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Planète Chinois
Les différences des systèmes d’éducation
France et Chine
Conception de l’éducation chinoise depuis Confucius
Mr. Dong Qiang, professeur de français à l’Université de Pékin
« Comme vous le savez, la Chine est très fière d’avoir eu un grand penseur, qui est un fondateur, un petit
peu, de tout le système culturel ou politique. Un chinois, Monsieur Confucius. Alors, Confucius, c’est le
VIème siècle avant JC, à peu près. C’est vraiment le plus grand éducateur qui n’a jamais été dépassé. Et
aujourd’hui, encore, si on relit Confucius, on est vraiment étonné par la clairvoyance, par cette étendue de
pensée sur l’éducation. Alors, pour vous donner quelques idées, Confucius est quelqu’un qui pense que
l’homme a besoin d’être éduqué pour, tout simplement, avoir l’idée, qu’il appelle, des rites. Il pense que
l’homme est un animal social. Donc, pour essayer de vivre bien, en harmonie dans une société, il faut
l’éducation. C’est à dire que pour apprendre aux gens ce qu’il appelle les rites.
Les rites, c’est quoi ? On peut appeler ça des rituels, on peut appeler ça l’ordre, on peut appeler ça une
certaine hiérarchie etc. C’est à dire, des relations sociales qui ont besoin d’être plus ou moins précisées. Et
l’homme, il est un élément de la société. Et donc, il faut qu’il sache quelle place il prend dans sa relation par
rapport à ses parents, par rapport à son prince, par rapport à ses voisins etc. Et tout cela, il le résume avec
le mot Lijing, les rites. Donc, il pense que l’essentiel, pour un homme, pour un individu est de bien connaître
les rites. A partir du moment où tout le monde connaît bien ces rites ou suit les rites, et bien une société est
en paix, une société est harmonisée et une société fonctionne bien.
Comment aboutir à ce résultat ? C’est l’éducation. Il a donc, beaucoup, beaucoup réfléchit sur cette manière
d’éduquer l’homme. C’est d’ailleurs très intéressant parce que le mot éducation, l’expression « éducation »
en chinois, c’est « jiàoyù 教育 ». « jiàoyù », aujourd’hui, je vais vous l’écrire sur le papier, ceux sont deux
mots qui sont déjà par l’étymologie, vous allez voir, sont très, très parlants.
Vous voyez bien, dans le mot « jiào 教», qu’aujourd’hui encore, on utilise pour les professeurs, pour
l’éducation, pour éduquer etc. Vous avez un élément à gauche qui se prononce « xiào 孝» qui veut dire,
piété familiale. Alors, la piété familiale, ça fait partie de ces fameux rites. La Chine est un pays où on insiste
beaucoup sur le respect des ancêtres. Donc, une éducation, c’est apprendre à l’homme, ce sens des rites,
comment respecter les parents, les grands-parents, la piété familiale. Et dans l’autre partie, on présente
étymologiquement quelqu’un qui tient un bâton ou un fouet. Donc, éduquer, c’est apprendre mais en les
commandants et par des moyens qui peuvent être parfois un peu brutaux. C’est essayer d’apprendre à des
gens, de forcer des gens à connaître ces rites etc. Ce qui donne déjà une partie qui est un peu, qui serait le
côté un peu forcé de la chose. Ce qui sera un peu critiqué et qui sera un peu à l’origine de toutes les
contestations qu’on a contre le confucianisme à l’aube de la modernité.
Et dans le mot « yù 育». « yù » est très intéressant, c’est comme élever un enfant. Surtout en bas, la partie,
maintenant où vous apprenez le chinois, la partie qui se lit comme la lune et bien ça avant, dans l’étymologie
chinoise, c’est le corps. Tous les mots qui ont la clé de la lune, ça n’est pas la lune, aujourd’hui c’est le
corps. Par exemple « jīnròu 筋肉», un muscle. Donc là, c’est justement un enfant. Ca représente de façon
imagée, un enfant qui a besoin d’être élevé pour aboutir à un état, disons, d’adulte nécessaire.
Donc, éducation, c’est quoi ? C’est à la fois apprendre, mais même parfois par la force, une idée de
hiérarchie, une idée de l’ordre social, une idée des rites, pour emprunter le terme de Confucius, et aussi
pour élever un enfant, pour, justement, qu’il ait suffisamment de connaissances nécessaire, pour affronter
une vie. Donc, là dedans, il y a quelque chose d’assez intéressant. C’est à dire, à la fois dans éduquer, il y a
déjà l’idée d’enseigner, d’instruire. Mais, aussi, surtout dans le mot « yù », parce que pour élever un enfant, il
faut un temps, il faut un processus. C’est à dire, on ne peut pas être impatient. Il faut suivre la logique des
choses. Un enfant, un bébé, il faut du temps. Et là, c’est très important. L’idée temporelle. Il faut être patient,
il faut un parcours pour qu’une connaissance soit acquise. Et ça, c’est quelque chose de très, très important.
Donc, Confucius, en dehors de cette idée qu’évidemment, il faut éduquer les gens pour les rites, il a
beaucoup, aussi dans ses conversations avec ses disciples, il a beaucoup réfléchi. Et surtout, c’est celui qui
a proposé le premier l’idée d’une éducation, disons, égalitaire. Et non seulement égalitaire, mais une
éducation pour tous. Ca pour Confucius, c’est clair, c’est l’éducation pour tous. Et en plus, il est allé encore
plus loin, il a dit une formule très célèbre : « il faut éduquer les gens de toutes les catégories sociales » (有教
无类 yŏu jiào wú lèi). Et surtout, même des gens de différentes natures. On peut l’interpréter comme cela.
Non seulement, il faut éduquer les gens des différentes couches sociales, mais aussi, il faut éduquer l’enfant
ou l’homme selon sa capacité personnelle. Il faut fournir une éducation personnalisée face à des gens.
Voyez, il ne faut jamais imposer une seule éducation générale. « Il faut éduquer les gens de toutes les
catégories sociales » (有教无类 yŏu jiào wú lèi), c’est ça. Ca a ces deux significations.
Créé par Muriel Langbour
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Donc, voilà, ça, ça a quelque chose de très en avance, si on peut dire, par rapport à l’époque. Et, Confucius
a aussi beaucoup de méthodes qui sont, je dirais, très intéressantes. Par exemple, il dit que dans
l’enseignement, il faut faire appel à l’imagination de la personne, du disciple ou de l’élève. Et il faut que
l’élève arrive à « … », c’est à dire, vous parlez d’une seule chose et il est capable de comprendre trois
choses, si je traduis concrètement mot à mot. C’est à dire, faire des associations. On n’a pas besoin de livrer
des choses trop concrètes pour qu’un enfant ou un adulte comprenne tout, mais de suggérer, essayer de
faire appel à son imagination. A partir de un, il peut imaginer le trois. C’est à dire que le trois, surtout en
Chine, le chiffre trois parfois signifie multiple, l’infini. Voyez ! Donc, à partir de très peu de chose, de quelque
chose de concret, on peut arriver à comprendre beaucoup de choses. C’est l’imagination personnelle, la
subjectivité de l’élève etc. Donc, toutes les pensées de Confucius, évidemment, petit à petit, ont été
réinterprétées de façons très différentes à chaque époque. Mais, comme toute la Chine impériale, en gros, a
accepté les doctrines de Confucius, et bien, il se passe quelque chose de très important qu’on doit évoquer
lorsqu’on parle de l’éducation, c’est à partir du VII, VIIIème siècle, c’est à dire aux alentours des dynasties
Sui et Tang, et bien l’Empereur de Chine a mis en place un système de concours impérial, qui est resté
quelque chose de très, très important pour tout le système politique chinois. Tous les lettrés doivent passer
cet examen impérial, national pour pouvoir devenir un fonctionnaire important dans l’empire. Les empereurs
de Chine des dynasties Sui et Tang ont mis en place un système de concours que même les français, vous
utilisez encore maintenant. Un concours national obligatoire, qui est devenu la seule possibilité pour tous les
gens, tous les lettrés de pouvoir arriver au pouvoir, ou disons d’être au sein du pouvoir. Et donc, ce système
a été suivi jusqu’à la fin du XIXème siècle et n’a été aboli vraiment qu’à l’aube du XXIème siècle pour
différentes raisons. Donc, ce système est très, très important. Tous sont obligés de connaître par cœur les
mêmes textes, ce qu’on appelle les grands classiques, les « jīngzhuàn… » etc. C’est le système le plus
égalitaire du monde. C’est à dire que vous pouvez être issu d’une famille très riche ou très pauvre et bien, si
vous connaissez par cœur ces textes, si après, vous pouvez faire des commentaires, si après, vous pouvez
faire des réflexions à partir de ces textes, et bien vous pouvez très bien passer en premier les examens et
être reçu par l’Empereur lui-même et tout de suite devenir un mandarin important et parfois même, devenir
professeur de l’Empereur. Donc, ce système a été très important pour la stabilité même de toute la Chine
parce que cet enseignement est national. Surtout, vous savez que la Chine est en gros un pays agricole, à
presque 90% c’est la campagne. Et bien, même au fin fond de la campagne, il y a des écoles, parfois
privées, vous avez des professeurs qui enseignent à des gens, même à des gens qui sont d’origine pauvre
pour qu’ils puissent un jour s’en sortir et passer ce fameux examen et changer de statut social. Ce système
est resté presque 1400 ans en Chine.
Mais, avec l’évolution, avec l’histoire, finalement à la fin, il s’est avéré un système un peu trop rigide parce
que, vous savez comme il y a une grande concurrence, la Chine est grande et déjà à l’époque, elle été très
peuplée, donc, il n’y a pas tant de postes auprès de l’empereur. Il y a des gens qui ratent l’examen,
malheureusement. Vous savez, vers la fin du XVIIIème siècle, il y a des romans qui décrivent un peu les
fameux lettrés qui ont raté l’examen. Il y a des vieillards de 70 ans qui encore essaient de passer ces
fameux examens pour essayer de se voir valoriser et qui, un jour soudain, s’aperçoivent qu’ils l’ont passé et
deviennent fou. Ceux sont des histoires comme ça. D’autre part, à cause du fait qu’on a toujours la même
matière, si on peut dire, ceux sont toujours les textes canoniques de Confucius et autres. Avec l’évolution et
surtout l’occident qui devient de plus en plus puissant grâce à la science, à la technologie et bien, les
chinois, disons les intellectuels éclairés se sont rendus compte qu’on ne pouvait plus comme ça. Parce qu’à
la fin du XIXème siècle encore, on ne lit et relit que Confucius et bien ce pays, évidemment, devient faible
face aux puissances occidentales. Il se trouve que, justement, dans ces fameuses guerres de l’opium etc, ou
la guerre contre le Japon, la Chine a toujours perdu. Et là, les intellectuels éclairés ont voulu un despote
éclairé et sont allés voir l’Empereur et ont voulu faire de réformes etc. ET c’est la fameuse histoire de « … ».
Donc tous ces gens là veulent réformer. C’est là que c’est très important. La Chine rentre dans la modernité
par pression, par pression des puissances occidentales. Et ça, c’est très important pour comprendre la
Chine, il faut toujours avoir dans la tête cette idée là. La Chine a été forcée de sortir d’un état presque
féodal, tout ce que vous voulez, presqu’immobile, comme dirait Alain Peyrefitte dans « L’Empire immobile »,
a été obligée de sortir de cette immobilité par les canons, par les sabres, les fusils des puissances
occidentales, du Japon. Ils se sont réveillés et se sont rendu compte que ce système là, lettré et confucéen,
ne pouvait plus continuer. On perd toutes les guerres, on est obligé de payer des amendes à tout le monde.
C’est à ce moment là, qu’il y a une nouvelle vision sur le monde. C’est à dire, une ouverture vers l’extérieur.
Et puis c’est là que les chinois demandent deux choses : la science, qu’ils appellent Monsieur ké et
Monsieur dé , la démocratie. C’est ça qui est très important. C’est à l’aube du XXème siècle que les chinois
veulent deux choses, la science et la démocratie. Deux choses, toutes occidentales. Et il s considèrent que
c’est avec ça qu’on peut changer le pays, qu’on peut entrer dans la modernité. C’est là que s’ouvre tout le
XXème siècle. Et c’est là que ça devient intéressant. A partir du moment où l’ancien régime, l’ancien
système est mis en cause et de façon radicale et à partir du moment où on ne connaît que peu l’extérieur,
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comment cela va se passer ? Et moi, j’ai l’impression que même aujourd’hui encore, la Chine n’a pas encore
entièrement résolu cette question. C’est à dire, l’attitude vers l’extérieur. Comment, si vous voulez, mettre en
équilibre un besoin intérieur et en même temps prendre en considération, si vous voulez, une force
extérieure qui nous oblige, à évoluer et à suivre l’évolution du monde. Et je crois que même aujourd’hui, il ne
faut jamais prendre la Chine comme un bloque qui soit immuable, un bloc avec une certaine cynitude à fond.
Non ! La Chine, surtout moderne du XXème siècle, et bien est une Chine ouverte qui a toujours dans sa tête
l’extérieur, l’occident etc. Parfois comme ami, parfois comme concurrent ; Mais, parfois comme modèle. Et
ça, ça n’a jamais quitté l’esprit des chinois. Et évidemment, cela peut parfois susciter des conflits très, très
graves et parfois des contestations très importantes. Donc, vous allez tout le temps voir dans l’éducation,
vous allez voir qu’il y a toujours un débat entre une occidentalisation, c’est à dire une éducation moderne
universelle ou une tendance à instruire les gens selon une certaine culture chinoise ou selon une modalité
chinoise. ET ça, ça va suivre presque tout le XXème siècle. »
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