés d'interprétation et de mise en oeuvre d'avoir engendré une certaine insécurité juridique 4. Avec ce nouvel instrument qu'est le code unique, le cadre juridique des investissements a connu une mutation importante. Tout en simplifiant le dispositif institué par les différents codes sectoriels abrogés, le nouveau code de 1993 l'adapte mieux aux impératifs de la libéralisation de l'économie et de son ouverture au marché extérieur par l'étendue de son champ d'application, par la simplification de la procédure d'admission de l'investissement et par son caractère fortement incitatif. 1 - L'étendue de son champ d'application L'extension s'explique par trois données. D'abord, le champ d'application ratione personae du code de 1993 est très large 5. Il s'étend à tout projet d'investissement réalisé en Tunisie par des promoteurs tunisiens ou étrangers, résidents ou non-résidents, ou en partenariat (art. 1). C'est donc la liberté d'investir et les principes de non-discrimination qui sont retenus (art. 2). Cette liberté connaît toutefois deux limites. Première limite : lorsque la participation des étrangers dans certains secteurs dépasse 50 % du capital de l'entreprise, l'investissement concerné est soumis à l'approbation préalable de la Commission supérieure d'investissement (art. 2 et 3). Deuxième limite : dans le secteur agricole, les investissements ne peuvent en aucun cas entraîner l'appropriation des terres agricoles par les VIIIe Plan de développement 1992-1996, vol. I (A). EL ABED (A.), L'encadrement juridique des investissements à travers le "Code d'indications aux investissements", thèse droit Tunis, 1997. 5 Cf. à propos du code d'incitations aux investissements, HORCHANI (F.), "Le code tunisien d'incitation aux investissements", Journal du droit international, 125e année (1998) n° l janvier-février-mars, p. 67 et s. 3 4 134 MOHAMED RIDHA BEN HAMMED étrangers (art. 3, a1. 3). Le code unique ne fait que reprendre la terminologie des anciens codes abrogés ainsi que celle récente de la loi du 3 août 1992 relative aux zones franches économiques. C'est le critère de non résidence qui est pris en compte et non celui de la nationalité pour l'octroi de certaines exonérations, en particulier celles relatives au régime du commerce extérieur et de change. Ensuite, "le code se caractérise par sa globalité : i1 régit tous les secteurs d'investissement et toutes les activités économiques à l'exception toutefois du secteur minier, financier et de l'énergie. Quatorze secteurs sont expressément régis par l'article 1 du code. Dans tous ces cas, l'objectif poursuivi par les pouvoirs publics est "l'accélération du rythme de la croissance et des créations d'emploi" (art. 1). Contrairement à l'ancienne législation, le code opte pour une acception très large de l'investissement encouragé. Ce ne sont pas seulement les activités productives ou de main-d'oeuvre qui méritent protection et encouragement. Ce sont aussi des investissements dans les grands services publics traditionnels tels que le transport, la santé, l'enseignement, la protection de l'environnement, l'infrastructure. Ces secteurs "intégreront l'activité économique concurrentielle et seront soumis à la loi du marché, à l'efficacité gestionnaire aux dépens du dogme du service public ou du contrôle par l'État des secteurs stratégiques" 6. En troisième lieu, le code considère comme investissement non seulement la création de nouvelles activités mais aussi le renouvellement, l'extension, le réaménagement ou la transformation d'investissements existants (art. 5). C'est le réinvestissement des bénéfices qui est directement encouragé dans la mesure où il est considéré comme nouvel investissement et bénéficie des incitations prévues au même titre que l'investissement initial. 2 - La simplification de la procédure d'admission de l'investissement L'une des principales innovations du code de 1993 est d'avoir unifié et simplifié la procédure relative à l'admission de l'investissement. Désormais, l'article 2 de ce code dispose que les investissements "sont 6 HORCHANI (F.), ouvr. cité p. 73. 135 135 RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE réalisés librement sous réserve de satisfaire aux conditions d'exercice de ces activités conformément à la réglementation en vigueur. / Les investissements projetés doivent toutefois faire l'objet d'une déclaration déposée auprès des services administratifs concernés par l'activité, lesquels services sont tenus de délivrer une attestation de dépôt de la déclaration" (article 2). En réalité, le régime de la déclaration existait dans les législation antérieures mais au profit de certains secteurs seulement. Le code de 1993 l'a donc étendu à tous les secteurs à l'exception de certains secteurs fixés limitativement par le code qui nécessitent un agrément préalable. Par rapport à ce dernier, le régime de la déclaration est plus favorable à l'investisseur. En effet, la déclaration ne peut être refusée que si le dossier présenté par l'investisseur est incomplet ou si une autre condition légale prévue par le code n'est pas remplie. L'administration n'est pas juge de l'opportunité de la décision dont la légalité est contrôlée par le juge de l'excès de pouvoir. 3 - Le caractère incitatif du code de l'investissement Le nouveau code se caractérise par son caractère fortement incitatif. Sa dénomination même en porte l'empreinte. Sur les soixante-sept articles constituant ce code, soixante sont réservés aux incitations, à leur étendue, aux conditions de leur octroi et du retrait éventuel. La Tunisie est considérée à cet égard comme l'un des pays les plus généreux en matière d'exonérations fiscales et douanières, d'avantages financiers et d'assistance aux investissements étrangers 7. Dans la mesure où il régit tous les secteurs concurrentiels en tenant compte en même temps de l'importance de certains d'entre eux pour l'économie du pays, le nouveau code opère une distinction entre les incitations communes à tous ces investissements et les incitations spécifiques à chaque catégorie d'investissement. a - les incitations communes 7 HORCHANI (F.), ouvr. cité, p. 76. 136 MOHAMED RIDHA BEN HAMMED Tous les investissements régis par le code bénéficient de trois types d'incitations. Les premières sont d'ordre fiscal. Une déduction de l'assiette imposable est accordée dans la limite de 35 %. Les secondes incitations sont de nature douanière. Les biens d'équipement importés n'ayant pas de similaires fabriqués localement bénéficient de la réduction des droits de douane aux taux de 10 % et de la suspension de la TVA. Les troisièmes incitations sont relatives au régime de l'amortissement. Le code autorise le calcul des amortissements selon le mode dégressif. b - Les incitations spécifiques sont le dégrèvement fiscal, les incitations douanières, les primes d'investissement et la participation de l'État aux dépenses d'infrastructures. À tout cela s'ajoutent les incitations accordées aux investissements dans les zones franches. -II La création de nouveaux instruments de mise en oeuvre d'une politique d'ouverture économique La mise en place de ces nouveaux instruments est destinée à conforter le dispositif déjà existant. Ce dispositif est appelé à évoluer et à s'adapter avec la nouvelle situation économique du pays. La Tunisie doit dans ce cadre se doter d'un certain nombre de nouveaux instruments et adopter une nouvelle approche. Ces instruments peuvent être classés en trois types : les instruments de dynamisation du système économique (A), les instruments de régulation du système économique (B) et les instruments de prévention des difficultés économiques de l'entreprise (C). A - Les instruments de dynamisation Une des premières initiatives du gouvernement dans ce cadre était "la dynamisation de l'économie". Cette dynamisation a porté sur les marchés et le commerce extérieur. 137 137 RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE 1 - La dynamisation des marchés Cette dynamisation a concerné le marché des biens et services, le marché des capitaux et le marché du travail. a - Pour ce qui est du marché des biens et services, la loi du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix a fait une référence expresse à la liberté des prix. L'article 2 de cette loi confirme que "les prix des biens produits et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence". Cette consécration expresse de la liberté des prix en Tunisie tranche nettement avec la situation antérieure et notamment avec la loi du 19 mai 1970 portant réglementation des prix. En effet, sous l'empire de l'ancienne loi, les prix des produits et services étaient fortement encadrés et soumis à des régimes plus ou moins contraignants. Désormais, la loi du 29 juillet 1991 a opéré un renversement de situation révélateur de la nouvelle option libérale. Jusqu'à la promulgation de ce texte, il n'existait en Tunisie ni un droit de la concurrence, ni une juridiction spécialisée en la matière. En plus, cette nouvelle législation constitue un véritable bouleversement de la logique qui prédominait jusque là en matière de prix. La législation précédente était conçue dans une logique d'encadrement et de contrôle des prix. À l'inverse, la nouvelle législation met en place un principe nouveau. Celui de la liberté avec deux champs d'application complémentaires et interdépendants : celui de la libre concurrence et celui de la liberté des prix. En outre, la libre concurrence retenue dans ce texte de 1991 comme principe, voit son champ particulièrement étendu puisqu'elle s'applique à tous les opérateurs qu'ils soient personnes morales de droit privé ou personnes publiques qui exerceraient des activités de production, de commercialisation ou de prestation de services. La proclamation du principe de la liberté de la concurrence et des prix est assortie d'un dispositif étoffé de règles permettant 138 MOHAMED RIDHA BEN HAMMED l'exercice de cette liberté sans discrimination dans la transparence et la loyauté 8. b - Le marché des capitaux a également été concerné par cette dynamisation. En effet, le ler mars 1994 a été la date officielle du démarrage du marché libre des changes en Tunisie. Auparavant, la Banque centrale de Tunisie régentait le marché des changes. Elle avait le monopole de la cotation des devises en dinars tunisien. Aujourd'hui avec la fin du monopole de la Banque centrale, les institutions bancaires sont libres de vendre et d'acheter les devise au cours du marché. Cette création du marché des changes a constitué un maillon de plus reliant les nombreuses initiatives de réglementation et d'ouverture sur l'extérieur. Parmi ces initiatives, nous signalons l'institution du marché monétaire en devise en 1989 et la convertibilité courante du dinar instituée par la loi du 3 mai 1993 portant amendement du code des changes et du commerce extérieur. L'institution de ce marché de change qui a été rendue possible par la politique de taux de change flexible menée depuis 1987, a permis un assouplissement important du système de paiement des opérations de change et de la détermination du taux de change en dinars. Parallèlement à la création de ce marché, un marché boursier a vu le jour par la loi du 14 novembre 1994 où l'offre et la demande s'exercent librement sous le contrôle du comité du marché financier. Le rôle de cette bourse des valeurs devrait se développer pour devenir un cadre privilégié de mobilisation de l'épargne et de financement de l'investissement. c - La dynamisation a été également introduite au niveau du marché du travail par l'introduction de la flexibilité de l'emploi et la possibilité pour les entreprises de procéder à des recrutements sur la Sur la liberté des prix en Tunisie, cf. CHIKHAOUI (L.), "La liberté du commerce et de l'industrie à travers la nouvelle réglementation de la concurrence et des prix en Tunisie", Actualités juridiques tunisiennes 1993 n° 7, p. 135. 8 139 139 RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE base d'un contrat à durée déterminée. En effet, l'article 23 de la loi du 3 août 1992 relative aux zones franches économiques dispose que "Les contrats de travail entre les salariés et les entreprises implantées dans une ZFE sont considérés comme des contrats de travail conclus pour une durée déterminée, quelle que soit leur forme, durée ou modalité de leur exécution". Il faut signaler à ce sujet, que le code du travail sera applicable dans les zones franches économiques, à cette nuance près, que quel que soit le contrat passé entre l'employé et l'employeur, ce contrat est à durée déterminée. D'ailleurs le code du travail rend possible notamment avec la promulgation de la loi du 15 juillet 1996, une grande flexibilité de l'emploi 9. À cette dynamisation des marchés, répond une dynamisation du commerce extérieur. 2 - La dynamisation du commerce extérieur Plusieurs mesures ont été adoptées pour dynamiser le commerce extérieur. a - Une libéralisation des importations à hauteur de 90 %. b - Un encouragement des exportations par le recours à trois mécanismes. Premier mécanisme : les produits de l'exportation sont escomptés avec un taux d'intérêt préférentiel. Deuxième mécanisme : la possiEn effet, selon l'article 6 nouveau de ce code, "Le contrat à durée déterminée doit correspondre à une tâche précise ne rentrant pas dans le cadre des emplois permanents liés à l'activité normale de l'entreprise. C'est ainsi que ce type de contrat peut être conclu dans les domaines suivants : - Accomplissement de travaux nécessités par un surcroît extraordinaire de travail, - Remplacement provisoire d'un travailleur permanent absent et dont le contrat de travail est suspendu, - Accomplissement de travaux urgents pour prévenir les accidents imminents, - Effectuer les opérations de sauvetage ou réparer la défectuosité dans ce matériel". 9 140 MOHAMED RIDHA BEN HAMMED bilité pour l'entreprise de garder pour elle une partie en devise des produits de son exportation qui peut atteindre 40 %. Elle peut utiliser les devises pour l'implantation commerciale à l'extérieur liée à son activité exportatrice. Troisième mécanisme : la possibilité pour l'entreprise de s'assurer contre les risques avec une compagnie d'assurance de son choix. c - L'une des principales mesure de dynamisation du commerce international est la promulgation de la loi du 7 mars 1994 fixant le régime applicable à l'extérieur, des activités de sociétés de commerce international 10. d - Le démantèlement progressif des droits de douane pour la période 1996-2007. Ce démantèlement tarifaire constitue l'une des dispositions fiscales prévues dans l'accord d'association de la Tunisie avec l'Union européenne. Désormais avec la dynamisation de l'économie, l'État et les acteurs économiques doivent se conformer à la disLes sociétés de commerce international sont en vertu de cette loi celles qui réalisent au moins cinquante pour cent de leurs ventes annuelles à partir des exportations de marchandises et de produits d'origine tunisienne. Cependant, le dit pourcentage peut être ramené à 30 % dans le cas où la société réalise un montant minimum de ses ventes annuelles à l'exportation à partir de marchandises et de produits d'origine tunisienne. Sont également sociétés de commerce international celles qui effectuent exclusivement des opérations d'importation et d'exportation de marchandises et de produits avec des entreprises totalement exportatrices, telles que définies dans le code d'incitation aux investissements de 1993. Ces sociétés peuvent exercer leurs activités en qualité de résidentes ou de non résidentes. Les sociétés résidentes sont au sens de la présente loi non résidentes lorsque leur capital social est détenu par des non résidents tunisiens ou étrangers au moyen d'une importation de devises égale à 66 % du capital. Les avantages prévus par le code d'incitation aux investissements pour les sociétés totalement exportatrices et les sociétés partiellement exportatrices sont applicables aux sociétés de commerce international lorsqu'elles s'engagent à réaliser au moins 80 % de leurs ventes à partir d'opérations d'exportation et lorsqu'elles se comportent en qualité de sociétés partiellement exportatrices lorsqu'elles se proposent de réaliser des opérations d'importation et d'exportation. 10 141 141 RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE cipline du marché qui réglemente aujourd'hui l'économie tunisienne. La législation tunisienne tend à rendre cette discipline du marché plus rigoureuse, plus transparente et plus en conformité avec les conditions du marché international. B - Les instruments de régulation L'État s'est toujours reconnu la mission de garantir l'ordre économique, composante parmi d'autres de l'ordre public placé sous sa sauvegarde. Pendant longtemps, la corruption de cet ordre demeura fondé sur le respect d'équilibres et de principes considérés comme immuables et sacro-saints. Mais, depuis quelques années, les États sont à la recherche d'un nouvel ordre économique moins formel et plus flexible. Les instruments de régulation qui ont vu le jour au cours des dix dernières années en Tunisie illustrent cette évolution. En effet, depuis l'adoption par les pouvoirs publics d'une politique d'ouverture économique, plusieurs instruments et mécanismes de régulation, fiables, crédibles et efficaces ont été mis à la disposition des agents économiques. Ainsi, avec le renforcement de l'option libérale, et pour assurer le fonctionnement correct et régulier du système économique, nous avions assisté à un réaménagement de la juridiction commerciale, au recours de plus en plus fréquent à l'arbitrage et à l'apparition économique d'une magistrature économique. 1 - Un réaménagement de la juridiction commerciale La loi du 2 mars 1995 modifiant et complétant l'article 40 du code de procédure civile et commerciale a prévu la possibilité de créer au sein du Tribunal de première instance des chambres commerciales avec une nouvelle composition et une nouvelle compétence. Deux commerçants choisis parmi la liste des commerçants proposés par l'organisme professionnel le plus représentatif, y sont nommés pour une période de trois ans par un arrêté du ministre de la Justice. Ces deux commerçants vont s'ajouter au président et aux deux assesseurs. Ils ont un avis consultatif. 142 MOHAMED RIDHA BEN HAMMED Les chambres commerciales ont pour particularité d'avoir vocation à concilier les parties et à rendre des jugements en équité. Les juges de la chambre commerciale jouissent des mêmes pouvoirs que leurs pairs mais en outre ils peuvent être érigés soit en conciliateurs soit en arbitres. 2 - Le recours à l'arbitrage Parmi les réformes novatrices en matière de régulation de l'activité économique, il y a eu promulgation par la loi du 26 avril 1993 d'un code de l'arbitrage. Aux termes de l'article 1 de ce code, "l'arbitrage est un procédé privé de règlement de certaines catégories de contestation par un tribunal arbitral auquel les parties confient la mission de les juger en vertu d'une convention d'arbitrage". Les parties conservent en vertu de ce code leur liberté, tant dans la composition du tribunal, que dans la procédure d'arbitrage, aussi bien au niveau du choix du droit applicable, que du lieu d'arbitrage, ainsi qu'au niveau de la fixation des pouvoirs de l'arbitre. Ce n'est que dans le silence des parties que l'arbitre est invité à appliquer le droit qu'il estime approprié. Cependant, cette liberté des parties doit se conjuguer avec la possibilité d'interférence du juge afin de débloquer la procédure arbitrale ou de sauvegarder les sentences arbitrales. Ainsi le juge peut intervenir pour assister les parties ou le tribunal arbitral, comme il peut intervenir pour décider des mesures conservatoires ou pour exercer un contrôle sur la sentence, au niveau de son exécution. Cette intervention du juge ne constitue pas une intervention dans les relations conventionnelles, touchant à la fois la composition du tribunal arbitral, la procédure suivie par lui et l'exécution de la sentence, mais plutôt une garantie de protection et d'aboutissement de l'ensemble du processus arbitral. Dans une optique libérale, le nouveau code tunisien de l'arbitrage a clairement consacré la capacité de compromettre de l'État, des établissements publics administratifs et des collectivités locales dans les litiges de nature internationale qui naissent dans le cadre des relations économiques commerciales et financières de la Tunisie avec l'étranger. 143 143 RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE L'adoption par la Tunisie d'une législation avant gardiste pour les investissements étrangers, aussi bien par la législation sur les zones franches économiques de 1992, que par le code d'incitation aux investissements de 1993 a permis d'accorder un intérêt constant aux mécanismes de règlement des conflits. En effet, le recours à l'arbitrage comme mode privilégié de résolution des différends est considéré comme étant un des éléments de l'environnement libéral nouveau dans lequel est appelé à opérer l'investissement. Deux possibilités sont alors offertes en matière de litiges relatifs aux investissements et au commerce international : d'une part l'arbitrage prévu par les traités et les conventions internationaux auxquels la Tunisie est partie, d'autre part l'arbitrage ad hoc ou institutionnel. Pour la première hypothèse, la Tunisie a conclu plus de vingt-cinq traités bilatéraux (BIT) avec la plupart des pays occidentaux traditionnellement exportateurs de capitaux vers la Tunisie. Ces conventions constituent une garantie supplémentaire pour l'investisseur. Dans le libellé même des dispositions relatives à l'arbitrage, il est assez souvent prévu que, "Si le différend n'a pu être réglé à l'amiable dans un certain délai (généralement six mois), il est soumis à la demande de l'investisseur, soit aux juridictions nationales de l'État partie au différend, soit à l'arbitrage international". Ces différentes conventions offrent même à l'investisseur de choisir, en cas de recours à l'arbitrage entre le CIRDI (le centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements) institué par la convention de Washington du 18 mars 1965 et ratifiée par la Tunisie le 3 mars 1966, et un arbitrage ad hoc. Les conditions de mise en oeuvre de cet arbitrage ad hoc sont précisées par la clause compromissoire ou par le compromis d'arbitrage ou à défaut par le code tunisien de l'arbitrage. L'une des questions fondamentales que doit trancher l'arbitre ad hoc est celle du droit applicable au litige. La solution est donnée par l'article 73 du code de l'arbitrage qui a établi un système dans lequel la liberté des parties est quasi totale, en matière de choix du droit applicable, avec la possibilité pour les parties de demander au tribunal arbitral de statuer en équité. Dans le silence des parties, le tribunal arbitral peut appliquer les usages de commerce qui s'imposent 144 MOHAMED RIDHA BEN HAMMED à lui dans tous les cas et, d'une façon plus générale, la loi qu'il estime appropriée, c'est-à-dire la loi ayant le lien le plus étroit avec le litige ou dont les dispositions conviennent le mieux aux caractéristiques du contrat. Ainsi on peut affirmer que le code tunisien de l'arbitrage consacre les dispositions de la loi type de la CNUDCI sur l'arbitrage commercial telle qu'adoptée par la commission des Nations unies pour le droit commercial international le 21 juin 1985. "Dans cette vision, le code constitue un atout supplémentaire qui vient renforcer la volonté d'offrir à l'investisseur le maximum de garantie et de liberté" 11 . D'ailleurs, le climat favorable à l'investissement extérieur, et la consécration des dispositions de la loi type (CNUDSI 1985) par le code de l'arbitrage de 1993 militent en faveur de l'émergence en Tunisie d'une place d'arbitrage international. 3 - L'apparition de la magistrature économique Un autre aspect de ces réformes réside dans la création d'autorités administratives autonomes qui vont exercer une véritable "magistrature économique". Il s'agit de nouvelles institutions destinées à exercer une fonction de régulation en encadrant le développement d'un secteur de la vie sociale et en s'efforçant d'assurer le respect de certains équilibres. Elles disposent à cet effet d'un certain nombre de prérogatives leur permettant d'exercer leurs fonctions de régulation d'une façon mieux adaptée à la réalité mouvante du secteur économique, que les contrôles administratifs et juridictionnels. Trois principales structures fonctionnent actuellement avec succès en Tunisie et bénéficient d'un accueil favorable : le "Conseil de la concurrence" qui succède depuis le 24 avril 1995 à la "Commission de Sur l'arbitrage cf. HACHEM (M.L.), Les principe directeurs de l'arbitrage, colloque arbitrage international judiciaire 1993, Centre d'études judiciaires 1993. Cf. également de HACHEM (M.L.), "L'arbitrage international dans le nouveau code de l'arbitrage", RTD 1993 p. 33. Cf. aussi MEZIOU (K.) et MEZGHANI (A.), "Le code tunisien de l'arbitrage", Rev. arb. 1993 n° 4 p. 521. Cf. enfin HORCHANI (F.), "La place de l'arbitrage dans le règlement des litiges économiques internationaux en Tunisie", Actualités juridiques tunisiennes 1995 n° 9 p. l43. 11 145 145 RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE la concurrence" créée par la loi du 24 avril l991, la commission des banques créée par la loi du 7 février 1994, enfin le "Conseil du marché financier" créée par la loi du 14 novembre 1994 portant réorganisation du marché financier. Ces autorités disposent pour remplir la fonction qui leur est assignée, d'un certain nombre de prérogatives dont notamment un pouvoir de décision juridictionnelle soumis à un contrôle de la haute juridiction administrative. La composition plurielle (magistrats mais aussi représentants de la profession) de ces autorités garantit leur indépendance et leur objectivité. La procédure suivie devant ces institutions est contradictoire, garantissant les droits de la défense. Leur saisine est ouverte à toutes les parties de la vie économique concernées : entreprises, organisations professionnelles et syndicats, Chambre de commerce, d'agriculture et d'industrie... Au total, ces autorités veillent à imposer certaines règles et à aplanir les conflits nés de la pratique. Ces autorités qui ont réussi à s'insérer dans l'ensemble administratif tunisien, apparaissent comme des arbitres chargés de concilier et d'harmoniser les divers intérêts en présence 12. C - Les instruments de prévention Plusieurs instruments ont été mis en place au cours de la dernière décennie en matière de droit commercial. Ce droit a, en effet, connu en peu de temps, plusieurs modifications. Ainsi, le législateur s'est intéressé au droit des sociétés en élaborant un cadre juridique pour les sociétés de commerce international. Il s'est également préoccupé du redressement des entreprises en difficultés économiques par la promulgation de la loi du 17 avril 1995. Cette nouvelle législation a opéré une rupture complète avec la faillite. Elle a introduit diverses techniques inspirées du droit français, allemand et américain destinées à confier à la justice une mission de Sur la magistrature économique cf. MORAND-DEVILLER (J.), "Le conseil de la concurrence en France", Actualités juridiques tunisiennes 1993 n° 7 p. 51 ; Guiga (Jouida), "Commission de la concurrence", Actualités juridiques tunisiennes n° 7 p. 29. 12 146 MOHAMED RIDHA BEN HAMMED "traitement" (préventif ou curatif) de la situation des entreprises en difficultés. Ce régime comprend la notification des signes précurseurs des difficultés (art. 4 à 8 de la loi), le règlement amiable (art. 9 à 17) et le règlement judiciaire (art. 18). Ainsi, le législateur a mis en place une nouvelle vision consistant à prévenir les difficultés pour pouvoir les traiter au bon moment et dans les meilleures conditions. Désormais les mesures préventives ont pour objectif de combattre les défaillances de l'entreprise. Dans cette optique, la notification des signes précurseurs des difficultés économiques permet à l'entreprise de procéder à une analyse des actes qui peuvent menacer la poursuite de son activité afin de leur apporter les remèdes à temps. En effet, l'intervention de la commission du suivi des entreprises économiques, de certains organismes publics et du président du Tribunal de première instance, peut sauver à temps l'entreprise. Jusqu'à une époque récente (1995), les tribunaux étaient essentiellement chargés d'assurer d'abord la liquidation des entreprises défaillantes et le paiement possible de leurs créanciers ou dans quelques cas peu nombreux d'avaliser un accord conclu entre l'entreprise et ses créanciers en vue d'une ultime tentative de sauvegarde. Mais ce système conduit le plus souvent, les entreprises en difficultés à la disparition. Ainsi, l'analyse de la situation des entreprises en difficultés économiques conduit à prendre en considération les intérêts des salariés, moins pour les payer que pour éviter leur mise en chômage, enfin les intérêts de l'entreprise, qui doit, en dépit de ses difficultés, demeurer une organisation conservant un potentiel de productivité. Il est de l'intérêt de tous de sauvegarder cette entreprise qui constitue désormais "un pôle de production, de création de travail, une source d'impôt et par conséquent, une cellule du tissu économique dont la survie est d'intérêt général et relève de l'ordre économique" 13. Liée à la prise de conscience du rôle fondamental de l'entreprise dans les économies modernes, cette analyse des différents intérêts à prendre en compte dans l'organisation des procédures de traitement de la situation de l'entreprise en difficulté s'est PERCEROU (R.), "Le dépôt de bilan outil de gestion", Actualités juridiques tunisiennes n° 10 1996 p. 73 et s. 13 147 147 RENOVATION DES INSTITUTIONS ECONOMIQUES EN TUNISIE accompagnée d'une réflexion sur les problèmes de hiérarchisation de ces intérêts face au fléau économique de plus en plus préoccupant que constituent les défaillances d'entreprises. Cette réflexion a conduit le législateur tunisien à dégager trois types d'objectifs fondamentaux que les dispositifs doivent permettre d'atteindre simultanément, en satisfaisant chacun d'entre eux, le mieux ou le moins mal possible, par la recherche d'une solution globalement optimisée 14. Il s'agit, comme l'énonce la loi du 17 avril l995 de sauvegarder l'outil entreprise et l'emploi, de maintenir le tissu économique dont l'entreprise est une composante et de protéger les intérêts des créanciers. * ** Aux termes de cet exposé, il s'avère que les étapes franchies sur la voie de la rénovation des institutions économiques sont importantes. Cette rénovation a conduit l'économie tunisienne "à une situation nouvelle avec une plus grande diversification et une capacité de réaction plus vive aux variations internationales" 15. Les phénomènes les plus caractéristiques de cette rénovation sont la convertibilité courante du dinar et la présence de la Tunisie sur les marchés financiers mondiaux et la diversification des sources de financement de l'économie tunisienne. Simultanément à cette politique de la recherche de l'efficacité et du développement économique, d'importantes mesures sociales ont été adoptées en vue de répartir les fruits de la croissance entre les différentes régions du pays et les différentes catégories sociales. L'ambition recherchée est de réussir un ajustement qui tient compte d'une certaine équité sociale. Le défi à relever à l'aube du XIXème siècle est l'amélioration continue du cadre juridique et le renforcement de la capacité d'adaptation de l'économie Idem. Sur les redressements des entreprises en difficultés, cf. également, ARRAID (H.), "La loi du 17 avril 1975 : est-elle la loi des incohérences ?", Actualités juridiques tunisiennes, 1996 p. 95. 15 En effet, de 1987 à 1997, le taux de croissance du PIB a atteint une moyenne de 4,5 % par an" (Statistiques financières de la Banque centrale). 14 148 MOHAMED RIDHA BEN HAMMED tunisienne en vue d'une meilleure insertion dans l'économie mondiale. Chapitre 4 LA CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC Jean-Pierre Théron, professeur La notion de service public se situe au cœur des débats suscités par la politique de l'État à l'égard des secteurs publics et privés notamment en France. C'est en effet par le biais de la notion même de service public que le rôle des personnes publiques s'est longtemps défini. C'est aussi par le biais de la notion de service public que les règles du jeu des relations entre secteur public et secteur privé ont été longtemps fixées. Les services publics industriels et commerciaux ont constitué un instrument essentiel de la politique économique de l'État. De manière paradoxale, le service public est, aux termes d'une construction jurisprudentielle et doctrinale, longtemps apparu comme une notion essentiellement juridique dont les évolutions parfois heurtées ne soulevaient d'intérêt que chez les juristes. Le service public apparaissait alors comme une notion quasiment "naturelle" fondant l'action de l'État et la délimitant, même si ses frontières évoluaient au gré des nécessités économiques. L'expression parfois utilisée de "service public à la française", relativement récente, est révélatrice d'une double réalité. Le service public, loin d'être essentiellement une notion juridique, voire contentieuse, est l'expression de choix fondamentalement politiques. Le service public "à la française" n'est rien d'autre que la traduction d'une certaine idée du rôle de l'État libéral-interventionniste 150 JEAN-PIERRE THERON en ce qu'il permet à la puissance publique de jouer un rôle déterminant non seulement pour prendre en charge des activités administratives mais aussi dans le domaine économique. C'est ce rôle même qui paraît être remis en cause du fait de l'intégration européenne, et par voie de conséquence le service public semble devoir être redéfini. Le modèle français de service public n'est qu'une option possible, parmi d'autres, dans le cadre d'une économie de marché. La difficulté apparaît alors de déterminer ce qui, dans le service public, constitue le "noyau dur", l'essence même de la notion qui ne saurait être remise en cause au risque d'une totale dénaturation, de ce qui ne constitue qu'une forme passagère et fluctuante, susceptible d'infléchissements en fonction des évolutions économiques et politiques nationales et internationales. En d'autres termes, le service public a permis à l'État de jouer un rôle conciliant libéralisme et interventionnisme. La question est de savoir si la globalisation de l'économie, la substitution du référentiel du marché à celui de l'État induit une remise en cause radicale ou une évolution respectueuse des données fondamentales du service public. Nous ne saurions avoir la prétention d'apporter ici des réponses tranchées 16. Tout au plus pourra-t-on essayer de situer les évolutions possibles du rôle de l'État et, par voie de conséquence, d'examiner la validité actuelle du modèle français du service public. Encore convient-il de rappeler les bases mêmes de la notion classique qui a fondé l'idéologie du service public (I) avant d'en étudier les évolutions (II) permettant de comprendre la situation actuelle. -ILa notion classique de service public Elle fut élaborée dans une double perspective. Il s'agissait en effet tout à la fois de légitimer les prérogatives de l'administration et de La question est trop vaste pour qu'il puisse être envisagé de donner ici une bibliographie. On se bornera donc à renvoyer aux ouvrages français usuels consacrés au droit administratif et au droit économique. 16 151 151 CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC tracer une frontière nette entre les missions de l'administration et les activités privées et plus précisément de déterminer un critère de compétence du juge administratif. C'est dire que le service public était censé répondre tout à la fois à des interrogations fondamentalement politiques et contentieuses tant au niveau de la construction de la notion que de ses éléments constitutifs. A - La construction de la notion La notion de service public résulte d'une double conjonction. Celle de théoriciens soucieux de trouver un fondement aux prérogatives de l'État, celle des juristes cherchant à déterminer des critères clairs de compétence de la juridiction administrative. 1 - Même si elle n'en est qu'un aspect relativement mineur, l'apparition de la notion de service public peut être situé dans le débat, fondamental de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, relatif aux fondements des prérogatives de l'État et à leurs limites. Les auteurs ont cherché à situer précisément le rôle des personnes publiques à travers diverses théories dont celle de Duguit, sans doute la plus révélatrice de la dimension politique du service public. Les théories de l'État légal et de l'État de droit se sont développées dans un contexte politique bien précis. Le système républicain s'implante en France durablement. Une certaine interprétation de la déclaration des droits de l'homme de 1789 fait de la loi l'instrument de garantie des droits de l'homme et libertés publiques. Or les Parlements, tout puissants, présentent un danger pour les droits des citoyens. Il convenait donc de trouver un système théorique permettant tout à la fois de limiter l'action de l'État, pour assurer la protection des droits individuels, et de fonder de manière positive son action. C'est la théorie de Duguit qui fonde véritablement l'idée de service public qui devait par la suite faire l'objet de nombreuses interprétations. L'auteur se réclame du positivisme sociologique. Il estime que la règle de droit a sa source dans la réalité sociale. Elle émane de la société et permet d'assurer la solidarité sociale. Celle-ci est un be- 152 JEAN-PIERRE THERON soin qui se constate objectivement dans la société. C'est la constatation qu'une règle est nécessaire et que sa violation doit être sanctionnée qui fait la règle de droit. C'est dans cette logique que se développe l'idée de service public. Les gouvernants sont contraints par la solidarité sociale et cela doublement. Ils doivent la respecter mais ils doivent aussi l'assurer par des prestations positives. C'est la naissance de l'école du service public qui jouera un rôle essentiel dans la doctrine française. Les services publics sont l'instrument de la solidarité. Le service public est, à l'époque apparu comme une notion très novatrice. Il était l'instrument par lequel l'État peut agir sur la société civile. Loin d'être l'expression d'un ordre naturel des choses, il est le moyen par lequel la sphère publique rencontre la sphère privée. La solidarité sociale, réalité positivement constatée dans toute société ne peut se déployer que par le biais du service public. Cette doctrine devait marquer tout le droit public français. Même s'il s'agit d'un phénomène fréquemment oublié, l'idée à la base de la notion est celle d'un État qui fournit des prestations. Toute la difficulté sera de concilier cette idée avec les principes libéraux. 2 - La question se posait en effet de la répartition des compétences entre juridiction administrative et juridiction judiciaire. Là non plus, le problème n'était pas uniquement juridique. L'intervention d'une juridiction particulière, la juridiction administrative, pour juger des affaires de l'administration, a pu être considérée comme un privilège de l'administration. La logique libérale voulait en effet que lorsque l'administration agit dans les mêmes conditions que les particuliers, ne faisant usage d'aucune prérogative spécifique, ou ne poursuivant pas un intérêt propre, elle soit soumise aux juridictions de droit commun. Le service public est alors apparu comme un critère idéal. C'est à partir de 1873 que la jurisprudence, ou plutôt l'interprétation qu'en a donnée la doctrine, a mis en avant le service public, qui non seulement a été utilisé comme moyen de légitimation de l'action publique, mais comme critère de la compétence contentieuse. La dimension contentieuse du service public prend alors une importance considérable. Le service public, pierre angulaire du droit 153 153 CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC public, non seulement fournit une explication satisfaisante du rôle de l'État mais permet de résoudre les difficultés soulevées par le dualisme des règles juridiques. Dès lors qu'une activité est identifiée comme service public, s'applique le droit public. Au-delà de cet automatisme apparent, la notion de service public permet de justifier le particularisme des règles applicables. C'est-à-dire que le service public implique non seulement un juge particulier, mais que selon la formule d'un arrêt célèbre, l'administration obéit à des règles propres, variables, comme l'est l'intérêt général. Dans cette conception, il y a une coïncidence idéale, trop idéale sans doute, entre la justification politique que fournit le service public aux prérogatives de l'administration et le critère contentieux qui paraît déclencher de manière automatique un régime juridique particulier. B - Éléments constitutifs La doctrine juridique définit alors très précisément le contenu de la notion de service public qui fait nettement apparaître une coïncidence "idéale" entre la fonction politique et la fonction juridique. Plus précisément, le service public, dans la conception classique obéit à trois critères cumulatifs. 1 - Le critère fonctionnel fonde le service public. C'est-à-dire qu'il poursuit une mission d'intérêt général distincte des intérêts privés. C'est là le reflet de la conception libérale aux termes de laquelle il convient de dissocier d'une part les missions de l'État, dûment répertoriées, d'autre part, et de manière bien distincte, les activités privées qui doivent être respectées et protégées. Il existe ainsi, dans cette conception, des activités par nature publique. Ce sont les missions de souveraineté, c'est-à-dire des missions qui ne peuvent être poursuivies que par l'État, garant de l'intérêt général. Parallèlement, il existe des activités par nature privée réservées aux particuliers. C'est le cas notamment des activités économiques. La conception libérale prône une liberté du commerce et de l'industrie qui exclut la gestion des affaires économiques par les personnes publiques. Le service public traduit donc la nature publique d'une activité. On observera 154 JEAN-PIERRE THERON que même dans la conception d'origine, la notion très libérale du service public paraît exclure la gestion d'activités industrielles et commerciales par les personnes publiques mais n'écarte pas a priori des mesures prises pour réglementer l'économie dans un intérêt général. 2 - Le critère organique prolonge le précédent. Dans la même logique libérale, seules les personnes publiques peuvent poursuivre une mission d'intérêt général. Le service public est donc une mission d'intérêt général poursuivi par une personne publique. Ce critère organique est d'autant plus important qu'il paraît facile à mettre en œuvre. À l'époque en effet, il est aisé de distinguer les personnes publiques des personnes privées. La logique veut donc que toute mission de service public soit poursuivie par une personne publique, et qu'à l'inverse toute personne publique ne puisse poursuivre qu'une mission de service public. La présence de l'une suppose celle de l'autre. 3 - Le troisième critère est celui du caractère exorbitant du droit commun des règles applicables. Parce qu'elle poursuit une mission d'intérêt général, la puissance publique dispose de moyens différents de ceux des particuliers, un droit spécifique, le droit administratif. Aussi bien, le service public, tel qu'il a été élaboré au début du siècle par la doctrine française, remplit-il cette double fonction : - Une fonction explicative du pouvoir d'État. Celui-ci poursuit la défense du bien commun qui s'exprime par le développement des services publics. Pour être, on l'a rappelé, fondamentalement libérale, cette idée n'en révèle pas moins une certaine conception du rôle de l'État. Potentiellement, la doctrine du service public conduit à la conception d'un État interventionniste qui ne doit pas seulement faire respecter la règle du jeu telle que fixée par la loi et s'abstenir d'intervenir dans le domaine réservé aux particuliers. Il doit aussi mettre 155 155 CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC en place des structures de prestations au service des particuliers, même si, à l'origine ces prestations sont perçues comme devant être administratives et non économiques. - Une fonction de délimitation de la répartition des compétences entre juridictions administratives et judiciaires, c'est-à-dire une fonction contentieuse. L'une des difficultés engendrées par la notion de service public tient d'ailleurs sans doute à cette coïncidence voulue par la doctrine entre fonction juridique et fonction politique qui devaient se dissocier. On notera enfin que cette conception "classique" du service public ne représente qu'une part de la conception française qui devait considérablement s'enrichir. - II L'évolution de la notion Classiquement définie, la notion de service public était d'une cohérence parfaite. Or, en raison des évolutions économiques et sociales, les éléments constitutifs de la notion se sont progressivement dissociés, suscitant une "crise" de la notion. Celle-ci toutefois conserve une certaine homogénéité. Il s'agit en effet d'une notion suffisamment souple pour s'adapter aux évolutions des États contemporains. Surtout, et de manière apparemment paradoxale, l'évolution a permis à l'État d'utiliser le service public pour jouer un rôle déterminant dans le domaine économique. Il reste que se trouve maintenant posée la question de l'avenir de la conception française du service public compte tenu de l'intégration européenne. A - La remise en cause de la définition classique La doctrine, en France, a souvent souligné le phénomène de "crise" de la notion de service public. La remise en cause de certains éléments constitutifs de la notion a fait perdre en effet à la notion une part de sa cohérence formelle. Cette constatation ne doit cependant pas faire 156 JEAN-PIERRE THERON perdre de vue l'homogénéité d'une notion permettant la conciliation entre libéralisme et interventionnisme. Il convient surtout de souligner que de très nombreux services publics répondent toujours à la définition classique. Même si elle n'est pas limitée à un champ d'activités précis, l'évolution que l'on va décrire affecte de manière privilégiée les activités industrielles et commerciales 1 - L'éclatement apparent de la notion La remise en cause de la définition classique du service public coïncide précisément avec l'évolution des modalités de l'interventionnisme et de l'interventionnisme économique en particulier. Cette évolution a été marquée par quelques décisions jurisprudentielles essentielles. Pour suivre un ordre chronologique, la première étape a été révélée par l'arrêt du Tribunal des conflits de 1921, Sté commerciale de l'Ouest africain. La question était posée du droit applicable à une activité gérée par une personne publique, la colonie de la Côte d'Ivoire. La présence de cette personne publique laissait supposer une application du droit public, mais l'activité gérée, celle de transport, était commerciale et semblait donc impliquer la mise en œuvre de règles de droit privé. Cet arrêt reconnaît une nouvelle catégorie de services publics, les services publics industriels et commerciaux. Le commissaire du gouvernement dans cet arrêt justifie cette évolution : "Certains services sont de la nature, de l'essence même de l'État ou de l'administration publique. D'autres services au contraire sont de nature privée et, s'ils sont entrepris par l'État, ce n'est qu'occasionnellement, accidentellement, parce que nul particulier ne s'en est chargé et qu'il importe de les assurer dans un intérêt général". Ce sont les services industriels et commerciaux qui, pour être publics et gérés par des personnes publiques, n'en sont pas moins soumis largement au droit privé. Cette décision a une très grande portée, au-delà de problèmes spécifiquement juridiques. L'État libéral, lorsqu'il sort de "son" domaine, lorsqu'il exerce une activité normalement réservée aux particuliers, se voit soumis au droit commun. Il perd en quelque sorte le privilège du 157 157 CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC droit public. On observera que cette décision, parfaitement conforme à l'idéologie libérale, cache aussi une autre réalité. En permettant aux personnes publiques d'exercer des activités dans le cadre du droit privé, le Conseil d'État a favorisé considérablement l'interventionnisme public. Ce cadre juridique en effet offre beaucoup plus de souplesse et de facilités que le droit public pour affronter les lois du marché. Le recours au droit privé a ainsi permis à nombre d'entreprises publiques gérant un service public industriel et commercial de jouer un rôle économique déterminant. Une deuxième étape a été franchie en 1935-1938, marquée notamment par l'arrêt du 13 mai 1938, Caisse primaire aide et protection. Cette décision traduit une nouvelle remise en cause de la notion de service public : il est en effet admis qu'une personne privée puisse gérer un service public non pas dans le cadre déjà ancien du contrat de concession, mais en vertu de dispositions législatives et réglementaires. Cette étape fut aussi essentielle pour le développement de l'interventionnisme économique. Fréquemment en effet dans les régimes à économie de marché, les activités rentables ou susceptibles de l'être et considérées comme d'intérêt général, sont prises en charge par des personnes privées. Toujours est-il que cette double évolution a jeté le trouble dans la doctrine. Le service public en effet perd deux de ses caractéristiques fondamentales : il n'est plus forcément géré par une personne publique, il n'est pas forcément soumis à un régime de droit public. Ne subsiste alors qu'une caractéristique permanente : la mission d'intérêt général qui est la notion juridiquement la plus floue car fondamentalement politique. D'où l'expression de "crise" de la notion de service public. 2 - La permanence de caractères fondamentaux En réalité, ces évolutions n'ont pas réellement remises en cause l'idée de service public "à la française". Elles traduisent d'abord la réalité de l'interventionnisme libéral, elles sont une manifestation de la politique économique de l'État, et ont permis la conciliation de principes en apparence contradictoires. 158 JEAN-PIERRE THERON C'est bien en effet parce que les services publics ont évolué vers une certaine privatisation des organes gestionnaires et du droit applicable qu'ils ont pu jouer un rôle essentiel dans le domaine économique. Il est évident que le système libéral ne pouvait que rejeter l'idée d'une exclusion des personnes privées dans certains secteurs de l'économie. Le service public industriel et commercial justifie l'intervention publique dans des domaines où l'initiative privée est défaillante. Il est évident aussi que dans les économies libérales modernes, les personnes privées doivent être associées aux interventions publiques, ce que permet la gestion d'un service public industriel et commercial par une personne privée. En outre, la notion conserve toujours sur le plan juridique, une certaine cohérence. En effet, on trouve toujours, même si c'est à des degrés variables, les caractéristiques fondamentales de la notion classique. Tout service public, fût-il industriel et commercial, reste soumis à un minimum de règles de droit public. Ainsi en est-il par exemple des règles générales concernant le fonctionnement du service qui ont le caractère d'actes réglementaires. De même, la présence d'une personne publique caractérise toujours les services publics, même si elle se réalise de manière indirecte. Quel que soit en effet le mode de gestion, l'activité de service public se réalise sous le contrôle de la personne publique responsable. Ainsi le service public dans la conception française présente-t-il des caractéristiques variables mais cohérentes. Il est une activité d'intérêt général gérée par une personne publique ou sous son contrôle et utilisant à des degrés divers des procédés exorbitants du droit commun. B - Service public "à la française" et intégration européenne Parce qu'il traduit une certaine conception du rôle de l'État, le service public est au cœur des débats suscités par l'intégration européenne. Par rapport aux question qui nous réunissent aujourd'hui, la question peut même être posée de manière plus claire. Le rôle de 159 159 CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC l'État que traduit le service public à la française est-il remis en cause ? Cette idée fondatrice qu'en régime d'économie de marché le service public a un rôle essentiel à jouer, a-t-elle un avenir ? Le Conseil d'État français dans un important rapport de 1994 procède à l'affirmation suivante : "L'avenir de la notion de service public est, si l'on n'y prend garde, compté, à moins que ne soit portée au niveau européen [...] la revendication que soit pris en compte un concept propre à fonder, au-delà de la singularité française, une singularité européenne". 1 - Des remises en cause potentielles S'il ne fait guère de doutes que le service public est remis en cause par la politique communautaire, encore convient-il d'en préciser la portée exacte. Sous l'influence communautaire, la logique du profit, liée à l'intérêt économique pénètre la finalité d'intérêt général, fondement même du service public à la française. En d'autres termes, la référence aux lois du marché s'impose. Si la politique européenne remet en cause, au moins partiellement la notion de service public c'est parce qu'elle remet en cause le rôle de l'État. Se répand alors largement l'idée selon laquelle l'augmentation de la productivité est seule source de création d'emplois. Plus généralement la productivité devient un impératif pour les services publics. Les fins du service public doivent s'adapter aux moyens et non l'inverse. Aussi bien la notion de service public, si profondément ancrée en France, à la différence des pays de la Communauté, se trouve remise en cause dans ce qu'elle a de plus mythique, ce qui met en évidence son rôle politique. En d'autres termes, cette idée, si importante, selon laquelle les excès du libéralisme "pur et dur", les abus de la logique du marché pouvaient être tempérés par la mise en place de services publics accompagnant les évolutions économiques paraît faire l'objet d'une remise en cause. Celle-ci concerne logiquement les services publics se situant dans le secteur concurrentiel, essentiellement ceux constitués sous forme de monopoles d'État (transport, télécommunication, énergie) et non ceux concernant les fonctions "régaliennes" ou administratives comme la justice, l'éducation. 160 JEAN-PIERRE THERON 2 - Un service public à l'européenne ? Est-ce à dire pour autant que le service public, au sens où il est entendu en France d'instrument de la politique économique et sociale est condamné à disparaître ? On observera d'abord que les évolutions de la notion suivent étroitement les choix politiques eux-mêmes conditionnés par les nécessités économiques. Il n'y a donc aucune évolution obligée du service public. Surtout, la France a joué un rôle déterminant pour influencer l'évolution du droit européen en matière de service public, illustré par une proposition de charte européenne des services publics en 1993. On ne peut s'empêcher de penser que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes est influencée par la conception française. Ainsi, certains arrêts (Corbeau 1993 et Cnne d'Almelo 1994) admettent des exceptions à la règle de la concurrence pour les entreprises chargées d'une mission d'intérêt général. Au-delà de ces exemples ponctuels, se dégagera peut-être une pratique du service public plus généreuse que celle consacré par le service universel, notion actuellement utilisée comme compromis des conceptions françaises et des autres pays européens. En tout cas, la conception française du service public, si elle renvoie à une conception précise du rôle de l'État, est suffisamment souple dans ses manifestations pour s'adapter à des données politiques nouvelles. QUATRIEME PARTIE RESTRUCTURATION DE L'ENTREPRISE PUBLIQUE ET MODELE DE L'ENTREPRISE PRIVEE Chapitre 1 ACTIONNARISATION DES ENTREPRISES ÉTATIQUES AU VIET NAM docteur Le Danh Ton -IOptions et politiques du Parti et du gouvernement sur l’actionnarisation des entreprises étatiques Le renouveau des entreprises étatiques est considéré comme un des sujets centraux du renouveau économique au Viet Nam. Ce renouveau est subordonné à la réalisation de cinq objectifs : classification des entreprises étatiques, renforcement et perfectionnement de l’organisation des grandes entreprises d’État, assainissement de leurs finances, actionnarisation des entreprises étatiques et diversification dans la répartition de la propriété, enfin rénovation des technologies et perfectionnement des modes de gestion pour élever leur capacité concurrentielle dans le cadre de l’intégration internationale. L’option en faveur de l’actionnarisation d’une partie des entreprises étatiques est abordée pour la première fois dans la résolution du IIe plénum du comité central du Parti communiste vietnamien (VIIe session, novembre 1991) : l'objectif est de "reconvertir certaines entreprises disposant de conditions favorables, en sociétés par actions et créer de nouvelles entreprises étatiques par actions, politique à conduire à titre expérimental en gardant un contrôle étroit de l’opération et en tirant les leçons de ces expériences avant d’élargir leur mise en œuvre". 164 LE DANH TON La résolution du congrès des délégués au cours de la VIIe session (janvier 1994) souhaite "attirer davantage d’investissements, créer un dynamisme, limiter les aspects négatifs, encourager les entreprises étatiques à fonctionner avec efficacité, réaliser des modes d’actionnarisation adaptés aux caractéristiques et aux divers domaines de la production et du commerce, parmi lesquels l’État réalise une forte proportion des actions dominantes". La résolution du bureau politique sur la continuation du renouveau par l’encouragement du rôle directeur des entreprises étatiques (n° 10 – NQTW, le 17 mars 1995) a préconisé de "mettre en œuvre la vente d’une certaine proportion des actions aux sociétés et aux particuliers qui ne font pas partie de ces entreprises". La résolution du Congrès national des délégués (juillet 1996) a confirmé la mise en oeuvre du processus d’actionnarisation des entreprises étatiques. Pour appliquer ces résolutions émanant du Parti, le gouvernement a promulgué plusieurs textes destinés à développer l’actionnarisation des entreprises étatiques. Un arrêt n° 202/CT du 8 juin 1992 du président de Conseil des ministres (actuellement, le Premier ministre) prévoit la transformation à titre expérimental de certaines entreprises étatiques en sociétés par actions. La décision n° 84/TTg du 4 mars 1993 du Premier ministre organise la mise en place de l’actionnarisation des entreprises étatiques à titre expérimental et les modalités de diversification des formes de propriété en ce qui concerne ces entreprises étatiques. Un arrêté n° 28/CP du 7 mai 1996 du gouvernement sur la reconversion de certaines entreprises étatiques en sociétés par actions prévoit de lancer un programme d’actionnarisation élargi. Enfin, un arrêté n° 25/CP du 26 mars 1997 du gouvernement modifie quelques articles de l’arrêté n° 28/CP tandis qu’un arrêté n° 44-1998/NDCP du 29 juin 1998 du gouvernement précise les conditions de reconversion des entreprises étatiques en sociétés par actions. - II Essence, but, modalités et objets de l’actionnarisation La dissolution, le regroupement ou la création de grands groupes nécessaires à la restructuration du secteur économique de l’État pas- 165 165 ACTIONNARISATION DES ENTREPRISES AU VIET NAM sent par la réduction du nombre des entreprises étatiques, mais un problème de grande importance –la propriété– n’est pas encore réglé. L’actionnarisation tend à résoudre ce problème. Dans le cadre du processus de passage d’une planification centralisée à une économie fondée sur les lois du marché, la diversification des formes de propriété paraît inévitable et doit être généralisée. Les réalisations du "doi moi" (renouveau) permettent de prendre conscience qu’à côté de la propriété étatique, d’autres formes de propriété, favorisées par une bonne situation financière, peuvent jouer un rôle actif dans la vie politique et économique. En même temps, la diversification des formes de propriété facilite la réalisation des nouveaux objectifs économiques, améliore l’autonomie financière des entreprises et leur marge de maneuvre dans le domaine des affaires, enfin renforce l’esprit de responsabilité et d’initiative tant chez les dirigeants que pour l’ensemble des salariés de l’entreprise. Dans les sociétés par actions, outre les actions de l’État, les biens des entreprises étatiques sont revendus à des acquéreurs divers, tels des sociétés socio-économiques et des particuliers faisant ou non partie des entreprises étatiques. Ainsi, la propriété des entreprises étatiques passe d'une propriété d’État à une forme de propriété mixte. Il en résulte des changements importants dans les modes de gestion et aussi dans l'orientation des activités des entreprises après leur actionnarisation. La reconversion des entreprises étatiques en sociétés par actions (actionnarisées) poursuit trois objectifs. Le premier tend à mobiliser les particuliers, les structures économiques et les organisations sociales du pays et de l’étranger en vue de les inciter à s’investir dans la rénovation des technologies, dans la création d’emplois, dans le développement des entreprises, dans l’élévation de la capacité de concurrence et dans le changement des structures des entreprises étatiques. Le deuxième objectif vise à créer les conditions favorables permettant aux travailleurs qui possèdent des actions et qui contribuent par leurs cotisations, d’exercer une influence réelle sur la décision, de modifier les modes de gestion, d’inciter l’entreprise à fonctionner avec efficacité, d’augmenter les biens de l’État, d’élever les revenus des salariés et de contribuer à la croissance économique du pays. Le troisième objectif consiste à réduire les difficultés budgétaires de l’État. 166 LE DANH TON L’actionnarisation ne constitue pas une mesure de circonstance. Il s’agit d’un programme stratégique visant à rendre plus efficaces la répartition et l’utilisation des ressources du pays, à encourager le développement d’autres secteurs économiques et à faire avancer la transition vers une économie de marché ainsi que le processus d’intégration du Viet Nam dans l’économie de la région et du monde. Les modes d’émission des actions tendent à attirer le plus de capitaux possible pour le développement de l’entreprise, tout en tenant compte de la valeur réelle de cette dernière. Dans cette perspective, on peut vendre une partie des fonds de l’État placés dans l’entreprise. On peut aussi reconvertir une des chaînes de production de l’entreprise lorsqu’elle remplit les conditions pour l’actionnarisation. On peut enfin vendre toutes les actions appartenant au fonds étatique de l’entreprise pour la convertir en société par actions. Les entreprises actionnarisées sont des petites ou moyennes entreprises pour lesquelles il n'est pas nécessaire que l’État continue de contrôler 100 % du capital. Pour que l'opération d'actionarisation soit un succès, il faut qu'il s'agisse d'entreprises qui fonctionnent déjà bien et qui présentent de bonnes perspectives d’avenir. Les actions de ces entreprises sont vendues aux bénéficiaires suivants : les salariés de l’entreprise (18 à 50 %), l’État (18 à 50 %), enfin les particuliers et les sociétés du pays ou étrangère (le reste). Actuellement, la vente à titre expérimental des actions a commencé à s’effectuer auprès des étrangers. - III Premiers résultats Le programme d’actionnarisation a d'abord été réalisé "à titre expérimental" au cours de la période allant de 1992 à 1995, en application de l’arrêt n° 202/CT du 28 juin 1992. Durant ces années, un certain nombre d'entreprises étatiques ont été converties en sociétés par actions. C'est ensuite un programme "élargi" d’actionnarisation qui a été engagé à partir de 1996, à la suite de la parution de l’arrêt n° 28/CP. On en est actuellement à un programme "renforcé", en appli- 167 167 ACTIONNARISATION DES ENTREPRISES AU VIET NAM cation d'un arrêté gouvernement. n° 44-1998/NDCP du 29 juin 1998 du Ce sont au total, dans tout le pays, cent seize entreprises étatiques qui ont été reconverties en sociétés par actions, dont dix-neuf entreprises gérées par les ministères, quatre-vingt-dix par les autorités locales et sept par des compagnies générales. Quatre-vingt-dix-sept de ces entreprises disposaient de moins de dix milliards de dongs de capitaux contre dix-neuf au-dessus de dix milliards de dongs. Neuf entreprises appartenaient aux branches agri-sylvicoles, cinquante-et-une aux industries de contruction et cinquante-six aux services touristiques. En un trimestre seulement à partir de la mise en vigueur de l’arrêté n° 44-1998/NDCP, quatre-vingt-huit entreprises étatiques ont été converties en sociétés par actions. La répartition des entreprises étatiques reconverties en sociétés par actions est la suivante : trente-et-une à Hanoi, dix à Hô Cho Minh-Ville, six à Tuyen Quang, cinq à Lam Dong, quatre à Nam Dinh, trois à An Giang, trois à Hai Phong, neuf au ministère de la Construction, trois au ministère de l’Agriculture et du Développement rural, quatre au ministère des Transports et des Communications, trois à la Compagnie générale de la marine, deux à la Compagnie générale des télécommunications. À côté des ministères, des compagnies générales et des régions qui ont mis activement en œuvre l’actionnarisation, il reste d’autres institutions qui ne l’ont pas encore réalisée ou l’ont réalisée très lentement (le ministère du Commerce : une entreprise ; la Compagnie générale du café et la Compagnie générale des vivres du Nord et du Sud n’en ont reconverti aucune en sociétés par actions). Après avoir été converties en sociétés par actions, les entreprises étatiques fonctionnent en général avec efficacité. D’après le journal Chronologie économique n° 36 du 6 mai 1998, l’étude de dix-huit entreprises par actions révèle les résultats suivants par rapport à la période antérieure à l’actionnarisation : leurs chiffres d’affaires augmentent de 163,6 %, les bénéfices de 160,6 %, les capitaux accumulés de 115 %, la proportion des bénéfices par rapport aux capitaux de 128 %, les revenus de 109 %. Le fonds d’actionnarisation passe de vingt-huit milliards de dongs avant l’actionnarisation à quarante-sept 168 LE DANH TON milliards de dongs après l’actionnarisation. L’État bénéficie des intérêts produits par les actions : sept milliards de dongs. Il reçoit aussi sa part des bénéfices : 522 millions de dongs. Le fond d’action des travailleurs augmente de 1,5 à 2 fois. La valeur du capital de l’entreprise augmente 4,5 fois. C’est la société par actions de la fédération des transports dont le capital a connu l’augmentation la plus rapide. Avant l’actionnarisation intervenue le 1er juillet 1993, le capital officiel est de 6,2 milliards de dongs. À la fin de 1998, il passe à 84 milliards de dongs en intégrant les ressources restant après règlement des impôts. Son chiffre d’affaires qui, avant l’actionnarisation, est de 146 millions de dongs, atteint 180 millions de dongs à la fin de 1998. La compagnie par actions d’électromécanique d’Hô Chi Minh-Ville dispose aussi d’un capital en augmentation considérable passant de 16 millions de dongs à 150 millions de dongs, avec un bénéfice de 85 millions de dongs, et 5 millions de dollars d’investissement attirés. Cinq raisons principales expliquent le bon fonctionnement des sociétés par actions. La première tient à la mobilisation du capital des sociétés par actions en faveur de l'investissement et de la rénovation des technologies. Les performances commerciales, le rendement des modes de production et la qualité des produits sont plus élevés, ce qui induit une augmentation des bénéfices. Une deuxième raison résulte de ce que l’intérêt des travailleurs, qui sont aussi des actionnaires, se confond désormais avec celui de la société. D’une part les salariés effectuent leur tâche dans un esprit de responsabilité, d’autre part ils incitent le conseil d'administration et le directeur à gérer la société avec efficacité pour obtenir le plus de bénéfice possible. En troisième lieu, les sociétés par actions mettent en œuvre des méthodes de gestion avancée, ce qui permet la réduction des phénomènes négatifs et l’adaptation aux mécanismes du marché. En quatrième lieu, les recettes et dépenses de la compagnie sont bien gérées. Enfin l’actionnarisation qui permet le passage de la propriété étatique à celle de plusieurs actionnaires –donc qui ne se confond pas avec la privatisation– permet aux salariés d’être maîtres de l’entreprise, d’exploiter et de mobiliser toutes les ressources en capital de la société 169 169 ACTIONNARISATION DES ENTREPRISES AU VIET NAM en faveur des activités commerciales destinées à l’enrichissement des travailleurs et à l’augmentation des biens de la société. - IV Limites au processus d’actionnarisation des entreprises étatiques Malgré les bons résultats, l’actionnarisation se développe à un rythme relativement lent. Pendant la période d’expérimentation, plus de trente entreprises se sont inscrites dans le programme, mais quatre ans après, il n’y en a que cinq qui se soient transformées en sociétés par actions. Au 31 décembre 1998, comme on l'a vu plus haut, cent seize entreprises étatiques sont actionnarisées, alors que le nombre prévu était de cent cinquante. Plusieurs obstacles ralentissent le processus d’actionnarisation. Transformer une entreprise étatique en société par actions constitue une opération compliquée d’autant que la propagande, l’éducation et l’information nécessaires pour décider et mettre en œuvre une telle mutation ne sont pas organisées de façon systématique. La crainte que l’actionnarisation des entreprises étatiques fasse disparaître le pouvoir de l’État, et n’affaiblisse l’économie publique explique certaines hésitations et certains retards. Dans nombre d’entreprises étatiques, les dirigeants ont peur de perdre les avantages et la position dont ils bénéficiaient jusqu'alors tandis que les travailleurs appréhendent une réduction de leurs revenus et, d'une façon générale, de l’emploi, après que l’entreprise soit devenue société par actions. Beaucoup d’entreprises concernées avaient fonctionné à perte ou avec peu de bénéfices, généralement avec des bénéfices se situant au-dessous des taux d’intérêt de l’épargne ce qui rend méfiants les particuliers. Ils ont peine à imaginer que l’entreprise puisse leur rapporter des revenus convenables s'ils se portaient acquéreurs des actions. La population en général et les salariés de l’entreprise en particulier n’ont pas la capacité financière pour acheter des actions. De toutes façons, il s’agit de quelque chose de nouveau pour les Vietnamiens. Ils n’ont pas l’habitude de prendre des risques en investissant dans ce genre d’achat. Il n’existe pas encore de marché 170 LE DANH TON financier à proprement parler, avec une Bourse qui en serait le centre et qui traduirait la situation des activités des sociétés par actions dans une économie de marché. Elle serait le miroir reflétant la naissance et les activités des sociétés. Cette absence de Bourse provoque des difficultés du point de vue de la détermination de la valeur des entreprises, de l’émission et de la circulation des actions, de leur achat et de leur transfert. L’État manque des moyens financiers nécessaires pour résoudre les problèmes liés au programme d’actionnarisation, ainsi de l’indemnisation des travailleurs frappés par le chômage, ainsi des dépenses réservées au conseil, à la publicité, à l’accueil des investissements… Ces dépenses indispensables sont souvent très importantes. L’expertise ne constitue pas une activité répandue ni unifiée, ce qui compromet la détermination de la valeur des entreprises, et de leurs perspectives de développement. Il est difficile de garantir la fourniture d’informations honnêtes, rassurant ceux qui souhaitent acheter les actions de ces entreprises. Certains aspects du statut des entreprises par actions ne sont pas suffisamment adaptés pour que l’actionnarisation soit attractive. Les entreprises étatiques sont mieux traitées par l’État que les sociétés par actions pour ce qui est de l’utilisation des terres, des exportations et des importations, des emprunts auprès des banques… De plus, l'appareil législatif pour la mise en œuvre de l’actionnarisation n'est pas encore complet. Certains des textes organisant l’actionnarisation ne sont pas très clairs. Il en va ainsi des conditions de vente des actions à ceux qui, dans l’entreprise, disposent de quelques moyens financiers et bénéficient d’un prix privilégié avec, en outre, des délais de règlement. Il en va de même des modalités de vente d’actions aux sociétés et aux particuliers étrangers. D’une façon générale, le processus d’actionnarisation est compliqué par des formalités gênantes. La mise en œuvre de la politique d’actionnarisation doit surmonter des défis considérables. Elle se heurte d’abord à l'ampleur de la tâche à accomplir : le nombre des entreprises étatiques qui doivent être reconverties en sociétés par actions est considérable. La capacité de réglementation est limitée : le Viet Nam vient de passer à l’économie 171 171 ACTIONNARISATION DES ENTREPRISES AU VIET NAM du marché, les éléments juridiques n’ont pas encore été soumis à l’épreuve de l’expérimentation et ne sont pas assez perfectionnés. L’absence de Bourse et d’expériences réelles pose problème. -VConditions à réunir pour une accélération du programme d’actionnarisation des entreprises étatiques Il faut adopter rapidement une loi sur l’actionnarisation et sur la bourse, avec un programme d’actionnarisation fiable. Le système d’expertise doit être perfectionné. Il convient de distribuer les tâches et de hiérarchiser des compétences entre les ministères, les branches, les départements, les villes et les compagnies générales traitant des problèmes nés au cours du processus d’actionnarisation. Il faut répondre rapidement aux demandes en n'imposant plus d’attentes trop longues. L’égalité doit exister entre les entreprises étatiques et les sociétés par actions, ainsi que les autres catégories d'entreprises. Tout ceci s’accompagnera d’une adaptation des régimes destinés à encourager les salariés de l’entreprise à participer à l’opération d’actionnarisation. Il est aussi souhaitable d’attirer l’attention des sociétés sur l'intérêt de ce processus d’actionnarisation. L’information en ce domaine doit viser non seulement la population, en général, mais aussi et surtout les entreprises étatiques. Enfin, il faut renforcer la formation des personnels responsables de la réalisation du programme d’actionnarisation. Chapitre 2 RÉFORME DES RAPPORTS DE PROPRIÉTÉ AU SEIN DES ENTREPRISES PUBLIQUES docteur Tran Anh Tai -IAppréciations sur la plus ou moins bonne santé des entreprises publiques au Viet Nam Les entreprises publiques au Viet Nam se sont généralisées après 1954 dans le nord et après 1975 dans le sud. Trois modalités ont présidé à ce processus qui s'est réalisé soit par nationalisation des entreprises héritées de l'ancien régime colonial, soit par transformation des entreprises non socialistes, soit enfin par création de nouvelles entreprises avec des fonds provenant de dotations budgétaires, d'emprunts ou d'aides publiques. À l'époque de la planification centralisée, les entreprises publiques se sont développées de façon anarchique dans tous les secteurs et toutes les branches de l'économie. Le secteur public en général et les entreprises publiques en particulier sont devenus dominants et se sont trouvés placés en situation de monopole. Ils produisaient et distribuaient la quasi-totalité des marchandises et des services et fournissaient la majorité des recettes budgétaires de l'État. Les autres acteurs économiques, notamment le secteur privé, n'avaient plus qu'une place négligeable dans l'économie. L'État ne souhaitait pas le développement du secteur privé et le considérait plutôt comme un terrain de réformes, plus ou moins voué à disparaître. Il en résulte que, pendant cette période, le développement de ce secteur n'a pas été favorisé. 174 TRAN ANH TAI Dans le contexte actuel de passage vers une économie marchande, le secteur public fait l'objet d'un renouveau progressif, dans le cadre d'une politique générale consistant à développer une économie à plusieurs composantes. L'État a publié une série de décisions et de lois destinées à rénover les entreprises publiques, notammment en les restructurant et en réformant les relations de propriété. Plus de dix ans de réformes ont permis des changements fondamentaux dans les entreprises publiques au Viet Nam. Cependant il reste encore des problèmes considérables. Ainsi les entreprises publiques continuent de devoir faire face à un manque persistant de capitaux puisque 60 % d'entre elles n'atteignent pas le niveau de capital social déterminé par le décret n° 50/CP du 28 août 1996. Au surplus, les fonds réellement investis dans les activités de l'entreprise ne représentent que 80 % de cet total. Concernant le capital mobile, seuls 50 % sont injectés dans les activités. La part restante est stérilisée sous forme de biens non vendus, de matières premières perdues ou de mauvaise qualité et de créances douteuses. Les équipements utilisés sont souvent obsolètes. Actuellement, la production de 54,3 % des entreprises de niveau national et de 74 % de niveau local s'effectue encore selon des formes artisanales. Moins de 5 % est automatisée, les entreprises restantes étant mécanisées. Par rapport à d'autres pays, les techniques et technologies utilisées dans les entreprises publiques du Viet Nam sont victimes d'un retard que l'on peut évaluer à quinze ou vingt ans. L'efficacité des entreprises publiques est peu élevée. Les pertes et les fuites de capitaux sont préoccupantes. Selon les estimations du département général de gestion des biens des entreprises, le rapport bénéfices/capitaux tend à se stabiliser, voire à diminuer progressivement d'année en année dans la plupart des entreprises publiques : 14,2 % en 1995, 14,3 % en 1996, 13 % en 1997. À Hô Chi Minh-Ville, cet indice était de 19 % en 1995 contre 18 % en 1996 et 15 % en 1997. À Haiphong, le rapport bénéfices/capitaux est de 11 % en 1995, 16 % en 1996, 15 % en 1997. À Da Nang, il est de 14 % en 1995, 13 % en 1996, 12 % en 1997 et à Vung Tau : 18 % en 1995, 16 % en 1996 et 12 % en 1997. 175 175 PROPRIETE ET ENTREPRISES PUBLIQUES AU VIET NAM Également selon le département général de gestion des fonds et des biens des entreprises : en 1997, parmi 5 429 entreprises publiques étudiées (soit 80 % des entreprises publiques), il en est 40 % dont l'activité a été jugée efficace, 44 % peu efficace en raison de difficultés conjoncturelles et 16 % inefficace. Le nombre de celles dont l'activité est jugée inefficace était de 15 % en 1996 et de 16,5 % en 1995. La contribution des entreprises publiques au budget de l'État est faible par rapport à l'effort consenti par la nation en leur faveur. Ces dernières emploient la plus grande partie de la main-d'oeuvre ayant bénéficié d'une formation. Elles utilisent une grande partie des ressources nationales. Les crédits et les capitaux étrangers sont majoritairement injectés dans ce secteur. En contrepartie, la contribution des entreprises publiques au budget est loin d'être proportionnelle. En effet, si les entreprises publiques doivent théoriquement verser 80 à 85 % de leurs recettes au budget de l'État, en fait après déduction des amortissements de base et des impôts indirects, ce chiffre a chuté à un peu plus de 30 %. Si l'on tient compte des coûts de production et des biens immobilisés au prix du marché, ces entreprises ne réalisent plus aucune accumulation de capitaux. - II Rapports de propriété au sein des entreprises publiques Plusieurs éléments contribuent au manque d'efficacité de ces entreprises publiques. Parmi ceux-ci, beaucoup citent les rapports de propriété. Au sein des entreprises en général et des entreprises publiques en particulier, existent plusieurs sortes de relations qui peuvent être réparties entre deux catégories principales : relation organisationnelle/technique et relation économique/sociale. La relation organisationnelle/technique dépend de la nature du travail tandis que la relation économique/sociale dépend des rapports de propriété. Correspondant à ces deux catégories de relations, l'activité managériale revêt une double fonction au titre de la propriété et au titre de la gestion. Cette double fonction peut être assumée soit par un seul sujet de droit soit par deux sujets distincts, le propriétaire et le gérant. 176 TRAN ANH TAI Dans l'entreprise privée, lorsque le propriétaire est en même temps gérant, le problème des relations entre ces deux fonctions ne se pose évidemment pas. En revanche dans une société à responsabilité limitée et surtout dans une société par actions, le gérant (ou le directeur) est distinct du propriétaire, des actionnaires, et tenu pour responsable devant eux, devant le conseil d'administration, de la conduite des activités quotidiennes de la société. Dans l'entreprise publique, le capital et les avoirs relèvent de la propriété de l'État et sont mis à la disposition de l'entreprise. Le directeur de l'entreprise est nommé par l'État et tenu pour responsable devant l'État de la gestion des activités de production et d'exploitation de l'entreprise en fonction de la réalisation des objectifs économico-sociaux fixés par l'État lui-même. Dans l'entreprise publique, l'État joue le rôle du propriétaire, et le directeur (ou directeur général) celui du gérant. Leurs relations sont rendues compliquées par le fait que l'État-propriétaire n'a pas les caractéristiques d'une personne physique. Tandis qu'autrefois l'État-propriétaire se montrait trop directif a l'égard du gérant, actuellement le gérant "empiète sur le terrain" du propriétaire. Le directeur agit comme s'il était propriétaire et le propriétaire ne parvient plus à contrôler les actions du gérant. Il s'agit là d'une des raisons principales qui expliquent le manque d'efficacité, les pertes financières et la corruption qui s'installent dans le réseau des entreprises publiques. - III Réforme des rapports de propriété au sein des entreprises publiques Une triple tendance se fait jour dans cette politique de réforme. A - Tendance à la disparition des autorités de tutelle sur les entreprises publiques Auparavant, la totalité et maintenant, la quasi-totalité des entreprises publiques relèvent de l'autorité directe d'un organisme de tutelle tels un ministère, un comité populaire, un département… C'est en fonction de cette tutelle que ces entreprises sont classées 177 177 PROPRIETE ET ENTREPRISES PUBLIQUES AU VIET NAM comme entreprises de niveau national et entreprises de niveau local. Ce mode de gestion a fait la preuve, pendant un certain temps, de son efficacité mais en période d'économie de marché, ce mécanisme trouve ses limites. Le temps est venu de le remplacer. L'État est donc propriétaire des capitaux et des biens des entreprises publiques et l'organisme qui est mandaté par lui pour le représenter au sein de l'entreprise publique fait fonction d'autorité de tutelle. Auparavant les entreprises publiques étaient placées sous l'autorité directe d'environ cinq cents organismes de tutelle (trente-cinq ministères, des organismes de rang ministériel, des organismes relevant des pouvoirs centraux, des comités populaires…) Avec ce système d'une pluralité d'organismes de tutelle, les capitaux et les équipements des entreprises publiques étaient fragmentés, dispersés et gérés d'une façon hétérogène. Les organismes de tutelle consentaient à des allégements des règles de gestion posées par l'État, intervenaient trop en amont dans les activités opérationnelles des entreprises et poursuivaient des intérêts unilatéraux. Le droit de contrôle de l'État sur ses biens détenus par les entreprises publiques n'était pas pleinement ni systématiquement exercé. L'utilisation des capitaux n'était pas contrôlée, pas plus que n'étaient imposées les mesures pertinentes et ponctuelles nécessaires en la matière. La question de l'élimination des organismes de tutelle se pose donc avant même 1989. Elle commence à se réaliser à l'issue de la promulgation par le gouvernement du décret n° 196 HDBT du 11 décembre 1989 et n° 15 CP du 2 mars 1993, ainsi que de la loi sur les entreprises publiques de 1995 qui ont bien défini les fonctions du gouvernement, des ministres, des comités populaires de provinces et de villes. Ces diverses structures relèvent du pouvoir central en tant que représentant du propriétaire et qu'autorité compétente pour le contrôle des entreprises publiques. La disparition du régime de tutelle paraît nécessaire. Elle n'implique pas pour autant l'effacement de toute intervention étatique sur la gestion des entreprises publiques. Il s'agit seulement de mettre fin à la fonction de représentant du propriétaire reconnue aux organismes de tutelle. Reste à déterminer quel organisme représentera 178 TRAN ANH TAI l'État-propriétaire vis-à-vis des capitaux et des biens des entreprises publiques. Jusqu'à présent deux solutions sont prévues. La première s'appuie sur le département général de gestion des capitaux et des biens de l'État dans les entreprises publiques, créé en vertu du décret n° 34 CP du 27 mai 1995 du gouvernement. Ce département général est une institution financière spécialisée relevant du ministère des Finances, chargée d'aider ce dernier à homogénéiser les modes de gestion des capitaux et des biens de l'État dans les entreprises publiques. Il représente l'État-propriétaire dans les entreprises publiques sur la base de la délégation que lui consent le gouvernement. Par ailleurs, s'agissant des "compagnies générales" dotées d'un conseil d'administration, c'est ce dernier qui est chargé de gérer leurs activités. Il assure leur développement conformément aux objectifs fixés par l'État. B - Actionnarisation des entreprises publiques L'"actionnarisation" fait partie des solutions retenues pour la réforme des entreprises publiques au Viet Nam. Du point de vue de la propriété, la nature du processus d'actionnarisation consiste en une diversification du droit de propriété et en une "matérialisation" du propriétaire. La conversion des entreprises publiques en sociétés par actions signifie la transformation de la propriété étatique en diverses formes de propriété : étatique, collective, parfois aussi individuelle. Ce processus permet de transformer une propriété étatique imprécise en propriété remise à des actionnaires-personnes physiques, ce qui doit permettre de remédier à la situation de "bien sans-maître" et au manque de propriétaire réel qui caractérisaient parfois les entreprises publiques. Après la métamorphose de l'entreprise publique en société par actions, l'État participe à la gestion de la société en tant qu'actionnaire. Le rôle de l'État-actionnaire est fonction du nombre d'actions qu'il détient. S'il est désireux de continuer de diriger les activités de la société, il doit détenir plus de 50 % des actions. S'il se contente d'un droit de contrôle, ce pourcentage peut se limiter à 20 % des actions. En vue d'homogénéiser la gestion des capitaux de l'État dans les sociétés par actions, il est souhaitable que le ministre des Finances 179 179 PROPRIETE ET ENTREPRISES PUBLIQUES AU VIET NAM représente l'État à titre d'actionnaire dans les sociétés par actions auxquelles l'État participe. L'actionnarisation doit en outre permettre aux salariés d'être les vrais maîtres de l'entreprise en vue d'investir dans le renouvellement des technologies, de créer de nouveaux emplois, d'améliorer la compétitivité de l'entreprise et de restructurer cette dernière. L'actionnarisation rend également possible la récupération par l'État des capitaux investis autrefois en vue de leur réaffection plus adéquate et plus efficace. L'actionnarisation des entreprises publiques a été mise en place en 1991 mais jusqu'à présent, son rythme demeure encore lent, particulièrement pendant les premières années d'expérimentation. À la fin de 1998, cent seize entreprises publiques avaient été transformées en sociétés par actions alors qu'elles n'étaient que dix-huit en 1997 et cinq en 1996. Parmi les cent seize, il y a dix-neuf entreprises de niveau national, quatre-vingt-dix de niveau local et sept relevant de compagnies générales. Au cours des premiers mois de 1999, s'y sont ajoutées quarante-deux entreprises dont vingt-trois dans le secteur de la construction, dix dans les services et le commerce, trois dans le transport et les communications et cinq dans l'agriculture, la sylviculture et la pêche. En définitive, il apparaît que la plupart des entreprises actionnarisées sont de taille petite et moyenne. Seules trois d'entre elles disposent d'un capital social de plus de dix millions de dongs. Ainsi, jusqu'à présent dans tout le pays, ont été actionnarisées au total cent cinquante-huit entreprises publiques dont cent seize relèvent des autorités locales, vingt-sept des ministères et quinze des compagnies générales. L'étude des résultats d'activité des seize entreprises actionnarisées depuis plus d'un an montre que, par rapport à la situation antérieure, les indicateurs économiques de base sont en hausse : le capital a augmenté de 183 %, le chiffre d'affaires de 133,5 %, les bénéfices nets de 131 %, les impôts payés de 153,5 %, l'effectif de 9 %, le revenu moyen des salariés de 29 % et la valeur des actions de 2,6 % par mois, soit trois fois plus que le taux d'intérêt des dépôts en banque, jusqu'à atteindre 5 % par mois pour certaines sociétés. La Société de la 180 TRAN ANH TAI fédération des transports par exemple a multiplié son capital par onze, son chiffre d'affaires par dix, le nombre d'emplois par quatre et le revenu moyen des employés également par quatre. On peut en conclure que l'actionnarisation se montre par elle-même efficace face aux mouvements du marché. Même dans un environnement inchangé, une entreprise du type "société par actions" peut fonctionner mieux, ou en tous cas pas moins bien, qu'une entreprise publique. En outre cette politique a pour effet d'augmenter les ressources de l'État tout en préservant son rôle dirigeant. Pour autant l'actionnarisation pose encore des problèmes ainsi lorsque le nombre d'actions de l'entreprise actionnarisée détenues par l'État demeure majoritaire. Cette situation risque d'entraver le processus d'ouverture au marché et d'amélioration de l'organisation de l'entreprise. Par ailleurs, les intérêts des travailleurs et de l'équipe dirigeante ne sont pas encore pris en compte de façon adéquate au sein de l'entreprise publique actionnarisée. La politique d'actionnarisation ne favorise pas suffisamment l'achat d'un grand nombre d'actions de l'entreprise par ses cadres et par ses salariés. C - Régime forfaitaire, location et vente de l'entreprise publique En vue de poursuivre la réforme de l'entreprise publique, la résolution n° 4 du comité central de la huitième législature du Parti communiste a défini la politique de réforme des entreprises de petite taille, celle dont le capital social est inférieur à un milliard de dongs, qui font des pertes et qui ne sont pas dans un secteur où le maintien de la propriété étatique est nécessaire. À ces entreprises publiques peuvent être appliquées des mesures suivantes : fusion, location, attribution forfaitaire d'actions ou vente de l'entreprise publique. Ces mesures ont pour but de promouvoir la restructuration des entreprises publiques et la réforme des rapports de propriété en leur sein, en vue d'une meilleure efficacité de leurs activités et de l'utilisation de leurs capitaux. L'étude menée dans plusieurs localités ayant recours à ces mesures a obtenu des résultats figurant à la page suivante : 181 181 PROPRIETE ET ENTREPRISES PUBLIQUES AU VIET NAM ` - Attribution forfaitaire Actuellement, bon nombre d'entreprises publiques bénéficient de différentes formes d'attribution forfaitaire telles que l'attribution forfaitaire d'une superficie cultivée, d'un rayon, d'équipements ou enfin la construction forfaitaire d'un bâtiment. Ces formes d'attribution forfaitaire ont pour objectif d'améliorer l'efficacité de l'entreprise. La forme d'attribution forfaitaire abordée ici est l'attribution forfaitaire d'entreprise. Cette procédure a pour caractéristique de ne pas modifier la propriété étatique. On peut recourir à plusieurs indices pour connaître la santé et l'efficacité de l'entreprise, des indices comme le chiffre d'affaires, le coût de production, les bénéfices, les impôts payés, la conservation et l'accroissement du capital, la solvabilité… Certains d'entre eux peuvent être sélectionnés en tant que critères d'attribution, tels le ratio bénéfices/capitaux étatiques ou le critère de conservation et d'acroissement des capitaux. 182 TRAN ANH TAI Les droits et obligations de l'attributaire doivent être précisés dans le contrat d'attribution forfaitaire. L'attributaire a le droit de décider des orientations, des plans d'activité, de l'utilisation des biens et des capitaux de l'entreprise, des salaires… En contrepartie, l'attributaire a pour obligation d'honorer tous les engagements pris dans le contrat d'attribution forfaitaire, particulièrement ceux concernant la comptabilité et le paiement des impôts… L'attributaire bénéficie de l'excédent (plafonné forfaitairement) des recettes après impôt. Au cas où il n'atteint pas ce niveau, son salaire doit compenser ce déficit. Une considération complique la signature du contrat d'attribution forfaitaire : elle tient à ce que les modalités de désignation des cadres des branches et des comités populaires de provinces et de villes, présents en tant que représentants de l'État-propriétaire, ne sont pas encore bien définies. Il en résulte que l'on ne sait pas encore quelle autorité va signer le contrat. Il est souhaitable qu'en ce qui concerne les compagnies générales relevant de l'État, le conseil d'administration ait le droit de signer. Quant aux entreprises relevant des ministères, des branches, des comités populaires de provinces et de villes, le représentant de ces organismes, en accord avec l'organisme chargé de la gestion des fonds et capitaux de l'État dans les entreprises publiques, doit être habilité à signer. - Location de l'entreprise publique Il s'agit d'un problème nouveau et difficile. La location peut revêtir deux formes différentes. Selon une première forme, le locataire hérite de tous les droits et toutes les obligations des entreprises. Ceci est très compliqué et exige de régler une série de questions concernant l'enseigne, la marque, les biens et capitaux, les créances, les dettes, les salariés... Selon une deuxième modalité, la location de l'entreprise se limite à la location des biens immobilisés de l'entreprise y compris les terrains et les locaux. Les droits et les obligations du loueur et du locataire sont définis par le code civil. Le locataire a le droit d'utiliser pleinement les biens loués en fonction des besoins de ses activités. Au cours de la location, si besoin est, le locataire peut aliéner ces biens à une tierce personne. 183 183 PROPRIETE ET ENTREPRISES PUBLIQUES AU VIET NAM Cette modalité est favorable au locataire car il n'est pas limité par le domaine d'activité, la marque, les dettes, la responsabilité des déficits de l'entreprise avant la location. Actuellement, cette technique semble la plus appropriée. - Vente de l'entreprise publique Différente de l'attribution forfaitaire ou de la location, la vente consiste en un transfert de propriété de l'entreprise publique. À l'issue de la vente, l'entreprise publique n'existe plus en tant que telle. Ses éléments patrimoniaux appartiennent à l'acheteur, qu'il soit personne morale ou personne physique. Ces derniers temps, certaines localités ont procédé à la vente de quelques entreprise de petite taille. À Haiphong, la société de service et de commerce Hong Bang a été vendue à ses quatorze employés pour se transformer en S.a.r.l. La province de Ninh Binh a cédé quatre entreprises-pilotes de matériaux de construction à leurs employés et à des particuliers. À Hai Duong, une société de service spécialisée dans le transport et la communication a été achetée par certains de ses anciens employés. En général, après avoir été vendue, l'entreprise est restructurée, ce qui doit permettre de pérenniser les emplois existants, voire de créer de nouveaux emplois et de développer son activité. À Haiphong, la société de service et de commerce Hong Bang est classée parmi les plus efficaces du secteur. À Ninh Binh, après plus de deux mois de production, l'entreprise de briquerie et de tuilerie Hoang Long a atteint une production de plus de 200 000 briques et un salaire moyen de 500 000 VND par mois. L'importance de la production est préservée et a tendance à augmenter. Ses produits sont bien commercialisés. La règle en matière de vente d'une entreprise publique est de liquider en bloc tous les biens de l'entreprise et non un par un. L'acheteur doit concevoir un plan global de reprise et s'engager à poursuivre les activités et à utiliser une partie ou la totalité de l'effectif existant de salariés. En cas de vente de l'entreprise, il faut résoudre les problèmes suivants : la qualité de l'acheteur potentiel qu'il soit 184 TRAN ANH TAI personne morale ou physique, la question des biens viciés et des dettes dont il ne faut pas laisser toute la charge à l'acheteur, enfin la détermination du prix de vente convenu entre les deux parties. À cet égard, pourrait être utilisée la technique de la vente aux enchères par le canal des organismes d'État compétents en la matière ou par le biais d'un comité chargé de l'adjudication et composé des représentants des autorités de l'État, de l'organisme fondateur de l'entreprise, de l'autorité financière et de fixation des prix, enfin de l'entreprise elle-même. Pour le moment, le nombre des entreprises publiques de petite taille dont le capital social est inférieur à un milliard de dongs, dont les activités sont déficitaires et dont il n'est pas nécessaire de maintenir la survie, est assez élevé. C'est pourquoi, à côté des mesures telles que la dissolution ou la faillite, l'État devrait adopter des politiques et des mécanismes concrets en vue d'accélérer l'application de solutions comme l'attribution forfaitaire, la location ou la vente, procédés considérés comme une méthode de réforme des relations de propriété dans les entreprises publiques. CINQUIEME PARTIE L'INGENIERIE DE LA FORMATION DANS L'ACCOMPAGNEMENT DU PROCESSUS D'EVOLUTION DU SECTEUR PRIVE Chapitre 1 ENQUÊTE PRÉLIMINAIRE SUR L'USAGE DES RESSOURCES HUMAINES professeur docteur Nguyen Minh Thuyet, docteur Tran Kim Dinh et docteur Vu Hao Quang Cette étude porte sur un contingent d'étudiants formés par l'Université de Hanoi depuis 1956 jusqu'à ce jour, en vue d'évaluer leur capacité d'intégration sur le marché de l'emploi. 1. Structure de l'échantillon sur lequel porte notre enquête Ce groupe est composé de 1 500 personnes relevant de 219 organismes ou entreprises basés à Hanoi. Ces personnes dont 1 062 sont des hommes (70,8 %) et 438 des femmes (29,2 %) sont sorties diplômées de l'Université de Hanoi. Niveau des diplômés - Licence : 48,7 % - Diplôme d'ingénieur : 5,5 % - Maîtrise : 8,2 % - Doctorat nouveau : 30,8 % - Doctorat d'État : 6,7 % Postes occupés - Niveau "département et division" : 5,7 % 188 NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG - Niveau "faculté et bureau" : 11,1 % - Niveau "université, institut et département dans les ministères" : 11,8 % - Niveau "département général" : 4,4 % Total : 33 % - Niveau ministériel : quelques personnes (le nombre exact reste à recenser) 2. Absorption par le marché de l'emploi 2.1. Caractéristiques des diplômés 2.1.1. Age de la personne au moment où elle a été diplômée de l'Université Graphique 1 189 189 USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM De notre étude sur l'échantillon, il ressort donc que l'âge des personnes diplômées se répartit de la façon suivante : - De 20 à 25 ans : 74,9 % - De 26 à 30 ans : 18,7 % - De 31 à 35 ans : 5,3 % - De 35 ans et plus : 0,5 % - Pas de réponse : 0,7 % À partir de ces statistiques, nous constatons que la plupart des diplômés de l'Université de Hanoi étaient âgés de 20 à 25 ans (voir graphique 1). Ceux de 26 à 30 ans représentent un pourcentage modeste (18,7 %). La plupart sont donc jeunes et relèvent de la première période de la deuxième phase du processus de socialisation selon l'analyse d'Andveeva. 2.1.2. Espace de temps entre la sortie de l'Université et le moment de recrutement Graphique 2 190 NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG Le graphique 2 (la ligne continue représente les hommes la ligne discontinue les femmes) indique que la grande majorité des licenciés de l'Université de Hanoi (de 1 400 à 1 500 licenciés) ont consacré de six à dix-huit mois après leur sortie de l'Université à la recherche d'un emploi. Le reste a obtenu un emploi après trois à quatre ans, ce qui constitue un pourcentage limité. Ces chiffres démontrent que le marché accueille nos diplômés. Le graphique 2 met également en évidence que 91,13 % des jeunes filles ont trouvé du travail de six à dix-huit mois après leur sortie de l'Université, taux comparable à celui des garçons. Il n'y a donc presque aucune différence entre diplômés masculins et diplômés féminins lorsqu'il s'agit de trouver un emploi sur le marché. 2.2. Type de recherche d'emploi Graphique 3 Les diplômés se répartissent entre les situations suivantes : 1. non-réponse ; 2. recherche par soi-même ; 3. recherche à l'aide des 191 191 USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM mass médias ; 4. aide d'une personne de connaissance ; 5. placement par le bureau du personnel . 2.2.1. Inscription au bureau du personnel de l'Université Les premiers diplômés ont quitté l'Université en 1959. De 1960 à 1980, le placement des diplômés dans les divers établissements employeurs a été assuré par le bureau du personnel. Les étudiants diplômés n'avaient presque pas à chercher eux-mêmes du travail. C'est le bureau qui prenait entièrement en cherche ce travail. À partir de 1986, le rôle de ce bureau dans la recherche d'un emploi et le placement des diplômés a été considérablement réduit et, de nos jour, il ne joue plus aucun rôle en ce domaine. 2.2.2. Aide d'une personne de connaissance Rechercher un emploi avec l'aide d'une personne de connaissance qui introduit le candidat auprès d'un employeur, n'est pas chose nouvelle. Cette technique existe déjà depuis longtemps. Dans le contexte d'une économie de marché qui domine au Viet Nam aujourd'hui, le rôle que joue ce type de recherche d'un emploi augmente, mais reste encore relativement limité. 2.2.3. Recherche par soi-même ou à l'aide des médias Au cours de la période où fonctionnait le système du subventionnement des entreprises par l'État, la plupart des diplômés ont reçu un emploi grâce au bureau du personnel. À partir de 1990, la recherche par soi-même ou à l'aide d'une personne de connaissance a joué le rôle majeur. Il est surprenant que le rôle joué par les médias dans la recherche de l'emploi des diplômés de l'Université de Hanoi soit peu significatif. Ceci contribue à confirmer le caractère traditionnel et conservateur du système de recherche de l'emploi propre à l'Université de Hanoi. 2.3 Secteurs de travail des diplômés employés 192 NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG 97,7 % des étudiants formés par notre Université travaillent dans le secteur public (voir graphique 4). Les diplômés employés dans le secteur non-public représentent seulement 2,3 % qui, pour la plupart, sont de jeunes diplômés. Graphique 4 3. Relations entre les employés et le marché de l'emploi Analyser les relations entre les diplômés et leur emploi à travers l'évaluation par les employés eux-mêmes de leur établissement employeur, de leur salaire, de leurs perspectives de carrière et de leur éventuel changement d'emploi, permet d'apprécier la bonne ou la mauvaise image de l'emploi auprès des salariés eux-mêmes. Dans le cadre de ce rapport sur la première phase de notre étude, nous ne pouvons présenter que des données préliminaires en vue d'évaluer les caractéristiques principales des relations existant entre les diplômés de notre Université en tant que fournisseur de 193 193 USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM main-d'oeuvre formée, et les établissements employeurs en tant qu'élément du marché de l'emploi. 3.1 Évaluation par les employés des rapports entre leur capacité professionnelle et leur utilisation par leurs employeurs Tableau 1 : Rapports entre le degré de diplôme des employés et l'utilisation par les employeurs (évaluation par les employés eux-mêmes) Niveau de diplôme obtenu par les employés Licence Ingénieur Maîtrise Ph.D Doctorat d'État Total Utilisation appropriée 77,3 % Utilisation non appropriée 22,7 % 75 % 78,8 % 25 % 21,2 % 77,6 % 22,4 % 69,6 % 76,9 % 30,4 % 23,1 % Tableau 2 : Rapports entre postes occupés / titres pédagogiques et utilisation par les employeurs (évaluation par les employés eux-mêmes) Postes occupés Utilisation titres appropriée pédagogiques Enseignant chercheur Expert Professeuradjoint Professeur Utilisation non appropriée 74,1 % 75,2 % 86,2 % 25,9 % 24,5 % 13,8 % 68,6 % 31,4 % 194 NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG Total 76,6 % 23,4 % À travers ces données, on constate que ceux qui ont obtenu les diplômes les plus élevés n'ont pas été vraiment satisfaits de leurs emplois du point de vue de l'utilisation de leur capacité. Les employés ayant des titres pédagogiques élevés représentent 18,23 % dont 5,7 % sont professeurs et 12,53 % sont professeurs adjoints. Au niveau le plus élevé, ces diplômés sont peu nombreux : les docteurs d'État représentent 2 % et les Ph.D. 6,9 % du contingent d'employés. 3.2. Aspiration au travail En réponse à la question "Est-ce que vous souhaitez faire de votre mieux pour l'emploi que vous occupez actuellement ?", 85 % ont répondu oui ; 4,1 % non et 10,3 % ont été indécis. La différence entre les femmes et les hommes sur cette question reste peu significative (respectivement 84,2 % et 86 %). 42,7 % ont répondu qu'ils se consacrent au travail en raison de leur attachement à l'emploi occupé et non en raison de l'argent qu'ils reçoivent à ce titre. Cependant la proportion des employés qui ne sont pas disposés à se consacrer entièrement à leur travail en raison de la modicité de leur salaire représente 16,7 %, soit un taux quand même assez élevé. Les autres raisons invoquées sont peu significatives. Le choix des études influence directement la recherche d'un emploi par les étudiants après l'Université. Certaines études donnent aux étudiants de grandes chances d'être acceptés sur le marché de l'emploi. En revanche d'autres formations ne favorisent pas la recherche ultérieure d'un emploi par les diplômés. Le choix des études dépend essentiellement de l'orientation des étudiants par l'Université et des décisions des étudiants eux-mêmes. Les conseils de la famille ne jouent qu'un rôle marginal. La durée de la recherche de l'emploi après l'Université est liée de la façon claire au type d'études suivies. Nous répartissons ci-dessous les employés enquêtés en 9 catégories suivant la durée et les champs d'études : - Catégorie 1 : - Catégorie 2 : 0-6 mois 7-12 mois 195 195 USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM - Catégorie 3 : 13-18 mois - Catégorie 4 : 19-24 mois - Catégorie 5 : 24-30 mois - Presse et droit - Catégorie 6 : 31-36 mois - Sciences sociales - Catégorie 7 : 37-42 mois - Mathématiques - Catégorie 8 : 43-48 mois - Histoire, chimie, géographie, biologie - Catégorie 9 : 49 mois et plus - philosophie, langues étrangères, lettres, économie, physique. Le classement ci-dessus présenté doit être interprété avec prudence car, pour certaines facultés récemment créées, le nombre de diplômés qui en sont sortis reste encore modeste. Par conséquent, les diplômés chômeurs relevant de ces facultés sont aussi peu nombreux par rapport aux autres facultés longtemps établies. 5. La demande de formation continue Il est nécessaire d'abord d'étudier si les salariés considèrent que leur utilisation par leur employeur correspond ou non à leur capacité personnelle. Ceci permet de mieux comprendre si la demande de formation continue des employés résulte d'un souci d'adaptation à l'emploi ou d'autres raisons. Le graphique 5 montre que 93,1 % des réponses considèrent que l'utilisation des salariés est conforme à leur compétence personnelle. On peut en déduire que la demande de formation post-universitaire des diplômés est essentiellement due à la recherche d'une adaptation à l'emploi. Graphique 5 196 NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG 197 197 USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM 27,7 % des salariés veulent poursuivre une formation post-universitaire dans leur pays, alors que 14,9 % veulent bénéficier d'une formation dans les anciens pays socialistes et 5,7 % dans les pays occidentaux. Parmi ceux qui désirent continuer leur formation dans le pays, 44,8 % veulent s'inscrire en maîtrise, 50,8 % dans le nouveau doctorat et 4,4 % en doctorat d'État. Le nombre d'employés non-désireux de suivre une formation post-universitaire représente 28,6 % contre 71,4 % qui souhaitent cette formation. 6. Évolution du taux des employés poursuivant une formation post-universitaire (sur le total des échantillons) Graphique 6 - De 1952 à 1962 : 16% - De 1963 à 1973 : 33,9% - De 1974 à 1984 : 21,9% - De 1985 à 1994 : 27,7% Chaque période a été divisée en dix ans à compter de la dernière entrée des étudiants figurant dans l'échantillon retenu. 198 NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG Il faut remarquer que c'est la période allant de 1963 à 1973 qui présente le taux le plus élevé de participation à une formation post-universitaire dans notre Université. Ceci pourrait être dû à la politique du Parti et du gouvernement visant à encourager la formation des cadres pour les différents domaines des sciences. D'autre part, à l'époque, l'Université de Hanoi bénéficiait d'une grande réputation sur le plan professionnel tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. La période 1985-1994 est également caractérisée par un taux de participation assez élevé. 7. Ascension dans la fonction gestionnaire Graphique 7 199 199 USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM Le graphique 7 reflète le niveau des postes de gestion et les évolutions de carrière pour les diplômés de l'Université de Hanoi. Le tracé 1 du graphique montre la répartition des diplômés entre les différents postes de gestion. Le tracé 2 présente la situation actuelle tandis que le tracé 3 anticipe leur situation future à partir des souhaits et de l'évaluation par les salariés interrogés eux-mêmes de leur compétence et de leur capacité à occuper d'autres postes de gestion dans l'avenir. 5,7 % des diplômés sont actuellement à des postes de gestion de niveau "groupe professionnel/division", 11,1 % à des postes de niveau "faculté/bureau et direction", 11,8 % à des postes de niveau "université/département et institut dans les ministères", 4,4 % à des postes "département général" et quelques uns de niveau ministériel. Le nombre des diplômés dans les différents postes de gestion recensés dans 1 500 établissements représente 33 % du total des diplômés employés. En considérant les trois tracés du graphique, on constate aussi que les postes de gestion actuellement occupés par nos diplômés (2) sont plus importants que ceux qu'ils ont occupés dans le passé (1). Les postes prévus pour l'avenir (3) sont plus importants encore. Il est aussi à noter que le désir d'occuper un poste de gestion tourne essentiellement autour du niveau "université", "département" et "département général". Pour les niveaux plus élevés dans la fonction publique (ministère, gouvernement), moins de désirs ont été exprimés bien que 4 % des enquêtés aient affirmé qu'ils pourraient assumer un poste au plus haut niveau de l'État. Ce taux de 4 % qui représente 60 personnes affichant leur désir d'accéder à un poste gouvernemental n'est pas minime car il est comparable à 33 % des sièges de l'Assemblée nationale actuelle et aussi à un tiers des membres du comité central du Parti communiste vietnamien. L'ascension dans les fonctions de gestion fait figure de mouvement social vertical. Il y a une autre dimension concernant ce mouvement social qu'il faut retenir dans l'analyse des structures sociales. Il s'agit des changements d'emploi et d'établissements employeurs. 200 NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG Graphique 8 Parmi les 1 500 personnes enquêtées, seulement 201 (13,4 %) ont changé d'emploi deux fois et plus. Le reste (86,6 %) travaillent toujours dans le même établissement depuis qu'elles y ont été recrutées. Parmi les 201 personnes qui ont changé d'emploi, 69 personnes (34,32 %) ont travaillé dans le même établissement de 1 à 2 ans ; 45 personnes (22,38 %) de 2 à 5 ans ; 24 personnes (11,94 %) de 5 à 10 ans ; 27 personnes (13,43 %) de 10 à 15 ans ; 4,4 % pendant plus de 15 ans. Le nombre de personnes qui ont changé d'emploi pour la deuxième fois est concentré sur une durée de 1 à 2 ans de travail consacrés au même établissement. Il se réduit à mesure que la durée du temps de travail consacré augmente. Les personnes qui ont changé d'emploi pour la troisième fois et plus ne représentent que 2,2 %. Ce taux reste inchangé selon les années de travail consacrées. 201 201 USAGE DES RESSOURCES HUMAINES AU VIET NAM Le motif expliquant le peu de changement ci-dessus constaté réside dans le fait que 97,7 % des salariés en question relèvent du secteur public contre 2,3 % du secteur non public. Or le secteur public est stable et la structure des emplois y est restée inchangée au cours des différentes périodes de l'histoire du pays malgré la guerre et l'économie de marché. Une telle stabilité du secteur public justifie aussi la préférence des diplômés pour ce secteur. Elle révèle aussi la persistance d'un état d'esprit caractéristique de la société. Il s'agit d'une pensée conservatrice défavorable au Doimoi. Une telle conviction conduit a refuser de s'aventurer dans une économie de marché et à se mettre sous la protection de l'État. En témoignent les résultats de l'enquête concernant les aspirations des diplômés de notre Université quant à leurs lieux de travail : 45,1 % désirent travailler à Hanoi ; 7,9 % veulent avoir un emploi dans une des grandes villes ; 10,1 % des personnes souhaitent un emploi correspondant à leur compétence ; 26,6 % des personnes sont disposées à travailler n'importe où ; seulement 4,2 % de personnes veulent choisir l'établissement de travail pour des raisons purement financières telles qu'un salaire élevé. Il est intéressant de constater que, dans le contexte actuel où l'économie de marché prévaut au Viet Nam, les intellectuels de l'Université de Hanoi paraissent indifférents au facteur financier. Ainsi, est-il important pour les diplômés de l'Université de rester à Hanoi et d'y avoir un emploi. À toutes les périodes de son histoire, l'Université de Hanoi a toujours été et est encore aujourd'hui un noyau universitaire chargé de former les scientifiques et les cadres pour le pays. Comme il a déjà été dit, la période 1963-1973 est marquée par un taux de fréquentation plus élevé des étudiants post-universitaires (33,9 %). Pendant la période 1985-1994, où le pays entreprend le Doimoi, le taux de fréquentation des étudiants post-universitaires est de 27,7%. La période 1974-1984 connaît une baisse du nombre d'étudiants gradués. Il s'agit d'une période où notre pays faisait face à d'énormes difficultés économiques et aussi à la guerre. De même, le taux d'étudiants diplômés de l'Université dans la période de 1970-1979 est le plus élevé (31,9 %) ; ce taux est réduit à 16,9 % pour la période 1980-1989 et s'est relevé à 27,7 % pour la période 1990-1998. Alors que le taux est de 5,2 % au cours de la période 202 NGUYEN MINH THUYET, TRAN KIM DINH, VU HAO QUANG 1956-1960 et 23,5% dans la période 1960-1969. Il est clair que l'évolution économique, politique et sociale du pays a un impact direct sur le processus de formation, la qualité de la formation et l'acceptation par la société des étudiants que nous avons produits. * ** Cette étude a été réalisée sur la base d'une stratégie de recherche inspirée d'un point de vue inter-sectorielle et en utilisant la méthode de l'interview avec un questionnaire, des interviews approfondies, l'analyse des dossiers et l'observation… Ces méthodes ont été strictement appliquées en combinant les approches historique, comparative et systématique. Ceci a permis d'examiner l'objet de la recherche selon plusieurs dimensions sociales différentes telles que la structure, les activités, le genre, l'instruction, la situation économique, la position sociale, l'environnement social … Notre recherche a confirmé la qualité de la formation, le prestige et la position de l'Université, le nombre d'étudiants formés, l'acceptation par la société des études offertes par l'Université et l'opportunité pour les diplômés de gravir les différents échelons politiques, sociaux et académiques. Il est possible d'établir une politique de formation appropriée tant sur le plan de la quantité, de la qualité que sur le plan de la méthode de formation pour offrir de bonnes formations répondant à la demande et aux exigence du marché de l'emploi et contribuer à l'industrialisation et à la modernisation du pays. Chapitre 2 ADAPTATION DU SYSTÈME DE FORMATION À L'ÉCONOMIE DE MARCHÉ : L'EXPÉRIENCE TUNISIENNE Hafedh Ben Salah, professeur La mise à niveau de l'économie nationale appelle la promotion des ressources humaines et le renforcement de leurs aptitudes. Parallèlement aux objectifs quantitatifs liés aux besoins pressants des divers secteurs (agriculture, industrie, tourisme et artisanat...) les pouvoirs publics se sont fixés des objectifs qualitatifs de nature à garantir le niveau de qualification et le rendement des ressources humaines. Car la compétition à l'échelle planétaire impose aux agents économiques une amélioration continue de leurs performances. La charge de la formation professionnelle supportée principalement par l'État était trop lourde et le système était coupé du marché de l'emploi. La formation professionnelle était tournée vers le secteur public et elle conduisait à des déséquilibres regrettables : l'offre était abondante mais elle ne satisfaisait guère la demande plus précise et plus exigeante. Certaines spécialités n'existaient pas, alors que d'autres inondaient le marché de l'emploi. Il y avait aussi un problème de crédibilité qui expliquait la désaffection des jeunes déçus par les possibilités réduites et les perspectives limitées du système de formation ainsi que le désenchantement des entreprises insatisfaites de la qualité des diplômés. C'est dans ce contexte difficile que la loi d'orientation de la formation professionnelle a été adoptée le 17 février 1993. Le législateur a visé deux objectifs : d'une part réhabiliter la formation 204 HAFEDH BEN SALAH professionnelle en la considérant comme étant "l'une des composantes du dispositif national d'éducation, de qualification et d'emploi" (article premier), d'autre part assurer l'adaptation des connaissances théoriques et des capacités de savoir faire aux innovations technologiques et à l'évolution des caractéristiques de l'emploi (article deuxième). Pour ce faire, la loi du 17 février 1993 a opté pour la concertation et la coordination entre le secteur public et le secteur privé. Un conseil national de la formation professionnelle et de l'emploi a été institué dans ce cadre. Il regroupe les organismes publics concernés ainsi que des représentants du secteur privé. Ce conseil donne un avis sur les orientations générales de la politique nationale en matière de formation professionnelle et d'emploi compte tenu des besoins de l'économie et des perspectives de l'emploi ainsi que sur les critères de reconnaissance et d'homologation des titres et diplômes de formation professionnelle. Outre ces attributions consultatives, il peut prendre l'initiative de proposer toute mesure tendant à promouvoir l'emploi. La concertation est aussi organisée à l'échelle régionale et au niveau des différents secteurs de la vie économique dans le cadre de conseils décentralisés. L'édifice construit par la loi du 17 février 1993 tend à garantir la complémentarité entre l'appareil de formation professionnelle et le système d'éducation d'une part et à assurer la liaison entre les appareils de formation professionnelle et de production d'autre part. Pour atteindre le premier objectif, des passerelles ont été instituées permettant le passage des établissements d'enseignement général aux centres de formation professionnelle et l'accès à certaines filières de l'enseignement supérieur des diplômés de ces centres. Afin de concrétiser la liaison entre les systèmes de formation et de production, des programmes d'action ont été élaborés en vue de développer la capacité des entreprises à identifier de manière rationnelle leurs besoins en ressources humaines. La qualité totale dans ce domaine occupe une place centrale parmi les prévisions du IXème plan de développement économique et social en cours. Elle passe par une diversification des établissements de formation (I) et par une meilleure adaptation des modalités de formation (II). 205 205 SYSTEME DE FORMATION ET ECONOMIE DE MARCHE EN TUNISIE -ILa diversification des établissements de formation La formation professionnelle était assurée par l'État et considérée comme un palliatif à l'échec scolaire. Les rares établissements créés à cet effet dispensaient une formation incomplète et sommaire. Ils étaient démunis et coupés du marché de l'emploi. Ni les formateurs disponibles, ni les équipements utilisés ne leur permettaient de conquérir les faveurs des entreprises qui préféraient assurer elles-mêmes la formation de leurs agents. Dans ce même contexte, la formation professionnelle apparaissait plutôt comme une action sociale initiée par les pouvoirs publics pour aider les jeunes défavorisés exclus des établissements d'éducation . La réhabilitation de la formation professionnelle a conduit à la diversification des établissements de formation chargés d'assurer une meilleure maîtrise de la technologie et de contribuer à l'amélioration des qualifications professionnelles de la main-d'oeuvre et de sa productivité. La dimension économique s'affirme, dès lors, au détriment de l'aspect social. L'État n'est plus seul à prendre à sa charge la promotion de la formation professionnelle. Les organisations professionnelles et les entreprises sont désormais invitées par le législateur à collaborer avec l'État dans ce domaine. Il y a une nouvelle répartition de l'effort entre le secteur public (A) et le secteur privé (B) sans réduire la part de l'État et en renforçant le rôle des entreprises privées. A - Le secteur public La formation professionnelle est prise en charge par des structures rénovées (1) et animée par un personnel qualifié (2). 1 - Les structures Les établissements publics de formation professionnelle sont créés par un département ministériel. Ils ont une vocation sectorielle ou 206 HAFEDH BEN SALAH polyvalente. Les plus performants opèrent dans le secteur agricole et dans le secteur du tourisme et de l'artisanat. À côté de ces établissements, les pouvoirs publics ont créé trois organismes publics nationaux à la suite de la dissolution de l'office de la formation professionnelle et de l'emploi. Ce sont des établissements publics à caractère industriel et commercial disposant de moyens humains et financiers substantiels. L'Agence tunisienne de la formation professionnelle est chargée d'assurer la formation initiale des jeunes et des adultes directement ou par le biais des établissements auxiliaires qui en relèvent. La capacité d'accueil de cette institution est en constante augmentation puisqu'elle est passée de 7 700 places en 1991 à 12 646 en 1996. Elle devra atteindre le chiffre de 37 200 places en 2001. Le Centre national de formation continue et de promotion professionnelle est chargé d'organiser des actions de formation de nature à favoriser la promotion des travailleurs en activité et des formations de reconversion à l'intention des travailleurs qui ont perdu leur emploi ou sont menacés de le perdre. Ce Centre dispense ces formations au sein d'établissements auxiliaires dénommés "Instituts de promotion supérieure du travail". Le Centre national de formation des formateurs et d'ingénierie de formation assure la formation et le perfectionnement technique et pédagogique des personnels de formation professionnelle. Il participe à l'élaboration des moyens pédagogiques et des programmes de formation. Ces deux centres sont chargés de développer les relations de coopération et d'échanges avec les organismes similaires en Tunisie et à l'étranger. Ils peuvent assurer par voie de convention des prestations de service à titre onéreux. Ils peuvent aussi sous-traiter des actions de formation. 2 - Le personnel Le corps des personnels de la formation professionnelle comprend, notamment, les formateurs, les conseillers d'apprentissage, les conseillers pédagogiques et les inspecteurs de la formation profes- 207 207 SYSTEME DE FORMATION ET ECONOMIE DE MARCHE EN TUNISIE sionnelle. Sa création présente plus d'un avantage dans la mesure où l'un des obstacles majeurs à la promotion de la formation professionnelle était, depuis l'indépendance, l'instabilité des formateurs et l'hétérogénéité de leurs formations. En effet, l'une des critiques adressées à la formation professionnelle portait sur le faible niveau des formateurs qui n'étaient ni permanents ni compétents. La loi du 17 février 1993 met fin à une longue période d'improvisation dans ce domaine. La mise en place d'un corps unique comprenant plusieurs grades correspondant à des niveaux de qualification précis et complémentaires a pour effet de stabiliser les formateurs et de leur offrir des perspectives de carrière qui les motivent. Ce jeune corps frêle a, cependant, besoin de temps pour s'affirmer. Nul doute que le Centre national de formation des formateurs et d'ingénierie de formation aidera le corps des formateurs à gagner le pari de la qualité. B - Le secteur privé La contribution des entreprises et des organisations professionnelles n'est plus un appoint à l'effort déployé par les pouvoirs publics dans ce domaine. Elle prend de l'importance dans le IXème plan de développement économique et social puisqu'elle doit atteindre, en 2001, 50 MD contre 308 MD pour le secteur public. La loi du 17 février 1993 prévoit la création des établissements de formation professionnelle par une organisation d'employeurs ou de travailleurs, une entreprise ou un groupe d'entreprises, une association ou un promoteur privé. La réglementation de l'activité privée en matière de formation professionnelle demeure toutefois assez rigide. Il faut, d'abord, obtenir l'agrément préalable du ministre chargé de la formation professionnelle qui statue sur la demande après avis d'une commission consultative devant s'assurer du respect des prescriptions du cahier des charges fixant les conditions de formation, d'hygiène et de sécurité. La technique de l'agrément préalable ne semble pas adaptée à l'esprit libéral de la loi du 17 février 1993. Le régime de la déclaration qui présente l'avantage d'être plus souple et conforme au libéralisme 208 HAFEDH BEN SALAH qui caractérise les réformes économiques récentes aurait eu un meilleur effet sur l'investissement dans ce domaine. Cette observation est d'autant plus justifiée que la loi du 17 février 1993 prévoit au profit du ministère de tutelle un pouvoir général de contrôle qui s'exerce dans tous les domaines d'activité des établissements privés de formation. Ce contrôle est facilité par le dépôt préalable auprès des services du ministère chargé de la formation professionnelle des programmes, des tarifs et des conditions de déroulement des formations dispensées. Ce contrôle tend à garantir les droits et intérêts des stagiaires qui doivent être informés avant le début de la formation par un document précisant les conditions de déroulement du stage, sa durée, les conditions de délivrance du certificat de fin de formation, la fourniture des moyens didactiques, le coût de la formation et son mode de règlement. - II L'adaptation des modalités de formation La formation professionnelle comprend : la formation initiale (A) et la formation continue (B). A - La formation initiale Elle a pour but de préparer à l'entrée dans la vie professionnelle. Les candidats peuvent recourir aux structures de l'orientation professionnelle, notamment les services centraux et régionaux d'orientation relevant du ministère chargé de l'emploi. Ils bénéficient, à ce niveau, d'une aide de nature à leur faciliter le choix, en connaissance des possibilités d'emploi et d'insertion dans la vie active, d'une profession conforme à leurs motivations, à leurs aptitudes, et à leurs intérêts. Il faut souligner que cette orientation n'est pas obligatoire c'est-à-dire qu'elle n'est pas le préalable de l'accès à une filière de formation. De ce point de vue, elle se distingue de l'orientation en matière d'enseignement supérieur. La motivation personnelle prend le pas sur les besoins du marché de l'emploi, puisque certaines filières importantes peuvent, théoriquement au moins, ne pas attirer un nombre suffisant de candidats. Le législateur a fait plutôt confiance 209 209 SYSTEME DE FORMATION ET ECONOMIE DE MARCHE EN TUNISIE aux lois du marché de l'emploi, les préférant à l'orientation bureaucratique. La formation initiale peut être précédée, aussi, d'une préformation ou d'enseignements préparatoires destinés à la mise à niveau de certains candidats en raison des lacunes constatées dans leur formation générale. La formation initiale est assurée à plein temps ou bien en alternance entre l'établissement de formation et l'entreprise. Elle peut être dispensée dans le cadre d'un contrat d'apprentissage conclu entre l'employeur en qualité de maître d'apprentissage et l'apprenti ou son représentant légal. Ce contrat doit être visé par les services du ministère chargé de la formation professionnelle. Son exécution est suivie par les conseillers d'apprentissage qui veillent sur la qualité de la formation. B - La formation continue et l'adaptation professionnelle Pour améliorer les performances des travailleurs et faciliter l'insertion des demandeurs d'emploi, la loi du 17 février 1993 a prévu des cycles de formation assurés par le Centre national de formation continue et de promotion professionnelle et ses établissements auxiliaires. L'accès à ces cycles est ouvert aux candidats ayant participé avec succès à un examen professionnel. À la différence de la formation initiale largement ouverte aux candidats, la formation continue semble reposer sur une sélection rigoureuse. Ce qui s'explique par l'impératif de qualité à titre principal et par des contraintes tenant à la capacité d'accueil limitée des établissements spécialisés et au coût élevé de ce type de formation. Le souci majeur des pouvoirs publics, dans ce domaine, est de faciliter l'adaptation et la reconversion des travailleurs en activité en vue de préserver leurs liens avec leurs entreprises qui sont souvent tenues d'innover pour demeurer compétitives. Dans cette perspective, la promotion professionnelle est passée à un second plan, au moins si l'on se fie aux programmes d'action en cours. Chapitre 3 SYSTEME de FORMATION TECHNIQUE, ENTREPRISES ET DÉVELOPPEMENT LOCAL Jean-Claude Lugan, professeur I - Le capital humain-formation comme facteur endogène du développement La croissance économique est, à l'échelle historique, une notion et un phénomène récent. Longtemps les sociétés ont été confrontées à des changements lents. Depuis deux siècles dans les sociétés occidentales, le rythme annuel moyen d'augmentation des quantités produites est d'environ 1,5 %. Cela équivaut à multiplier ces quantités par cinq en un siècle. Néanmoins les guerres mondiales (1914-1918, 1939-1945), certaines crises (1873-1930) ont rendu la croissance économique assez chaotique. Les classiques pensaient que le mouvement n'était pas durable et qu'il déboucherait sur un état stationnaire. Marx cherchait à démontrer que le capitalisme ne pourrait pas survivre à ses contradictions. Keynes et Schumpeter craignaient que les tendances dépressives du capitalisme finissent par prendre le dessus, faute de coordination pour le premier, par déclin de l'esprit d'entreprise pour le second. Dans la seconde moitié du XXème siècle, malgré des crises plus secondaires (crise pétrolière de 1974), la croissance a été plus régulière et les économistes ont recherché plus volontiers les causes de cette croissance dans des processus endogènes. 212 JEAN-CLAUDE LUGAN Les théories dites de la croissance endogène 17 ont puisé leur inspiration à la fois dans les courants keynésiens et néoclassiques : des néo-classiques, elles reprennent l'idée qu'il n'existe pas de problème de demande, que davantage d'épargne permet plus d'investissement, donc davantage de croissance ; des keynésiens, elles reprennent l'idée que, sans intervention publique dans le domaine de la santé, des infrastructures et de la formation, l'économie fonctionne en deçà de son régime potentiel et que les mécanismes du marché ont besoin d'être complétés. Il s'agit de formes d'investissements collectifs utiles à la croissance. En somme pour traiter des sociétés complexes, la théorie économique aurait besoin de dépasser les oppositions traditionnelles trop tranchées pour ne pas dire trop mécaniques entre théories néoclassiques et théories d'inspiration keynésiennes. Dans ces théories endogènes de la croissance, essayons de voir de manière synthétique quels rôles jouent plus particulièrement la formation sous ses formes diverses ? Par exemple pour Robert Solow 18, c'est le progrès économique qui engendre la croissance. Pour accroître le ryhme de croissance, on peut investir, mais au fur et à mesure que l'investissement augmente, le surplus de production qu'il permet d'obtenir (la productivité marginale) devient de moins en moins important. La vitesse ne peut plus être accélérée, sauf à améliorer les performances du moteur. C'est le rôle du progrès technique qui, sur le long terme, est le seul élément capable d'engendrer une augmentation du rythme de croissance. Le rythme de croissance à long terme (pente du sentier de croissance) résulte de l'augmentation de la population active et du rythme de progrès technique. Paul M. Romer 19 avance l'idée que c'est la croissance qui engendre le progrès technique et non l'inverse. Autrement dit l'origine de la croissance est endogène ; elle dépend de la vitesse déjà AUTUME (Antoine), "Les nouvelles théories économiques", Les cahiers français, n° 272, juillet-septembre 1995 ; GUELLEC (Dominique) et BALLE (Pierre), Les nouvelles théories de la croissance, collection repères, éd. La découverte ; GAFFARD (Jean-Luc), Croissance et fluctuations économiques, Éd Montchrestien ; ABRAHAM-FROIS (Gilbert), Problématiques de la croissance, éditions Economica, 1974. 18 SOLOW (Robert) : prix Nobel d'économie en 1987. 19 ROMER (Paul M.) : professeur d'économie à l'Université de Standford. 17 213 213 FORMATION, ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT LOCAL acquise. La croissance désormais dépend du jeu combiné de l'investissement et des connaissances liées à l'expérience et à la formation. Ce processus d'accumulation des connaissances par l'expérience et la formation produit des effets sur l'ensembe de la société et pas obligatoirement dans les entreprises où il prend naissance. Ainsi le savoir-faire appris dans une entreprise donnée permet à certains ingénieurs, cadres, techniciens de se lancer pour leur propre compte (essaimage), ce qui n'est pas forcément bénéfique pour l'entreprise d'origine, mais l'est pour la collectivité. Il s'agit d'"effets externes". Seule l'intervention de l'État ou d'autres collectivités politiques (collectivités territoriales par exemple), selon le degré de décentralisation du pays, peut permettre une conciliation, en incitant ou contraignant les entreprises à adopter un comportement favorable à l'intérêt collectif. Le support d'apport productif à la société dans son ensemble dépasse le surplus de rémunération que la personne qui s'est formée peut espérer. Il y a donc bien un effet externe qui légitime que l'État et d'autres collectivités incitent, par des bourses, par une prise en charge d'une partie au moins du coût de formation, les individus à mieux se former, car celui qui se forme devient capable d'utiliser de nouveaux outils, voire de concourir à leur amélioration. Robert E. Lucas 20 explora cette piste dans la lignée des analyses dites du "capital humain" Un principe essentiel cependant : il ne sert à rien de trop investir et l'investissement, donc l'épargne et la rémunération de l'épargne doivent progresser au rythme du sentier de croissance. Dans cette perspective, les pays en retard disposent d'une sorte de joker, puisqu'ils peuvent espérer voir leur croissance économique s'accélérer au fur et à mesure qu'ils maîtriseront le progrès technique utilisé par les pays technologiquement en avance (phase de rattrapage) et cela en investissant, mais ensuire, une fois le rattrapage effectué, il ne sert plus à rien de pousser les feux de l'investissement ; c'est le rythme du progrès technique nouveau qui déterminera à long terme la pente du sentier de croissance. Par exemple en 1950, les pays européens ont pu stimuler leur croissance en profitant de l'expérience acquise par les États-Unis. 20 LUCAS (Robert E.) : prix Nobel d'économie en 1995. 214 JEAN-CLAUDE LUGAN D'où vient ce progrès technique ? Paul M. Romer a proposé une explication : "learning by doing". Il reprend une analyse de K. Arrow 21 qui s'appuyait notamment sur le fait que la plupart des changements techniques dans les façons de produire sont nés de l'observation concrète de l'expérience productive, du savoir-faire des acteurs de terrain. En d'autres termes, le progrès technique a d'autant plus de chances d'être important que l'économie est plus développée, puisque les occasions de perfectionnement et de changement se multiplient. Néanmoins dans les nouvelles techniques de production, l'expérience de terrain n'est qu'un adjuvant utile certes, mais insuffisant. Ceux qui se forment deviennent capables d'utiliser de nouveaux outils, voire de concourir à leur amélioration. En outre les firmes effectuent des investissements en recherche-développement avec des cadres et des techniciens de haut niveau de formation et en s'appuyant de plus en plus sur des centres de recherche universitaires ou assimilés. Toutefois elles ne le font que si elles espèrent en tirer bénéfice. Or si les bénéfices ne sont que collectifs, les firmes seront moins incitées à accentuer leurs efforts en recherche développement. Les pouvoirs publics en permettant aux firmes novatrices de demeurer propriétaires de leurs innovations par les brevets rééquilibrent les choses. D'ailleurs une innovation chasse l'autre et par conséquent le monopole instauré par les brevets n'est que provisoire. II - La formation comme condition d'un développement local La notion de développement local n'est pas facile à cerner. Si l'on y ajoute le qualificatif de durable, la clarification conceptuelle est encore plus hardie. Ainsi pour la thèse libérale : un marché bien organisé produit du développement durable ; alors que pour la thèse sociale-démocrate, seule une organisation collective peut produire du développement, sinon les dommages de l'économie libérale risquent d'être irréparables. Néanmoins quelques questions ou idées centrales permettent de préfigurer une problématique d'un développement local qui s'évertu21 ARROW (Kenneth) : prix Nobel d'économie en 1973. 215 215 FORMATION, ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT LOCAL rait à s'inscrire dans la durée, c'est-à-dire à prendre en compte les impératifs de ses environnements dans une large acception, ceci dans la mesure où le développement durable est sous tendu par un certain type d'orientation aux valeurs qu'il faut expliciter. Ces idées ou principes fondamentaux pourraient être formulés ainsi : - une utilisation parcimonieuse des ressources, tout le problème tenant dans la définition des ressources, notamment des ressources naturelles. En d'autres termes, il s'agirait de maintenir le capital naturel, tout en l'utilisant. Exemples : comment utiliser sans le détruire le capital naturel unique que représente le Grand Canyon, la baie du Mont Saint-Michel ou la baie d'Along ? - la nécessité de lier les logiques d'acteurs locaux, afin d'éviter les poches de contradictions et de conflits, -la mise en exergue du principe de précaution, afin de ne pas créer des phénomènes négatifs irréversibles, - la nécessité fondamentale de gérer des temps différentiels : le temps de l'entreprise, le temps politique, le temps de la formation, le temps des cycles dits naturels etc., -enfin intégrer l'idée que la durabilité locale renvoie toujours au développement durable macro. Dans cette perspective de recherche d'un développement local durable, on peut émettre l'hypothèse que les entreprises dans un milieu donné souhaitent trouver aujourd'hui : 1) des communications de qualité 2) des équipements techniques collectifs 3) des services publics 4) des services de maintenance 5) des aides conseil 6) une animation culturelle, sportive, commerciale 216 JEAN-CLAUDE LUGAN 217 217 FORMATION, ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT LOCAL 7) enfin, et c'est notre propos ici, des systèmes locaux de formation capables, selon les expressions d'E. Morin, de ré-organisation qui exprime la transformation dans le temps, d'auto-organisation qui exprime un certain niveau d'autonomie, d'éco-organisation qui exprime un fonctionnement ouvert dans des environnements plus ou moins changeants ou actifs. Ceci suppose en conséquence de la part de ces systèmes de formation, des capacités : de régulation, d'information sur les effets de leurs actions sur les environnements, de décision, de mémorisation, de coordination des décisions dans le temps, de conception de nouvelles solutions en rapports aux nouveaux problèmes. Nous avons vu que la formation et le progrès technique qui lui est directement lié, était considérée par certains économistes contemporains, comme l'une des conditions essentielles du progrès technique, donc du développement. Comment ces processus de formation se déclinent-ils en matière de dévoppement local durable ? Comment peuvent-ils aboutir au fond à un système d'acteurs partenaires capables malgré leurs différences de cadres de références, de stratégies, d'enjeux, d'attentes, d'oeuvrer à ce développement local sur la durée et en intelligence avec les environnements à travers la formation ? La démarche la plus simple, du moins dans un premier temps, nous semble l'explicitation des attentes des principaux types d'acteurs concernés par la mise en place de nouveaux établissements et donc de nouvelles formations supérieures. Afin d'éviter la dispersion des analyses, nous nous sommes situés dans le cadre de formations supérieures techniques courtes : I.U.T., B.T.S., ou longues : École d'ingénieur, implantées dans des collectivités de taille moyenne, c'est-à-dire là où elles sont, nous le verrons, le plus directement en prise avec des problématiques de développement local. A - Les collectivités locales de taille moyenne (villes moyennes de 20 000 à 200 000 habitants) ) attendent plusieurs effets des implantations universitaires de type I.U.T., École d'ingénieurs. 218 JEAN-CLAUDE LUGAN Premier effet : l'implantation d'un établissement ou d'établissements génére des emplois directs et indirects, d'abord liés à la construction et au fonctionnement des établissements, puis à la présence d'étudiants, d'enseignants et de personnels qui représentent autant de consommateurs (un étudiant dépenserait en moyenne 30 000 Francs/an). Ils accroissent les consommations locales dans tous les secteurs de la vie économique, donc renforcent ipso facto les équipements existants et leur rentabilité. D'après l'Institut de recherche sur l'économie de l'éducation, 1 000 étudiants seraient à l'origine de la création directe ou indirecte de 130 emplois nouveaux. En ce qui concerne les grandes Écoles, les Instituts universitaires de technologie, les Instituts universitaires professionnels, ce chiffre serait sensiblement supérieur, étant donné les taux d'encadrement (entre 150 et 300 emplois ) Deuxième effet : l'effet "image" de la localité pour attirer les entreprises. Le potentiel de formation et de recherche participe à la construction d'une image dynamique et moderne de la collectivité et d'un milieu propice au renforcement des entreprises. Ce renforcement de l'image dynamique et positive de la collectivité vis-à-vis de l'extérieur, peut constituer un élément d'attractivité supplémentaire pour les entreprises des secteurs secondaires ou tertiaires innovantes et favoriser les processus de développement des entreprises existantes. Troisième effet : une population étudiante et universitaire participe au renouvellement de la culture locale dans toute l'acception du terme et notamment de la culture scientifique et technique ; cet élément est un facteur non négligeable de développement plus réfléchi et donc plus durable. En effet une formation de bon niveau permet aux formés de mieux s'insérer dans de nouveaux modèles de développement locaux, plus innovants, tenant mieux compte des contraintes environnementales. Ils peuvent même dans certains cas les promouvoir. Bien sûr les collectivités locales concernées seront amenées à consentir des investissements supplémentaires qui accompagnent inévitablement une implantation universitaire : logements, équipements sportifs, voierie, mise en oeuvre de transports collectifs etc. En France dans le cadre du plan Université 2000, les collectivités ont même 219 219 FORMATION, ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT LOCAL participé directement aux investissements universitaires proprement dits (bâtiments, centres de recherches, matériels pédagogiques ...). B - Du côté des entreprises, les effets attendus sont plus précis. Néanmoins en matière de formation proprement dite, deux hypothèses sont à considérer : Première hypothèse : les entreprises locales manquent de main-d'oeuvre du niveau brevet de technicien supérieur ou diplôme universitaire de technologie, voire du niveau ingénieur ; elles peuvent bien sûr, en situation de sous-emploi en particulier, rechercher des formés à l'extérieur en fonction de leurs besoins. C'est une formule souple puisque les entreprises ne subissent pas les pressions directes d'établissements locaux de formation. Néanmoins en contre-partie il existe un désavantage : les entreprises n'ont pas la possibilté d'être associées à l'élaboration des programmes de formation, c'est-à-dire aux profils de formés qui correspondraient davantage à leurs besoins. Deuxième hypothèse : un établissement supérieur est implanté dans le milieu local et assure des formations qui sont plus ou moins en congruence avec les entreprises de la zone ; celles-ci pourront ainsi : 1) participer par l'intermédiaire de leurs cadres à la formation des étudiants ; ce qui peut être une manière tout à fait intéressante et concrète de lier les préoccupations, les difficultés des uns et des autres et aboutir ainsi à des enrichissements mutuels au plan des connaissances techniques, mais aussi servir à développer en termes réciproques les connaissances des contraintes et des ressources de chacun en milieu profesionnel. 2) organiser des stages de formation en alternance pour les étudiants, permettant à l'entreprise d'opérer ainsi éventuellement une présélection d'embauche. 3) bénéficier de structures de formation continue pour certaines catégories de personnel 220 JEAN-CLAUDE LUGAN En matière de recherche : Les entreprises attendent en effet des enseignants-chercheurs organisés plus ou moins en laboratoires, des soutiens en matière d'adaptation de leurs produits. En d'autres termes, elles souhaitent préorienter et bénéficier de recherches appliquées effectuées par les enseignants-chercheurs et les laboratoires universitaires ou mieux, pour les entreprises d'une certaine taille, définir des collaborations entre laboratoires d'entreprises et laboratoires universitaires. 221 221 FORMATION, ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT LOCAL Le problème : est-ce que dans une unité délocalisée, il est possible d'atteindre la taille critique et un développement suffisamment diversifié des laboratoires pour atteindre à la reconnaissance scientifique et répondre sérieusement à la demande ? Les Centres régionaux d'innovation et de transfert de technologie (C.R.I.T.T.) représentent des solutions souples par un système d'antennes déconcentrées qui peuvent s'appuyer sur des laboratoires situés dans les Universités mères. Il est fortement probable que les nouvelles techniques d'information et de communication (N.T.I.C.) pourront de plus en plus améliorer ces réseaux. En Languedoc-Roussillon se sont mises en place des "cellules locales d'accompagnement technologiques", composées d'enseignants du secondaire et d'universitaires chargés de recueillir les besoins et les attentes des entreprises et éventuellement d'élaborer les réponses adaptées. C - Quant aux établissements de formation, ils peuvent bénéficier d'un certain nombre d'avantages et assumer aussi des inconvénients : Les avantages : 1) une meilleure évaluation des besoins des entreprises en main-d'oeuvre, permettant ainsi de faire évoluer les programmes de formation, éventuellement les besoins en recherches appliquées. Or rien ne vaut le contact direct en la matière. Ce contact peut être établi par des professionnels des entreprises, dispensant des enseignements dans les établissements supérieurs ; mais aussi par les stages des étudiants en entreprises ou des formations dites en alternance. 2) une utilisation des entreprises comme supports logistiques en vue de recherches appliquées. Dans cette perspective les C.R.I.T.T peuvent jouer des rôles d'interfaces tout à fait éminents. Ils relèvent de structures universitaires, mais très proches des milieux professionnels, ils assurent à titre d'exemples : des aides ponctuelles, des études de faisabilité, des essais techniques, des formations ciblées, le développement de logiciels, des études de process, des recherches appliquées, du suivi technologique, des expertises et audits, de l'assistance technique, etc. 222 JEAN-CLAUDE LUGAN 3) des propositions d'emplois pour un certain nombre d'étudiants. Les inconvénients : l'éloignement de grandes villes universitaires où se concentrent les laboratoires de recherches et ainsi l'absence d'une masse critique favorable aux échanges scientifiques et techniques. Aujourd'hui les nouvelles techniques d'information et de communication peuvent compenser en partie ces inconvénients, mais en partie seulement, car les relations face à face manifestent des avantages spécifiques. Un autre élément négatif tient aux difficultés des enseignants-chercheurs des sites décentralisés à effectuer des recherches avec un appui logistique suffisant, dans la mesure où ils sont éloignés des centres de recherche et des échanges scientifiques qui peuvent s'y développer. Or, dans les déroulements de carrière, la recherche et les publications qui lui sont liées, constituent les critères majeurs pour ne pas dire uniques. De plus la recherche appliquée, les transferts de technologies, de même que les actions de formation continue sont considérées, toujours du point de vue de la carrière, comme annexes. D'une manière plus générale, il faut noter que des contradictions existent aussi entre les modalités du développement local et les modalités du développement des établissements universitaires. Ces deux types de développement ne se fondent ni sur des territoires, ni sur des temps, ni sur des logiques parfaitement similaires. Comme le note J. P. de Gaudemar dans un rapport au ministre intitulé "Prospective de la carte d'enseignement supérieur et de la recherche", si le développement d'un pays est en liaison directe avec son niveau d'éducation et de recherche-développement, cette thèse est moins convaincante lorsque l'on descend à des niveaux régionaux ou micro-régionaux. Les temps et les ryhmes des deux systèmes sont différents. Le temps des systèmes et des acteurs politiques est un temps d'urgence, assujetti notamment aux échéances électorales ; le temps des systèmes universitaires est forcément un temps de réflexion et d'expérimentation. 223 223 FORMATION, ENTREPRISES ET DEVELOPPEMENT LOCAL De même, comme le soulignent les auteurs de l'ouvrage Développement universitaire et développement territorial, l'impact du plan université 2000 (1990-1995) 22 , les territoires ne coincident pas. Les universités et leurs établissements ne raisonnent pas volontiers espace local, mais aujourd'hui plus qu'hier espace européen et international. Cela peut constituer une source d'incompréhension majeure entre les deux mondes. Cette tension met en évidence les contradictions 22 La documentation française, Paris, 1998. 224 JEAN-CLAUDE LUGAN intrinsèques entre développement local et développement universitaire : d'un côté l'ancrage territorial, le plus rapide possible, de l'autre la dimension nationale, européenne, internationale, le temps propre à la recherche . C'est par le travail de réflexion en commun que ces contradictions peuvent être utilement réduites dans une perspective de développement plus harmonieux et plus en profondeur du territoire. Il faut en quelque sorte aboutir à des systèmes locaux de formation supérieur associant divers types d'acteurs : chefs d'établissement et enseignants des lycées, enseignants du supérieur, élus locaux, représentants des administrations de l'État, afin que la formation soit, non une pièce artificiellement rapportée, mais un des maillons incontournables de ce développement local 23 La collectivité nationale peut trouver ses intérêts dans ces opérations formation-recherche-développement local. Certes ces opérations réduisent les économies d'échelle réalisées par la concentration d'établissements universitaires dans des grandes agglomérations ; mais elles peuvent participer à une politique plus active d'aménagement du territoire, donc réduire les coûts de concentrations excessives, toujours difficiles à mesurer mais réels dans le domaine urbanistique, social, environnemental et au bout du compte mieux s'orienter vers un développement en profondeur que l'on peut se risquer à qualifier de durable. "L'établissement éducatif et son environnement. Pour une approche méthodologique territorialisée de l'efficacité des systèmes de formations", en collaboration avec J. L. Hermen, 30 p., Cahiers du CEJEE, paru dans la revue Savoir, Éducation, formation, n° 3 1994, 20 p. 23 Chapitre 4 PRINCIPAUX MODELES DE TRANSITION FORMATIONEMPLOI. UN EXEMPLE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN FRANCE Jean-Louis Hermen, directeur de l'Observatoire de la vie étudiante Le cadre général de coopération entre l'Université des sciences sociales et humaines d'Hanoi et celle de Toulouse I, concerne "l'évolution du statut du secteur privé dans l'économie du Viet Nam", avec un volet "ingénierie de la formation et des systèmes d'emplois". Nous nous situons en effet dans un processus de développement qui s'est accéléré depuis les premières réformes économiques de 1986. Les transformations des structures économiques et sociales qui en ont découlé, la dynamique démographique de la population vietnamienne, la volonté de dynamiser les régions rurales et montagneuses, rendent plus que jamais nécessaire un accompagnement par la formation de ces changements, avec une approche en termes d'ingénierie de la formation. L'ingénierie de la formation se définit comme un "ensemble coordonné et ordonné de travaux de conception, de réalisation, d'évaluation et de régulation des systèmes de formation dans leurs environnement sociaux, culturels et économiques". La démarche d'ingénierie de la formation est appliquée depuis un certain temps en France dans les domaines des politiques de formation (niveaux local, régional, national) et de la gestion des ressources humaines (entreprises). Les Universités françaises pour la mise en place de cette démarche au niveau local (aide à la construction et à 226 JEAN-LOUIS HERMEN l'évaluation du projet d'établissement de formation) ont créé des structures d'évaluation et de prospective : "les Observatoires de la vie étudiante 24. Dans le processus de développement de l'Université d'Hanoi, il a paru important à l'ensemble des acteurs que pour mieux comprendre et améliorer les processus d'accès à l'emploi des diplômés des filières de formation actuelles et futures, il était nécessaire de se doter d'outils d'analyse et de prospective. Ceci afin d'améliorer la qualité de la formation en relation avec la demande du marché du travail vietnamien, et plus généralement la transition entre l'Université et le monde du travail. C'est dans ce contexte que se situe cette communication. -IProblématique. Méthodologie Dans l'analyse des relations entre le monde de la production et celui de la formation, l'association des notions de marché à celles d'organisation ou d'institution est très importante ne serait-ce que par les problèmes qu'elle pose. Par marché nous entendons marché de l'emploi et marché de la formation ; quant aux organisations ou institutions, elles peuvent être soit de nature micro-économique (entreprise - établissement de formation), soit de nature macro -ou méso-économique : ministère ou ses représentants régionaux, branche professionnelle organisée et sa déclinaison régionale par exemple. Il s'agit donc de la mise en relation de systèmes sociaux complexes, ayant chacun des logiques, des modes de fonctionnement différents. On peut identifier aisément les trois groupes d'acteurs de la relation formation-emploi : - Les formés, c'est-à-dire les jeunes issus du système de formation initiale ou d'apprentissage et les adultes passés par le système de formation continue. "Les Observatoires de la Vie Etudiante : outils d'évaluation et de prospective au service du projet d'établissement universitaire", Jean-Louis HERMEN, mars 1998. 24 227 227 TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE - Les institutions, qui recouvrent d'abord les établissements de formation mais aussi celles qui sont chargées de l'orientation et de l'intermédiation, ainsi que celles en charge des politiques de formation en termes notamment d'évaluation et de prospective. - Les utilisateurs de formés, et plus particulièrement les entreprises ou les administrations. Les relations entre ces groupes sont complexes et tendent à se compliquer encore dans la mesure où l'État donne de l'autonomie aux établissements de formation et transfère une partie de ses pouvoirs aux collectivités territoriales. Complexité d'autant plus forte dans la mesure où sont confrontées des logiques individuelles (processus d'insertion des formés), à des logiques globales que sont les politiques de gestion des ressources humaines et les politiques de formation. A - L'approche par les entreprises L'analyse de la relation d'emploi dans l'entreprise est un des domaines où les changements ont été les plus nombreux ces dernières années. L'évaluation du processus d'accès à l'emploi des jeunes sortant de l'appareil éducatif est marquée par la durée, la sélectivité, les modes de recrutement, la mobilité. On peut aussi identifier les variables discriminantes de l'insertion : différences selon la taille et le secteur d'activité des entreprises, influence déterminante des politiques de gestion des ressources humaines. Dans ce contexte, l'analyse des pratiques des acteurs de l'insertion est un enjeu important. Quels sont les rôles respectifs de chacun : employeurs et organisations patronales, syndicales, salariés, environnement local... ? Les comportements des entreprises à l'égard de l'insertion procèdent-ils d'une véritable politique ou d'une stratégie ? Autant de question qui interrogent sur le rôle nouveau de la formation dans les pratiques des entreprises. 228 JEAN-LOUIS HERMEN B- L'approche par les institutions Le rôle des institutions dans les processus d'insertion est important car on peut supposer que la façon dont les décisions sont prises, va affecter les conditions de l'insertion. La notion d'institution recouvre d'abord les établissements de formation. Au regard de l'insertion il semble nécessaire de préciser l'organisation des filières, les acquis de la formation (niveau, contenu), mais aussi les modalités de fonctionnement de l'établissement en interaction avec ses environnements : projet d'établissement, partenariat écoles-entreprises... D'autres institutions se chargent de l'orientation des jeunes, et peuvent avoir une influence dans le déroulement des cursus de formation et les choix personnels, et par là-même, un impact sur l'insertion. Un troisième groupe d'institution, assure des fonctions d'intermédiation entre le système de formation et le marché de l'emploi : ce sont les agences pour l'emploi (ANPE, APEC, APECITA), mais il existe aussi d'autres institutions telles que les réseaux d'anciens diplômés. Ici aussi leur rôle peut avoir une influence déterminante sur les processus d'insertion. C - L'approche par les jeunes Dans la plupart des pays membres de l'OCDE, les conditions d'insertion des jeunes sont bien connues. Les éléments les plus fréquemment utilisés pour les décrire sont les suivants : nature du premier emploi (niveau de qualification, précarité, secteur et taille de l'entreprise), durée d'accès au premier emploi, modes de recherche d'emploi, stabilisation dans l'emploi, etc. On peut distinguer trois types de variables explicatives : individuelles (sexe, âge, origine sociale...), scolaires (diplôme, spécialité, orientation, qualité du cursus...) et spatiales (marché local du travail). Concernant la période d'observation, chacun a souligné l'intérêt d'enquêtes régulières d'insertion et de cheminement, avec une préférence pour les enquêtes longitudinales intégrant des calendriers tri- 229 229 TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE mestriels d'activités (Cf. Exemple ci-après de l'analyse des processus d'insertion des diplômés de troisième cycle de l'Université de Toulouse). Tous ces outils permettent de repérer les tendances dominantes de la transition formation-emploi dans de nombreux pays en combinant les approches entreprises, institutionnelles et jeunes diplômés. Nous traiterons tout d'abord des quatre modèles dominants de transition formation-emploi, et nous illustrerons dans une deuxième partie l'analyse des processus d'insertion à partir de l'exemple des diplômés de troisième cycle de l'Université des sciences sociales de Toulouse. - II Les quatre modèles de transition formation-emploi Le Bureau international du travail, à Genève, vient de publier un rapport de son département de l'emploi et de la formation favorable à un resserrement du lien entre formation initiale (et continue) et entreprise. Ces liens selon les pays peuvent prendre diverses formes ; cela se traduit selon Jacques Gaudé par quatre grands modèles de transition école-emploi. A - Le modèle japonais à transition directe Le Japon met l'accent sur la formation en entreprise. Le système se caractérise par un faible taux de rotation de la main-d'œuvre. Les employeurs sont assurés du retour sur investissement de la formation. Ils sont en correspondance directe avec les écoles pour le recrutement des jeunes qu'ils font ensuite passer par différents postes. Ces personnes suivent une formation et des reconversions successives, toutes appliquées aux besoins spécifiques de l'entreprise. Quant aux petites et moyennes entreprises, qui n'ont pas les moyens de former leur personnel, elles recrutent pour leur part dans les écoles professionnelles ; ces dernières regroupent le quart des élèves, au niveau de la fin du cycle secondaire. 230 JEAN-LOUIS HERMEN B - Le modèle allemand à transition régulée L'Allemagne, comme le Danemark, l'Autriche ou la Suisse, mise sur la formation en alternance. Un contrat de travail d'environ trois ans lie les apprentis aux entreprises. Ils perçoivent une indemnité fixée par la convention collective de branche. Les programmes de formation sont co-déterminés par les syndicats et les employeurs. Les premiers sont favorables à une formation générale dispensée en centre de formation pouvant faciliter par la suite une éventuelle mobilité du salarié, les seconds défendent une formation spécifique acquise sur le lieu de travail et répondant aux besoins de l'entreprise d'accueil. Un peu moins de 500 000 contrats sont signés chaque année. Bien que leur nombre ait tendance à décroître depuis 1984, du fait notamment de la baisse de la natalité et de la concurrence de l'Université, ils restent au niveau de 70 % d'une classe d'âge. 231 231 TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE C - Le modèle américain à transition dérégulée Les États-Unis, pour leur part, ont professionnalisé leur formation initiale. Ils ont développé des parcours scolaires où la formation professionnelle secondaire se voit attribuer deux missions : maintenir les élèves les plus défavorisés socialement dans le système scolaire, et mieux les préparer à l'emploi. La transition vers le marché du travail est longue. L'emploi lui-même est de plus en plus précaire, et prend la forme d'une succession de postes sur des périodes de courte durée, entre lesquelles le salarié doit pouvoir s'adapter. D - Le modèle français à transition décalée La France, comme l'Italie, préfère la formation dispensée en milieu scolaire. Ce sont les études générales vers le baccalauréat et ensuite les études supérieures qui sont privilégiées. Ceci concerne ac- 232 JEAN-LOUIS HERMEN tuellement près de 70 % d'une classe d'âge, c'est-à-dire la même proportion que les jeunes Allemands en apprentissage. Les études professionnelles sont souvent dévalorisées, et ont été longtemps perçues comme celles accueillant les laissés-pour-compte du système général. Plus qu'ailleurs la formation initiale marque les individus pour une majeure partie de leur vie active. En effet le système est construit sur le principe d'une correspondance entre niveau hiérarchiques de l'emploi et niveaux de formation censés répondre à ces besoins. Mais ce modèle évolue sensiblement vers des formes d'alternance soit sous statut scolaire (avec le développement des stages de longue durée) soit sous statut salarié (apprentissage, contrat de qualification). Ce sont les pays latins appliquant le modèle à "transition décalée" qui sont les plus touchés par le chômage des jeunes. Cf. graphique ci-après. Il est évident que d'autres variables telles que la démographie, la croissance économique, le dynamisme du marché du travail, mais aussi l'allongement de la durée des études qui réduit d'autant le volume d'actifs jeunes, peuvent aussi expliquer ces écarts. Plus qu'ailleurs toutefois, ce système à transition décalée où la for- 233 233 TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE mation initiale marque fortement les individus, induit un processus d'insertion dans la vie active relativement lent : le lien entre formation initiale et l'entreprise ne relevant pas d'une automaticité certaine. Des procédures d'intermédiation, de régulation, d'anticipation sont d'autant plus nécessaires en période de crise pour resserrer ces liens entre la formation et l'emploi afin d'améliorer l'efficacité du système de formation professionnelle. De telle sorte que dans les pays à fort taux de chômage des jeunes (France, Espagne ou Italie), on assiste à l'émergence d'un nouveau secteur d'activité qui regroupe les métiers de l'insertion et de la réinsertion professionnelle, qui génèrent de nouvelles fonction à l'interface des systèmes de formation et d'emploi. Ce secteur en émergence donne une nouvelle dimension à la responsabilité publique et un rôle important à la démarche d'ingénierie de la formation. 234 JEAN-LOUIS HERMEN - III Un exemple de processus d'entrée dans la vie active : les diplômes de troisième cycle de l'Université des sciences sociales de Toulouse A - L'enquête sur le devenir des titulaires d'un DEA ou d'un DESS 25 de Toulouse I obtenu en 1995 a été effectué par voie postale au printemps 1998. Les finalités de ces deux diplômes de torisième cycle sont différentes. Le DEA, correspondant à la première année d'études doctorales et se veut avant tout une formation théorique, méthodologique et pratique, d'initiation à la recherche. Le DESS, formation de haute spécialisation, prépare directement à l'exercice d'une profession. Ces filières ont en commun que leur accès est limité (numerus clausus) et que le recrutement s'opère par sélection. Le nombre des diplômés de DEA fait plus que tripler de 1988 à 1996 : il passe de 129 à 432. Ce phénomène est dû à l'augmentation de l'offre de formation : huit DEA en 1985, dix-huit aujourd'hui. Parmi ces 18 DEA, huit sont à dominante juridique, six à dominante économique, deux à dominante gestion et deux à dominante sciences politiques. L'origine des étudiants de DEA est très spécifique : les DEA juridiques recrutent surtout des maîtres en droit, les DEA économiques recrutent majoritairement des maîtres en sciences économiques, alors que les DEA de gestion ont un recrutement plus diversifié. Le nombre des diplômés de DESS double de 1988 à 1996. Ce phénomène est lui aussi dû à l'augmentation de l'offre de formation : douze DESS en 1985, vingt-cinq en 1995. Actuellement, parmi les DESS que l'on peut préparer à l'Université des sciences sociales de Toulouse, sept sont à dominante "droit - sciences politiques", trois à dominante économique, dix à dominante "gestion - informatique comptabilité" et cinq pluridisciplinaires. 25 - DEA : Diplôme d'études approfondies DESS : Diplôme d'études supérieures spécialisées 235 235 TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE B - Les objectifs d'une telle étude sont de répondre aux questions que se posent les responsables des filières de trioisième cycle, le président de l'Université, les institutions administratives concernées, sans oublier les étudiants et leurs futurs employeurs. Que deviennent les étudiants de troisième cycle ? Poursuivent-ils des études ? Quels emplois occupent- ils ? Au terme de quel processus y parviennent-ils ? Existe-t-il des différences d'insertion entre DEA et DESS ? La problématique sous-jacente de ces enquêtes concerne la relation directe entre les études de troisième cycle et l'insertion professionnelle. Elle s'accorde avec la théorie économique usuelle : les différents cursus de troisième cycle apparaissent comme des processus d'investissement humain qui répondent plus ou moins bien aux besoins du marché du travail : demande des entreprises et des administrations. Toutefois, il est nécessaire de distinguer entre DEA et DESS quant à la finalité de ces études : - Approfondissement d'une discipline ou au sein d'une discipline dominante, approfondissement par spécialisation, tels sont les objectifs des étudiants de DEA. - Spécialisation professionnelle : dans ce cas on raisonne en termes d'emplois-cibles et non seulement de niveau de compétences dans un domaine scientifique ; la frontière entre les deux situations peut être indécise et concerne aussi bien les DEA ou les DESS. - Formation professionnelle en vue de donner une double compétence ou de compléter une formation professionnelle de type différent. Ces objectifs concernent essentiellement les DESS. 236 JEAN-LOUIS HERMEN C - Principaux résultats DESS poursuite d'é tude s e t accè s à l'e m ploi % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 4°T 95 1°T 96 2°T 96 3°T 96 4°T 96 1°T 97 2°T 97 3°T 97 4°T 97 1°T 98 études emploi DEA 237 237 TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE poursuites d'études et accès à l'emploi % 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 4°T95 1°T96 2°T96 3°T96 4°T96 études 1°T97 2°T97 3°T97 4°T97 1°T98 emploi Le DESS se comporte bien comme un diplôme d'insertion professionnelle : rapidement dès le début de l'année civile suivant l'obtention du diplôme, il y a plus de titulaires de DESS en emploi (33,3 %) qu'en poursuite d'études (24,8 %). Il en va différemment pour les DEA, où 63 % des diplômés poursuivent des études à plein temps (auxquels il faut ajouter 10 % qui en poursuivent tout en travaillant). Cela confirme la vocation première du DEA qui est la première étape dans la préparation d'une thèse. Ces différences sont confortées par la suite, puisqu'au moment de l'enquête, c'est-à-dire 3 ans après l'obtention du diplôme : 84 % des titulaires de DESS sont en situation d'emploi, contre 64 % pour les titulaires d'un DEA. En revanche le tiers des diplômés de DEA sont inscrits en thèse. 238 JEAN-LOUIS HERMEN Quant aux emplois occupés, plus de la moitié des diplômés de DESS font partie d'une profession libérale ou sont cadres et 44 % des professions intermédiaires. Globalement les diplômés de DESS ont des emplois dans les services aux entreprises (39 %), les banques et assurances (14 %) et l'administration (17 %). Les fonctions les plus exercées sont la fonction administrative, puis les fonctions de gestion, recherches-études et informatique. On retrouve pour les titulaires d'un DEA les mêmes proportions dans les emplois occupés entre cadre (52 %) et professions intermédiaires (41 %). Les secteurs d'activités d'accueil sont proches avec toutefois un poids important du secteur enseignement-recherche (16 %). C'est dans les fonctions exercées et les emplois occupés que l'on trouve le plus de différences. Les fonctions les plus exercées sont la fonction administrative, puis les fonctions recherche-études et enseignement - formation. Cet exemple d'analyse du devenir professionnel de diplômés de 3ème cycle, met en lumière les points suivants : ® Une forte pression démographique de ces diplômés sur le marché du travail. ® Si on prend comme point de référence les objectifs attendus de ces diplômés de troisième cycle, à savoir la thèse pour les DEA, la professionnalisation immédiate pour les DESS les indicateurs trois ans après le diplôme montrent une cohérence entre les objectifs et les résultats : - le tiers des DEA préparent une thèse, - plus de 80 % des DESS occupent un emploi. ® La hausse du nombre de diplômés de troisième cycle, ajoutée aux difficultés rencontrées sur le marché du travail a pour conséquence un ralentissement du processus d'insertion et une confrontation pour certains diplômés titulaires d'un DEA à un "chômage d'insertion de longue durée". ® Le phénomène de "déqualification nette" est peu important : 8 % d'employés quelque soit les diplômés. Par contre, on peut parler de "déclassement d'insertion", lors des débuts professionnels de ces 239 239 TRANSITION FORMATION-EMPLOI EN FRANCE diplômés quand ils occupent des emplois de niveau profession intermédiaire. ® Ces résultats, somme toute satisfaisants, notamment pour les DESS, sont liés à la mise en place d'une politique de découverte du monde du travail où les stages en entreprises deviennent des moments forts d'initiation à la vie professionnelle. * ** Cet exemple du devenir professionnel de diplômés de troisième cycle, mis en relation avec les quatre modèles dominants de la transition formation-emploi, met en lumière le nécessaire rapprochement école-entreprise. Les réformes entreprises au cours des années écoulées et celles en cours à l'Université (création d'une licence professionelle par exemple) veulent renforcer la socialisation des jeunes par une connexion accrue entre école et entreprise : développement des stages en entreprise, tutorat, jumelage école-entreprise, etc. La plupart des formations professionnelles initiales incluent désormais une période de formation en entreprise : "concept d'entreprise apprenante". Les délarations publiques sur l'apprentissage ou plus généralement sur le système en alternance marquent la volonté de s'inspirer du modèle "dual allemand". Aujourd'hui la formation professionnelle des jeunes est majoritairement une formation alternée soit sous statut scolaire, soit sous statut salarié. De fait la conception dominante de l'alternance est liée à la problématique de la relation formation emploi : ∑ alternance comme mode de remédiation cognitive, contre l'échec scolaire et l'exclusion sociale ; ∑ alternance comme support de mobilisation de la main-d'oeuvre (mode de pré-recrutement par exemple) ; ∑ alternance comme vecteur d'intermédiation entre les systèmes de formation et les systèmes d'emploi. 240 JEAN-LOUIS HERMEN Cette nouvelle approche nécessite la mise en place de systèmes d'orientation professionnelle et de veille technologique, d'information et de suivi des marchés du travail et de la formation bien plus élaborés qu'ils n'existent actuellement. C'est en ce sens qu'on été mis en place ces outils d'évaluation et de prospective au service du projet d'établissement de formation que sont les observatoires de la vie étudiante ou scolaire, accompagnés par la mise en oeuvre d'une démarche d'ingénierie de la formation. BIBLIOGRAPHIE ACADEMIE DES SCIENCES, "Perspectives éducatives des formations techniques et professionnelles", Rapport commun n° 7, février 1997 BLOCH (A.), L'intelligence économique, Economica, 1996 "Le projet d'établissement", Cahiers pédagogiques, n° 292-293, 1991 CENTRE INFFO, "Région et formation", Actualité de la formation permanente, n° 139, 1995 C.N.E., Rapport d'évaluation de l'Université des sciences sociales de Toulouse, août 1994 L'école et le territoire, Armand Colin, 1994 COMITE NATIONAL D'EVALUATION, Évolution des universités, dynamique de l'évaluation, La Documentation française, 1995 DELORS (Jacques) et JACOB (Odile), L'éducation un trésor est caché dedans, 1996 ENESAD, Département des Sciences de la Formation et de la Communication, Le projet d'établissement : confrontation des différentes démarches, Actes des journées d'études, Inrap, Documentation 94-014, 1992 ESPACE UNIVERSITAIRE, "Toulouse 1 se muscle par la recherche", Le magazine des universités, 1996 FAUROUX (Roger), Pour l'école. 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Analyses et débats, Economica, 1997. 244 245 245 246 247 247 248 249 249 250 251 251 252 253 253 254 255 255 256 257 257 258 259 259 260 261 261 262 263 263 264 265 265 266 267 267 268 269 269 270 271 271 272 273 273 274 275 275 276 277 277 278 279 279 280 281 281 282 283 283 284 285 285 286 287 287 288 289 289 290 291 291 292 293 293 294 295 295 296 297 297 298 299 299 300 301 301 302 303 303 304 305 305 306 307 307 308 309 309 310 311 311 312 313 313 314 315 315 316 317 317 318 319 319 320 321 321 322 323 323 324 325 325 326 327 327 328 329 329 330 331 331 332 333 333 334 335 335 336 337 337 338 339 339 340 341 341 342 343 343 344 345 345 346 347 347 348 349 349 350 351 351 352 353 353 354 355 355 356 357 357 358 359 359 360 361 361 362 363 363 364 365 365 366 367 367 368 369 369 370 371 371 372 373 373 374 375 375 376 377 377 378 379 379 380 381 381 382 383 383 384 385 385 386 387 387 388 389 389 390 391 391 392 393 393 394 395 395 396 397 397 398 399 399 400 401 401 402 403 403 404 405 405 406 407 407 408 409 409 410 411 411 412 413 413 414 415 415 416 417 417 418 419 419 420 421 421 422 423 423 424 TABLE DES MATIÈRES PREMIERE PARTIE : RELATIONS ENTRE SECTEURS PUBLIC ET PRIVE : EVOLUTIONS IDEOLOGIQUES....................................... 25 Chapitre 1 : LES RELATIONS ENTRE SECTEUR PUBLIC ET SECTEUR PRIVE AU VIET NAM, Phi Manh Hong..................... 27 Chapitre 2 : LES RELATIONS ENTRE SECTEUR PUBLIC ET SECTEUR PRIVE. ÉVOLUTIONS IDEOLOGIQUES EN FRANCE, André Cabanis.......................................................... 41 DEUXIEME PARTIE : RAPPORTS ENTRE ENTREPRISES D'ÉTAT ET ENTREPRISES PRIVEES........................................................... 57 Chapitre 1 : L'ÉCONOMIE PRIVÉE AU VlETNAM DANS LE CONTEXTE DE LA POLITIQUE DE RÉNOVATION, Hoang Kim Giao......................................................................................... 59 Chapitre 2 : ÉCONOMIE PRIVÉE ET RÈGLEMENT DU PROBLÈME DE L'EMPLOI AU VIET NAM, Vu Minh Vieng....... 79 Chapitre 3 : LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRIVATISATION DES SERVICES PUBLICS LOCAUX EN FRANCE, Jacques Viguier..................................................................................... 91 TROISIEME PARTIE : POLITIQUE ECONOMIQUE DE L'ÉTAT A L'EGARD DES SECTEURS PUBLICS ET PRIVES............................ 99 Chapitre 1 : LE RAPPORT ENTRE L'ÉCONOMIE D'ÉTAT ET L'ÉCONOMIE PRIVÉE DU VIETNAM : RÉALITÉ ET SOLUTION, Trinh Thi Hoa Mai............................................... 101 Chapitre 2 : LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE DE L'ÉTAT ET LE SECTEUR ÉCONOMIQUE PRIVÉ, Vu Duc Thanh...................... 113 Chapitre 3 : LA RÉNOVATION DES INSTITUTIONS ÉCONOMIQUES EN TUNISIE, Mohamed Ridha Ben Hammed. 123 Chapitre 4 : LA CONCEPTION FRANÇAISE DU SERVICE PUBLIC, Jean-Pierre Théron...................................................... 143 QUATRIEME PARTIE : RESTRUCTURATION DE L'ENTREPRISE PUBLIQUE ET MODELE DE L'ENTREPRISE PRIVEE..................... 155 Chapitre 1 : ACTIONNARISATION DES ENTREPRISES ÉTATIQUES AU VIETNAM, Le Danh Ton................................. 157 Chapitre 2 : RÉFORME DES RAPPORTS DE PROPRIÉTÉ AU SEIN DES ENTREPRISES PUBLIQUES, Tran Anh Tai............... 167 CINQUIEME PARTIE : L'INGENIERIE DE LA FORMATION DANS L'ACCOMPAGNEMENT DU PROCESSUS D'EVOLUTION DU SECTEUR PRIVE..................................................................... 179 Chapitre 1 : ENQUÊTE PRÉLIMINAIRE SUR L'USAGE DES RESSOURCES HUMAINES, Nguyen Minh Thuyet, Tran Kim Dinh et Nguyen Hao Quang....................................................... 181 Chapitre 2 : ADAPTATION DU SYSTÈME DE FORMATION À L'ÉCONOMIE DE MARCHÉ : L'EXPÉRIENCE TUNISIENNE, Hafedh Ben Salah................................................................... 197 Chapitre 3 : SYSTEME DE FORMATION TECHNIQUE, ENTREPRISES ET DÉVELOPPEMENT LOCAL, Jean-Claude Lugan....................................................................................... 205 Chapitre 4 : PRINCIPAUX MODELES DE TRANSITION FORMATION-EMPLOI. UN EXEMPLE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN FRANCE, Jean-Louis Hermen............................... 219