Le SALUT

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Le SALUT
Le “ salut ”. Question universelle, question inéluctable
Le P. Bernard Sesboüé a recueilli dans son livre “ Les récits du salut ” les récits
du salut dans la Bible, (Ancien et Nouveau Testament) et dans l’Eglise.
1 - Dans l’Ancien Testament le salut est dans l’espérance d’un médiateur
sauveur annoncé à plusieurs reprises et de plusieurs manières.
1a D’abord le récit d’Abraham (p. 49 à 69).
Abraham est appelé par Dieu à devenir le père d’un grand peuple. Mais il doit
être mis à l’épreuve afin qu’il prouve qu’il a bien compris l’appel. Sans
descendance, Dieu lui donne un fils et ce fils unique Il lui demande, pour
l’éprouver, de le sacrifier jusqu’au moment où satisfait de son obéissance, Dieu
arrête son bras. Ainsi Abraham aura une postérité et une terre. Sa descendance
sera bénie. Cette première alliance traverse toute l’histoire du salut, une
trajectoire qui va de la foi d’Abraham jusqu’à la nôtre, pour que nous soyons
aussi justifiés par la foi.
1b Le récit de Moïse, médiateur de l’alliance (p. 70 à 98).
Le pharaon d’Egypte ordonne que tous les enfants mâles des hébreux soient
tués. Une mère cache son enfant en le posant dans un panier le long du fleuve.
Le fille du pharaon le découvre, le garde et lui donne le nom de Moïse.
Désormais Moïse né d’une mère juive est le fils adoptif d’une femme
égyptienne. Dieu charge Moïse de libérer son peuple de la servitude étrangère,
de le sauver. Il aura beaucoup d’épreuves à surmonter. A la fin de ces épreuves,
le peuple recevra, par l’intermédiaire de Moïse, la Loi, qui pourra être
considérée comme une pédagogie, une éducation, de la foi. En effet, il y aura
encore beaucoup d’épreuves, beaucoup d’infidélités, beaucoup de châtiments et
beaucoup de pardons. Finalement, Dieu, fidèle à sa promesse, fera entrer le
peuple dans la terre promise.
1c Le récit des rois (p.99 à 113). Le récit reprend le même scénario :
l’infidélité du peuple provoque la colère de Dieu qui l’abandonne à ses ennemis
et le réduit à une extrême détresse ; le peuple se repent et crie vers Dieu qui lui
donne un sauveur. Cette fois le peuple demande un roi afin d’être dans la même
situation que les autres nations. David et Salomon sont les figures royales les
plus remarquables. David est choisi, lui le petit dernier de la famille, alors qu’il
garde le troupeau près de Bethléem. Dieu choisit les pauvres, les faibles et les
ignorants. C’est ainsi que Dieu manifeste son initiative et la gratuité de son
choix. David combat Goliath et il est victorieux non parce qu’il est le plus fort
mais parce qu’il a Dieu avec lui. Avec lui se réalise la promesse de la première
alliance et se prépare une nouvelle promesse : la maison de David, le peuple
d’Israël. Cependant David est un homme faible et pécheur ; mais il est un
pécheur qui se repent, qui se convertit en se retournant vers Dieu, un pécheur
pardonné et sauvé. C’est pourquoi il sera la figure qui annonce le Christ sauveur
ou messie.
1d Le récit des prophètes (p. 113 à 131). Le prophète ne raconte pas le passé ;
il dit au nom de Dieu ce qui est en jeu dans le présent, il dénonce le péché et
avertit de ses conséquences possibles ; il invite le roi et le peuple à la conversion
par le respect de l’alliance et de la Loi ; il alimente l’espérance du peuple en
orientant son regard vers la réalisation à venir des promesses de Dieu.
Cependant sa manière de parler au roi et au peuple relève du récit, un récit à la
fois au passé et au futur, au passé quand il rappelle tout ce que Dieu a fait pour
lui et au futur quand il décrit le salut vers lequel son rédempteur veut le
conduire. De plus le prophète raconte des paraboles pour faire comprendre les
choses, paraboles qui puisent dans sa vie privée, dans l’expérience qu’il a de la
vie amoureuse, puisque la relation entre Dieu et son peuple est une histoire
d’amour : la première séduction, la promesse, l’alliance, les infidélités et les
châtiments, la jalousie, la seconde séduction qui est le pire des châtiments, le
retour, la conversion et le pardon, enfin le salut ou nouvelle alliance. Ainsi le
prophète devient un médiateur comme Abraham, comme Moïse, comme plus
tard Jésus-Christ.
2 - Dans le Nouveau Testament, en Jésus la longue parabole du salut devient
réalité définitive et irrévocable. Une fois pour toutes l’humanité est sauvée en
Jésus-Christ.
2a L’événement Jésus
L’événement de Jésus donne lieu à un récit que nous lisons dans les Evangiles,
eux-mêmes complétés par les lettres des apôtres qui constituent à leur manière le
récit de la foi des premiers croyants. Le même événement nous révèle
définitivement l’image d’un Dieu dont la tendresse séduit notre liberté au point
de la convertir, d’un Dieu qui se communique à nous dans la connaissance et
dans l’amour, par la force d’une faiblesse capable de vaincre toutes nos
récalcitrances.
2b D’abord, les récits du ministère de Jésus (p. 155 à 185).
La vie de Jésus est tout entière une vie qui sauve. Par le baptême dans le Jourdain
Jésus devient solidaire du pécheur ; il ne se substitue pas à lui ; il est avec lui.
Comme le pécheur il vit la tentation ; comme tout homme il connaît la peur
devant la mort. Par là il vit la relation au Père comme celle du serviteur à son
maître : “ non pas ma volonté mais la tienne ”. Il sera sans cesse en butte avec les
pécheurs, avec ceux qui veulent l’ignorer ou le tuer, en butte avec le mensonge
qui tue. C’est le combat, mais au terme de ce combat apparaît le Royaume de
Dieu. Lui, il est le serviteur du salut, il guérit, il enseigne, il descend chez tout le
monde.
2c Les récits de la passion (p. 186 à 236).
Les commentateurs de ces récits sont étonnés par leur longueur et par les détails
que les premiers chrétiens ont retenus comme s’ils représentaient le
commencement de l’histoire du salut. En effet, nous sommes arrivés au temps le
plus fort des récits du salut, au moment où celui-ci noue dans l’unité tous les
récits antérieurs comme tous les récits postérieurs. C’est dans sa passion, plus que
partout ailleurs, que Jésus est le sacrement du salut. C’est dans le signe que
constitue sa manière de vivre, de mourir et de ressusciter que Jésus accomplit
effectivement notre salut et exerce la médiation causale de réconciliation entre
Dieu et l’humanité, qui est l’objet de sa mission. Le mot de passion est à entendre
dans son double sens ; souffrance, sans doute et bien évidemment, mais aussi
passion amoureuse ou amour passionné de Jésus. Ce n’est pas la souffrance mais
l’amour qui donne à la passion sa force de séduction. Plusieurs lectures des récits
de la passion sont possibles. B. Sesboüé en propose trois : Jésus comme martyr,
ensuite la conversion des témoins, enfin la contemplation du crucifié. Le martyre
est une victoire de la faiblesse sur la force, une semence, une fécondité. De là naît
la conversion des témoins. En effet, Jésus nous sauve dans et par le don qu’il fait
de lui-même, le don de son corps et de son sang, réalisé dans le repas de la
nouvelle alliance et sur la croix. Dans sa passion son don aux hommes devient
explicitement pardon et son don au Père devient abandon. Cette conversion totale
de Jésus vers les hommes est alors médiatrice de la conversion des hommes à
Dieu. La passion révèle aussi le fils de l’homme glorifié. Le Jésus arrêté, jugé,
souffrant et mourant est déjà le Seigneur glorieux. Le drame est transfiguré en la
manifestation progressive du mystère et de la puissance de Dieu. Ainsi dans la
passion Jésus parle. Il révèle qui est Dieu, ce qu’est l’homme au regard de Dieu
et jusqu’où Dieu est capable d’aller pour chercher l’homme. C’est pourquoi la
mort de Jésus au lieu d’être une horreur attire tout à elle ; elle rassemble dans
l’unité les enfants de Dieu dispersés. C’est le sens de la croix, passion, certes,
mais passion d’amour.
2d Les récits du ressuscité ( p. 236 à 250).
La résurrection achève ce que la croix accomplissait en transformant le Christ luimême. Jésus ressuscité , “ fait Seigneur et Christ ” (Ac. 2, 36), “ établi Fils de
Dieu avec puissance ” (Rom. 1, 4), présente en sa personne le statut exemplaire
de l’homme pleinement sauvé. Il réalise et manifeste tout en même temps ce
qu’est notre salut. Jésus ressuscité nous révèle en effet le statut de l’homme
pleinement sauvé. Jésus se manifeste et ainsi la résurrection de Jésus révèle-telle, en même temps qu’elle l’achève, le salut de l’homme. Elle est ainsi l’avenir
de l’homme, elle est notre espérance.
3 - Les récits de l’Eglise (p. 295 à 366).
Si notre salut a bien été accompli par le Christ, il ne l’a pas été en dehors du
rapport concret vécu par celui-ci avec son peuple et ses disciples. Jésus n’est
jamais seul. L’Eglise fait corps avec le salut dont elle est à la fois le témoin et
le don présent et actif.
3a Les récits de l’événement fondateur de l’Eglise ( p. 298 à 310).
Toute l’action et toute la destinée de Jésus constitue d’une certaine manière la
racine et le fondement de l’Eglise. Les récits des événements après la
résurrection, en particulier du don de l’Esprit, racontent la fondation de l’Eglise.
L’annonce du ressuscité est portée par un peuple qui en témoigne dans une vie
elle-même ressuscitée. La conversion de Paul en fait un excellent témoin de la
manière dont le salut donné en Jésus-Christ, parvient à un croyant et se propage à
partir de lui. Elle prépare l’extension au monde entier, juifs et non juifs. Le
véritable universel est fait de l’articulation des uns et des autres, croyants, juifs et
païens convertis. La pénétration du salut chrétien dans le monde des hommes
respecte les structures historiques mises en place par l’histoire de la révélation,
qui s’adapte elle-même à l’histoire des hommes.
3b L’annonce de la Parole ou la mémoire vivante du salut (p. 310 à 316).
Le christianisme n’est pas d’abord un doctrine mais une histoire. Il se vit dans
l’acte de faire mémoire. Le récit ne s’arrêtera qu’à la fin des temps, quand tous
auront pu y prendre place, comme dans leur propre histoire. Au cœur de cette
institution de la narration il y a le récit solennellement proclamé et célébré dans la
liturgie, commenté dans les homélies, adressés aux croyants ici rassemblés afin
qu’ils puissent en devenir les partenaires ; il est un acte communautaire. Le récit
est une invitation constante à la conversion, un appel non seulement à chaque
croyant, mais aussi à la communauté instituée elle-même, qui demeure dans son
pèlerinage terrestre toujours en devenir de conversion. Telle est la mission de
l’Eglise : annoncer l’Evangile de la conversion et du pardon des péchés,
l’annoncer à toutes les nations, aux pauvres et aux riches, aux juifs et aux païens,
quelle que soit leur culture. Du jeu de la confrontation et de l’interprétation des
récits peut se jouer la conversion à la foi et l’accueil du salut.
3c Le sacrement ou le récit se faisant mémorial ( p. 316 à 324).
Ce qui a été dit sur le rôle du récit comme événement du salut, se vérifie de
manière éminente dans la célébration des sacrements, puisqu’en eux le récit se
fait pleinement acte. Ainsi les formules de l’administration racontent quelque
chose qui se rapporte à l’histoire du salut et la parole se fait efficace parce qu’elle
joue un rôle de médiation entre l’événement originel et la célébration
sacramentelle. Elle provoque l’adhésion de la foi parce qu’elle est une relation
entre la liberté salvifique de Jésus et la liberté sauvée du croyant, une rencontre
de la séduction aimante de Jésus. Il en est ainsi de tous les sacrements, de
l’eucharistie, du baptême, de la confirmation, de la pénitence, du mariage, de
l’ordination sacerdotale et de l’extrême onction des malades. Chaque sacrement
est un mémorial efficace de l’histoire du salut.
3d Le récit du peuple rassemblé (p. 324 à 339).
L’annonce du salut rassemble un peuple, le peuple de Dieu, l’Eglise, c’est-à-dire
une communauté qui doit porter un témoignage efficace au salut de l’humanité. Il
s’agit d’un peuple dont le langage de l’existence répond au langage de la Parole
et de la célébration, de même que dans la vie de Jésus l’agir allait de pair avec le
dire. Il s’agit d’imiter le Christ dans toute la vie comme Il nous le dit : vivez et
mourez en mémoire de moi, comme moi-même j’ai vécu et suis mort ; aimezvous les uns les autres en mémoire de l’amour que j’ai manifesté pour vous. Pour
qu’il vous soit donné de le faire, refaites les gestes que j’ai faits et par lesquels je
resterai présent parmi vous. C’est cela que les témoins charismatiques, les saints,
ont vécu et par là qu’ils ont attiré à eux et à la foi. Ceci, malgré ou à cause de la
persécution, à cause ou malgré toutes les résistances que l’Eglise peut connaître
jusque dans son sein.
3e Le récit du salut au défi de l’universel (p. 339 à 366).
Le salut chrétien s’est accompli dans l’histoire et donne lieu à un ensemble de
récits que s’approprient ceux qui ont mis en lui leur foi. Or le récit chrétien a ceci
de particulier qu’il est habité par une visée de l’universalité. Dieu “ veut que tous
les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ” (1 Tm 2,
4-5). Le salut concerne toute l’histoire de l’humanité de son commencement à sa
fin. Ainsi le but de ce livre sera de montrer comment la médiation unique de
Jésus-Christ peut effectivement s’exercer à l’égard de tous les hommes et plus
encore de montrer en quoi l’Eglise peut jouer un rôle dans le salut de tous ceux
qui ne lui appartiennent pas visiblement. Pour cela il faut se référer à la totalité de
l’histoire du salut qui s’origine à la création et ne trouve son terme que dans la fin
des temps. Ainsi le Verbe agit depuis la création jusqu’à l’incarnation, à
l’événement pascal suivi du don de l’Esprit et à la promesse du retour du Christ à
la fin des temps. C’est ce que l’Eglise a pour mission de rappeler à tous les
hommes.
Ainsi tous ces récits nous disent quelque chose de ce qu’est l’être avec Dieu,
destinée finale du salut. En effet parler du salut de l’homme, c’est parler
d’une libération définitive du mal et du péché et d’une communion définitive
avec Dieu (p. 399).
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