Radiosensibilité individuelle et réparation de l’ADN Histoire et signalisation Nicolas FORAY Groupe de radiobiologie – UMR1052 Inserm Centre de recherche en cancérologie de Lyon [email protected] Nous ne sommes pas égaux face aux radiations RADIOSENSIBILITE : Un simple mot et déjà un malentendu… # Toxicité Mort cellulaire Réactions tissulaires Radio-sensibilité Fortes doses Cancer Mutations Transformation « Radio-esthésie » Fortes et faibles doses La première radiothérapie de l’histoire Victor Despeignes, 4 – 25 juillet 1896 "…je pus soumettre le malade chaque jour à 2 séances d'une ½ h … Au bout de 8 jours d'un tel traitement, je constatai … une diminution considérable du volume de la tumeur…" (Despeignes, juillet 1896) V. Despeignes (1866 – 1937) Les rayons X diminuent le volume tumoral : Radiocurabilité = diminution du contrôle local Foray, Cancer Rad, 2012t 1901 : Pierre Curie et les premières radiodermites "…M. Curie a reproduit sur lui-même l'expérience … en faisant agir sur son bras …pendant 10 h du chlorure de baryum radifère… …52 jours après…, il reste encore une plaie grisâtre indiquant une mortification profonde…" (Pierre Curie, juin 1901) Pierre Curie (1859 – 1906) Mort radioinduite des tissus sains : que quantifier ? 1906 : Lyon : les radiobiologistes votent … sur la radiosensibilité La Section admet « qu’avec des doses égales évaluées avec les indicateurs actuels, certains individus dans des conditions spéciales peuvent présenter des réactions quelque peu différentes » (AFAS, Lyon 1906) Jean Bergonié (1857-1925) Joseph Belot (1876-1943) Albert.Lacquerrière (1874-1945) Léon Bouchacourt (1865-1949) 1911 : 1ère publication sur la radiosensibilité individuelle Léon Bouchacourt (1865-1949) Bouchacourt, 1911 En parallèle des 1ères observations de la radiosensibilité, les premiers cancers radio-induits 1902 : 1er cancer radioinduit décrit par Frieben 1917-1926 : les radium girls 1930 : PATATRA !!! Radiosensibilité # = Radiosensibilité 1ères « CIPR » : -« les enfants sont plus radiosensibles que les adultes » - « le sein est l’organe le plus radiosensible » 1899 – 1930 : Les morts cellulaires après irradiation Sénéscence Mort mitotique Apoptose « La mort mitotique est la mort la plus répandue après irradiation » (Cl. Regaud 1927) Plus le taux de mort(s) est élevé, plus la radiosensibilité est élevée Regaud, 1908, 1927 1956 : 1ères quantification de la survie cellulaire après irradiation T. Puck Radiosensibilité in vitro = perte de capacité de clonogénicité après irradiation -> méthode des colonies de Puck et Marcus (1956) Puck et Markus, 1956 1981 : définition de la radiosensibilité individuelle in vitro -Unicité des réponses -Continuum des réponses - Correlation entre clinique et in vitro EP Malaise (1930 – 2013) Taux de survie 1 Témoins 0.1 ATM-/0.01 0 1 2 3 4 5 Dose (Gy) 6 7 8 1981 : Chaque individu, chaque organe possède sa propre radiosensibilité in vitro, corrélée aux observations cliniques Fertil et Malaise, 1981 Deschavanne et Fertil, 1996 Quel test prédictif de la radiosensibilité faut-il choisir? In vivo In vitro Radiocurabilité des tumeurs (contrôle local) Réactions suraiguës des tissus sains pO2 Radiosensibilité intrinsèque (survie clonogénique) Apoptose (sang) Biologie tissulaire Biologie cellulaire Tissu Cellule Réactions tissulaires Réoxygénation Repopulation Redistribution Expression des gènes (micropuces) Tpot Mort cellulaire Micronoyaux Cassures et aberrations chromosomiques ? Mutation des gènes (SNP) Réparation de l'ADN Biologie Cytogenetique moléculaire Noyau Arrêt du cycle ADN Dommages de l'ADN et signalisation Granzotto et al., 2011 Fortes doses Notre approche : une fusée à 3 étages Population globale (700 cas) (Projet INDIRA) A partir de 2014 INDIRA C O P E R N I C CELLINE Patients traités par radiothérapie (200 cas) (Projet COPERNIC) Depuis 2003 Syndromes génétiques (100 cas) (Projet CELLINE) Depuis 1997 Les syndromes radiosensibles : variations autour de la réparation de l'ADN SYNDROMES GENE MUTE SF2 Ataxie telangiectasie (homoz. classiques) Syndrome Ligase IV Syndrome de Nimègue Progeria (Hutchinson-Gilford) Ataxie telangiectasie (homoz. variantes) Syndrome d’Usher Syndrome de Cockayne Xeroderma Pigmentosum Syndrome ATLD Chorée de Huntington Syndrome de Gardner Syndrome de Turcot Anémie de Fanconi et BRCA2 Syndrome BRCA1 Syndrome Artémis ATM LIG4 NBS1 Lamin A ATM Gènes USH Gènes CS Gènes XP MRE11 IT15 APC ? hMSH2 ? Gènes FANC BRCA1 Artémis 1-5 2-6 5-9 8-19 10-15 15-20 15-30 15-30 15-40 18-30 20-30 20-30 20-40 20-40 20-40 X8! Foray et al., Radiology 2012 Le modèle de la chaussette… Réparation par suture Radiosensibilité Réparation par recombinaison Mutations - Cancer Joubert et al., 2012 10 syndromes génétiques, 40 fibroblastes avec des radiosensibilités différentes % de survie in vitro à 2 Gy Radiosensibilité 100 Radiorésistance ––faible risque de cancer 80 Radiosensibilité modérée Prédisposition au cancer Groupe I 60 Hyper -radiosensibilité Prédisposition au cancer Groupe II 40 Groupe IIIa 20 Groupe IIIb 0 0 10 20 30 40 50 % of CDB non réparées Défaut de réparation des CDB Joubert et al.,Adv DNA Repair, 2007 Joubert et al., Int J Radiat Biol, 2008 Varela et al., Nature Med, 2009 Notre approche : une fusée à 3 étages Population globale (700 cas) (Projet INDIRA) A partir de 2014 INDIRA C O P E R N I C CELLINE Patients traités par radiothérapie (200 cas) (Projet COPERNIC) Depuis 2003 Syndromes génétiques (100 cas) (Projet CELLINE) Depuis 1997 Prediction de la radiosensibilité en routine à partir de (2-3 biopsies par mois) -5000-20000 patients radiosensibles/an Biopsies Conseils - analyses par immunofluorescence pH2AX/MRE11/pATM - algorithmes and rapports de diagnostic - une demande croissante 20 centres, 50 cliniciens 50 40 pH2AX 30 20 10 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Joubert et al. Int J Radiat Biol, 2008 Joubert et al., Cancer Rad, 2011 Granzotto et al. CR Acad Sci, 2011 Foray et al., Radiology 2012 Number pf pH2AX foci per cell ( 2 Gy + 24 h) L’évidence d’un facteur individuel Severity of tissue reactions Hyper-radiosensitivity Group III Intermediate radiosensitivity Radiosensibilité intermédiaire et cancer Radioresistance Group II Group II Group I Granzotto, Vogin et al, in prep CDB non réparées par suture et réponse clinique Granzotto, Vogin et al, in prep Les syndromes radiosensibles : variations autour de la réparation de l'ADN SYNDROMES GENE MUTE SF2 Ataxie telangiectasie (homoz. classiques) Syndrome Ligase IV Syndrome de Nimègue Progeria (Hutchinson-Gilford) Ataxie telangiectasie (homoz. variantes) Syndrome d’Usher Syndrome de Cockayne Xeroderma Pigmentosum Syndrome ATLD Chorée de Huntington Syndrome de Gardner Syndrome de Turcot Anémie de Fanconi et BRCA2 Syndrome BRCA1 Syndrome Artémis ATM LIG4 NBS1 Lamin A ATM Gènes USH Gènes CS Gènes XP MRE11 IT15 APC ? hMSH2 ? Gènes FANC BRCA1 Artémis 1-5 2-6 5-9 8-19 10-15 15-20 15-30 15-30 15-40 18-30 20-30 20-30 20-40 20-40 20-40 X8! Foray et Verrelle, 2011 99% des patients groupe II : Séquestration de ATM dans le cytoplasme Cytoplasmique 0 10 min 1h Cytoplasmique et Nucléaire 0 10 min 1h pATM CYTOPLASM NUCLEAR Granzotto*, Vogin* et al., in, prep Le modèle du nucléoshuttling radioinduit d’ATM Groupe I Groupe II ATM ATM MRE11 P H2AX P H2AX MRE11 Suture Recombinaison non-homologue Peu d'instabilité génomique Radiorésistance Groupe I Suture Recombinaison non-homologue Beaucoup d'instabilité génomique Radiosensibilité Groupe II Activité nucléaire d’ATM et réponses cliniques Granzotto*, Vogin* et al., in, prep La Chorée de Huntington, un exemple représentatif d’un syndrome radiosensible causé par une protéine cytoplasmique La Chorée de Huntington, un exemple représentatif d’un syndrome radiosensible causé par une protéine cytoplasmique Ferlazzo et al., Mol Neurobiol 2013 Notre approche : une fusée à 3 étages Population globale (700 cas) (Projet INDIRA) A partir de 2014 INDIRA C O P E R N I C CELLINE Patients traités par radiothérapie (200 cas) (Projet COPERNIC) Depuis 2003 Syndromes génétiques (100 cas) (Projet CELLINE) Depuis 1997 10 2 75 - 85 % GROUPE I : RADIORESISTANCE ? Radiosensibilité ATM+/BRCA2+/- 5 - 20 % GROUPE II : REPONSES INTERMEDIAIRES 10 1 XP-/- NBS1-/10 0 ATM-/GROUPE IIII : HYPER-RADIOSENSIBILITE 1-5% 10 -1 10 -6 10 -5 10 -4 10 -3 10 -2 10 -1 Incidence des syndromes 10 0 Foray et al., 2013 Faibles doses Hypersensibilité aux faibles doses A : Survie cellulaire B : Micronoyaux Slonina et al, 2008 Thomas et al., 2008 C : Cassures non réparées D: Mutations HPRT 50 40 30 20 10 01HNG 1BR3 0 1 2 Dose (Gy) 3 4 Granzotto et al., 2011 Xue et al., 2008 Le modèle du nucléoshuttling radioinduit d’ATM et les faibles doses > 25 mGy 2-25 mGy ATM MRE11 H2AX ATM P H2AX P MRE11 Suture Recombinaison non-homologue Beaucoup d'instabilité génomique Radiosensibilité aux faibles doses Groupe II Suture Recombinaison non-homologue Peu d'instabilité génomique Radiorésistance Groupe I Le modèle linéaire-quadratique : à la base de la radiobiologie Un modèle empirique utilisé par les radiothérapeutes 0.5 < a/b < 5 : réactions tardives a/b > 5 : réactions précoces Nouvelle interprétation du modèle linéaire-quadratique Survie S (D) = exp (-aD-bD2) = exp -(a+bD)D a Inv. proportionnel à l’activité kinase d’ATM déjà le noyau ou immédiatement mobilisable après irradiation b Inv. proportionnel à l’activité kinase ATM qui vient du cytoplasme dont l’impact est significatif aux fortes doses a/ b Reflète la capacité d’une cellule (ou d’un tissu) à mobiliser ATM CONCLUSIONS -La radiosensibilité : la longue histoire d’une évidence - La réparation des CDB seule n’explique pas tout - Le modèle du nucléoshuttling d’ATM permet de résoudre les énigmes de la radiobiologie Vers une classification de la radiosensibilité sur des bases moléculaires? Remerciements Toute vérité franchit 3 étapes : - D’abord elle est ridiculisée, - Ensuite elle subit une forte opposition. - Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence. Schopenhauer A Joubert C Thomas M Maalouf C Massart M Viau G Vogin MC Biston C Devic A Granzotto Z Bencokova J Gastaldo M Ferlazzo L Pauron F Seghier M Khefili L Bodgi C Colin Jacques Balosso - CHU de Grenoble Jean-Léon Lagrange – CHU de Créteil Jean-Pierre Gérard – Centre Antoine Lacassagne Eric Lartigau – Centre Oscar Lambret Christian Carrie – Centre Léon Bérard Didier Pfeiffer – Centre Alexis Vautrin Jean Bourhis – Institut Gustave Roussy Vincent Favaudon - Institut Curie INSERM Région Rhône-Alpes EDF ETOILE APRAT INCA ANR CNES ASN Prix 2008 Fondation Rhône-Alpes Futur Prix 2009 Peyré Académie des Sciences [email protected]