Droit De La Santé CIFAF - Cifaf

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DROIT DE LA SANTE: DEFINITION ET
APPROCHE CONTENTIEUSE
5 avril 2017 CONAKRY
Me Delphine JAAFAR
Avocat Associé
Ancien Secrétaire de la Conférence du Barreau
de PARIS
Ancien Auditeur du CHEDE
+
Droit de la santé: un secteur
innovant, un secteur grandissant …
+
DROIT DE LA SANTE

Le droit à la santé a été évoqué pour la première fois dans la Constitution de
l’OMS en 1946 et réaffirmé dans la Déclaration d’Alma Ata de 1978, puis
dans la Déclaration mondiale sur la Santé adoptée par l’Assemblée
mondiale de la Santé en 1998

Il est par ailleurs consacré dans un grand nombre d’instruments
internationaux et régionaux des droits humains, notamment le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

En effet, l’article 12 du Pacte donne une définition complète du droit à la
santé. Conformément au paragraphe 1, les Etats parties reconnaissent « le
droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental
qu’elle soit capable d’atteindre » et le paragraphe 2 du même article contient
une énumération, à titre d’illustration, d’un certain nombre de « mesures que
les Etats parties prendront en vue d’assurer le plein exercice de ce droit »
+
DROIT DE LA SANTE: CHAMP D’APPLICATION

1. DROITS FONDAMENTAUX DE LA PERSONNE MALADE
Droit des personnes malades et des usagers du système de santé
Dépendance, vulnérabilité et éthique médicale

Besoin légistique

Besoin Conseil juridique: rédaction de chartes de protection des
droits des malade / information des usagers sur leurs droits /
aide à la constitution d’associations de défense des usagers du
système de santé / aide à la représentation des usagers du
système de santé dans les instances de décision …

Besoin Contentieux: défense du droit des malades et usagers des
systèmes de santé
+
DROIT DE LA SANTE: CHAMP D’APPLICATION

2. LES REGLES DE L’EXERCICE PROFESSIONNEL
Les professionnels de santé (accès, exercice et déontologie)
Droit de la responsabilité médicale
Statuts des personnels médicaux et non médicaux exerçant dans les
établissements et entreprises de santé (définition de contrats ad hoc)
Organisation et droit des sociétés d’exercice des professions de santé

Besoin légistique

Besoin Conseil juridique: rédaction d’actes pour les sociétés
d’exercice des professions de santé, construction des contrats
spécifiques pour l’emploi de médecins et de paramédicaux …

Besoin Contentieux: construction du droit de la responsabilité
médicale
+
DROIT DE LA SANTE: CHAMP D’APPLICATION

3. Organisation du système de santé: prise en charge et
couverture
Politiques de santé
Tarification des activités de santé
Droit de la sécurité sociale
Droit des assurances

Besoin légistique

Besoin Conseil juridique: accompagnement juridique des
autorités en charge des politique de santé / construction de
modèles nationaux
+
DROIT DE LA SANTE: CHAMP D’APPLICATION

4. Droit de l’organisation sanitaire et des établissements et
entreprises de santé
Droit de l’organisation sanitaire: réglementation des activités de
santé
Projets des établissements et gouvernance interne des structures
Restructuration et Groupements: organisation territoriale
Gestion des équipements de santé
Données de santé et système d’information
Corporate et fiscalité
Immobilier de la santé

Besoin légistique

Besoin Conseil juridique

Besoin Contentieux
+
DROIT DE LA SANTE: CHAMPS D’APPLICATION

5. Propriété industrielle et industries de santé
Droit des brevets, Droit des marques, Droit de la responsabilité-des
biotechnologies, Droit des contrats et transferts de technologies, Droit de
la recherche, Droit pharmaceutique et brevets médicaments …

Besoin légistique

Besoin Conseil juridique

Besoin Contentieux
+
DROIT DE LA SANTE: CHAMP D’APPICATION

6. Droit de la santé électronique
Secteur le plus émergent et le plus innovant

Besoin légistique

Besoin Conseil juridique
+
Existe-t-il un droit africain de la santé
?
+
EXISTE-IL UN DROIT AFRICAIN DE LA SANTE

On peut envisager l’existence d’un droit africain de la santé qui consiste dans
l’ensemble des règles juridiques établies par les organisations internationales et les
autorités étatiques nationales applicables en Afrique aux actions de santé en vue de la
protection des droits de l’homme et du développement.

Les organisations internationales concernées sont les organisations régionales
africaines mais aussi les organisations universelles agissant en Afrique (tout
spécialement l’OMS)

Il convient encore d’insister sur le fait que le droit à la santé est un droit fondamental de
l’homme

Le droit africain de la santé est un droit en formation mais est déjà constitué d’un
corpus juridique relativement fourni.
+
EXISTE-IL UN DROIT AFRICAIN DE LA SANTE
Le droit africain de la santé présente deux caractères principaux
apparaissant comme étant à la fois marqué par les conceptions
occidentales de la protection sanitaire et lié aux contraintes
imposés par l’aide sanitaire internationale
+
UN DROIT MARQUE PAR LES CONCEPTIONS
OCCIDENTALES DE LA PROTECTION
SANITAIRE

Le droit africain de la santé est marqué par un phénomène de
mimétisme juridique global, qui s’exprime tout particulièrement
sur 3 plans: celui des mécanismes juridiques, celui des structures
administratives et celui des activités normatives
+
UN DROIT MARQUE PAR LES CONCEPTIONS
OCCIDENTALES DE LA PROTECTION
SANITAIRE

En premier lieu, la tendance au mimétisme institutionnel en matière
sanitaire s’établit au travers de l’organisation de ministères
nationaux de Santé publique (comme pour le BUKINA FASO avec le
décret n°86/144/CNR/PRES/SAN du 30 avril 1986 portant
organisation du ministère de la Santé)

Elle se retrouve avec le découpage du territoire étatique en région
sanitaire (comme pour le MALI avec le décret n° 90-264/PRM du 5
juin 1990 portant création de services régionaux et subrégionaux de
la santé et des affaires sociales)
+
UN DROIT MARQUE PAR LES CONCEPTIONS
OCCIDENTALES DE LA PROTECTION
SANITAIRE

La question de l’intervention de l’Etat en Afrique en matière de
santé reste posée, se traduisant à la fois par la volonté d’un contrôle
direct (par exemple avec la constitution d’une pharmacie d’Etat,
comme en République Centrafricaine avec le décret n° 88-139 du 21
avril 1988 portant statuts de la pharmacie d’Etat) et la nécessité d’une
certaine autonomie des collectivités locales et communautés de
base pour assurer le financement d’actions de santé
+
UN DROIT MARQUE PAR LES CONCEPTIONS
OCCIDENTALES DE LA PROTECTION
SANITAIRE

En second lieu, en ce qui concerne les structures sanitaires, on peut
rappeler que le choix initial d’un système hospitalier fondé sur le
centre hospitalo-universitaire (CHU)

Un mimétisme structurel équivalent se retrouve avec la mise en
place d’écoles nationales de la santé publique (ENSP) (comme en
Mauritanie avec le décret n° 89-045du 22 février 1989 fixant
l’organisation et les règles de fonctionnement de l’Ecole nationale de
la santé publique)
+
UN DROIT MARQUE PAR LES CONCEPTIONS
OCCIDENTALES DE LA PROTECTION
SANITAIRE

En troisième lieu, pour ce qui est des activités normatives sanitaires,
un mimétisme fonctionnel se remarque en particulier en matière de
lutte contre le SIDA, comme au SENEGAL avec l’arrêté
n°001291/MSP/CAB/CTI du 2 février 1990 portant création d’un
Comité national pluridisciplinaire de prévention du SIDA
+
UN DROIT MARQUE PAR LES CONCEPTIONS
OCCIDENTALES DE LA PROTECTION
SANITAIRE

On peut ajouter et ce serait même un quatrième plan, certes moins
juridique, qu’une sorte de mimétisme éthique et/ou déontologique
se traduit par l’établissement de codes nationaux comportant des
règles applicables aux professions de santé (par exemple en COTE
D’IVOIRE avec la loi n° 88-683 du 22 juillet 1988 instituant un Code
de déontologie des vétérinaires)
+
UN DROIT LIE AUX CONTRAINTES IMPOSEES
PAR L’AIDE SANITAIRE INTERNATIONALE

La coopération internationale pour le développement sanitaire des
pays d’Afrique a assuré dans une certaine mesure, la pérennité du
mimétisme

Elle participe au mouvement de codification du droit africain de la
santé

Elle exerce une influence de type juridique, qui va dans le sens de
l’unification de la législation sanitaire internationale
+
UN DROIT LIE AUX CONTRAINTES IMPOSEES
PAR L’AIDE SANITAIRE INTERNATIONALE

Cette influence s’exprime de 3 façons. D’abord par l’utilisation d’un
langage juridique commun. Ensuite, par l’établissement d’un
modèle commun de développement sanitaire faisant appel aux
mêmes concepts (système de santé, planification sanitaire, évaluation
sanitaire, etc. …). Enfin par une construction normative
pluridirectionnelle (hygiène, lutte contre les maladies, protection
catégorielle des personnes, etc. …)
+
UN DROIT LIE AUX CONTRAINTES IMPOSEES
PAR L’AIDE SANITAIRE INTERNATIONALE

L’assistance juridique internationale en matière sanitaire influence
la codification du droit africain de la santé. Elle contribue au
renforcement normatif, ce qui se vérifie au travers des nombreux
codes de la santé qui ont été élaborés en Afrique depuis le début
des années 90 …

On peut considérer que l’aide bilatérale (en particulier celle de la
France) et l’assistance technique et financière apportées par les
organisations du systèmes des Nations Unies (OMS notamment)
participent au mouvement d’unification du droit africain de la santé,
dans le sens de la défense des droits de l’homme et du
développement
+
LA PRISE EN COMPTE DES DONNEES
CULTURELLE EN MATIERE SANITAIRE

La prise en compte des données culturelles par le droit africain de
la santé se fonde sur la conception positive de la santé

Cette conception s’exprime grâce à tout un arsenal juridique axé
sur les soins de santé primaire (SSP), dans le cadre général de la
stratégie OMS de la santé

Un certain nombre d’Etats africains avaient déjà engagé des
politiques de SSP bien avant la Déclaration d’ALMA-ATA de lOMSUNICEF comme le NIGER (dès 1963) ou la TANZANIE (dès 1972).
Les textes juridiques nationaux ont abouti à généraliser cette
politique en Afrique. Une telle construction peut apparaître plus
adaptée aux réalités africains et se traduit notamment par
l’établissement de structures de proximité (postes de santé
primaires, cases de santé, centres de santé …) et oriente l’action
administrative vers la mise en place de districts sanitaires.
+
LA PRISE EN COMPTE DES DONNEES
CULTURELLE EN MATIERE SANITAIRE

Un autre aspect, plus complexe, de la prise en compte des données
culturelles africains en matière sanitaire peut être souligné, qui
correspond à une limitation des pratiques culturelles jugées
néfastes pour la santé

L’action juridique engagée peut être globale, comme par exemple
au NIGER avec l’arrêté portant création d’un Comité nigérien de
lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes; elle peut être
également particulière avec notamment la lutte contre les
mutilations sexuelles féminines comme par exemple au BURKINA
FASO avec l’arrêté portant création d’un Comité national de lutte
contre la pratique de l’excision au BURKINA FASO
+
LE DROIT AFRICAIN DE LA SANTE

Le droit africain de la santé est composé de strates multiples qui
sont parfois contradictoires. Mais il ne se produit pas de rupture
entre les divers éléments

Son renforcement est lié à la recherche de sa spécificité

Il revient ainsi au juriste, en Afrique comme ailleurs, de réussir la
synthèse entre tradition et modernité …
+
Le droit de la santé / à la santé dans
la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples et sa prise
en compte par la Commission
Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples ?
+
CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME

Article 16 de la Charte africaine des droits de l’homme et
des peuples:


« 1. Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de
santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre.
2. Les États parties à la présente Charte s'engagent à
prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la
santé de leurs populations et de leur assurer l'assistance
médicale en cas de maladie. »
+
CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME

Les premières décisions n’apportent pas de précisions explicites sur le
contenu du droit à la santé

ComADHP, Free Legal Assistance Group, Lawyers Committee for Human Rights, Union
Interafricaine des droits de l’homme, Les témoins de Jehovah c. Zaïre, communications
n°25/89, 47/90, 56/91, 100/93, octobre 1995

ComADHP, Media Rights Agenda and Constitutional Rights Project c. Nigeria,
Communications n° 105/93, 128/94, 130/94 et 152/96, 31 octobre 1998

ComADHP, International Pen, Constitutional Rights, Interights au nom de Ken Saro Wiwa Jr. et Civil Liberties Organisation c. Nigeria, Communications n° 137/94, 139/94,
154/96 et 161/97, 31 octobre 1998

ComADHP, Malawi African Association, Amnesty International, Ms Sarr Diop, Union
interafricaine des droits de l'Homme and RADDHO, Collectif des veuves et ayants-Droit,
Association mauritanienne des droits de l'Homme / Mauritania, communications n°
54/91-61/91-96/93-98/93-164/97_196/97-210/98, 11 mai 2000

ComADHP, Social and Economic Rights Action Center, Center for Economic and Social
Rights c. Nigeria, communications n° 155/96, Octobre 2001
+
CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME

A partir des années 2000, le contenu du droit à la santé est
explicitement défini par la Commission

Deux éléments principaux se dégagent des décisions de la
Commission:

Le droit à la santé s’entend d’un point de vue positif : il
implique un certain nombre de prétentions pour l’individu

Le droit à la santé s’entend d’un point de vue négatif: il
implique une non-ingérence dans la sphère de la liberté
individuelle
+
LE CONTENU DU DROIT A LA SANTE D’UN
POINT DE VUE POSITIF

ComADHP, Purohit et Moore c. Gambie, communication
n°241/01:

« La jouissance du droit à la santé telle que largement connue est
essentielle dans tous les aspects de la vie et du bien-être d'une
personne, mais aussi dans la réalisation de tous les autres droits
humains et libertés fondamentales. Ce droit comprend le droit à
des structures de santé, l'accès aux biens et services qui doit être
garanti à tous, sans discrimination d'aucune sorte ».
+
LE CONTENU DU DROIT A LA SANTE D’UN
POINT DE VUE POSITIF

ComADHP, Sudan Human Rights Organisation & Centre on
Housing Rights and Evictions (COHRE) c. Soudan,
communication n° 279/03-296/05, 29 mai 2009:

Para 208 : « Le droit à la santé […] inclut à la fois les soins de santé
et les conditions saines »

Para 209: « le droit à la santé couvre non seulement des soins de
santé en temps opportun et approprié, mais également les
éléments sous-jacents de la santé tels que l'accès à une eau saine
et portable, un apport suffisant de nourriture saine, la nutrition et
le logement »
+
LE CONTENU DU DROIT A LA SANTE D’UN
POINT DE VUE NEGATIF

ComADHP, Monim Elgak, Osman Hummeida and Amir Suliman
(represented by FIDH and OMCT) c. Soudan, n°379/09, 14
mars 2014, para. 134:

« L’individu a le droit d’être libre de toute ingérence, y compris
de tout traitement médical, essai médical, de stérilisation forcée
et de tout traitement inhumain et dégradant »
+
LES OBLIGATIONS DES ETATS

La ComADHP lit dans l’article 16 de la Charte « l'obligation,
de la part des Etats Parties à la Charte africaine, de prendre
des mesures concrètes et sélectives tout en tirant pleinement
profit des ressources disponibles, en vue de garantir que le
droit à la santé est pleinement réalisé sous tous ses aspects,
sans discrimination d'une quelconque nature. »
+
LES OBLIGATIONS DES ETATS

ComADHP, Free Legal Assistance Group, Lawyers Committee
for Human Rights, Union Interafricaine des droits de l’homme,
Les témoins de Jehovah c. Zaïre, communications n°25/89,
47/90, 56/91, 100/93, octobre 1995, para. 62 :

« L'incapacité du gouvernement à fournir les services essentiels
tel que l'approvisionnement en eau potable et électricité, et le
manque de médicaments […] est une violation de l'Article 16 ».
+
LES OBLIGATIONS DES ETATS

ComADHP, Malawi African Association, Amnesty International,
Ms Sarr Diop, Union interafricaine des droits de l'Homme and
RADDHO, Collectif des veuves et ayants-Droit, Association
mauritanienne des droits de l'Homme c. Mauritanie,
communications
n°
54/91-61/91-96/93-98/93164/97_196/97-210/98, 11 mai 2000, para. 122:

« L'état de santé général des prisonniers s’est détérioré à cause
d’une alimentation insuffisante ; ils n'avaient ni couvertures ni
hygiène adéquate. L'Etat mauritanien est directement
responsable de cette situation et son gouvernement n'a pas nié
ces faits. Par conséquent, la Commission considère qu'il y a
violation de l’article 16 al. et 2 ».
+
LES OBLIGATIONS DES ETATS

Droit à la santé et faits ayant eu lieu dans un contexte de
conflit armé:

ComADHP, République démocratique du Congo c. Burundi, Rwanda
et Ouganda, communication n° 227/99, 33ème Session Ordinaire.
20ème Rapport d’activités, 29 mai 2003, pp. 98-114, para 88 :

«le
fait
d'assiéger
et
d'endommager
le
barrage
hydroélectrique, arrêtant ainsi les services essentiels dans les
hôpitaux, ce qui a causé la mort de patients et le
bouleversement général de la vie » entraîne, notamment, une
violation de l’article 16, du droit à la santé
+
LES OBLIGATIONS DES ETATS

Droit à la santé et faits ayant eu lieu dans un contexte de
conflit armé:

ComADHP, République démocratique du Congo c. Burundi, Rwanda
et Ouganda, communication n° 227/99, 33ème Session Ordinaire.
20ème Rapport d’activités, 29 mai 2003, pp. 98-114, para 88 :

«le
fait
d'assiéger
et
d'endommager
le
barrage
hydroélectrique, arrêtant ainsi les services essentiels dans les
hôpitaux, ce qui a causé la mort de patients et le
bouleversement général de la vie » entraîne, notamment, une
violation de l’article 16, du droit à la santé
+
LES OBLIGATIONS DES ETATS

Droit à la santé et faits ayant eu lieu dans un contexte de
conflit armé:

ComADHP, Sudan Human Rights Organisation & Centre on Housing
Rights and Evictions (COHRE) c. Soudan, communication n°
279/03-296/05, 29 mai 2009, para. 212

« la destruction des maisons, du bétail et des champs, ainsi que
l'empoisonnement des sources d'eau telles que les puits ont
exposé les victimes à de graves risques de santé et constituent
une violation de l'article 16 de la Charte ».
+
Approche contentieuse…
+
APPROCHE CONTENTIEUSE

Confrontation à la difficulté d’accès à la jurisprudence …

C’est donc une approche très relative, très perfectible et
surtout et bien évidemment très résistible à travers quelques
exemples de décisions difficilement identifiées autour de 4
thématiques :

La reconnaissance des droits des patients

L’appréciation de la faute médicale

L’indemnisation du préjudice

L’engagement de la responsabilité médicale
+
LA RECONNAISSANCE DES DROITS DES
PATIENTS

Bien qu’un certain nombre de législations africaines
reconnaissent des droits aux patients à l’instar du Sénégal
avec sa loi de 1998 ou encore du MALI par exemple, on peut
relever chez les juges une certaine inobservation des droits
reconnus aux patients

En effet, à l’exception de quelques décisions des juridictions
tunisiennes, peu de jurisprudences africaines viennent
consacrer des droits à l’égard des patients
+
LA RECONNAISSANCE DES DROITS DES
PATIENTS

Un arrêt CA Tunis, chambre civile, n°48788, 29 avril 1988, rappelle les principes
suivants :

le recours du malade au médecin se fait dans le cadre d’un contrat lequel s’établit dès que le
malade se présente pour avoir des soins

l’obligation d’informer le malade sur les risques qui peuvent survenir suite à l’examen
radiologique et lui donner le choix de faire ou de ne pas faire l’examen

l’accord du médecin avec la clinique d’exclure toute responsabilité n’a pas d’effet sur les tiers.

Sur ces fondements, la Cour d’appel Tunis, par un arrêt n°95747 de sa 22e chambre
civile, 4 juin 2003, a engagé la responsabilité du chirurgien pour défaut d’information.
En l’espèce, le chirurgien n’avait pas informé la patiente du risque de paralysie faciale
pour une opération sur tumeur du type cholestéatome de l’oreille

Et encore, l’information porte sur tous les risques qui peuvent résulter de l’opération
chirurgicale, même s’ils ne sont qu’exceptionnels, Cour de cassation tunisienne,
n°36624 du 25 juin 2003
+
LA RECONNAISSANCE DES DROITS DES
PATIENTS

Le défaut d’information peut également entraîner une
condamnation pénale à l’appréciation des juges : tel a été le cas
pour un médecin condamné pour coups et blessures involontaires,
pour le défaut d’information à la patiente sur les risques inhérents à
la prescription d’un médicament, Tribunal de première instance de
Gafsa en 2002
+
L’APPRECIATION DE LA FAUTE MEDICALE

En droit malgache, l’appréciation de la faute est fondée sur la nonconformité aux données scientifiques.

Pour en témoigner, les juges dans un arrêt de 1960 ont condamné
un prétendu guérisseur pour manquement de diligence d’informer
la patiente sur la prescription préconisée

En l’occurrence, le guérisseur avait prétendu soigner une crise
épileptique en préconisant à la patiente d’effectuer un plongeon dans une
rivière, mais ne sachant pas nager, celle-ci est décédée

Les juges ont pu déterminer ce qu’ils entendaient par « faute médicale »,
c’est-à-dire la proposition d’une thérapie incompatible à l’état du patient
+
L’APPRECIATION DE LA FAUTE MEDICALE

Par un autre arrêt de la même année, les juges malgaches ont
déterminé la faute caractérisée, en condamnant des personnes qui
avaient préconisé à une femme, sujette à des convulsions, de se
brandir des tisons, lui provoquant ainsi des brûlures et une
asphyxie, entraînant la mort

Deux élements sont retenus par le juge pour établir une faute
caractérisée :

la persistance de réalisation d’un acte dont on a la conscience
manifeste de la dangerosité

et l’aspect particulièrement grave des résultats
+
L’APPRECIATION DE LA FAUTE MEDICALE

Lorsque le préjudice est d’une particulière gravité et d’une
réalisation exceptionnelle, certains juges africains, notamment celui
de la Côte d’Ivoire ont reconnu l’existence d’une présomption de
faute caractérisée, engageant la responsabilité de l’auteur de la
faute, Tribunal de première instance, 22 décembre 1983, Julien
Zunon Gnobo c/ Etat de Côte d’Ivoire
+
L’INDEMNISATION DU PREJUDICE

Au Sénégal, il y aura réparation du préjudice si la faute est
imputable au médecin, à noter que la charge de la preuve
appartient à la victime (CA Dakar, n°388, 8 août 1980, Clinique
Hubert c/ Dame Alice Léger, et Tribunal régional hors classe de
Dakar, n°3762, 24 juillet 2001, ministère public et Hoirs Hyssam Farhat
c/ Jean Michel Sacahous et autres)

Le préjudice doit être certain et personnel, mais la jurisprudence a
pu reconnaître une action en réparation pour les victimes par
ricochet, dès lors que celles-ci démontraient l’existence d’un
préjudice moral de la perte d’un proche (CA Dakar, n°420, 10 mai
1983,Veuve Nemer Sabbah c/ Hôpital principal de Dakar)

Enfin, la gravité du préjudice peut être prise en compte pour
l’évaluation de l’indemnisation (Tribunal régional hors classe de
Dakar, n°2003, 6 décembre 2000, Anne Marie Agbo c/ Clinique
Casahous)
+
L’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE
MEDICALE

Le juge sénégalais a posé la notion de responsabilité contractuelle
en matière médicale dans un jugement Tribunal régional hors
classe de Dakar, n°2003, 6 décembre 2000, Anne Marie Agbo c/
Clinique Casahous


Le patient et le médecin sont liés par un contrat, et cela vaut pour une
majorité des Etats africains francophones
Le médecin n’est tenu à une obligation de résultats mais une
obligation de moyens, définie comme le fait de « donner des soins
(…), avec prudence et diligence » par un arrêt CA Dakar, n°388, 8
août 1980, Clinique Hubert c/ Dame Alice Léger
+
L’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE
MEDICALE


La responsabilité pénale est également envisagée par les juges
africains en matière médicale : un agent de santé d’un service a
pratiqué une circoncision sur un enfant, ayant entraîné une
strangulation de l’extrémité de la verge, une fistule urétrale, ainsi
qu’une section du gland au ¾

Les juges l’ont alors condamné pour blessures involontaires et pour
exercice illégale de la médecine (CA Dakar n°99, 14 février 1994,
ministère public et Diécourou Diallo c/ Couly Diuof)

A noter qu’en l’espèce, l’agent de santé a été condamné car il avait avoué
ses manquements, et seul ces aveux auraient permis à une condamnation.
Le délit de non-assistance à personne en danger, pour le refus d’un
médecin de se déplacer en urgence ayant entraîné la mort du
patient, a également été plusieurs fois qualifié par les juges
sénégalais, comme dans Tribunal correctionnel Kaolack, 15 mars
1994, et CA Dakar, 19 février 1997, n°210.
+
L’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE
MEDICALE

En Côte d’Ivoire, lorsque le médecin est un praticien hospitalier, le
juge doit apprécier si le représentant ou l’agent du service public
s’est comporté selon les règles de l’art et conformément à ses
missions, et ce en tenant compte de toutes les circonstances.
Plusieurs arrêts sont venus poser la distinction entre la faute
personnelle et de la faute de service (CSCA, 21 janvier 1972, Satmaci
c/ Amoin Kripa, RID¸1974, 1-2, 19, et CAA, 3 février 1975, Anensi Atsé
Aké)
+
L’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE
MEDICALE

Il apparaît que les juges africains ont plutôt tendance à préférer
l’engagement de la responsabilité administrative de
l’établissement, au profit de la responsabilité personnelle du
médecin, en raison notamment de la plus grande solvabilité des
établissements

En témoigne les jurisprudences sénégalaises suivantes : CA Dakar,
n°420, 10 mai 1983,Veuve Nemer Sabbah c/ Hôpital principal de
Dakar, et CA Dakar, n°501, 22 juillet 1984, Demoiselle Diop c/ Etat du
Sénégal, et CA Dakar, n°553, 14 août 1995, Alassane Fall c/ Hôpital
principal de Dakar
+
L’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE
MEDICALE

Dans l’arrêt CA Dakar, n°420, 10 mai 1983,Veuve Nemer Sabbah c/
Hôpital principal de Dakar, la responsabilité de l’établissement a pu
être engagée en raison de l’existence d’un lien de subordination
entre établissement et équipe paramédicale ayant commis la faute


La responsabilité de l’établissement de santé a pu être engagée pour
faute dans l’organisation du service.
Egalement, dans CA Dakar, n°501, 27 juillet 1984, Demoiselle Diop
c/ Etat du Sénégal, les juges retiennent un fonctionnement
défectueux du service public lorsque la maladresse d’un interne
fait perdre l’usage de l’œil droit d’un usager, lors d’une intervention
chirurgicale pour sinusite
+
L’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE
MEDICALE

Les juges gabonais (CA Gabon, 15 février 1980, consorts Orji, Rép.
N°31) et burkinabé (Cour suprême, chambre administrative du
Burkina Faso, 27 avril 1973,Yanogo Silassé) ont également transposé
du droit français la responsabilité de la puissance publique.

Il en va de même pour le juge ivoirien. Dans un jugement Tribunal
de première instance, 22 décembre 1983, Julien Zunon Gnobo c/ Etat
de Côte d’Ivoire, les juges se sont contenté d’utiliser la
jurisprudence française Rouzet pour condamner l’Etat Côte d’Ivoire

En l’espèce, un usager a subi une piqûre intra fessière qui a entraîné
paralysie avec violentes douleurs lombaires
+
L’ENGAGEMENT DE LA RESPONSABILITE
MEDICALE

Néanmoins,
on
relève
une
certaine
incompréhension
juridictionnelle dans certains cas : il arrive que le juge ivoirien
applique du droit privé en matière de responsabilité
administrative : Tribunal de première instance d’Abidjan, 23 février
1984, Dje N’guessan et autres c/ hôpital public psychiatrique de
Bingerville, où le défaut de surveillance de l’établissement a pu
permettre l’évasion d’un patient, trouvant la mort durant sa fuite

Mais dans cette affaire, le tribunal déboute les parents du défunt aux
motifs que les conditions d’application des articles du Code civil ivoirien
ne sont pas réunies, d’autant que les parents n’ont pu fournir la preuve de
l’existence d’une faute de l’hôpital dans la réalisation du dommage,
relèvent les juges
+
CONCLUSION

Pour conclure, je m’autoriserais à reprendre les propos tenus par le
Président de la commission SANTE de l’Assemblée National du
MALI rencontré en mars dernier : le problème ce n’est pas
l’absence de textes ni dès lors l’absence de consécration de droit
dans le domaine de la santé, mais bien celui de l’effectivité de ces
textes et de ces droits …

C’est incontestablement une manière de mettre en cause pour
partie le juge qui ne se fait dès lors le garant de l’effectivité de ces
droits mais également la traduction pleine et entière d’une non
appréhension d’une telle matière par l’ensemble des acteurs
concernés.
+
CONTACT
Delphine JAAFAR
50 rue Copernic 75 016 PARIS
Tel: +33 (0)1 44 17 37 76
Port.: + 33 (0)6 60 65 32 61
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