André CHASSAIGNE Député de la composante

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André CHASSAIGNE
Député de la composante communiste, républicaine,
citoyenne et du parti de gauche
Département du Puy-de-Dôme
Groupe de la gauche démocrate et républicaine
Permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures,
et exploitation sur le territoire national
mercredi 11 mai 2011 – 1ère séance
Explication de vote
Plusieurs heures de débats nocturnes ont conforté notre perplexité quant aux intentions réelles
du Gouvernement et de sa majorité sur la question des gaz et huiles de schiste. Tous les
doutes sont aujourd’hui permis, alors que nous pouvions nous féliciter de la prise de
conscience consensuelle des parlementaires de toutes sensibilités des risques liés à la
technique de la fracturation hydraulique.
Le Gouvernement, par l’intermédiaire de Jean-Louis Borloo, a d’abord accordé, en 2008,
2009 et 2010, toute une série de permis concernant ces ressources d’hydrocarbures non
conventionnels alors qu’il est avéré, selon l’état actuel des connaissances, que leurs
techniques d’exploration et d’exploitation sont clairement polluantes, ce qui s’oppose
profondément à nos principes constitutionnels et à nos objectifs de réduction des émissions de
gaz à effet de serre. Ces permis, M. le ministre de l’écologie les a signés en plein débat sur le
Grenelle de l’environnement. Pendant qu’il défendait avec vigueur devant notre assemblée les
impératifs de « transparence », d’« information et de participation du public » sur les
questions environnementales, il accordait ainsi des permis exclusifs donnant toute liberté aux
groupes de l’extraction et du pétrole.
En vain, M. le rapporteur Havard et Mme la ministre ont-ils essayé cette nuit de nous
convaincre, par un argumentaire juridique, de la nécessité de remplacer la rédaction initiale du
texte, qui prévoyait de façon limpide l’abrogation des permis exclusifs accordés, par une sorte
de digression difficilement justifiable faisant référence à un rapport des opérateurs sous deux
mois. À l’issue des débats, nous sommes convaincus qu’il s’agit en fait d’une parfaite
reculade pour laisser le champ libre aux opérateurs concernés.
Le rapport sur l’examen de cette proposition de loi, comme nos débats en séance cette nuit,
ont en effet permis d’apporter de nouveaux éléments sur les conditions de délivrance en
vigueur des arrêtés autorisant les permis exclusifs.
Ainsi, la procédure suit manifestement plusieurs phases : la première, avec la remise d’un
rapport de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, qui
est saisie des demandes d’attribution ; la deuxième, au niveau ministériel, avec la remise d’un
rapport technique, économique et financier du bureau exploration-production des
hydrocarbures ; la dernière, avec le conseil général de l’industrie, de l’énergie et des
technologies qui présente son propre rapport.
Quel est aujourd’hui l’objet de l’article 2 modifié de notre texte, mes chers collègues ? Un
nouveau rapport pour connaître le contenu déjà connu des techniques utilisées ou susceptibles
de l’être ! Comme c’est troublant !
J’en conclus que nous nous trouvons face à deux hypothèses tout aussi inquiétantes l’une que
l’autre.
Soit les étapes réglementaires d’instruction de la procédure de délivrance de ces permis ne
sont pas respectées, puisque aucun des trois rapports des services compétents ne mentionne
les techniques employées ou susceptibles de l’être. J’ai beaucoup de peine à croire que cela
pourrait se produire, mais ce serait alors un terrible aveu d’insuffisance et de laisser-aller.
Soit, c’est l’hypothèse la plus probable, et d’ailleurs celle à laquelle nous sommes confrontés
aujourd’hui, il est fait le choix du recul politique en demandant un nouveau rapport
parfaitement inutile dans le seul but de permettre aux opérateurs de poursuivre leurs activités.
Une forme de pléonasme législatif.
Chers collègues de la majorité, vous aviez l’occasion, hier soir, d’insuffler un peu de raison
dans ces incohérences en adoptant la motion de renvoi en commission qui aurait permis de
clarifier votre démarche et les objectifs réels du texte. Vous aviez, lors des débats sur les
amendements qui proposaient le retour à la rédaction initiale abrogeant les permis exclusifs,
l’occasion d’affirmer votre volonté politique et votre engagement ferme. Malheureusement,
vous avez choisi la pire des solutions en passant en force sans mesurer les conséquences de
vos actes vis-à-vis de ceux qui se battent depuis des mois contre cette incohérence énergétique
et environnementale.
Vous avez préféré laisser les mains libres à des opérateurs qui pourront tranquillement
poursuivre leurs projets sur les territoires en jouant de tous les artifices possibles pour
masquer leurs agissements. Vous maintenez ainsi sciemment l’opacité sur la mise en œuvre
des permis délivrés. Vous vous obstinez à défendre un argumentaire juridique qui ne tient pas,
alors même que les opérateurs, dans tous les cas, n’hésiteront pas à saisir le juge administratif.
Malheureusement, je crains fort qu’en partant de bonnes intentions, de tels agissements ne
nous conduisent à ce qui s’apparente aujourd’hui à une forme de capitulation.
C’est pourquoi je demande à tous les parlementaires de la majorité de ne pas être des petits
soldats aux ordres d’un gouvernement chancelant face à ses responsabilités
environnementales (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) et de rejeter ce texte
pour proposer une nouvelle porte de sortie.
Dans le cas contraire, vous ne manqueriez pas, mes chers collègues, de vous attirer les foudres
de tous ceux qui sont déterminés à combattre et à résister face à cette nouvelle incohérence
environnementale.
S’il vous arrive encore, avec raison, de vous indigner et de vous engager, je crois que vous
voterez, avec l’ensemble des députés GDR, contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs
du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
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