(re)donner aux médico-soignants une place centrale dans

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Symposium A : (re)donner aux médico-soignants
une place centrale dans la QGR avec
les acteurs QGR
M. SFEZ, Président de la SoFGRES, Clinique Saint-Jean de Dieu, Paris Courriel : [email protected]
La gouvernance du risque « médical »
La gouvernance est la « manière de concevoir et d’exercer l'autorité à la tête d'une
entreprise, d'une organisation, d'un État. La gouvernance s'apprécie non seulement
en tenant compte du degré d'organisation et d'efficience, mais aussi et surtout
d'après des critères tels que la transparence, la participation, et le partage des
responsabilités » (1)
Son application aux soins a été développée par le NHS britannique . Elle constitue
un système au travers duquel les organisations de santé sont responsables de leur
amelioration continue de la qualité des services. Cela suppose un haut niveau de
qualité des soins en créant un environnement propice au développement de
l’excellence clinique (2).
Pour atteindre cet objectif d’excellence, la gouvernance clinique nécessite la prise
en compte de tous les risques relatifs aux soins, que l’impact concerne le patient ou
les soignants, les deux étant parfois liés. Ainsi, il existe des arguments de forte
présomption d’un lien entre productivité et sécurité des patients (3). Dans les
secteurs où les patients les plus critiques sont pris en charge, l’augmentation de la
productivité est susceptible d’augmenter le nombre d’erreurs par les soignants, de
retarder la detection de ces erreurs et donc leur récuperation. L’identification de ces
secteurs sensibles est du ressort de l’encadrement médical et soignant qui, par sa
proximité de ces organisations locales et sa connaissance des impératifs techniques
des soins dans ces secteurs est à même de piloter des projets d’amélioration de la
sécurité des soins pertinents. Leur rôle d’encadrement en fait les interlocuteurs
privilégiés des décideurs en charge d’une vision à long et moyen terme et
privilégient une attitude prospective(4). En outre, la pression de production est
susceptible de provoquer des tensions en termes d’approvisionnement et de
maintenance de dispositifs médicaux critiques réduisant les marges de sécurité
quand n’existe pas de redondance de ces dispositifs(5).
Gérer cette double contrainte nécessite de rapprocher les points de vue et les façons
de travailler de tous les protagonistes. Il est habituel d’opposer l’approche
systémique des managers et l’approche individuelle attribuée aux soignants et
singulièrement aux médecins censés moins soucieux de financement et de
transparence (6). Cette vision devient partiellement obsolète quand on prend la
mesure du succès que représente le dispositif d’accréditation des médecins. L’effort
de cohérence reste par contre à entreprendre d’un point de vue managérial pour
que les mesures de réduction des risques au terme des analyses rétrospectives
puissent devenir effectives. En effet, en 2009, en France, si un gestionnaire de
risques existe dans 90% des cas, moins de la moitié de son temps est consacré à
cette tâche, moins d’un tiers ayant bénéficié d’une formation spécifique. Bien plus,
seule la moitié des établissements répondants ont un programme de gestion de
risques, sans structure de pilotage dans plus de 60% des cas et sans stratégie
formalisée dans 75% des cas (7).
Les enjeux de gouvernance concernent donc avant tout les responsables de
l’organisation des soins c’est à dire le directeur général, ou le représentant légal de
l’établissement, le directeur des soins, le président de la commission ou conférence
médicale d’établissement, les responsables de pôles dans les établissements
publics. Plus que la mise en place et l’exercice direct de l’autorité souvent déléguée,
ils doivent veiller à en contrôler l’usage et l’efficacité. Ce contrôle nécessite à la fois
un suivi étroit et des critères de jugement explicites permettant d’évaluer
régulièrement la performance de cette gouvernance.
Mise en place et suivi reposent sur des compétences spécifiques indispensables à
atteindre le niveau d’excellence souhaité par le NHS : compétences en gestion des
risques et compétences en pertinence des soins et des prises de risques
diagnostiques et thérapeutiques pour chaque patient. Ces ressources sont rares et
correspondent à des métiers différents : manager (4), gestionnaire de risques garant
des méthodes d’analyse et de hiérarchisation d’actions globales de réduction des
risques (8, 9) et professionnels de santé capables d’évaluer l’équilibre personnalisé
entre les bénéfices et les risques liés aux choix de stratégies diagnostiques et
thérapeutiques.
Ces compétences sont nécessaires mais pas suffisantes, faute de stratégie explicite.
Celle-ci ne prend de sens que centrée sur la finalité de l’activité de l’établissement :
délivrer des soins de qualité pour la plus grande sécurité des patients et des
professionnels. C’est un argument qui plaide pour que le coordonateur de la gestion
des risques nommé par la CME et la direction de l’établissement assure rapidement
ses missions et donne une cohérence aux actions entreprises en contribuant à les
structurer au sein d’un programme pluriannuel au service d’une stratégie
d ’établissement. En effet, à ce jour, la plupart des stratégies de sécurité du patient
sont d’ordre national ou régional, sans aide à la déclinaison locale. Il est à espérer
que la circulaire d’application du décret sur les événements indésirables associés
aux soins (10) et le guide pour la mise en œuvre de la gestion des risques associés
aux soins en établissement de santé prochainement publiés contribuent à traiter ces
questions (9) Ces publications seraient utilement complétées par un espace
d’échange pérenne entre toutes les instances de régulation, les professionnels
impliqués et les patients.
Références
1. Commission générale de terminologie et de néologie. Journal officiel de la
République Française n°0094 du 22 avril 2009 page 6949 texte n° 83 NOR:
CTNX0908579K
2. Heard S R, Schiller G, Aitken M et al. Continuous quality improvement:
educating towards a culture of clinical governance. Quality in Health Care
2001;10(Suppl II):ii70–ii78
3. Sfez M. Productivité et sécurité en anesthésie. Le Praticien en anesthésie
réanimation 2011 ; 15 : 223—224
4. Haute Autorité de santé. Direction de l’accréditation et de l’évaluation des
pratiques professionnelles. Guide pour l’autodiagnostic des pratiques de
management en établissement de santé. Janvier 2005
5. De Castro V, Puizillout JM, Baguenard P et al. Surveillance et impact budgétaire des
pannes des appareils d’anesthésie. Ann Fr Anesth Reanim 2003 ; 22 : 499-504
6. Degeling P, Maxwell S, Kennedy J, Coyle B. Medicine, management, and
modernisation :a « danse macabre » ? BMJ 2003 ; 326 : 649-652
7. DEDALE. Bilan de la mise en œuvre du programme de gestion des risques
dans les établissements de santé depuis la diffusion de la circulaire DHOS
E2/E4 n°176 du 29 mars 2004 relative à la mise en œuvre d’un programme
de gestion des risques en établissement de santé. Septembre 2009
8. Sfez M, Delobel C. Gestionnaire de risques en établissement de santé.
Risques et qualité. 2004 ; 1 : 51-52
9. Sfez M. Gouvernance de la sécurité des patients : un décret pour être efficace
? Risques et Qualité 2010 - Volume VII (3) : 123-124
10.Décret n° 2010-1408 du 12 novembre 2010 relatif à la lutte contre les
événements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé.
Journal Officiel de la république Française n°0265 du 16 novembre 2010 page
20428 texte n° 117NOR: SASH1017107D
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