L`indécision dans la conscience

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Série : La Volonté, principe d’Amour.
Conférence : 5 - L'indécision dans la conscience.
Mon ambition, mon désir, sont de vous convoquer intérieurement à prendre
conscience que nos vies appartiennent à Dieu et à Lui tout seul. A Lui tout
seul... Par conséquent, nos vies n'ont de sens, dans les familles, les groupes, le
pays, qu'à la mesure de cette fidélité à Dieu. En-dehors de cela, Dieu pourra
vous condamner.
Dieu seul est capable d'ensemencer un terrain comme Il le veut. Depuis la
chute, Il l'a dit à Adam, la terre ne produit plus que des ronces et des épines,
surtout la terre intérieure. La grâce a l'ambition de sarcler nos consciences. Et
c'est là où le drame commence.
Les raisons en sont très diverses :
- ignorance du surnaturel,
- crainte de la semence divine,
- peur de voir Dieu prendre la place,
- tristesse de ne pas savoir comment dominer son impuissance.
Tout cela empêche nos vies d'appartenir à Dieu.
D'où une sensation d'échec, de recommencements indéfinis, une sensation de
tristesse, malgré de grandes qualités naturelles. On sent qu'entre sa vie et sa
fécondité absolue, tout est stoppé par un état d'indécision.
Ecoutez ce poème de Marie Noël. Elle l'intitule : «Ma Faiblesse».
«Ma faiblesses,
«Quand je fais mal, je ne suis jamais sûre que ce soit mal.
«Quand je fais bien, je ne suis jamais sûre que ce soit bien.
«Quand je parle, quand j'affirme, je ne suis jamais sûre que ce soit vrai.
«En souffrir, seul, j'ai confiance.
«Souffrir, subir, supporter, me donne seul une sécurité par une force qui vient
d'ailleurs et s'impose.
«Que Ta Volonté soit faite, non la mienne.
«Car je n'ai pas de mienne volonté, rien qu'une oscillation inquiète entre le
vrai et le faux, entre le bien et le mal.
«Mais souffrir me fixe en paix. Car Tu as choisi pour moi».
Oui, mais à la condition d'ajouter une précision théologique : il faut savoir
que cette tare originelle qui empêche l'âme de se décider est utilisée par la
grâce pour l'ensemencer afin de produire des vertus jaillissantes. C'est la
vengeance de l'amour contre la tare du mal originel. Car avec Dieu, toute
création naturelle et surnaturelle est toujours pleine de dynamisme.
Ecoutez la réflexion de Jésus : «Vous tous (tous : le monde entier) qui n'en
pouvez plus (la tare originelle) venez à Moi !», pas à d'autres, pas d'abord au
professeur, au médecin, aux gouvernements, «Venez à Moi et Je vous
referai». Jésus ne dit pas : Je vais supprimer la difficulté, Il dit : «Je vous
referai», en l'utilisant. C'est l'invitation qui s'adresse à la pauvre race humaine
de retrouver l'espérance.
L'indécision de la conscience est un poids habituel qui vous donne un état de
pesanteur. «Venez à Moi», dit Jésus, «Mon joug est doux» mais ça reste un
joug, «Mon fardeau est léger», mais Jésus n'a pas dit : Je supprime le fardeau.
Il va nous apprendre comment on peut changer un joug en douceur et un
fardeau en légèreté. C'est de cette découverte que jaillissent les grandes
victoires en soi-même. Faire produire le joug, faire produire le fardeau avec la
douceur et la légèreté. Le Seigneur n'annonce pas la suppression de
l'indécision, Il va l'alléger.
Comment va-t-Il faire ? Car enfin, comment donner le contraire d'un poids à
la pesanteur ? La loi naturelle de la pesanteur, c'est de stopper la marche. "Je
n'en peux plus, je dépose mon sac sur le bord de la route..." Et pourtant, avezvous remarqué qu'en physique, on utilise la pesanteur à augmenter la vitesse ?
Vous n'avez qu'à regarder les roues des locomotives : vous avez un poids qui
est fait pour augmenter la vitesse. L'indécision dans la conscience, c'est le
poids le plus atroce stoppant l'utilisation la meilleure que l'on peut faire d'un
poids.
Quelles sont d'abord les causes de l'indécision ?
Elles sont multiples : héréditaires, développées par une éducation maladroite,
trop sévère ou trop laxiste. Ce sont quelques fois aussi des causes qui ne
peuvent pas se définir : le scrupule, l'orgueil, la peur, l'intérêt, l'ambition.
Les conséquences ? Elles sont toutes au bénéfice du facile. On ne veut pas
lutter. On a un besoin de ne pas se colleter avec les luttes intérieures. On
arrive à une spiritualité formaliste, sans courage, sans volonté de s'engager en
confiance et en précision; autrement dit au "clair-obscur" issu de la nature,
l'indécis ajoute l'épaisseur de son indécision.
A ce moment-là, on s'aperçoit qu'on se dégoûte un peu plus chaque année de
sa fidélité première et il y a un moment où la nuit devient de plus en plus
épaisse : l'indécision est devenue un état, un état qui fait qu'on est plus digne
de son baptême.
Comment guérir ces consciences ?
Avant tout, il faut leur prouver que l'indécision est le premier ennemi de
l'âme. L'accepter, c'est s'exposer à finir par accepter une paix truquée : "je suis
en paix". On sent très bien que ce n'est pas vrai, on a truqué le problème, on a
triché avec la vie, ce qui est le pire pour la vie de conscience.
Retrouver les principes de la paix véritable :
- le raisonnement objectif, avec le concours des conseils, des confidences, de
façon à laisser la liberté à la raison.
- la Foi raisonnant avec ce qui la caractérise, le contraire de l'indécision : les
certitudes. Certitudes allant jusqu'à la prière qui demande : «Toi qui sait tout,
Toi qui es toute clarté, Toi qui n'as jamais trompé qui que ce soit, Toi qui as
toujours dit : «Je suis la Vie, Je suis la Vérité, Je suis la Voie», est-ce que Tu
ne peux pas m'attirer vers Toi ?»
En un mot : devenir une conscience éclairée par la raison et par la Foi,
première résurrection de la volonté – première résurrection de la Foi
agissante.
Eclairer ainsi la nuit de l'indécision, non pas par le plein jour, ce n'est pas
possible, la tare originelle est là, mais, comme le dit Corneille, par «cette
obscure clarté qui tombe des étoiles», la clarté nébuleuse, le clair obscur, qui
donne assez de lueur pour permettre à la volonté, à la décision, de marcher en
avant. Car les âmes qui sont dans l'indécision, elles ne sont même pas dans le
clair-obscur, elles sont dans la nuit, avec toute l'épaisseur de la nuit, c'est-àdire dans l'impossibilité de marcher, l'impossibilité de choisir; elles ne sont
donc pas heureuses, elles ne se sentent pas orientées vers une nuit qui va se
terminer par l'aurore. Quand on arrive à dire à une âme : «Il n'y a pas de nuit
sans aurore» on la sauve du désespoir. Il faut lui apprendre encore qu'il faut,
elle, qu'elle accepte d'entrer dans le clair-obscur avec ses efforts et sa fidélité.
C'est justement ce qui caractérise l'indécis : il ne marche pas, il n'a plus la
marche orientée vers une décision venue de Dieu, venue de la raison éclairée
par la Foi, venue des actes de croyance qui soient capables de transformer la
nuit en nuit éclairée d'étoiles. «Venez donc à Moi, Je vous construirai une
marche, malgré la nuit, à cause de la nuit...»
Voici la première conclusion : tant qu'une âme est capable de marcher, elle est
victorieuse d'elle-même.
Une volonté de marcher... je ne peux pas vous donner de plus merveilleux
exemple que celui, dans l'Evangile de St Jean, des pèlerins d'Emmaüs.
Essayons d'analyser ce qui se passe entre les deux hommes.
Le soir tombe. Bouleversés par les événements des derniers jours, ils ne
savent plus quoi croire, ils sont indécis. Où vont-ils ? Vers la nuit. Un
étranger arrive, un inconnu. Il les rejoint. Regardez : Il ne les invite pas à
s'asseoir sur le bord de la route : Il se met à marcher à côté d'eux. Il va
orienter la marche. La nuit tombe, mais Il fait déjà monter une certaine aurore.
«Pourquoi avez-vous peur ? Vous ne croyez plus ?» "Mais on nous avait dit
que... On promettait que... Et voilà, tout est fini". Et pourtant, ils sentent Cet
Homme à côté d'eux et ils Lui disent : «Reste avec nous». Et voilà tout-à-coup
l'aurore de la fraction du pain. La nuit est éclairée par l'aurore d'une
Consécration. La fraction du pain éclaire les hommes, si bien que quand ils
repartent, ils se disent : «Il y avait quelque chose qui brûlait dans notre
coeur». On a retrouvé l'espérance, on a retrouvé la charité, on a retrouvé la
Foi, et tandis qu'Il marchait à côté de nous, nous sommes redevenus des
vivants !
La vérité de Dieu n'est pas un problème de sensibilité, mais de vérité qui
marche, qui marche à travers les indécisions parce que Dieu a besoin de vous
obliger à produire des vertus de patience, d'humilité, d'espérance, de
confiance, de courage, d'affirmation de vous-même; que vous auriez été
incapable de produire si vous aviez été quelqu'un de décidé. C'est la
vengeance de l'amour de Dieu sur la morsure du mal utilisé par l'amour à
l'obliger à produire ce qu'il ne peut pas produire pour la raison seule.
Le rationalisme est le grand responsable de l'indécision de conscience. Cela
va de soi : l'indécision vient d'une raison privée des éléments capables de lui
faire produire un raisonnement : l'indécision compare sans conclure, la raison
n'est pas ensemencée par des vertus surnaturelles, «Moi, Je vous referai», pas
le psychanalyste, la Foi. Un peuple privé de la Foi, c'est un peuple démoli
dans les options salvatrices de la vie.
Passons au domaine pratique.
D'abord à indécision précise, une vertu précise. Où la trouver ? C'est l'affaire
de chacun. Avec intelligence, avec réflexion, pratiquer la vertu reconnue
comme principale dans la conduite de la vie, l'effort principal qui va remuer
tout le jardin et l'ensemencer malgré lui. Toute indécision se guérit par la
pratique d'une vertu précise. Vous connaissez le mot du Maréchal Foch : "De
quoi s'agit-il ?"; L'homme est capable d'utiliser son indécision pour
développer des capacités de décision, de fermeté, de permanence dans l'effort,
dont la société sera la bénéficiaire. Parents qui m'écoutez, ne croyez-vous pas
que c'est l'un des points principaux de l'éducation ? Habituer l'enfant à décider
vis-à-vis de sa conscience, vis-à-vis de son devoir, vis-à-vis de sa famille, visà-vis de l'éducation ?
Ensuite, avoir la Foi. «Donnez-nous le pain quotidien» : les efforts, les
dispositions, les aveux, les confiances, les confidences orientées vers la vertu
qui me convient. Ne pas subir la vie, aimer, là où il y a lutte d'amour.
Les indécisions sont des nuits qui attendent leurs étoiles quand le vent de la
décision, de la Foi, balaie les nuages de l'amour propre. Nombre d'âmes
perdent le goût à la vie spirituelle vécue à coups d'efforts volontaristes usants
et inutiles destinés dans leur pensée à les débarrasser de leur indécision par
des ukases érigés en programme, alors que la nuit originelle est faite pour
produire des étoiles, d'admirables étoiles de support de soi-même héroïque qui
illuminent les autres de nos sourires et d'une force qui rappelle les
catacombes.
Diriger les âmes n'a jamais voulu dire les débarrasser de leur nuit originelle à
coups de programmes, mais leur apprendre à s'embarrasser de leur nuit pour
lui faire produire des lumières. «O beata nox !». Il est ressuscité dans mon
indécision par la lumière des vertus de la Foi animant ma volonté renouvelée.
La méthode est divine, certaine. On commence avec ennui : on est paralysé, et
on finit par chérir sa nuit qui produit un plein jour de Pâques.
Mais il faut ne pas se faire complice de son indécision : refus de se connaître,
peur de s'expliquer, ignorance de la conscience... Le Saint Esprit se sent
toujours mal à l'aise dans les nuits entretenues. Il ne peut pas faire passer le
vent de la confiance. Et quand le vent n'a pas balayé les nuages, on ne voit pas
les étoiles, et on se décourage.
Beau cri de Marie Noël dans ses notes intimes :
«Que repos, ah ! quelle détente, dans un conflit, de s'apercevoir soudain qu'on
a tort ! Tout s'apaise d'un coup – c'est moi qui ai tort – Tout s'arrange ! Tandis
que s'il fallait attendre la paix d'un autre...»
Deux idées encore :
L'obligation de celui qui est indécis, c'est de prier, de réfléchir pour supprimer
l'épaisseur de l'indécision. Puis d'être disposé à obéir. L'obéissance est cette
pierre enfoncée dans le sol par un autre, pour donner au sol la solidité qui
soutient la marche. N'est-ce pas ce que Jésus disait à ce brave Saint Pierre :
«Sors de la barque, viens !» Et voilà St Pierre qui marche sur l'eau. Ça va, ça
tient, jusqu'au moment où il arrive près de Dieu et ou il tourne la tête : «Et si
ça coulait !» et ça coule ... «Homme de peu de Foi ! Ça t'apprendras à douter...
Tu es près de Moi, Je te tends la main, et tu doutes...». Le nombre d'hommes
qui coulent dans l'océan sans fond et qui avaient été appelés... «Allez, marche,
mais d'après Moi, pas d'après toi, d'après la Foi, pas d'après ton sentiment,
d'après Mes Commandements, pas d'après tes envies personnelles. Allez va, et
tu verras que tout près de Moi le sol est devenu solide».
Dans l'état actuel de la vie, vous pourrez voir ce que cette attitude de
confiance et de décision vous apportera. Quelle que soit l'année, quel que soit
demain, marchez. Du moment qu'on marche selon le Christ, on est sûr d'aller
jusqu'au bout.
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