Gestion des risques à l’hôpital Edouard Herriot Gérer les plaintes des patients a longtemps été assimilé à une gestion de risques. L'évolution des pratiques professionnelles et de l'encadrement législatif a fait évoluer la notion de risque du juridique vers la qualité : le risque de ne pas satisfaire un besoin exprimé ou implicite de l'utilisateur prédomine sur le risque de lui nuire. Cette perception différente conduit naturellement à une nouvelle gestion : Si la correction des risques reste importante, leur prévention devient une préoccupation majeure des professionnels de santé et du législateur. L'Assurance Qualité se constitue en une pratique professionnelle nécessaire dans le champ de la Santé. Grillet MH. Mercatello A. Pavillon P Département de Néphrologie Réanimation Hôpital Édouard Herriot 69437 Lyon cedex 03 Hygiènes, 1997, Volume V, n°3 Les définitions du risque que nous retiendrons sont celles indiquées dans le Petit Robert: 1- “ Danger éventuel plus ou moins prévisible 2- Éventualité d'un événement ne dépendant pas exclusivement de la volonté des parties et pouvant causer la perte d'un objet ou tout autre dommage” Deux éléments paraissent importants dans ces définitions la prévisibilité d'une part, la différence entre le risque et sa conséquence d'autre part. Ces deux éléments ont guidé notre réflexion quant à la gestion du risque. Il est clair qu'un même événement peut avoir des conséquences très différentes: une même défaillance dans la prestation de soins peut entraîner ou non un dépôt de plainte par exemple. La gestion du risque avéré consiste à limiter les conséquences de l'événement; nous parlerons alors de “ correction du risque”.La gestion du risque “ non avéré ” consiste à prévoir le risque et à prévenir son apparition ; nous parlerons alors de “ prévention du risque ”. Bien sûr, les perceptions du risque sont multiples, avec des enjeux souvent contradictoires : le risque de “ mal soigner un patient ”, de ne pas tout mettre en oeuvre pour lui, n'est pas nécessairement compatible avec le risque de dépasser un budget prévisionnel. Le médecin est au cœur de ce conflit légalement tenu à une “ obligation de moyens ”, il est confronté à des contraintes économiques fortes qui tendent à rationaliser la production du soin. Le patient, lui aussi, est confronté à ce difficile équilibre : consommateur de soins, il attend une santé “ qui n'a pas de prix” ; citoyen, il sait que la santé a un coût. Gérer les risques implique la recherche d'un équilibre répondant aux exigences des différents partenaires : les patients, les professionnels de santé, l'administration et la collectivité. Cet équilibre requiert une concertation, et doit prendre en compte diverses contraintes individuelles ou collectives. S'impose alors la notion de référentiel, destiné à optimiser les ressources matérielles et humaines, pour développer les activités qui permettront à l'hôpital de remplir sa mission. Ce référentiel devra identifier des objectifs individuels et opérationnels dans chaque unité de production de soins, puis les assortir d'indicateurs qui permettront de vérifier les activités et d'évaluer le niveau de risque. L'écart des indicateurs par rapport à la valeur attendue désignera une non qualité ou une sur-qualité, avec un risque pour le patient dans le premier cas, et un risque économique dans le second. Du dépôt de plainte à 1'Assurance Qualité Historiquement, la gestion des risques était limitée à la gestion des plaintes déposées, prise en charge au niveau de l'hôpital par des commissions de conciliation. Il s'agissait de définir les modalités d'une prise on charge rapide et efficace de ces plaintes. Plusieurs facteurs ont contribué à une perception plus aiguë des défauts de fonctionnement dans la production des soins et à leurs conséquences juridiques: “L’affaire du sang contaminé ”, dans laquelle la responsabilité s'est étendue jusqu'au monde politique; Les assureurs qui, payant de plus on plus, exigent une gestion des risques dans les établissements de soins1; L'évolution de la Médecine, qui devient chaque jour plus multidisciplinaire, alors que la responsabilité reste individuelle au niveau de chaque médecin. Colloque SHAM. La gestion des risques, clé de l’assurabilité des établissements de Santé, 27 mars 1996, Hôpital expo. Paris 1 Cette perception doit être aujourd'hui étendue à la prise en charge de risques dont l'impact médico-légal est moindre. Le risque peut alors être défini comme un événement susceptible d'entraîner une non qualité, entendue comme une absence de réponse à un besoin exprimé ou implicite du patient. Plusieurs facteurs rendent compte d'une telle évolution: patients mieux informés, et plus exigeants: perte de confiance des utilisateurs liée à la médiatisation des incidents et accidents survenus à l'hôpital nécessaire maîtrise des dépenses de santé La réponse à ces exigences nouvelles des utilisateurs et de la collectivité passe par une meilleure qualité de la prise on charge. La prévention des risques permet à la fois de diminuer les coûts de la non qualité et de redonner confiance aux utilisateurs, à la condition toutefois de ne pas conduire à une situation de sur-qualité, avec ses conséquences économiques évidentes. Les différents types de risques à l'hôpital La première étape de la gestion des risques consiste à les identifier. Trois niveaux de défaillances peuvent intervenir à l'hôpital : le niveau technique qui concerne le matériel ou les médicaments, le niveau humain qui concerne les individus, enfin le niveau organisationnel qui concerne la coordination entre les acteurs. Le risque de défaillance technique est largement prévu dans la législation, via notamment les textes de loi sur la pharmacovigilance, la matériovigilance, l'hémovigilance, la réactiovigilance.. Cette réglementation sous-entend, au moins dans une certaine mesure, une gestion du risque par l'état : en donnant une “ autorisation de mise sur le marché ” pour un médicament, l'Administration “ cautionne ” l'efficacité, la tolérance et la sécurité de ce médicament. Par ailleurs, une centralisation des informations concernant les incidents ou accidents techniques, telle que celle mise en oeuvre au niveau de l'Agence Française du Sang pour l'hémovigilance ou au niveau de l'Agence du médicament pour la pharmacovigilance, autorise une évaluation “ en temps réel ”, du risque lié à l'utilisation des produits. Cette prise en charge centralisée de la gestion du risque va de pair avec une démarche au niveau des fournisseurs (certification ISO, marquage CE) et au niveau des utilisateurs (obligation de maintenance des appareils, obligation de déclaration de toute défaillance technique). La défaillance individuelle implique un risque pour le patient. La prévention de cette défaillance passe par la formation continue, qui maintient ou améliore le niveau de compétence des individus, et par la mise on place de documents opérationnels, qui précisent la façon de réaliser différents gestes. La défaillance organisationnelle est un manque de coordination exposant le patient ou son entourage à un risque L'analyse de cette défaillance nécessite d'étudier transversalement la prise on charge du malade. La probabilité d'une défaillance de ce type est minimisée par la mise on place de procédures, règles écrites d'organisation qui définissent de façon précises “ qui fait quoi, quand et où ”. La prise en charge peut et doit être analysée comme un processus, dans lequel chaque étape s'enchaîne de façon logique et sûre et où les flux d'informations sont parfaitement définis. La multiplicité des intervenants rend indispensable la mise on place de procédures organisationnelles. La jurisprudence engage la responsabilité de l'hôpital public tant sur faute médicale (défaillance individuelle que sur l'aléa thérapeutique ou la faute de service (défaillance organisationnelle). La détection des risques Recueil et ana1yse des plaintes Une détection limitée au recueil et à l'analyse des plaintes expose à une sous-estimation des risques, car: certains, même graves, ne sont pas suivis d'un dépôt de plainte, les risques “ mineurs ” ne font pas l'objet d'un dépôt de plainte, même s'ils sont fréquents et susceptibles de nuire à la bonne image de l'hôpital et d’entraîner des coûts cachés importants Déclaration spontanée des professionnels de santé La crainte d'une sanction juridique ou hiérarchique conduit à une sous-déclaration des “ dommages ” éventuels causés aux patients. A la suite d'un incident ou d'un accident, les personnes concernées “ réparent ” et se taisent. Cela nuit gravement à l'amélioration de la qualité et il apparaît impossible aujourd'hui de dénombrer incidents ou accidents, d'en déterminer les causes et d'en prévenir la récidive. A l'Hôpital Edouard Herriot. comme dans la majorité des hôpitaux, la déclaration spontanée des dommages causés aux patients ou à leur entourage n'est pas utilisable pour la détection et la mise en évidence des risques. Aucun formulaire de déclaration n'est mis à la disposition des médecins ou des infirmières, sauf dans certains domaines réglementés par le législateur, comme l'hémovigilance ou la pharmacovigilance. Par ailleurs, la déclaration spontanée par les professionnels de santé relève d'une perception médicale ou infirmière du risque, souvent différente le la vision de l'utilisateur. Enquête de satisfaction Une enquête de satisfaction permet le définir certains points de non-qualité, c'est-à-dire des caractéristiques du service qui ne répondent pas aux exigences des patients. Elle permet d'appréhender la vision de l'utilisateur sur l'ensemble de la prise en charge. Prévue dans l'Ordonnance 96-346 du 24 avril 1996, cette enquête devient obligatoire pour les établissements hospitaliers publics, et est prise en compte dans la procédure d'accréditation de l'établissement. Le recueil des plaintes ne touche que le risque très grave La déclaration d’incidents ou d’accidents, par les professionnels de santé relève de la perception médicale ou infirmière du risque L’enquête de satisfaction permet d’appréhender la vision de l’utilisateur sur la qualité de la prise en charge. La gestion des risques La gestion des risques peut se définir comme “ un processus en vue d'identifier, d'analyser, de contrôler et d'évaluer les sources des pertes financières résultant des dommages causés aux patients, aux visiteurs, aux employés et à leurs biens et à ceux de l'hôpital ”2. Elle a plusieurs objectifs: réduire l'incidence des événements, incident ou accident, entraînant des conséquences néfastes pour l'usager, son entourage, le personnel et l'établissement diminuer les conséquences de la réalisation des risques protéger les ressources humaines, matérielles, informationnelles et financières de l'établissement de soins assurer la crédibilité de l'établissement et de son personnel maintenir la confiance entre l'usager et l'établissement La gestion des risques, telle qu'elle est définie précédemment, est donc construite sur deux axes : la prévention, visant à diminuer l'incidence de réalisation des risques et la correction, visant à alléger les conséquences d'un incident ou d'un accident. Par exemple, la prévention du risque de défaillance d'un respirateur consiste à vérifier son bon fonctionnement avant chaque intervention ; la correction du risque consisterait à avoir systématiquement un second respirateur à disposition en cas de défaillance du matériel utilisé. La prévention des risques La prévention des risques repose sur une démarche d'Assurance Qualité: “ensemble des activités préétablies et systématiques mises en oeuvre dans le cadre du système qualité et démontrées en tant que de besoin, pour donner la confiance appropriée en ce qu'une entité satisfera aux exigences pour la qualité”3. La démarche d'Assurance Qualité est basée sur l'analyse du processus, c'est-à-dire sur l'enchaînement de tâches élémentaires conduisant à un résultat prédéfini. Au cours de cette analyse, les risques envisageables sont identifiés. Ces risques sont évalués en terme de gravité potentielle, de fréquence, de détectabilité afin que soient déterminées les actions à mettre en oeuvre systématiquement pour prévenir leur survenue. Le produit de cette réflexion est mis en forme dans une procédure diffusée aux personnes concernées par le processus décrit. Cette procédure, connue et appliquée par tous, doit permettre de prévenir les risques inhérents à l'activité décrite dans le document. Au niveau de l'Hôpital Edouard Herriot, une analyse de risque a été conduite sur l'information donnée à l'entourage au moment du décès. Les risques identifiés étaient la non-satisfaction des familles liée à l'absence ou à la mauvaise qualité des informations fournies au sein du service. L'ensemble des informations à donner, les personnes ayant à fournir ces informations, ainsi que leurs destinataires ont été définis et réunis dans un document diffusé aux Surveillantes Chefs de chaque secteur. La correction des risques La correction des risques est envisagée dans la plupart des hôpitaux sous forme d'une cellule de conciliation, cellule à laquelle peuvent se référer les plaignants, et qui permet un traitement rapide de leur plainte. L'enjeu est alors simplement juridique, l'objectif clairement annoncé de ces cellules de conciliation étant de diminuer les conséquences juridiques des risques. 2 3 L’ASSOCIATION DES HOPITAUX DU QUEBEC, l’hôpital Victoria, manuel de gestion des risques, 1987 Normes ISO 8402, 1994, Gérer et assurer la qualité ? Tome 1, AFNOR, 1994 pages 163 à 164 L'expérience de l'Hôpital Edouard Herriot L'Hôpital Edouard Herriot est un Centre Hospitalier Régional Universitaire, avec un pôle d'urgence important. Il compte 1200 lits et prend en charge 60 000 séjours par an. C'est l'hôpital le plus important des Hospices Civils de Lyon. La gestion des risques à l'Hôpital Édouard Herriot est basée tant sur la prévention que sur la correction, avec une stratégie qui repose à la fois sur la mise en conformité à des textes réglementaires et sur des initiatives personnelles. Urne coordination est tentée par l'intermédiaire d'une Commission Qualité, pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle, qui s'attache à réunir les instances décisionnaires (direction, médecins, pharmaciens, infirmières, directeur des services techniques, ingénieur biomédical, ingénieur en organisation). Application de la réglementation La mise en conformité avec les textes réglementaires est une exigence primordiale. Parmi ces textes, citons: L’arrêté du 9 août 1991, concernant le circuit du médicament; La loi du 4 janvier 1993, concernant l'hémo - et la pharmacovigilance; Le guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale, arrêté du 2 novembre 1994; Le décret du 3 octobre 1995, concernant la maintenance de l'appareillage an anesthésie; le décret du 15 janvier 1996, relatif à la matériovigilance. L'ensemble de ces textes implique la mise sous Assurance Qualité d'activités médico-techniques au sein des établissements de soins, c'est à dire la rédaction de procédures et autres documents d'Assurance Qualité, ainsi que la mise an place d'une traçabilité. La prévention des risques, telle qu'elle est définie dans cas textes, n'est évidemment pas spécifique à l'Hôpital Edouard Herriot : elle concerne tous les établissements de soins. D'autres textes, non réglementaires, contribuent à la gestion des risques dans les établissements de soins. Parmi eux, les Bonnes Pratiques Professionnelles indiquent, dans certains domaines, quel doit être le processus de prise en charge du patient ou d'une activité ayant trait à cette prise en charge. Ces Bonnes Pratiques concernent surtout le domaine médico-technique (stérilisation, pharmacie, transfusion). Citons également un document publié par le Conseil National de l'Ordre des Médecins et destiné à coordonner les relations entre Anesthésistes, réanimateurs, Chirurgiens et autres spécialistes ou professionnel de santé4 Enquêtes de satisfaction Deux enquêtes de satisfaction ont été conduites à l'Hôpital Edouard Herriot, en 1992 et 1994. Ces deux enquêtes ont utilisé le même questionnaire présenté en tableau I, et ont été menées de la même façon : lors des formalités de sortie, les questionnaires ont été remis à 300 utilisateurs consécutifs, sur une période de 15 jours. Les résultats ont permis d'étudier point par point l'évolution de la prise en charge des patients sur ces deux années et de déterminer statistiquement les points qui se sont améliorés ou détériorés. L'appréciation globale reste inchangée entre 1992 (82 % de patients satisfaits) et 1994 (83 %), malgré 18 items pour lesquels les réponses ont été statistiquement différentes. Cet apparent paradoxe tient d'une part à l'insuffisance d'une appréciation globale pour appréhender une évolution de qualité qui requiert un niveau de détail plus fin. D'autre part, malgré des améliorations indubitables et indubitablement perçues par le patient, les attentes évoluent, et la prestation pour les satisfaire doit, elle aussi, évoluer. La mise en place d'un tableau de bord Un tableau de bord de la gestion de la qualité et des risques5 a été mis en place à l'Hôpital Edouard Herriot en 1992. L'objectif était de recueillir des informations pour aider les professionnels de santé à prendre les décisions nécessaires à l'amélioration de la qualité. Le contenu du tableau de bord est présenté en tableau II. Quatre dimensions de l'activité hospitalière ont été explorées grâce à une quarantaine d'indicateurs. Après diffusion des résultats, un plan d'actions a été conçu pour étayer la démarche qualité (démarche d'information au moment du décès à laquelle nous avons fait allusion précédemment) avec un impact sur les responsables des secteurs, qui ont pris des initiatives dans leur domaine. Le principal obstacle à la plaine réussite de ce plan a été le manque de coordination et c’est pourquoi la commission Qualité a été mise en place. L'enquête de satisfaction et la tenue de tableau de bord sont des démarches de fond dans la gestion des risques, en CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS , Recommandations concernant les relations entre Anesthésistes, réanimateurs, Chirurgiens et autres spécialistes ou professionnel de santé. Edition mai 1994 5 BONHOMME D, ASTIC MR, ANHOURY P, MAZC MC, MERCATELLO A, Pour une dynamique de la gestion de la qualité et des risques à l’hôpital. Gestions hospitalières, 1994 ; 334 ; 208-212 4 ce sens qu'elles explorent le plus globalement possible la prise en charge du patient, c'est-à-dire la mission principale d’un établissement de soins. D'autres actions, plus ponctuelles ont été mises en place: Information au moment du décès Cette étude a été mentionnée précédemment Etude des chutes involontaires des malades L'analyse des données reçues sur deux années a permis de mettre en évidence les facteurs de risque de chutes involontaires des patients à l'Hôpital Édouard Harriot (ce qui exclue les tentatives de suicide, qui justifient une analyse différente) : caractéristiques des patients les plus touchés, horaires et circonstances des chutes 6. Tableau I Questionnaire de l’enquête de satisfaction Accès à l’hôpital Arrivée à l’hôpital Les consultations Admissions Séjour Chambre Repas Agrément Sortie Orientation Parking Bus Connaissance antérieure des lieux Accueil par une hôtesse Attente Suivi par le même médecin Ordonnance Informations Locaux Attente Livret d’accueil Arrivée dans le service Attente dans le service Informations médicales au patient Informations médicales à la famille Informations infirmières Relation avec le médecin (attitude, disponibilité) Réaction avec les infirmières (attitude, disponibilité) Relation avec le personnel autre Transport inter hospitalier Nombre de lits Chaleur Entretien Repos Choix Température Cuisson Portions Horaires En-cas Téléphone Télévision Bibliothèque Heure de visite Procédure Attente Frais à payer Suivi par le médecin traitant Suivi par le médecin de l’hôpital Edouard Herriot Retour à domicile Démarche globale de gestion des risques Les expériences citées précédemment se positionnent différemment dans la démarche de gestion des risques: L'enquête de satisfaction, la mise en place du tableau de bord et l’enquête sur les chutes sont des démarches diagnostiques par rapport aux risques. Ces 3 études visent à donner un inventaire de non-qualité. L'analyse des informations au moment du décès relève d’un autre processus ; le risque de non-satisfaction sur ce point ayant été identifié, des mesures préventives (synthèse des informations sur le même document, formation/information du personnel) sont mises en oeuvre. Il s'agit là d'une démarche typique LEGER N, JOSEPHINE C, LESOILE C et al. Etude des chutes involontaires des patients de l’hôpital Edouard Herriot, Tonic 1995, 20-22 6 d'Assurance Qualité. Tableau Il - Tableau de bord de gestion de la Qualité La dimension communication Taux de patients ayant identifié la surveillante responsable Taux de patients ayant identifié le médecin responsable Taux de patients satisfait des informations données par le médecin La dimension sanitaire Taux de remplissage des rubriques de la feuille d’anesthésie (ASA>3) Taux de patients anesthésiés de façon générale allant en salle de réveil Taux d’incidents provoqués par les anesthésiques Taux de survenue d’un trouble du rythme et/ou de la conduction au décours d’une anesthésie Taux de distribution du livret à l’arrivée Taux d’autopsies adultes non médico-légales Taux de patients prévenus de leur sortie le jour même Taux d’escarres acquises durant le séjour Taux de patients s’estimant parfaitement préparés à leur Taux d’adhésion du personnel infirmier aux procédures retour à domicile de tenue du dossier de soins Taux de patients se déclarant globalement satisfait de Nombre de chutes non volontaires des patients leur séjour Taux de personnes ayant fait l’objet d’une pré-admission Taux de déclarations des dommages corporels ayant administrative donné lieu à instruction du dossier Taux d’exhaustivité des services participants au recueil Taux d’accroissement annuel des dossiers de des RSS dommages corporels contentieux indemnisés Taux d’exhaustivité des séjours des services participant Taux d’accroissement annuel du montant total au recueil des RSS d’indemnisation des dommages corporels Taux de conformité des prescriptions des substituts plasmatiques Taux d’infections nosocomiales Nombre d’effets secondaires médicamenteux indésirables déclarés La dimension hôtelière La dimension médico-technique Taux de fiches d’intervention biomédicales renseignée Taux de patients ayant eu le choix entre différents menus sur la cause Taux d’interventions liées à un défaut d’utilisation d’un Taux de patients satisfaits de la nourriture appareil biomédical Taux de patients dérangés par le bruit Taux de disponibilité des respirateurs Taux de patients percevant leur chambre comme bien Taux de disponibilité des bistouris électriques entretenue Taux de résultats positifs au contrôle de l’eau à la sortie Taux de disponibilité hémodialyseurs des citernes Taux de rejet des prélèvements biologiques sur les Taux d’adhésion des services aux contrôles de aliments stérilisation Taux d’anomalies observées aux contrôles de stérilisation Taux de centralisation des préparations de chimiothérapie Taux des ionogrammes réalisés dans un délai < à 45 minutes Taux de sortie contre avis médical La position des quatre expériences décrites précédemment dans le processus de gestion des risques est présentée dans la figure 1. La gestion juridique des risques n'est pas matérialisée à l'Hôpital Édouard Herriot, car une Commission de Conciliation a été mise an place à l'échelle des Hospices Civils de Lyon, destinée à l'ensemble des patients aucune organisation spécifique n'est prévue sur le site de l'Hôpital Édouard Herriot. La gestion corrective des risques est assurée individuellement par les professionnels de santé. Cette gestion dépend étroitement de la compétence et de l'éthique professionnelle de chacun. Rien, dans la structure hospitalière, n'est défini pour prévenir les risques organisationnels. Sur l'Hôpital Édouard Herriot, un poste d'Ingénieur Qualité et Organisation est pourvu pour 1200 lits. C'est plutôt le risque individuel qui est considéré, et cette conception corrective de la gestion des risques est favorisée par la réglementation qui privilégie généralement la responsabilité individuelle. Conclusion La notion de risque a évolué au cours des dix dernières années d une conception juridique, centrée sur l’évidence d’uni évidence d'un préjudice financier ou médiatique pour l'hôpital vers une notion plus fine centrée sur la satisfaction des utilisateurs, avec un risque de préjudice certain mais plus difficile à appréhender. Cette évolution conceptuelle s'est naturellement accompagnée d’une évolution dans la gestion des risques. Si la correction s’impose techniquement et juridiquement une fois le risque avéré, l’accent doit porter aujourd'hui bien davantage sur la prévention, d'où le développement de l'Assurance Qualité7. La prévention est plus difficile à mettre en oeuvre que la réparation, car elle implique une participation forte de tous les acteurs de la chaîne de soins, accompagnée de modifications dans leurs comportements et dans leurs pratiques. Elle implique également une remise en cause fondamentale de l'organisation, qui représente une véritable révolution culturelle pour les médecins sollicités d'évoluer du stade « d'artisans », voire « d'artistes », au stade d'ingénieurs au sein d'un processus de production de soins. La mise en place d’une démarche d’Assurance Qualité exige une prise de conscience de la part de tous les acteurs : il ne s'agit pas qu'ils se sentent remis en cause dans leur compétence ou la qualité individuelle de leur pratique, mais que l'enchaînement des interventions soit précisément défini, afin de minimiser les risques inhérents à la multiplicité des intervenants. Les structures sont actuellement peu adaptées à l’analyse transversale de la prise en charge du patient. La mise en place d’une Commission Qualité est sans doute le premier pas vers la coordination des actions menées pour améliorer la qualité. Préconiser un « Monsieur Qualité » sur un centre hospitalier suppose que la notion qualité soit bien intégrée par las producteurs de soins. Mais un préalable à la gestion des risques serait sans doute une formation sur la qualité et l'Assurance Qualité, actuellement absente dans le cursus d'études des professionnels de santé. Lorsque ce véritable outil qu'est l'Assurance Qualité sera connu et que les professionnels se seront appropriés la démarche, le rôle coordonnateur d'un « Monsieur Qualité » apparaîtra évident pour que la démarche qualité atteigne son objectif : la prise en charge satisfaisante du patient dans le centre hospitalier. Niveau de risque Analyse de l'existant Définition d'une norme ou d'un référentiel Gestion des risques Rédaction et diffusion des Mise en application des procédures des procédures Phase de suivi et d'audit des procédures Risque résiduel Temps Chutes involontaires Enquête de satisfaction Tableau de bord Application des textes réglementaires Informations lors du décès d'un patient Figure 1 - Le processus de gestion des risques. Le processus de gestion des risques s'inscrit dans le temps avec des étapes successives : l'analyse de l'existant permet d'estimer un niveau de risque initial, et de mettre en évidence les zones de non-qualité. La deuxième étape consiste en la mise au point d'un référentiel qui définit la qualité à atteindre et les indicateurs qui permettront de suivre l'évolution des démarches entreprises. La rédaction, la diffusion, la mise en application et le suivi des procédures sont les clefs de voûte de la sécurité organisationnelle. 7 Ordonnance 96-346 du 24 avril 1996, publiée au JO du 25 avril 1996