Document de position - Friends of the Earth International

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Une nécessité urgente de renforcer
la gouvernance environnementale mondiale
Document de position en vue de
la 8ème Session Extraordinaire du Conseil d’Administration du PNUE/
5ème Forum Ministériel Mondial sur l’Environnement
Jeju, 29 - 31 mars 2004
1.
Résumé
Le 5ème Forum Ministériel Mondial sur l’Environnement / 8ème Session Extraordinaire du Conseil
d’Administration du PNUE représente une occasion majeure de procéder au renforcement de la
gouvernance environnementale mondiale. Les principes directeurs du développement durable ont
donné lieu à un très grand nombre de textes légaux ou réglementaires dont de nombreux accords
légalement contraignants. Il est temps désormais de donner la priorité à la mise en œuvre et à
l'amélioration de ces accords. Le renforcement de la gouvernance doit maintenant avant tout avoir
pour objectif l'amélioration et le respect des Accords Multilatéraux sur l'Environnement (AME). Le
respect de ces accords, par les entreprises multinationales et par certains autres puissants acteurs,
tels que les Institutions Financières Internationales et l'Organisation Mondiale du Commerce
(OMC), devrait en particulier être désormais assuré. Les AME doivent juridiquement prévaloir sur
les réglementations internationales sur le commerce et l'investissement.
Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) constitue bien le berceau de la
gouvernance internationale en matière d'environnement mais son travail demeure sévèrement
entravé par l'absence de sources de financement solides. Le fait que le PNUE dépende de
contributions volontaires a jusqu'ici conduit à une influence prépondérante et inéquitable des pays
donateurs dans ses prises de décision, à un penchant à la concurrence interne qui a grevé
l'efficacité du PNUE ainsi qu'à une tendance à la prise de contrôle de la part de grandes entreprises
par le biais des programmes de partenariats public-privé conclus sous son égide comme par
d'autres formes de donations d'entreprises. Une forte hausse du financement du PNUE, garanti par
les Etats, constitue donc une importante condition préalable à la mise en œuvre d'une réelle et
équitable gouvernance environnementale internationale.
Nous soutenons les propositions actuelles visant à transformer le PNUE en une Organisation
spécialisée des Nations Unies pour l'Environnement (ONUE) dont tous les Etats membres feraient
partie. Une telle ONUE devrait avoir pour mandat de se concentrer sur le respect des accords
environnementaux internationaux et de remettre en cause les politiques des institutions
économiques mondiales (OMC, Banque Mondiale et FMI) qui limitent et affaiblissent la mise en
œuvre des politiques de développement durable.
La 8ème Session Extraordinaire du Conseil d’Administration du PNUE/ 5ème Forum Ministériel
Mondial sur l’Environnement doit donner un mandat clair au PNUE, lui garantir un soutien financier
suffisant et procéder à sa réforme en vue de le transformer en une Organisation des Nations Unies
pour l'Environnement, avec le mandat suivant :
-
Apporter un soutien efficace, y compris en termes financiers, techniques et politiques, à
l'amélioration et la mise en œuvre cohérente et coordonnée des AME existants.
1
-
-
-
Garantir le respect effectif des AME légalement contraignants comme des arbitrages qu'ils
permettent, que ce soit pour les gouvernements, les institutions économiques
internationales et les entreprises multinationales ;
Réaffirmer que les AME, et non l'OMC, possèdent la compétence prévalente en matière
d'environnement, et soutenir la nécessité de mettre en œuvre des mesures commerciales
liées aux AME.
Promouvoir et participer à une évaluation commune des Nations Unies (NU) sur l'impact
des accords commerciaux actuellement en application sur le développement durable.
Promouvoir et participer activement à l'établissement d'une commission mondiale sur le
commerce et l'agriculture qui étudierait l'impact des accords commerciaux en cours
d’application sur l'agriculture durable et qui rechercherait les modalités de définition d'un
outil internationalement contraignant sur les questions de l'agriculture durable et de la
souveraineté alimentaire.
2. Une gouvernance environnementale internationale trop faible pour être efficace
La gouvernance environnementale est faible au niveau international. Cette faiblesse est reconnue
dans différents cercles, y compris par le PNUE, par les mouvements de représentation de la société
civile et par de nombreux gouvernements. Les raisons principales de cette faiblesse sont les
suivantes :
-
Insuffisance des engagements politiques et financiers en faveur de la mise en œuvre de
mesures à caractère contraignant au niveau international et national ;
Fragmentation, dispersion et parfois même incohérence de la définition des responsabilités
en matière d'environnement ;
Manque de mécanismes permettant de rendre AME contraignants ;
Faible intégration des considérations environnementales dans les processus de prise de
décision les plus importants ;
Déficit de l'engagement du Nord à traiter les priorités de développement du Sud en prenant
en compte la gouvernance environnementale ;
Influence du lobby de puissants groupes privés sur les prises de décision en matière
d'environnement ;
Recours trop systématique à des solutions contre-productives s'appuyant sur le marché
pour
attaquer les problèmes environnementaux, ce qui entraîne une influence
grandissante et déloyale des firmes multinationales dans la définition de la gouvernance
environnementale et les prises de décision réglementaires ;
Les réglementations économiques internationales, telles que les règles portant sur le commerce et
l'investissement ne s'accordent pas le plus souvent avec le développement durable et limitent les
décisions réglementaires des gouvernements en faveur de l'environnement et de l'intérêt public. Il
est nécessaire que des acteurs aussi puissants que les firmes multinationales (FMN), l'OMC et les
Institutions Financières Internationales respectent les AME légalement contraignants, et une
attention particulière devrait être donnée aux gels qu'implique l'application des règles de l'OMC
quant au développement des réglementations environnementales. Les puissants mécanismes
d'arbitrage des conflits de l'OMC ont en effet été employés dans le passé pour mettre en cause
d'application de règles environnementales déjà existantes. Il est nécessaire de renforcer la
gouvernance environnementale au niveau international afin de faire contrepoids à la prédominance
des intérêts économiques dans les prises de décision politique internationales et de renverser la
tendance en faveur de l'environnement et du développement durable.
3. La nécessité de créer une organisation des NU pour l'Environnement sur la base du PNUE
Les principes de la protection de l'environnement et du développement durable ont donné lieu à un
très grand nombre de textes légaux ou réglementaires dont de nombreux accords légalement
contraignants, en particulier depuis les années 90. Les Amis de la Terre joignent leurs voix à celles
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de nombreux gouvernements et représentants de la société civile qui ont fait savoir que la priorité
doit à présent être donnée à l'amélioration et à la mise en œuvre de ces accords. Nous pensons
qu'un système de gouvernance environnementale est la condition sine qua non d'une mise en
œuvre efficace de ces accords puisqu'elle augmenterait l'autorité de la gouvernance
environnementale. Le PNUE constitue bien le berceau de la gouvernance internationale en matière
d'environnement et remplit bien son rôle de promoteur de la gouvernance environnementale
internationale par différents leviers mais son travail demeure sévèrement entravé par l'absence de
continuité et de fiabilité des sources de financement public.
C'est pourquoi le PNUE doit être transformé en une Organisation des Nations Unies spécialisée sur
l'Environnement (ONUE). Le 5ème Forum Ministériel Mondial sur l’Environnement / 8ème Session
Extraordinaire du Conseil d’Administration du PNUE doit à présent reconnaître la faiblesse du
cadre réglementaire environnemental international et demander la création d'une Organisation des
NU spécialisée sur l'Environnement. s'appuyant sur la base du PNUE, pour poursuivre les objectifs
suivants :
1. Offrir un soutien efficace, y compris financier, technique et politique, à une mise en œuvre
cohérente et coordonnée des AME actuels ;
2. Assurer le respect réel des AME légalement contraignants par les gouvernements, les institutions
économiques internationales et les entreprises tout en prenant en compte les travaux à venir de la
Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies sur la responsabilité juridique des
entreprises ;
3. Créer des mécanismes de mise en application effective des accords environnementaux par la
mise en place de mécanismes garantissant leur caractère obligatoire et l'arbitrage des différents ;
4. Augmenter au moyen de contributions obligatoires et universelles le soutien à la mise en œuvre
des accords environnementaux par les pays en développement par des moyens financiers et de
soutien au développement des capacités de leurs institutions ;
5. Mettre en place un organisme de référence sur l'environnement afin de conduire des expertises
scientifiques, techniques et légales et de produire des recommandations aux institutions
internationales.
6. Conduire une évaluation sur les accords environnementaux actuels dans la perspective de les
améliorer et les délester des dispositions contre-productives recourrant au marché, qui vont à
l'encontre des objectifs de promotion de sociétés équitables et durables ;
7. Prendre la tête de l'évaluation des impacts de réglementations économiques internationales,
dans le cadre d'une enquête commune des NU sur les effets des politiques commerciales et autres
politiques économiques sur la mise en œuvre des Objectifs de Développement du Millénaire, et
produire des recommandations en directions des institutions internationales concernées ;
8. Obtenir la priorité dans toutes les discussions et négociations environnementales et
commerciales et réaffirmer que les AME ont première compétence pour déterminer la nécessité des
mesures commerciales reliées aux AME et pour évaluer la légitimité de mesures de mise en œuvre
nationales ;
9. Initier et négocier la mise en place de nouveaux outils internationaux et régionaux légalement
contraignants là où il y a des manques manifestes dans les réglementations internationales ;
10. Démocratiser la gouvernance environnementale internationale en assurant une participation
réelle, efficace et équitable de tous les pays, des organisations représentant la société civile et les
peuples indigènes de toutes les régions du monde, et faire baisser l'influence des entreprises sur
les prises de décision publique à la fois au niveau institutionnel et sur les AME.
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11. Reconnaître la dette écologique des pays industrialisés envers le reste du monde, et prendre
ainsi l'offensive dans la demande de remboursement de la dette illégitime et odieuse des pays du
Tiers-Monde, en tant que condition préalable absolument nécessaire à tout développement réel et
durable.
12. Promouvoir et favoriser activement la mise en place d'une commission mondiale sur les
échanges et l'agriculture, qui procéderait à l'étude de l'impact des accords commerciaux actuels sur
l'agriculture durable et qui explorerait les modalités de définition d'un outil internationalement
contraignant sur les questions de l'agriculture durable et de la souveraineté alimentaire.
Enfin, et ce n'est pas le moins important, la participation véritable, efficace et équitable des
organisations représentant la société civile dans toutes les régions du monde est l'une des
conditions préalables à tout développement durable. Il faudrait également garantir la participation
effective de tous les pays. L'institution devrait être la pépinière d'un concept global de
développement durable . Nous ne soutiendrons en aucun cas les réformes institutionnelles qui
affaibliraient la situation de la société civile et/ou des pays en développement dans la gouvernance
environnementale internationale.
4. Procurer un soutien actif à la mise en application cohérente des Accords actuels
Le développement de la capacité à mettre les accords en œuvre est l'un des principaux outils
d'assistance aux pays en développement, comme aux autres pays, pour appliquer les nombreux
accords contraignants et non-contraignants visant à promouvoir le développement durable d'une
façon efficace et cohérente. Le PNUE et les autres organisations dépendant des NU ont déjà
entrepris de très nombreux projets dans ce domaine, mais il est urgent et nécessaire de renforcer
ces activités et de les intégrer aux travaux du PNUE sur la coordination, l'évaluation et la
supervision des accords environnementaux.
Contrôle et évaluation constituent d'autres important instruments contribuant à mettre en œuvre les
accords actuels. Le travail du PNUE en matière d'évaluation scientifique apporte des résultats
importants pour définir précisément les modalités de renforcement d'une mise en œuvre cohérente
des AME. Une amélioration subtancielle de la coordination entre les organisations comme en leur
sein assurerait que le travail du PNUE ou de l'ONUE dans les domaine du contrôle et de
l'évaluation, comprenant ses travaux d'évaluation de l'impact des accords commerciaux, contribue
à renforcer son effort en faveur du développement des capacités de mise en œuvre et de
coordination des conventions environnementales.
Le PNUE ou l'ONUE devrait aussi pouvoir faire un usage plus intensif des informations que lui
transmettent les réseaux de représentation de la société civile. Ceux-ci, comme c'est le cas des
Amis de la Terre - International, sont capables de rassembler une somme considérable
d'informations sur l'insuffisante mise en œuvre des accords environnementaux dans différents
pays, y compris leur non-respect de la part de firmes multinationales. Le PNUE ou l'ONUE devrait
aussi être en mesure de recevoir et de vérifier ce genre d'information, ce qui contribuerait
grandement au renforcement de la capacité à appliquer les AME.
Alors que les conseils techniques sont au moins aussi importants que le soutien financier, il existe
une très net besoin de concentrer ce dernier aussi sur l'application des AME. A long terme le PNUE
ou l'ONUE devrait disposer de ressources suffisantes pour fournir un soutien financier pour la mise
en application des accords internationaux actuels. Il pourrait aussi dégager ce soutien d'un autre
fonds, p. ex. le Fonds Mondial pour l’Environnement. Un tel soutien financier devrait provenir de
sources publiques, dans le but d'éviter le contrôle des prises de décisions politiques
environnementales par certaines firmes.
Le PNUE ou l'ONUE pourrait également mobiliser le soutien politique à la mise en œuvre efficace
des AME. Cette dernière pourrait être considérée comme une condition préalable aux aides
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financières ou techniques puisqu'un relâchement du soutien politique conduit à des bas niveaux de
financement public et à un faible niveau d'exigences politiques et réglementaires.
5. Mécanismes contraignants assurant le respect des accords et l'arbitrage des conflits
La nécessité de parvenir à un plus grand respect des AME actuels a été soulignée à de
nombreuses reprises par les gouvernements et les organisations de représentation de la société
civile. Il faut penser le terme de mécanisme contraignant contre un terme générique, ce qui englobe
d'une part un mécanisme de contrôle effectif du respect des engagements des gouvernements au
moyen de rapports nationaux établis de préférence par un regroupement de toutes les parties
concernées , et d'autre part, normalement, un mécanisme d'arbitrage des conflits dans les cas,
toujours possibles, de non-respect des obligations. De tels mécanismes qui sont normalement
intégrés aux AME, incluent souvent la médiation puis l'arbitrage, y compris par la Cour Permanente
d'Arbitrage, et des décisions judiciaires rendues par la Chambre Environnementale de la Court
Internationale de Justice. Dans les cas où de graves préjudices environnementaux ont été commis
et qu'ils peuvent être considérés comme des Crimes contre l'Humanité, ou bien s'ils tombent, sous
un autre chef, dans le champ de compétence de Cour Pénale Internationale, celle-ci peut être
amenée à intervenir. Dans les cas où l'infraction est établie, différentes formes de sanctions
peuvent être imposées, mais les mécanismes contraignants peuvent également comprendre un
fonds offrant des soutiens financiers précis aux pays qui ont eux-même informé du fait qu'ils n'ont
pas respecté leurs obligations. Ces mécanismes contraignants devraient être mis en place dès la
signature pour les AME à venir. On devrait enfin inclure une gamme pondérée de sanctions et
d'incitations pour ce type de mécanismes, en prenant en compte les responsabilités communes
mais différenciées et, en ce qui concerne la capacité à les mettre en œuvre, de niveaux différents
pour les pays industrialisés et en développement.
Ce mécanisme serait idéalement chargé de faire appliquer conjointement les différents AME,
permettant par là-même une meilleure cohérence entre ces accords.
Ces outils contraignants d'application et d'arbitrage des différents ne peuvent être vraiment
efficaces qu'en offrant un accès direct aux représentants de la société civile. Les comités chargés
de garantir le respect des AME devraient être habilités à se servir des informations en provenance
de sources de la société civile indépendantes. Les organisations de représentation de la société
civile devraient également avoir un accès direct aux procédures de médiation et d'arbitrage et, à
long terme, à la Cour Internationale de Justice. Les nouvelles règles de procédure le la Cour
Permanente d'Arbitrage des Différents Environnementaux (Permanent Court of Arbitration for
Environmental Settlement) représentent à cet égard une importante étape.
Les décisions de justice de l'OMC, organisation qui comprend un mécanisme d'arbitrage des
conflits et toute une série de mécanismes visant à mettre en œuvre et à faire respecter les accords
commerciaux, y compris au moyen de sanctions commerciales, constituent un problème tout à fait
spécifique puisqu'ils conduisent à affaiblir la capacité à appliquer les AME. L'OMC comprend bien
un Comité sur le Commerce et l'Environnement (Committee on Trade and Environment), mais
celui-ci s'est jusqu'ici plutôt penché sur les impacts négatifs des politiques de développement
durable sur le commerce plutôt que sur les impacts négatifs des politiques commerciales sur le
développement durable. Les mécanismes d'arbitrage des différents de l'OMC comportent un biais
favorable à la libéralisation des échanges. Il y a grand besoin de mettre en place des mécanismes
contraignants neutres hors de l'OMC. Ces mécanismes pourraient garantir le respect des outils
réglementaires en faveur du développement durable. Les AME doivent l'emporter sur les
réglementations du commerce et de l'investissement.
Des mécanismes contraignants assurant le respect des accords et l'arbitrage des conflits et
couvrant de nombreuses conventions devrait être en mesure d'affronter les réglementations de
l'OMC qui vont au détriment des progrès vers le développement durable comme de supprimer
celles qui abaissent le pouvoir des accords de protection de l'environnement. Ils permettraient aussi
de promouvoir la cohérence des rapports nationaux obligatoirement établis. Il faut bien remarquer
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que ces mécanismes assurant à la fois le caractère contraignant et les arbitrages et qui seraient
adoptés par tous les accords ayant une valeur juridique contraignante, rendraient nécessaire un
processus comportant des étapes successives. Le PNUE ou l'ONUE, pourrait jouer, par le biais de
son programme en faveur du caractère obligatoire et de la mise en application des réglementations
environnementales, un rôle crucial dans le développement d'un tel mécanisme.
Il est très important de souligner à ce sujet qu'en l'absence de mécanismes contraignants la mise
en vigueur des accords tend à jouer à l'encontre des pays en développement puisqu'ils peuvent
plus facilement être forcés à mettre en œuvre les accords internationaux que d'autres pays, au
moyen de sanctions commerciales ou par le biais du retrait de l'aide internationale. La mise en
place de mécanismes contraignants efficaces et formels prenant en compte les responsabilités
communes mais différenciées serait un très important instrument permettant de garantir une
application plus équitable des accords internationaux.
Du fait que les FMN sont de plus en plus puissantes, elles sont de plus en plus en mesure de
passer outre les législations nationales et de déclencher des mouvements de corruption,
spécialement dans les pays du Sud. Dans de nombreux cas le budget annuel des FMN représente
plusieurs fois celui des Etats dans lesquels ils opèrent. L'absence de respect des réglementations
de la part des FMN est un immense problème pour de nombreux pays. Le besoin de créer des
règles internationales légalement contraignantes afin de garantir le respect des lois par les
entreprises est très clair. De telles règles permettraient aussi d'affronter la question des impacts
négatifs des flux d'investissement internationaux et réorienteraient peut-être une partie de ces
investissements en direction de projets de développement durable. Au moyen de son programme
de promotion du caractère obligatoire et de la mise en vigueur des réglementations
environnementales, le PNUE ou l'ONUE pourrait jouer un rôle important dans l'établissement d'une
capacité institutionnelle permettant de garantir le respect des normes réglementaires par les
entreprises. Le PNUE ou l'ONUE pourrait aussi jouer un rôle de catalyseur dans le développement
de réglementations internationales sur les obligations légales des entreprises, en prenant en
compte les Directives sur le Respect des Réglementations (Guidelines on Compliance) en même
temps que la Mise en vigueur des AME (Enforcement of Multilateral Environmental Agreements) et
les Directives pour l'Application Nationale [des AME] et la Coopération Internationale pour la Lutte
contre les Infractions aux Textes de mise en Oeuvre des AME (Guidelines for National
Enforcement, and International Cooperation in Combating Violations, of Laws Implementing
Multilateral Environmental Agreements).
On doit bien remarquer que de nombreux AME déjà existant comprennent des directives
légalement contraignantes pour les FMN dans des domaines spécifiques, ce qui est par exemple le
cas de la Convention Biodiversité, du Protocole de Carthagène, de la Convention sur les Polluants
Organiques Persistants et de plus anciennes conventions comme la convention de Bâle sur les
exportations des déchets dangereux. Un mécanisme contraignant général couvrant toutes ces
conventions contribueraient aussi à une meilleur respect des règles internationales par les
entreprises.
6. La compétence prévalente des AME et le besoin de créer des mesures commerciales en
lien avec les AME
Le Conseil d'Administration du PNUE doit reconnaître qu'il est essentiel de mettre en place un
mécanisme de gouvernance environnementale internationale indépendant de l'OMC et dans lequel
les réglementations commerciales ne limitent ni n'affaiblissent la protection de l'environnement.
Puisque les NU sont mandatées pour assurer la cohérence entre le développement
socioéconomique et la protection de l'environnement, ce doit être au PNUE ou à l'ONUE de garantir
que le commerce international n'agit pas à l'encontre du développement durable et que les règles
du commerce multilatéral sont en accord avec les règles établies dans les AME.
Les négociations entamées lors de la 4ème Conférence des Ministres de l'OMC sur les relations
entre les AME et des réglementations commerciales sont tout à fait insatisfaisantes. Seuls quelques
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secrétariats représentant les AME sont admis à suivre les négociations du Comité sur le
Commerce et l'Environnement (Committee on Trade and Environment) et encore, seulement sur la
base d'invitations ad hoc. Ces secrétariats doivent être invités à chaque réunion et il suffit de
l'objection d'un Etat membre pour tous les exclure. Plus encore les secrétariats des AME ne
peuvent prendre la parole que quand on la leur demande ou en fin de cession. Les négociations du
Comité sur le Commerce et l'Environnement ont jusqu'ici surtout consisté en discussions
techniques portant sur la définition d'obligations commerciales spécifiques et sur les AME. Ces
détails pourraient se révéler avoir des conséquences de la plus haute importance pour les AME.
Ainsi l'application de mesures commerciales laissées à la discrétion des parties signataires des
AME pourrait être considéré comme incohérent avec les règles de l'OMC. Il pourrait en être ainsi de
décisions prises par les partenaires des AME mais non codifiées dans les annexes ou les
protocoles, ni ratifiées par l'ensemble des parties.
L'OMC ne devrait disposer d'aucune compétence réglementaire pouvant intervenir sur la
gouvernance environnementale internationale en général et sur les AME en particulier. Les
négociations sur les relations entre les règles de l'OMC et celles des AME devraient plutôt être
assurées par le PNUE ou l'ONUE.
En prenant en considération les risques que les négociations de l'OMC font courir à la gouvernance
environnementale internationale, en particulier selon le paragraphe 31 (i) de la Déclaration
Ministérielle de Doha, le Conseil d'Administration du PNUE ou de l'ONUE devrait :

Réaffirmer l'autorité et l'autonomie des AME en affirmant que la compétence des AME
prévaut pour déterminer la nécessité de mesures commerciales liées aux AME et pour
évaluer la légitimité de mesures nationales de mise en œuvre de ceux-ci, et non l'OMC ;

Prévoir les étapes de la mise en place de mécanismes contraignants assurant le respect
des accords et l'arbitrage des conflits pour les AME (cf. supra).

Mettre sur pied un système dans lequel les NU auraient autorité pour prendre en
considération et trancher tout conflit présent et potentiel entre les deux systèmes de
gouvernance ;
Il est essentiel pour le développement de la gouvernance environnementale internationale à venir
que :

Les pays ne soient pas empêchés de respecter les obligations relatives aux AME dont ils
sont membres en raison des règles de l'OMC ou d'autres intérêts économiques ;

Le traitement des parties non-signataires des AME vis-à-vis des dispositions commerciales
des AME soit uniquement déterminé par les dispositions de l'AME en question ;
Le PNUE ou l'ONUE, son Conseil d'Administration et les AME devrait généralement être au premier
rang dans toute discussion ou négociation environnementale ou commerciale. Les NU sont
légitimes pour traiter non seulement la question des relations entre l'OMC et les AME mais aussi
les autres négociations commerciales et environnementales qui ont été lancées à Doha,
notamment sur les biens et services, les écolabels et sur d'autres questions. Les négociations
devraient cesser à l'OMC et être déplacées vers l'ONU. Le PNUE et les AME ont déjà mandat pour
renforcer la coopération mutuelles et avec les autres organisations internationales.
7. Promouvoir une étude globale sur les impacts des accords commerciaux actuels
Alors qu'on ne sait toujours pas si l'OMC pourra seulement arriver à bout de l'ordre du jour des
négociations décidé à Doha, les accords commerciaux représentent déjà une menace de premier
ordre pour les réglementations environnementales internationales. Les Amis de la Terre International soutiennent les pays en développement qui demandent que l'on fasse l'inventaire des
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problèmes causés par l'application de ces accords commerciaux, et qu'on les revoie là où c'est
nécessaire. Une telle enquête pourrait être placées sous l'égide de l'ONU, dont le mandat principal
comprend la promotion du développement durable et la mise en œuvre des Objectifs de
Développement du Millénaire. Un évaluation des décisions et des réglementations de l'OMC est
nécessaire pour déterminer si elles soutiennent et promeuvent le développement de sociétés
durables ou non et pour s'assurer qu'elles sont compatibles avec les traités des NU sur
l'environnement et les droits de l'homme. Le PNUE, qui comprend un bon nombre de programmes
d'action dans les domaines du respect des réglementations environnementales, de la coordination
intergouvernementale et de la cohérence entre les conventions tout comme un programme sur
l'économie et le commerce qui a déjà mené des évaluations intégrées de la libéralisation des
échanges et soutenu le renforcement des capacités institutionnelles en ce domaine, devrait jouer
un rôle central dans une évaluation d'ensemble de ce genre. D'autres organisations dépendant des
NU devraient jouer un rôle actif dans une telle enquête : les secrétariats des AME, la conférence
des NU sur Commerce et le Développement, la Commission des NU sur le Développement
Durable, la Commission des NU sur le Développement Social et l'Organisation des NU pour
l'Alimentation et l'Agriculture. Les gouvernements devraient également lancer des évaluations
nationales intégrées sur les impacts économiques, sociaux et environnementaux des accords
commerciaux.
De plus, le PNUE ou l'ONUE pourrait conduire une évaluation sur les AME actuels avec la
perspective de les améliorer et de les débarrasser des mécanismes de marchés contre-productifs
et qui vont à l'encontre des objectifs de promotion de sociétés équitables et durables. La promotion
des échanges commerciaux sur les projets de puits de carbone dans le Protocole de Kyoto
appliquant la Convention Cadre sur le Changement Climatique et la promotion des pillages
biologiques sous le couvert de la Convention sur la Diversité Biologique sont deux exemples de ce
genre de mécanismes.
8. Evaluer l'impact du commerce international sur l'agriculture durable
Aucun secteur économique n'a à faire face à une crise aussi profonde que l'agriculture en matière
de développement durable. Ce secteur a connu et connaît encore selon les régions du monde une
transition qui le conduit de formes d'agricultures traditionnelles et à faible échelle, le plus souvent
environnementalement et socialement viables, à des formes d'agricultures à large échelle, non
durable et tournées vers l'exportation. Cette transition est de loin la première cause de la
malnutrition, de la faim, de l'appauvrissement et du chômage ruraux, en particulier pour les femmes
des zones rurales, comme de la diminution de la biodiversité (à la fois celle des systèmes agricoles
et celle résultant de la conversion des écosystèmes naturels, comme la forêt), de la contamination
génétique, de la désertification et d'autres problèmes environnementaux tels que la diminution des
ressources en eau douce et la pollution des cours d'eau de la source à l'estuaire.
Cette agriculture non durable est soutenue par d'importantes subventions agricoles dans de
nombreux pays, en particulier dans les pays développés. Ces pays distribuent aussi des
subventions aux exportations, et soutiennent d'autres pratiques de dumping qui conduisent à la
destruction de systèmes agricoles plus durables dans les pays en développement. De nombreux
syndicats, groupements agricoles et ONG désignent la libéralisation des échanges agricoles
comme l'une des principales causes de ces problèmes. C'est pourquoi ils estiment que l'agriculture
devrait finalement sortir du régime juridique de l'OMC. En attendant il est urgent que les
gouvernements agissent et s'entendent au niveau multilatéral pour empêcher et pénaliser les
pratiques déloyales et qu'ils reconnaissent la légitimité de la souveraineté alimentaire des peuples
et le droit des collectivités et des nations de définir leur propres politiques alimentaires, agricoles et
de développement rural de façon à garantir les moyens d'existence des petits agriculteurs et des
paysans, ainsi qu'une alimentation suffisamment sûre et saine pour tous, afin d'éviter de futures
crises sociales et écologiques.
On reconnaît à présent très clairement le fait que les autres accords légalement contraignants
doivent garantir la sécurité et la souveraineté alimentaire et faire face aux autres problèmes
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mentionnés ci-dessus. Il faut en particulier établir une interdiction des subventions à l'exportation et
autres formes de dumping. Il faut interdire toute forme de pillage biologique, y compris le brevetage
du vivant, et renforcer davantage les mesures de gestion des pesticides, de biosécurité, de gestion
de l'eau douce et de conservation de la biodiversité des écosystèmes agricoles et péri-agricoles.
On devrait reconnaître le droit à l'accès à nourriture équilibrée et saine comme un des droits de
l'homme, donc juridiquement contraignant.
L'organisation des NU pour l'alimentation et l'agriculture, le PNUE ou l'ONUE, la Conférence des
NU sur Commerce et le Développement, le programme alimentaire mondial, et les autres
organisations concernées des NU doivent promouvoir l'établissement d'une commission mondiale
sur le commerce et l'agriculture, soutenue par un groupe de travail dont les membres viendraient
des différentes agences. Cette commission devrait évaluer l'impact de la libéralisation des
échanges sur l'agriculture et préparer les travaux de la Conférence des NU sur Commerce et le
Développement sur les problèmes de mise en œuvre des accords. Elle devra aussi rechercher les
modalités de définition d'un outil légalement contraignant destiné à garantir l'accès à l'alimentation
et à combattre les pratiques de dumping.
Pour obtenir plus d'information contactez Simone Lovera, Amis de la Terre International. Tel: 3120-6221369, Email: [email protected], http://www.foei.org
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