Syllabus Me ACQEREBURU - Cifaf

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Centre International en Afrique de
Formation des Avocats
Francophones (CIFAF)
CONCURRENCE ET
PROTECTION DES
CONSOMMATEURS
« en matière bancaire »
****Session de Formation 2012****
27 Août au 21 Septembre 2012
Chant d’Oiseau
Cotonou - BENIN
Présentation de
Maître Alexis Coffi AQUEREBURU
Août 2012
Avocat au Barreau du Togo
Ancien Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Togo
Concurrence et protection des consommateurs
INTRODUCTION
Les établissements de crédit ont réalisé un coup d’état.
En effet, au fil du temps, ils ont réussi à déposséder les
Etats du pouvoir régalien que constitue l’émission
monétaire.
Cet abandon de pouvoir n’est toutefois pas total car « les
banques et établissements financiers assurent une
mission essentielle dans la vie économique, en rapport
avec leur pouvoir de création monétaire, leur rôle
principal dans la mobilisation de l’épargne ainsi que dans
les relations financières extérieures »1. Les Etats ont donc
gardé le droit de surveiller et de contrôler l’activité des
établissements de crédit.
En Afrique de l’Ouest, l’article 22 du Traité de l’Union
Monétaire Ouest Africaine (UMOA) confère à son
Conseil des Ministres, la prérogative exclusive de la
réglementation de l’organisation de l’exercice de l’activité
de distribution de crédit.
Cette prérogative des Etats est exercée au plan
communautaire à travers la Banque Centrale des Etats
de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) communément
dénommée la Banque Centrale qui a pour mission entre
autres de contrôler étroitement l’activité des
établissements de crédit.
1
Introduction au Guide du banquier de la Commission Bancaire de l’UMOA.
2
Concurrence et protection des consommateurs
La Banque Centrale a pour rôle principal d’assurer la
protection des intérêts monétaires et financiers des Etats
mais également de protéger les clients des établissements
de crédit c’est-à-dire les consommateurs. En effet, en
dehors de certaines particularités introduites par le
secteur mutualiste, les établissements de crédit sont très
souvent constitués en société anonyme ayant pour
objectif exclusif la réalisation de profits.
Aussi, il importe de protéger à plusieurs égards le
consommateur contre cette ambition des établissements
financiers. La protection du consommateur se situe donc
sur plusieurs plans et couvre toutes les relations du client
avec les établissements de crédit. Il s’agit donc d’une
protection qui balaie tout le droit bancaire dont elle
constitue un aspect important.
Mais en ce qui concerne la protection du consommateur,
particulièrement la protection du consommateur en
matière de concurrence bancaire, nous devons souligner
avec regret qu’il s’agit d’une question abordée de
manière très abstraite dans la législation actuelle. En
réalité, nos Etats n’ont pas de politique de la
concurrence.
Raison, pour laquelle, il est intéressant de la soulever ici
et d’en discuter.
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Concurrence et protection des consommateurs
Une analyse de la protection due aux consommateurs à
la lumière de la concurrence interbancaire implique un
état des lieux préalable de la concurrence en matière
bancaire.
I)
Etat des lieux
La question de la concurrence bancaire est abordée
différemment selon chaque économie. Pendant
longtemps, il a été affirmé que l’Angleterre et la
Hollande était « sur-bancarisée » et que le secteur
bancaire allemand était insuffisamment concentré.
Au plan communautaire Ouest Africain, l’activité
bancaire est régie par les dispositions régissant le droit
des affaires, la loi bancaire, le règlement portant plan
comptable bancaire, la réglementation prudentielle, etc.
Pourtant, il y est particulièrement difficile de débattre de
la concurrence dans le secteur bancaire et ce pour
différentes raisons : l’absence de développement de la
concurrence surtout industrielle qui a eu pour
conséquence, l’absence d’une législation sur la matière et
la quasi absence d’une réflexion sur la question bancaire
qui ne permet pas de se repérer sur la question.
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Concurrence et protection des consommateurs
A)Une concurrence fugace
La concurrence est une rivalité entre plusieurs personnes
qui désirent la même chose, poursuivent le même but.
En raison de certains facteurs, la concurrence en matière
bancaire parce que faussée dès le départ est restreinte
voire quasiment nulle.
Tout en évitant de soulever le débat sur l’applicabilité
aux banques des dispositions de l’article 449 de l’Acte
Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du
GIE2, nous pouvons affirmer que les établissements de
crédit comme toute société commerciale aspire à avoir le
plus de client possible mais également à conserver lesdits
clients.
Cependant, contrairement à la situation qui prévaut avec
les sociétés commerciales ordinaires, les établissements
de crédit ne peuvent librement se concurrencer comme
les premières.
La réglementation bancaire est constituée d’une série
d’interdiction ayant pour objectif d’éloigner les
établissements de crédit des sociétés commerciales. En
réalité toutes ces interdictions visent à placer les banques
dans les conditions optimales d’exercice de leur
2
Voir l’analyse d’Ousseynou SOW sous l’article 33 de la Loi portant réglementation bancaire dans l’Union
Monétaire Ouest Africaine (UMOA).
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Concurrence et protection des consommateurs
profession : collecter des fonds en vue de les recycler
sous forme de crédits ou de placement.
Aux termes des dispositions de l’article 43 de la Loicadre portant Réglementation bancaire de l’Union
Monétaire Ouest Africaine (UMOA) : « Il est interdit
aux banques de se livrer pour leur propre compte ou
pour le compte d’autrui, à des activités commerciales,
industrielles, agricoles ou de service, sauf dans la mesure
où ces opérations sont nécessaires ou accessoires à
l’exercice de leur activité bancaire, ou nécessaires au
recouvrement de leurs créances ».
Dès lors, ne relève pas de l’activité normale des banques,
tout ce qui n’est pas une opération de crédit ou de
placement comme par exemple l’activité commerciale,
industrielle, agricole, immobilière ou de service.
La réglementation bancaire élimine en réalité toute
possibilité de concurrence entre les banques
(encadrement du crédit, tarification des commissions,
plafonnement du taux des intérêts créditeurs,
spécialisation des banques, etc.).
Les banques ne peuvent pas, par exemple, librement
décider d’appliquer le taux d’intérêt qui leur convient
ainsi que le précise l’article 25 alinéa 1 de la décision
n° 397/12/2010 portant règles, instruments et procédures
de mise en œuvre de la politique de la monnaie et du
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Concurrence et protection des consommateurs
crédit de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de
l’Ouest (BCEAO) : « Les taux d’intérêt débiteurs
applicables à la clientèle sont indexés sur un taux de
référence du marché monétaire augmenté d’une marge
fixée par chaque établissement de crédit et de
microfinance ». Le taux d’intérêt est fixé annuellement
par la Banque Centrale et il s’agit d’un plancher endessous duquel les banques ne sauraient descendre.
Dans tous les cas, outre le contrôle exercé par la Banque
Centrale sur les institutions bancaires, il y a celui exercé
par la Commission bancaire, les institutions étatiques et
les organisations professionnelles3.
Toutes ces institutions visent chacune à leur niveau à
cantonner l’activité bancaire dans son domaine, à éviter
entre les établissements de crédit, une concurrence qui
serait fatale pour les économies.
La concurrence bancaire bien que faussée et limitée n’en
est pas pour autant un mythe.
B) La concurrence bancaire
Traditionnellement, le noyau dur de l’activité bancaire
porte sur : la réception de fonds du public et la
distribution du crédit. La collecte des dépôts et la
3
Article 55 de la Loi portant réglementation bancaire dans l’Union Monétaire Ouest Africaine
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Concurrence et protection des consommateurs
distribution du crédit constituent l’activité principale que
toute banque est appelée à exercer.
A cette activité, s’ajoute, une troisième : la mise à
disposition et la gestion de moyens de paiement.
Cependant, ces trois activités principales se démultiplient
en différentes prestations que les banques articulent en
fonction de leurs objectifs stratégiques et proposent à
leurs clientèles.
Chaque prestation ainsi proposée (opérations sur titres,
location de coffres-forts, …) a ses caractéristiques propres
en matière de risque, de possibilité de faire jouer
l’économie à diverses échelles, … et donc a un impact
concurrentiel.
La concurrence entre les banques porte sur les
différentes prestations à offrir au public et elle se résume
souvent à proposer à la clientèle la meilleure qualité de
service. En somme, quelle banque pourra offrir les
meilleurs services dans la collecte des dépôts et la
distribution des crédits.
La concurrence interbancaire a entrainé une
modification des buts visés par les banques. Il ne suffit
plus d’attirer ou de conserver la clientèle. Les banques
ont donc dû améliorer leurs services : mise sur le
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Concurrence et protection des consommateurs
marché des cartes de paiement ou de crédit, transferts
électroniques, avis de prélèvement, etc.
Le noyau dur des services proposés par les banques n’est
pas demeuré figé. Aujourd’hui, ces services ont évolué et
les banques proposent à présent à leurs clientèles de
nouvelles prestations : la gestion collective de valeurs
mobilières, les conseils en investissement, la gestion de
patrimoine, la gestion de la trésorerie des entreprises, etc.
Un autre aspect des activités bancaires consiste en
l’occupation du marché, c’est-à-dire, l’ouverture de plus
de guichets possible. Bien sur, cela requiert des
autorisations mais là, réside l’essentiel de la concurrence
interbancaire.
Enfin la concurrence bancaire se traduit également par la
politique de concentration. S’il est établi que les
politiques de concentration des banques ont un réel
impact négatif sur les prix. Seulement, la partialité et la
pauvreté des données en la matière ne permettent pas
d’aborder cet aspect pourtant important de l’activité
bancaire.
II) La protection des consommateurs
Au plan communautaire, on ne peut que soulever
l’absence d’une réglementation expresse de la
concurrence interbancaire comme en témoigne les
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Concurrence et protection des consommateurs
dispositions laconiques du Chapitre II portant protection
des déposants du Titre VI de la loi-cadre portant
réglementation bancaire dans l’espace de l’Union
Monétaire Ouest Africaine (UMOA).
Toutefois, à défaut de dispositions spécifiques, on peut
relever dans la législation communautaire, des
dispositions générales susceptibles de protéger le client.
Ainsi, aux termes des dispositions de l’article 23 de la
décision n° 397/12/2010 portant règles, instruments et
procédures de mise en œuvre de la politique de la
monnaie et du crédit de la Banque Centrale des Etats de
l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), les établissements de
crédit ou l’office des Postes sont tenus de respecter les
règles relatives à la transparence de la tarification et à la
protection des usagers des services financiers et
bancaires.
Peut également être utilement cité l’article 25 de la même
décision qui dispose en son alinéa 2 que : « Les
établissements de crédit sont tenus de publier leur
meilleur taux débiteur offert à la clientèle ».
Les dispositions ci-dessus sont sanctionnées si nécessaires
par la Loi portant définition et répression de l’usure.
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Concurrence et protection des consommateurs
En France, les dispositions réglementant la protection
des consommateurs contre la concurrence bancaire sont
éparses.
Ainsi, en dehors des dispositions communautaires
européennes, l’on retrouve des mesures de protection
dans le code monétaire et financier, le code de la
consommation, etc.
CONCLUSION
La concurrence interbancaire, aussi limitée soit-elle, est
bien réelle. Et paradoxalement, c’est cette limitation
même qui constitue la meilleure protection du
consommateur.
Cependant, il est incontestable que des progrès sont
nécessaires pour combler le grand retard accumulé en la
matière.
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