Chapitre 6 : La politique de prix sur Internet Internet a radicalement modifié la perception de l’information et des prix auprès des consommateurs. Les internautes disposent d’un accès direct et immédiat à une information enrichie sur les produits et services proposés, à la fois en ligne et hors ligne. La multiplication des sites de marques et des sites marchands permet aux cyber-consommateurs d'avoir une information plus large, le plus souvent actualisée et surtout beaucoup plus accessible grâce aux moteurs de recherche et aux comparateurs de prix. Alors qu'auparavant un client devait visiter de nombreux distributeurs ou les solliciter par écrit ou par téléphone pour s'informer, il lui suffit aujourd'hui de faire quelques clics pour s'informer sur les prix et les offres. Avec l’Internet, nous assistons au développement de la transparence des marchés et la réunion des conditions nécessaires à une concurrence pure et parfaite. La bataille des prix a d’emblée émergé comme l’un des moyens les plus évidents d’acquérir une avance par le gain de parts de marché. Grâce à une nouvelle génération d’outils tels que les comparateurs de prix et les sites d’enchères, une nouvelle structure de prix a émergé sur Internet puisque l’offre et la demande se rencontrent plus facilement. I. Les facteurs de mutation : a- Les comparateurs de prix (shopbots) Les comparateurs de prix sont des sites basés sur un moteur de recherche. A partir de critères précis, ces sites prospectent automatiquement les sites marchands pour proposer une synthèse des prix d’un produit donné. Les internautes comparant les prix pour un produit donné élargissent ainsi leur périmètre d’achat. En termes économiques, l'intérêt est d'approcher les conditions de la concurrence pure et parfaite en supprimant les frictions provoquées par une asymétrie d'informations. Les sites proposant des comparateurs de prix (shop bots) couvrent une grande diversité de produits et services ou sont spécialisés sur une catégorie de produits ou un thème d’activité. La majorité des agents de comparaison des prix se limite à la comparaison des prix en ligne mais certains couvrent les prix en ligne et hors ligne, c'est-à-dire, sur des sites de commerce électronique et dans la distribution classique. Les comparateurs de prix ne permettent souvent d’évaluer les offres que sur le critère de prix, alors que la notoriété de l’enseigne et de la marque, sa réputation, le risque perçu sont des facteurs décisionnels lors d'un achat en ligne. C'est pourquoi les comparateurs sont de plus en plus souvent conduits à intégrer une évaluation de la qualité et de la fiabilité des enseignes selon des méthodologies plus ou moins rigoureuses. b- Les sites d’enchères : Les sites d’enchères reproduisent le modèle classique des enchères en l’adaptant à Internet. Tous les types d’enchères peuvent être représentés, mais seuls les sites les plus capitalisés semblent avoir un avenir. Le plus connu d'entre eux, Ebay, pionnier des enchères en ligne a été fondé en 1995 par Pierre Omidyar, un Américain d'origine franco-libanaise. Ebay est le leader mondial des enchères en ligne et propose les objets les plus divers. C'est un immense vide grenier à l’échelle planétaire avec plus de 1,5 milliard de pages vues par jour. Les autres opérateurs importants sont Aucland et Eurobid mais de nombreux sites marchands proposent des enchères comme Nouvelles Frontières qui en organise chaque mardi. Les sites d’enchères modifient concrètement la façon d’aborder la fixation des prix : ce n’est plus l’offreur qui propose un prix mais plutôt l'acheteur qui fait une offre. Pour les biens numériques, ou livrables à bas prix, Internet crée un marché virtuel sans limites géographiques et étend ainsi la flexibilité des prix à des produits jusque-là soumis à des régimes de prix fixes. Les sites d’enchères concernent surtout des marchés spécifiques tels que le marché de l’occasion, les invendus ou les produits datés (voyages, billets de spectacles). Sut Internet, les principales formules d'enchères sont les suivantes : - Les enchères normales : le vendeur fixe le prix de départ ou minimum. - Les enchères avec réserve : le vendeur fixe un prix dit de « réserve », il n'est pas obligé de vendre si les enchères n'atteignent pas le prix de réserve. - Les enchères inversées : au lieu d'augmenter, le prix diminue à intervalle de temps prédéterminés jusqu'à atteindre un prix plancher. L’acquéreur est celui qui arrête le premier la descente du prix. c- La fixation dynamique des prix Dans le commerce traditionnel, le principe est celui du prix fixe, exception faite des remises qui peuvent être négociées, au cas par cas, dans certains secteurs. Ce principe reste très majoritaire pour le commerce électronique. Cependant, dans certains secteurs, la fixation dynamique des prix s’est développée avec succès grâce à l’Internet. Le Yield management est une politique de prix qui consiste à créer une discrimination volontaire et indirecte entre les acheteurs. Ce type de politique est particulièrement avantageux lorsque le coût marginal du produit ou service est faible. C’est une politique souvent utilisée par les compagnies aériennes qui se basent sur la sensibilité des groupes de consommateurs pour offrir à chaque groupe un prix « personnalisé » et différent des autres groupes. La fixation dynamique des prix a été généralisée à d’autres industries, telle que la location des voitures, parce qu'elle s'applique facilement sur Internet. Grâce à l’Internet, les entreprises peuvent modifier leurs prix très fréquemment, en quasi temps réel, selon l'état de la concurrence, des stocks et de la demande. Lorsque le vendeur est capable de personnaliser son offre et qu’il connaît les comportements de ses consommateurs, il pourra opter pour une politique One-to-One. Par Internet, il pourra envoyer des promotions et des offres personnalisées aux goûts de chaque client ; goûts connus grâce à l’observation par Internet de ses achats et centres d’intérêts. Il s’agit donc là d’une tarification en fonction de la sensibilité au prix du consommateur. d- Les groupements d’achat : Ces sites fonctionnent sur le principe de la mutualisation des achats. Les acheteurs potentiels s'inscrivent sur une liste ; le e-marchand négocie les prix. Plus le nombre d'acheteurs est important, plus le prix est bien négocié Le groupement d'acheteurs n’est pas une idée neuve. Les coopératives de consommateurs au XIXe siècle procédaient de ce principe. Internet est un nouveau media qui recycle souvent de vieilles idées mais en tirant profit des capacités de réseau de ce media. Il n’est pas sûr que cette formule apporte une valeur suffisante aux clients par rapport aux autres modes de distribution. De nombreux sites pionniers ont ainsi disparu (comme Mercata ou Motohop) ou se sont transformés en sites ordinaires de commerce électronique (comme Clust.com) II. Les effets de l’Internet sur les prix : a- La sensibilité au prix du consommateur : Il est évident que le commerce électronique n’est pas sans conséquence sur le processus d’achat. En effet, l’acheteur en ligne cherche l’accès à de faibles coûts et à de nombreuses offres. L’acheteur chercher surtout à minimiser ses ressources investis (temps, effort, argent) pour obtenir une satisfaction du résultat et du processus d’achat. Or, l’achat en ligne lui permettra de comparer les différentes offres et les différents prix sans recherche physique. Néanmoins, ceci peut être nuancé par la valorisation du risque, des coûts connexes et les services par l’acheteur : - Plus la confiance envers un site est élevée, plus la fidélité en celui-ci augmente et plus la sensibilité au prix de l’acheteur baisse. Les acheteurs ayant en général plus confiance envers un site. Leur sensibilité au prix pour les produits offerts sur ce site sera moins importante par rapport à d’autres sites. - Le temps passé à chercher et comparer les prix, est mis en regard de l’économie réalisée grâce à la minimisation du prix d’achat. b- La structure des coûts de l’entreprise en ligne : L’impact de l’Internet est considérable pour le produit numérique mais il est beaucoup plus aléatoire pour les autres types de produits. Pour un produit numérique (logiciel, encyclopédie numérique, œuvre musicale numérisée), le coût variable de (re)production est très faible, voire nul. On se trouve dans un cas de figure où la loi des rendements croissants peut jouer à plein. Les principaux coûts sont des coûts d'investissement et de marketing et non de production ou de diffusion. La distribution des produits numériques se fait sur Internet par téléchargement. Concernant les autres types de produit, l’Internet influence aussi à la baisse l’ensemble des coûts : réduction des frais de personnel, des actifs circulants (stocks), réduction des investissements commerciaux dans des actifs physiques (magasin) et notamment des coûts de distribution. De plus, le commerce électronique permet à un vendeur, quelle que soit sa taille, d’accéder au marché mondial à faible coût de présentation. De plus, ce nouveau mode de commerce permet le décloisonnement des barrières de distribution et l’élargissement de la taille des acteurs sur le marché. Le marché devient, donc de plus en plus concurrentiel, non seulement entre producteurs, mais aussi, entre producteurs et distributeurs. Toutefois, l’évolution des prix sur Internet montre que les vendeurs ne pratiquent pas en ligne des prix réellement inférieurs à ceux trouvés en magasins. En réalité les vendeurs ne font pas bénéficier le consommateur de la diminution de leurs coûts.