Création d`écosystème rare sur des anciens sites carrières

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Unité ENAC : Learning from vernacular
Matthias Rouge
Création d'écosystème rare sur des anciens sites carrières
1. Problématique
Le ciment est un besoin prépondérant de notre société. En effet, la grande majorité des bâtiments sont
actuellement construits à base de béton. Il est donc nécessaire d'en produire en grande quantité tant que nous
le gardons comme le matériau incontournable répondant à tous les problèmes de construction. Une
production de ciment implique logiquement des cimenteries et des carrières. Or, les Suisses sont assez
réticents envers la présence de telles industries en Suisse. Il y a donc une forte de pression des associations
environnementales et du grand public sur les dirigeants de cimenterie. C'est pourquoi le sujet est sensible et
les précautions de communication prisent par ces compagnies sont importantes.
Pour exemple, lors de ma rencontre avec le directeur de Vigier Ciment SA, il se montrait prudent sur la
nature et l'impact du travail. Discret sur les détails de fonctionnement de la cimenterie et mal à l'aise vis-à-vis
des photos prises sur le site. Il m'a été difficile d'obtenir beaucoup d'informations concernant la cimenterie.
Dans cet contexte tendu, il me paraît intéressant de prendre la problématique par un autre bout :
Une carrière ne serait-elle pas une occasion de créer un écosystème plus riche que l'originelle ? Peut-elle être
bénéfique à long terme pour la biodiversité du site ?
Cela permet d'ouvrir la discussion à des solutions d'intégration de la problématique dans un contexte
environnemental durable.
2. Méthodologie
Pour mener à bien cette exercice, je suis parti d'exemples concrets de biotopes construits par l'homme. Ils
prouvent que des écosystèmes artificiels peuvent avoir un effet bénéfique pour la biodiversité et donc que
l'idée de base de la problématique, créer un biotope anthropique écologiquement positif, est possible.
La visite de différentes carrière m'a paru essentielle pour la bonne compréhension du problème. Par
conséquent, visité trois carrières.
•
La cimenterie Vigier Ciment SA à Péry
•
La carrière La Balme à Meillerie en France qui est abandonnée depuis 1939
•
La carrière de La Cernia à Neuchâtel, visitée dans le cadre du cours
Je me suis intéressé à l'état actuel de ces carrières ainsi qu'à leur projet de renaturation. Ces observations ont
été comparées à une étude portant sur la biodiversité présente dans plusieurs carrières calcaires en Angleterre
suivant différentes méthodes de renaturation.
3. Biotopes anthropiques
L'homme fait partie intégrante de la biosphère et des écosystèmes présents. Son application, dans les pays
occidentaux principalement, a conservé les écosystèmes existants en est la preuve.
Les deux exemples ci-dessous l'illustrent bien :
i. Par son intervention dans les zones marécageuses telles que les haut-marais ou les prairies humides,
l'homme est capable de figer l'évolution naturelle de certains sites. Nous avons, comme exemples
nationaux, la Grande Cariçaie et les haut-marais de la vallée de Joux qui nécessitent un entretien
comme des coupes d'arbres ou un fauchage pour empêcher la forêts de recoloniser les lieux.
En effet, l'homme est moins flexible que la nature et a besoin, dans nos régions denses, d'un système
statique moins imprévisible et plus contrôlé. Toutes ces interventions sont donc bénéfiques pour la
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biodiversité d'un système rigide car l'apparition naturelles de grandes étendues d'écosystèmes
humides n'est plus possible actuellement.
ii. L'homme peut aussi créer des écosystèmes de toute pièce. Un exemple fort est celui des oasis. Une
oasis ne'est pas uniquement une zone où la nappe affleure dans un désert, mais comprend aussi
l'infrastructure construite par l'homme, tels que les canaux, et l'entretien de l'activité agricole. La
zone agricole est organisée et y est cultivée en trois strates distinctes. Une oasis provoque non
seulement l'apparition d'un biotope riche en plein désert, mais aussi celle d'une organisation sociale
autour de l'activité humaine qu'elle produit.
4. Description et analyse des sites visités
Pour avoir une vision la plus objective possible, j'ai visité trois carrières ayant des conditions différentes tant
au niveau de la situation, de la surface que de l'utilisation de la matière extraite.
4.1. Carrière et cimenterie Vigier Ciment SA
L'entreprise Vigier Ciment SA produit sur le site du ciment grâce à ces carrières à calcaires marneux.
La carrière se trouve dans le Jura Bernois à Péry dans la zone industrielle de Rondchâtel. Elle se compose de
trois sites, la Charruque, Châtel et la Tscharner, pour une surface totale de 30 hectares. Seule la Tscharner est
encore exploitée à ce jour. Les autres carrières font offices de réserve en cas de coup dure et de décharge de
matériau propre ou de complément de mélange pour le ciment. Ce sont des carrières calcaires plus ou moins
marneuses selon le site.
Illustration 1: Carrières de l'entreprise Vigier Ciment SA
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Le site de la Charruque contient deux zones intéressantes :
i.
Des étangs au pieds de la carrière : Ce sont des surfaces de compensation écologique. L'entreprise est
obligé d'en réaliser. En l’occurrence, Vigier Ciment en entretient 300 hectares. Ces étangs sont un
haut lieu de la reproduction du crapaud accoucheur qui est un batracien rare en Suisse. Ils ont été
construits durant l'exploitation comme compensation écologique. Ils vont être remblayé comme le
reste de la carrière pour remettre en l'état originel les lieux. On arrive donc, dans ce cas, à une
aberration écologique due à la législation en vigueur actuellement qui demande que les carrières
soient remises l'eploitation une fois finie.
Illustration 2: Etangs en contrebas de la zone d'exploitation. En arrière plan, le remblayage de la
fosse.
ii. une zone en cours de renaturation sur la partie sud-est de la Charruque. Elle est en cours de
renaturation depuis une année environ. Sur la partie supérieure de la pente. le substrat rocheux, une
marne, est à l'air libre. Quelques espèces pionnières commencent à s'y installer.
Des souches ont été installées sur la partie inférieure pour amener de la matière organique et ainsi
aider la recolonisation. Elles permettent aussi une régulation du régime hydrique et retiennent le sol
qui s'est nouvellement créé. Quelques espèces végétales sont déjà présentes sur ces souches telles
que le framboisier, le fraisier et le rosier des alpes. La présence de ces dernières ne sont pas
surprenantes car ce sont des espèces peu exigeantes en matière de sol qui pousse bien sur un substrat
marneux. De plus, on les retrouve régulièrement dans les forêts du Jura.
Le biotope aux abords de la carrière est une hêtraie thermophile. Le responsable « Nature » mandaté
par Vigier Ciment estimait à 150 ans le temps nécessaire pour reobtenir le biotope original sur le
zone en cours de renaturation. Ainsi, la stratégie adoptée par Vigier Ciment est une stratégie à long
terme.
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Illustration 3: Zone en cours de renaturation sur le site de la Charruque
4.2. Carrière de Meillerie
La carrière de Meillerie se situe en France entre Saint-Gingolphe et Evian. Sa pierre a servi à construire de
nombreux bâtiments au début 19e siècle à Lausanne et à Genève. Elle est abandonnée depuis 1939. Elle n'a
pas subit d'aménagement spécifique visant à la réhabilitation de la végétalisation. On distingue aujourd'hui
une pente régulière de 30° environ comprenant trois types de zones distinctes :
Illustration 4: Carrière de Meillerie: Alternance de
couloirs vertiacaux entre une zone stable avec une
strate arborescente et une instable avec seulement une
strate herbacée
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i.
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une zone de remblai en aval de la pente avec une végétation pionnière telle que le bouleau et le
buddleia. Le buddleia est une espèce invasive que l'on retrouve soit comme plante d'ornement dans
les jardins soit comme espèce pionnière sur les remblais.
ii. une deuxième zone avec un sol suffisamment reconstitué pour accueillir une strate arborescente
développée. Cette zone forme un couloir vertical le long de la pente. On y voit l'épicéa et le mélèze
notamment.
iii. une troisième zone d'éboulis où la végétation se restreint à une strate herbacée peu dense. Cette zone
forme un couloir verticale où le sol est instable. La végétation arborescente ne peut donc s'y
développer.
On trouve ainsi de nombreux biotopes différents sur une petite zone améliorant la biodiversité du lieu. La
renaturation naturelle a donc un effet bénéfique à ce niveau. Toutefois, à cause de la faible densité
arborescente le terrain est plus instable ce qui conduit à des chutes de pierres. Des aménagements tels que
des digues composées de pneus et de terres ainsi que des filets de sécurité ont dû être installé pour protéger
la route. Cela prouve que l'écosystème détruit pour l'exploitation de la pierre rendait un service du point de
vue de la protection contre les chutes de pierres.
Illustration 6: Carrière de Meillerie: Filet de
sécurité contre les chutes de pierre
Illustration 5: Carrière de Meillerie :
Couloir instable
4.3. Carrière de La Cernia
La carrière de La Cernia se situe sur la commune de Neuchâtel. La surface originale est une zone forestière
plate. L'extraction crée donc un cirque de rocher à l'abri des regards. Ce qui permet au exploitant de
minimiser l'impact paysager.
Le projet de renaturation comprend un remblayage de la zone avec par la suite une plantation afin redonner
la forêt originale. Le problème ce posant aux exploitants est que, comme la carrière de Péry, le volume
extrait est plus important que les volumes disponibles de remblayage.
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5. Etude concernant la biodiversité des carrières calcaires en Angleterre
Cette étude anglaise compare des carrières calcaires réarrangées à l'explosif, afin de créer une structure
particulières, et revégétalisées au semi hydraulique avec des carrières abandonnées depuis 30 à 40 ans et des
falaises calcaires naturelles.
Lutilisation de l'explosif permet de créer des falaises, des plateformes et des éboulis. Dans cette
hétérogénéité structurelle plus d'espèces végétales et animales peuvent trouver un biotope correspondant. Le
semi hydraulique est un mélange de paille, d'eau et de graines qui permet de planter rapidement sur de
grande surface et d'apporter de la matière organique nécessaire au développement des graines.
Il apparaît que les carrières réarrangées possèdent plus d'espèces végétales rares que les carrières plus
anciennes et que les falaises calcaires naturelles. Ceci peut être expliqué par le fait que ces jeunes carrières
sont plus perturbées ce qui favorise la stratégie des plantes rares. Les plantes rares ont une haute fécondité.
C'est à dire qu'elles disséminent loin un grand nombre de graines, ce qui leur permet d'avoir une plus grande
probabilité de trouver un écosystème approprié à leurs caractéristiques. Elles concentrent leur énergie sur
court laps de temps, c'es pourquoi leur durée d'apparition annuelle est courte. Elles peuvent coloniser les
milieux perturbés, car la concurrence y est faible.
Mais comme la carrière est abandonnée depuis peu de temps, le sol est encore de très faible épaissuer ce qui
un facteur limitant pour un large nombre d'espèce végétale. On a, par conséquent, une couverture végétale de
faible ampleur ce qui induit une biodiversité limitée.
6. Conclusions
On peut déduire, à partir de l'étude anglaise, qu'une carrière apporte un biodiversité plus élevée au niveau
régional. C'est à dire que la biodiversité de la carrière additionnée à celle du biotope environnant est plus
importante qu'originellement. Ce qui est, à priori logique, car une carrière abandonnée varie les biotopes
disponibles pour différentes espèces.
On observe une évolution de la biodiversité lors de la renaturation naturelle d'une carrière. Dans la première
phase de renaturation, la biodiversité sur le site est faible, mais le taux d'espèces rares est élevée. Puis,
progressivement la végétation va plus largement s'installer augmentant le nombre d'espèces pour tendre vers
un climax que correspond à la biodiversité des falaises naturelles.
La politique actuelle qui préconise le remblayage de la zone d'extraction pour finalement obtenir
l'écosystème initial n'est donc pas forcément la meilleure solution. Effectivement, cela ne contribue pas à
augmentation de la biodiversité. Toutefois, lorsque le but est de retrouver le plus rapidement possible une
forêt protectrice, le remblayage et la plantation peuvent être plus raisonnable.
Si le remblayage des carrières n'est plus effectué, l'impact paysager n'en est que plus affecté. D'autant plus
que le temps nécessaire pour obtenir une couverture végétale conséquente à partir d'une roche mère se
compte en centaines d'années. C'est pourquoi, on est droit de se questionner sur l'espace que l'on veut mettre
à disposition pour ce genre d'écosystèmes pionniers.
L'exemple de Meillerie nous rappelle que la nature nous rend un service financièrement quantifiable. Dans ce
cas, il correspond aux coût des filets de sécurité et à celui de la digue. A l'inverse, dans le cas d'une
renaturation sans remblayage, la baisse de la qualité du paysage provoque une perte de recette due au
tourisme. Par contre, le quantification de l'apport financier dû à une hausse de la biodiversité est plus
problématique. Ceci prouve qu'il n'est pas possible de comparer, du point de vue financier ces scénarios
(avec ou sans un remblayage de la carrière).
Lors de ma visite à la carrière Vigier Ciment, le directeur de la cimenterie s'est montré très prudent sur les
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informations qu'il communiquait. Il m'était même délicat de prendre des photos des lieux. Cette attitude
montrait bien la pression que subit ces entreprises. La surveillance des autorités et des associations de
protection de la nature sont constantes. Au vue des moyens à disposition et déployés pour la sauvegarde de
l'environnement, l'entreprise pourrait peut-être miser davantage sur le plan publicitaire. Elle peut produire
des conditions favorables à la biodiversité lors de la renaturation et pendant l'exploitation de la carrière. Les
effets visible d'une telle politiques restent cependant limités. C'est pourquoi une information au grand public
plus importante serait bénéfique pour l'image de l'entreprise.
7. Bibliographie
The flora and invertebrate fauna of abandonned limestone quarries in Derbyshire, United Kingdom. C. P.
Weather, R. W. Cullen. 1997
Dynamique végétales post-perturbations sur les carrières calcaires au Liban. Carla Khater. 2004
Milieux forestier, Plan de gestion de la haute chaîne du Jura.
Les associations végétales et types de forêts du Jura français. P. Guinier
Ecologie et biodiversité générale. Vanderberghe, Fréléchoux, Vittoz. Polycopié, EPFL.
Flore forestière française: guide écologique illustré. J.C Rameau, D. Mansion, G. Dumé,Institut pour le
développement forestier,France. 1989
La fabrication du ciment. Ciment Calcia – Italcementi Group.
The effect of dust on vegetation – a review. A. Farmer. Nature. 1997
The effect of limestone dust on vegetation in an area with a mediterran. J. Gale, J. Easton. 1979
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