Cerveau, chimie et psychologie

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Frédérique Virol
Psychologue
Cerveau, chimie et psychologie
Neurophysiologie et psychologie du cerveau
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Notre corps et notre cerveau
U
ne petite incursion dans les dédales de notre corps et de notre
cerveau est nécessaire pour situer et comprendre ce qui s’y passe.
Elle nous est permise grâce aux innombrables recherches et progrès
technologiques.
L’objectif n’est pas de tout retenir, mais de comprendre, de conscientiser
et de garder en mémoire qu’il y a des liens très étroits entre notre physiologie
et notre psychologie, c’est-à-dire notre façon de penser. Éclaircir certains
mécanismes qui accompagnent la réalisation de nos comportements nous
offre des possibilités de dépasser nos acquis et d’agir autrement.
Pourquoi chercher à comprendre le fonctionnement de notre cerveau ?
Nous mangeons, respirons, marchons… sans avoir à y réfléchir et cela
fonctionne très bien, hormis pour ceux qui ont des pathologies lourdes.
Notre cerveau nous « gouverne ».
Néanmoins, l’homme « physique » et « physiologique » est aussi un
homme « psychologique ». Il est constamment en quête de sens et en
recherche d’équilibre interne, d’harmonie… À la recherche du « bonheur ».
Difficile quête, entre un contexte dominé par le quotidien et une histoire
personnelle qui projette souvent l’individu dans un conflit interne, conscient
ou inconscient. L’homme perd alors sa cohérence, son « manque à être »,
qui le pousse, encore et encore, dans cette quête perpétuelle, entrecoupée
de moments de répit.
Comment cela se manifeste-t-il dans notre corps ? Et comment faire
pour renverser la vapeur et apprendre à gouverner notre cerveau afin de
ne plus être en proie à nos fantômes et éclaircir notre « côté sombre »
pour mieux vivre !
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Cerveau, chimie et psychologie
LE SYSTÈME NERVEUX
Tout notre corps participe à notre « vie ». Il est composé de tissus,
de muscles, d’organes, d’eau, de pensées, de croyances, de buts, de
comportements, le tout régi par le système nerveux central (SNC) et le
système nerveux périphérique (SNP).
Que faites-vous lorsque vous lisez ce passage ?
Je lis, me direz-vous… Certes, mais c’est votre système nerveux central,
composé du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs optiques, auditifs
et olfactifs, qui vous permet de voir les mots, de les comprendre, d’être
conscient que vous lisez, et d’avoir la réponse à cette question.
Il permet aussi au système périphérique de fonctionner, et donc à vos
mains de tenir ce livre. Ainsi, vous rendez-vous compte que vos yeux suivent
les lettres et les mots quand vous lisez, et que vous venez de tourner une
page ? C’est la partie somatique de votre système nerveux périphérique
qui comprend les nerfs périphériques, sensitifs et moteurs qui innervent
les muscles squelettiques et striés assurant les mouvements comme le
déplacement du regard, le geste de la main pour tourner la page, mais
aussi la production du langage, la marche… Cette partie du SNP gère
également le tonus musculaire indispensable à votre posture assise et au fait
de bien tenir le livre en main. Ce système permet d’engendrer des actions
ou réactions, au travers de la perception tactile et de la motricité. Ici, la
plupart des mouvements sont volontaires.
Mais avez-vous arrêté de respirer pour autant ? Non ! Quels sont le
rythme et l’intensité de votre respiration ? Plutôt une respiration lente,
profonde, ou rapide et légère ? D’où vient-elle ? De l’abdomen ou du haut
du thorax ? Vos fonctions vitales continuent de fonctionner sans que vous
y pensiez.
C’est la partie autonome du système périphérique qui permet à votre
corps d’assurer ces fonctions vitales. Elle échappe à l’influence de votre
volonté et innerve les organes internes pour régir la respiration, la digestion,
la circulation sanguine… et les muscles lisses qui tapissent les intestins, les
vaisseaux sanguins, l’iris et d’autres organes…
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NNotrNNotreNNoNNotreNNotre c
Êtes-vous curieux d’en savoir plus ou avez-vous envie de lâcher cet
ouvrage et de fuir ?
En fonction de votre état interne, votre système autonome va vous
permettre de répondre physiquement, soit en lisant plus vite et de manière
plus concentrée, soit en fermant le livre et en le fuyant de peur de vous
ennuyer ou d’en savoir trop…
C’est le système sympathique qui est à la base de la réaction physique
de fuite comme de celle d’affrontement. Il donne la poussée d’adrénaline
ou de noradrénaline nécessaire pour s’échapper ou pour se défendre face
à un danger. Ce système d’excitation est aussi activé par les expériences
positives et « dopantes ». Par exemple, il fait battre plus vite le cœur du
chasseur quand il s’approche de la proie qu’il ne veut pas laisser s’échapper.
Toute situation qui met en jeu un élément intéressant la survie, une situation
de menace ou une bonne occasion, activera ce système sympathique.
La réaction sera la même : une montée d’intense empressement ou
d’excitation. Physiologiquement, cela s’exprimera par une accélération du
rythme cardiaque, une élévation de la pression sanguine, une accélération de
la respiration et une augmentation du tonus musculaire et de l’attention…
Quelle que soit votre décision, votre corps dépensera de l’énergie pour se
préparer à une action physique décisive.
Vous laissez tomber ou vous continuez ?
Apparemment vous continuez… Quoi qu’il en soit, en parallèle, un
système parasympathique régit la conservation de l’énergie et le maintien
de toutes les fonctions de base du corps en un équilibre harmonieux ;
il assure les fonctions de récupération : il induit la relaxation, favorise la
digestion – en assurant la vasodilatation des artères et capillaires, la
contraction du tube digestif, des bronches –, distribue les nutriments vitaux,
commande la croissance des cellules, mais aussi règle le sommeil. Il a une
capacité à exercer une influence calmante et stabilisante sur le corps.
Il agit par l’intermédiaire de l’acétylcholine, de la sérotonine et d’autres
neurotransmetteurs régulés et contrôlés par des centres situés dans la
moelle épinière et dans le cerveau.
Notons une dernière caractéristique, dont nous parlerons davantage
plus loin, car elle a son importance : à partir du bulbe rachidien, situé à la
base de la tête, la plupart des fonctions assurées par le cerveau ont une
latéralisation inversée par rapport à la zone contrôlée. Ainsi, votre cerveau
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Cerveau, chimie et psychologie
gauche gouverne votre main droite, votre cerveau droit gouverne votre
pied gauche… De même, votre champ visuel droit est analysé par votre
hémisphère cérébral gauche.
Nous avons tous en tête l’image d’une cervelle d’agneau sur l’étal d’une
boucherie. La nôtre est un peu plus grosse, heureusement !… Mais c’est
la partie visible du système nerveux central (SNC), ou cerveau, que nous
voyons : une petite masse grise, graisseuse, pleine de circonvolutions,
appelée cortex cérébral. La partie interne, quant à elle, contient le système
limbique.
NOTRE CERVEAU (SNC, SYSTÈME NERVEUX CENTRAL)
Notre cortex cérébral
Apparemment vous continuez à lire… Savez-vous ce qui vous y
pousse ? Votre curiosité ? Votre envie de comprendre, de vous faire une
représentation du fonctionnement humain ? Votre envie de trouver des
solutions ?…
Ce sont là quelques-unes des fonctions de notre cortex cérébral. Celui-ci
compte environ 100 milliards de cellules nerveuses, appelées neurones,
sur quelques millimètres d’épaisseur en surface, et est subdivisé en deux
hémisphères et différentes parties anatomiques appelées « lobes ». À
cette organisation anatomique correspond grosso modo une organisation
fonctionnelle. Le lobe frontal (sur le devant du crâne) s’occupe de la
conscience, de la cognition, de la pensée abstraite et de l’action. Il a pour
mission de coordonner les activités d’autres parties du cerveau ainsi que
d’aider l’esprit à se fixer sur un point important, à définir un objectif, ou
encore à prendre une décision et à commander les mouvements volontaires.
C’est le siège des fonctions dites « exécutives ». Le lobe pariétal (partie
médiane) gère la perception somato-sensorielle. Le lobe temporal (sur le
côté) traite en particulier des éléments auditifs, linguistiques et de la vision
des formes complexes. Et le lobe occipital (à l’arrière) est le siège principal
de la vision.
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NNotrNNotreNNoNNotreNNotre c
Une des spécificités de l’organisation de notre cerveau repose
sur l’existence d’asymétries ou de dissymétries, d’ordre anatomique,
physiologique et fonctionnel. Cela indique que les deux hémisphères
n’assurent pas les mêmes fonctions. Il est reconnu que l’hémisphère droit
traite en général des données de la communication non verbale et des
composantes musicales du discours : perceptions visuelles et spatiales,
reconnaissance des visages, lecture des expressions du visage, intonation
de la voix, qui nous permet de communiquer nos émotions. L’hémisphère
gauche, quant à lui, se charge des éléments verbaux, linguistiques, et analyse
les différents problèmes par un processus conscient. Il assure la fonction
langagière (s’exprimer par la parole) dans la zone de Broca.
Notre système limbique
Imaginez maintenant un citron, voyez sa couleur, sa texture. Coupez-le
en deux, et voyez sa pulpe, son jus… Et croquez dedans à pleines dents…
Que se passe-t-il ?… Aimez-vous ou est-ce désagréable ?
Peut-être avez-vous eu des sensations au niveau de la gorge ou de la
langue, une salivation subite, des frissons, des picotements…
Votre image mentale du citron, la modalité sensorielle visuelle imaginée,
s’est associée à la sensation de plaisir ou de déplaisir et vous a fait réagir. C’est
ce que permet le système limbique, qui est le carrefour où se rencontrent
la valeur émotionnelle inconditionnelle ou acquise d’une expérience, ses
modalités sensorielles réelles ou imaginées et les réactions associées.
Un autre exemple bien connu est celui de la madeleine de Proust. C’est
le goût de la madeleine qui déclenche des associations rappelant à Proust
ses souvenirs d’enfance. Ce qui laisse supposer que ce goût a été bien
ancré dans son esprit, c’est-à-dire bien mémorisé dans son enfance. Ici,
la modalité sensorielle principale vécue, ou le canal de perception, est le
gustatif. L’ensemble des modalités sensorielles regroupe le visuel, l’auditif, le
kinesthésique, l’olfactif et le gustatif, souvent résumés sous le sigle VAKOG.
Ces modalités correspondent à nos cinq sens – la vue, l’ouïe, le toucher,
l’odorat et le goût – et relèvent du système limbique.
Ce système limbique, situé dans la partie interne du cortex cérébral,
compte diverses structures : l’hypothalamus, le thalamus, l’amygdale et
l’hippocampe pour les fonctions les plus importantes et les plus reconnues,
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Cerveau, chimie et psychologie
mais aussi les noyaux gris centraux (noyau caudé, putamen, pallidum), l’insula,
le cingulum… La connaissance de leur existence, de leur fonctionnement et
de leurs interactions est importante, car nos émotions ou états internes et
nos représentations mentales ont une incidence sur leur fonctionnement
ou dysfonctionnement.
Notre hypothalamus
Essayons, un instant, de prendre conscience de notre respiration, sans
intervenir… et de ressentir la localisation de notre cœur.
Il n’est guère aisé de prendre conscience de notre respiration, car cela
demande du temps et de la concentration, mais ressentir les battements
de notre cœur est encore plus difficile. Certains y arrivent, d’autres pas.
Au bout d’un petit moment, nous pouvons ressentir, entendre et voir de
légères secousses, des contractions, mais cela demande une attention
soutenue, c’est-à-dire « être juste » dans le ressenti, « juste à l’écoute »
de nos centres de perception, sans dialogue interne, dans l’instant présent.
Malgré cette petite expérience, nous ne sommes pas en train de nous
dire qu’il faut respirer, pour alimenter notre cœur en oxygène… Tout se fait
automatiquement !
Au quotidien, pour que notre corps vive, respire, se nourrisse, nous
n’avons pas besoin d’être conscients de tout ce qui s’y passe. Nous n’avons
rien à faire : c’est l’hypothalamus, sorte de commandant en chef, qui régule
les systèmes d’excitation et de tranquillisation, et nos comportements
instinctifs ; il participe à la régulation de l’agressivité, de la sexualité et
de certains comportements liés à la survie. Il régule aussi de nombreux
systèmes hormonaux, de la reproduction, de la croissance, modère les
fonctions immunitaires, la faim, la soif et la température corporelle.
Maintenant, souvenez-vous d’une situation récente où vous avez dû éviter
un trottoir, un poteau, quelqu’un, un serpent, une araignée, une souris… au
dernier moment. Revoyez le moment, la scène, les images. Qu’avez-vous
fait et comment avez-vous réagi ? Vos cheveux se sont-ils dressés sur votre
tête ? Avez-vous eu la chair de poule, des palpitations, des sueurs ?
Vous avez peut-être eu une réaction immédiate de peur ou d’évitement
qui a activé l’hypothalamus, qui à son tour a influencé l’activité du système
autonome, en augmentant votre fréquence cardiaque, votre pression
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NNotrNNotreNNoNNotreNNotre c
sanguine, provoquant des palpitations, voire des vertiges ou un sentiment
d’oppression, et tendant les muscles. L’estomac est serré, les mains moites,
la bouche sèche… Mais avant cela, et passant totalement inaperçus, car le
processus est presque immédiat, votre thalamus puis votre amygdale sont
entrés en action en amont de vos réactions physiologiques.
Notre thalamus et l’amygdale
Revoyez la scène d’évitement… Vous avez vu un poteau, une araignée,
une souris, autre chose… Le stimulus sensoriel visuel, mais aussi peut-être
auditif, évoquant la présence du danger a d’abord atteint votre thalamus, qui
est entré en action, servant de relais entre les voies sensitives sensorielles
(VAKOG) et le cortex cérébral et l’amygdale. De là, il sera pris en charge
par deux voies parallèles.
D’abord, peut-être que votre corps a eu un sursaut « instinctif » ? C’est la
voie courte et rapide thalamico-amygdalienne. Elle véhicule une perception
grossière et rapide d’une situation, car c’est une voie sous-corticale qui ne
bénéficie pas de la cognition. Le stimulus active l’amygdale, qui fait naître
les réactions émotionnelles avant même que l’intégration perceptuelle n’ait
lieu et que le système ne puisse se représenter complètement le stimulus.
Finalement, était-ce aussi grave que cela ? Votre réaction était-elle
proportionnée ou disproportionnée par rapport à ce que vous avez vu ?
Là, dans un deuxième temps, et en parallèle, le stimulus prend la voie
longue et plus lente (thalamico-cortico-amygdalienne) : le traitement de
l’information corticale arrive à l’amygdale et précise s’il s’agit d’un stimulus
menaçant ou s’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.
Pour ce faire, différents niveaux de traitement cortical sont nécessaires –
concernant les modalités de l’objet (couleurs, forme…), sa représentation,
sa conceptualisation – avant que l’information ne soit transmise à l’amygdale.
Ces fonctions corticales nous permettent d’analyser de manière plus
différenciée les situations menaçantes, et éventuellement de reconnaître la
réaction de l’amygdale comme une fausse alerte. Par exemple, s’il s’agissait
d’une souris qui passait devant vous, sans doute votre corps a-t-il réagi en
sursautant, en criant peut-être (voie courte), avant même d’avoir identifié,
reconnu et conceptualisé (voie longue) qu’il ne s’agissait finalement que
d’une petite souris qui ne mangera personne –vous avez eu peur, malgré tout.
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Cerveau, chimie et psychologie
Dans le cas particulier d’une phobie spécifique, il faut prendre en compte
la « carte » de la personne phobique et lui venir en aide en modifiant ses
représentations de l’expérience. Mais ce n’est pas le propos du passage de
ce livre. Donc si vous n’êtes pas phobique des souris, continuons…
En observant votre expérience, pouvez-vous dire si, en premier lieu, vous
avez eu une réaction de peur ?
Si oui, sachez que c’est l’amygdale qui gère les fonctions émotionnelles
et surveille les stimuli sensoriels, leur attribuant, le cas échéant, la valeur
émotionnelle « peur ». Elle recherche toute information qui présenterait
une nécessité d’agir, un signe d’opportunité, ou de danger, ou quoi que ce
soit d’autre qui vaudrait que l’esprit y porte attention. Son activité, accrue
durant les états d’excitation, est un élément clé du système. Dans le cas de
la peur, l’amygdale agit comme une sorte de centrale d’alarme qui enregistre
très rapidement, et malheureusement sans grande différenciation, les
situations menaçantes, ce qui se manifeste par une réaction physiologique
immédiate et l’activation de l’hypothalamus.
Ensuite, lors de votre expérience avec la souris ou tout autre stimulus
inattendu, peut-être avez-vous été dégoûté ou en colère ?
Jusqu’à récemment, les neuropsychologues pensaient qu’il existait
une spécialisation hémisphérique dans le contrôle cortical des émotions
autrement dit que l’hémisphère droit intervenait préférentiellement dans
les émotions négatives alors que l’hémisphère gauche était davantage
impliqué dans les émotions positives. Il avait été montré qu’une lésion de
l’hémisphère gauche, ou son anesthésie par injection de barbiturique dans
la carotide gauche, provoquait une dépression, des crises de larmes, des
réactions catastrophiques, tandis que la « suppression » de l’hémisphère
droit entraînait au contraire une indifférence ou des fous rires.
L’imagerie cérébrale a fourni des résultats quelque peu différents. Les
émotions dites « primaires », comme la joie, la tristesse, le dégoût, la
culpabilité, proviennent des zones profondes de notre système limbique,
d’aires spécifiques non latéralisées, autres que l’amygdale ; seule la colère
proviendrait de l’activité du cortex orbito-frontal latéral. La joie relèverait
des activations des noyaux gris centraux, la surprise serait associée à
une activation de la région parahippocampique, la tristesse relèverait de
l’activation de l’aire subgénuale du cortex cingulaire antérieur, le dégoût
serait associé à l’activation de l’insula antérieure… Bref ! Des termes bien
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NNotrNNotreNNoNNotreNNotre c
complexes et difficiles à retenir… Malgré leurs nombreux avantages,
les recherches en imagerie coûtent très cher, en sont encore à leurs
balbutiements, leurs protocoles ne permettent pas toujours de bien cibler
l’objet des recherches, et les résultats restent statistiques. Plus de la moitié
des études confrontées aurait contribué à cette nouvelle anatomie des
émotions.
Notons qu’une étude faite sur des populations en ville et en milieu rural
révèle que l’amygdale des habitants des villes connaît, en cas de stress,
une activité plus intense que celle des habitants de la campagne. Ceci est
révélateur du stress subi par les citadins !
Notre hippocampe
Revenons au poteau, à l’araignée ou la souris que vous avez dû éviter :
était-ce la première fois que vous viviez ce type de situation ? Sans doute
que non…
C’est grâce à l’hippocampe, siège de la mémoire à long terme, que votre
cortex a pu se souvenir du concept de poteau, d’araignée ou de souris, et
d’une situation similaire. Il y a comme une énorme armoire dans laquelle
sont « catégorisés » tous nos concepts. Par exemple, la souris fait partie de
la classe des animaux, de la sous-classe des mammifères, à poils gris avec
une queue, deux oreilles, un museau… et elle est particulièrement vive et
peut faire peur !
L’hippocampe a un rôle primordial pour engranger les nouvelles
connaissances. Il est aussi le siège de votre mémoire spatiale et vous permet
de faire des liens et associations entre toutes vos expériences vécues.
Toutes vos expériences avec des souris ont probablement été enregistrées.
Sans doute que si vous en aviez déjà trouvé une dans votre cuisine, vous
aviez eu peur et aviez crié et sursauté. Dès lors, une certaine représentation
s’est inscrite dans votre mémoire, et à la prochaine rencontre fortuite, vous
réagirez de même. Par contre, si vous n’avez jamais vécu pareille expérience
et n’avez jamais vu de souris que dans des livres d’enfants et des boutiques
animalières, vous aurez en mémoire une autre représentation : des créatures
toutes duveteuses, en train de dormir ensemble. Pourtant, quand un jour
l’une d’elles vous passera entre les jambes, vous sursauterez… comme tout
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Cerveau, chimie et psychologie
le monde. C’est plus l’effet de surprise qui fait peur que la souris ellemême… Merci au circuit long thalamico-cortico-amygdalien !
Après avoir été perçue, l’information est transférée vers le système de
mémorisation, l’hippocampe, qui la transforme en trace mnésique. Cet
hippocampe est particulièrement sensible à l’encodage du contexte associé
à une expérience. C’est pourquoi vous vous souvenez de l’endroit où votre
anecdote a eu lieu, des personnes avec qui vous étiez, parfois de l’heure
qu’il était… Il transforme la mémoire à court terme en mémoire à long
terme.
Tentez maintenant de retrouver les « couplages » ou associations
visuelles, auditives, kinesthésiques, olfactives et gustatives de votre anecdote
d’évitement. Autrement dit, en revoyant l’image de la scène, entendez-vous
quelque chose ? Vous dites-vous quelque chose ? Ressentez-vous quelque
chose ? Sentez-vous une odeur ou avez-vous un goût en bouche ?
Si la scène est récente, vous vous en souviendrez en détail. Cependant,
ces associations s’estompent naturellement pour ne pas encombrer la
mémoire de données inutiles. Dans dix jours, ou même avant, vous aurez
certainement oublié cette mauvaise expérience.Toutefois, un souvenir peut
être renforcé et éventuellement consolidé dans la mémoire à long terme
si interviennent des facteurs « limbiques », comme l’intérêt suscité par
l’événement, sa charge émotive ou son contenu gratifiant, et la fréquence
de l’événement ou de l’apprentissage.
En conséquence, le système limbique est responsable du fait qu’un
stimulus devienne une source d’émotion conditionnée, association qui peut
s’étendre aux objets alentour, à la situation ou au lieu, car l’hippocampe est
fortement influencé par l’activité de l’amygdale.
D’ailleurs, l’hippocampe et l’amygdale, situés à côté l’un de l’autre,
sont massivement interconnectés. Ces deux structures agissent de façon
complémentaire pour focaliser l’attention de l’esprit sur les informations
perçues par les sens, pour produire des émotions et pour relier ces
émotions à des images, à la mémoire et à l’apprentissage.
L’hippocampe semble aussi exercer un rôle de régulateur sur le thalamus
et peut bloquer les informations sensorielles dans diverses aires du
néocortex. Il a le pouvoir de réguler les réactions de tranquillisation et
d’excitation produites par le système nerveux autonome, afin d’éviter des
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NNotrNNotreNNoNNotreNNotre c
états d’excitation extrêmes et de maintenir l’équilibre émotionnel. Il ne
produit pas d’émotion, mais grâce à ses effets régulateurs, il exerce une
grande influence sur l’état d’esprit de la personne.
Cette petite incursion dans le cerveau nous montre que nos différentes
structures fonctionnent en interrelation les unes avec les autres et
remplissent des tâches diverses. Prenant le contre-pied de la plupart des
théories « localisationnistes », qui attribuent à des zones spécifiques du
cortex le traitement exclusif de chaque sens et donc une mission unique
à chaque région correspondante (le cortex visuel, le cortex auditif…),
Alvaro Pascual-Leone, chercheur d’origine espagnole et professeur en
neurobiologie à Harvard, propose que le cerveau fonctionne avec une
série d’opérateurs spécifiques, l’un prenant en charge les relations spatiales,
un autre le mouvement, un autre les formes… autant d’informations qui
font appel aux données de plusieurs sens. Cette hypothèse s’inspire de la
théorie de la sélection neuronale groupale, qui postule que c’est toujours
le groupe de neurones le plus efficace qui est sélectionné pour effectuer
une tâche.
Par exemple, lorsque nous lisons, l’aspect visuel des lettres est stocké
dans un endroit, la prononciation des mots dans un autre, et leur signification
dans un troisième. Les neurones de chaque secteur doivent être activés en
même temps, « coactivés », pour que les trois fonctions (voir, entendre,
comprendre) s’exercent simultanément. Enfin, ce que nous lisons crée des
liens et des associations avec nos structures les plus profondes et peut
avoir parfois une portée émotionnelle plus ou moins forte, en accord ou
désaccord avec notre cohérence interne.
Mais comment cela fonctionne-t-il plus précisément dans notre cerveau ?
LES RÉSEAUX DE NEURONES
L’unité fonctionnelle de notre cerveau est assurée par des neurones
interconnectés entre eux, en un réseau, un maillage, complexe. Ces
connexions peuvent être extrêmement nombreuses, chaque cellule peut
en stimuler des milliers d’autres et être stimulée par des milliers d’autres.
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Cerveau, chimie et psychologie
Ce maillage est aussi « dynamique ». Il n’y a pas si longtemps, le cerveau
était considéré comme immuable et l’on pensait que les neurones mouraient
au fil du temps, surtout à partir de l’adolescence. Cajal, histologiste espagnol
connu pour ses travaux sur le système nerveux et sa structure, écrivait, au
début du siècle dernier : « Une fois le développement terminé, les sources
de croissance et de régénération des axones et des dendrites sont taries de
manière irrévocable. Dans le cerveau adulte, les voies nerveuses sont fixées
et immuables, tout peut mourir, rien ne peut se régénérer. »
Aujourd’hui, on reconnaît qu’il existe des milliards de neurones dans le
cerveau et des milliards de milliards de connexions synaptiques en évolution
constante, avec élagage de neurones et de connexions neuronales, mais
aussi naissance de nouveaux neurones dans certaines zones du cerveau
et développement des connexions neuronales. C’est ce que l’on nomme
neurogenèse et plasticité cérébrale. Nous pouvons citer le cas d’un adolescent
américain à qui l’on a dû enlever un hémisphère du cerveau pour raison
médicale : progressivement, grâce à une longue rééducation, il a pu
réapprendre à parler et à marcher presque normalement. L’hémisphère n’a
pas « repoussé », mais le liquide céphalo-rachidien a pris sa place et il y a eu
neurogenèse et réorganisation des réseaux neuronaux dans l’hémisphère
restant. Les neurones naissent et meurent, la dynamique est constante
jusqu’après la mort, encore quelques longs instants.
LES NEURONES
Ces neurones sont constitués d’un corps cellulaire (ou soma) comprenant
des ramifications courtes, les dendrites, qui véhiculent des informations. Ces
informations sont envoyées, par signal électrique via l’axone, de diamètre
constant et de longueur variable, jusqu’au niveau de jonctions appelées
synapses. C’est ce que l’on appelle la conduction des signaux électriques
liée à la modification de l’état de repos du neurone. L’axone est protégé
par une gaine de myéline composée de cellules graisseuses qui facilitent la
conduction électrique et l’isole des autres fibres. Ensuite, il y a transmission
des informations vers une autre cellule ou un autre neurone par libération
de médiateurs chimiques au niveau des synapses.
Freud, neurologue et médecin autrichien, rédigea en 1895, dans son Projet
de psychologie scientifique, un des premiers modèles neurologiques globaux
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NNotrNNotreNNoNNotreNNotre c
intégrant l’esprit et le cerveau, et faisant le lien entre le vécu des patients
et la neurobiologie. Quelque temps avant Charles Sherrington, scientifique
britannique connu pour ses importantes contributions en physiologie et
neurosciences, il introduit la notion de « barrière de contact » qui raccorde
deux neurones entre eux. Cette « barrière de contact » sera effectivement
découverte plus tard et rebaptisée synapse.
D’après Freud, le cerveau et ses circuits neuronaux doivent se réorganiser
de façon dynamique au cours de la vie de l’individu pour mettre en œuvre
les fonctions où l’acquis culturel joue un rôle crucial. Il formule déjà à
cette époque un premier concept de neuroplasticité et insiste sur le fait
que ce qui lie entre eux les neurones, c’est leur réaction coordonnée
dans le temps. Autrement dit, que des neurones réagissant ensemble se
raccordent ensemble, et il appelle ce phénomène « loi de l’association
par la simultanéité » : lorsque deux neurones réagissent simultanément, la
décharge électrique renforce leur association – ce qui sera connu, soixante
ans plus tard, sous le nom de loi de Hebb.
Hebb, psychologue et neuropsychologue canadien, émet en 1940 une
hypothèse concernant le raccordement de neurones en cours du processus
d’apprentissage : lorsque deux neurones réagissent en même temps par
des décharges électriques répétées (ou lorsqu’un seul réagit, provoquant
la réaction de l’autre), des modifications chimiques se produisent dans les
deux, de sorte qu’ils tendent à se raccorder plus fermement. Ce concept
a été résumé plus clairement par la neurologue américaine Carla Shatz :
« Deux neurones qui réagissent ensemble se raccordent l’un à l’autre. »
« Ensemble » signifie en fait que les neurones réagissent électriquement
dans un délai allant du millième au dixième de seconde. D’autre part, les
neurones qui réagissent consécutivement se raccordent séparément. La
promptitude réactive des neurones, la vitesse du transfert d’information
détermine celle de la pensée (de l’ordre de 30 mètres par seconde) –
paramètre essentiel de l’intelligence, donc de l’adaptation à l’environnement.
Les tests de QI sont d’ailleurs basés sur le temps nécessaire à fournir une
réponse correcte, et pas seulement sur la pertinence de celle-ci.
Quand les neurones se raccordent, ils libèrent des substances chimiques,
dites « neurotransmetteurs » ou « neuromédiateurs ». À l’arrivée du
message nerveux (PLT, potentialisation à long terme), qui se fait par
conduction électrique en microvolts, les vésicules dans lesquelles sont
29
Cerveau, chimie et psychologie
stockés les neurotransmetteurs migrent vers la synapse, « barrière de
contact » entre deux neurones. Ils libèrent des neurotransmetteurs qui se
fixent sur les récepteurs du neurone suivant et génèrent une conduction
électrique (autre potentialisation à long terme, éventuelle) qui produit une
excitation ou une inhibition du neurone. Ces neurotransmetteurs ont une
action fugace, car ils sont soit dégradés et évacués, soit recapturés par le
premier neurone. L’action de ces neurotransmetteurs cesse et la trace
mnésique disparaît – du moins, dans le cas de messages nerveux ponctuels,
non répétitifs ou non chargés émotionnellement.
Pouvez-vous décrire de mémoire le fonctionnement du thalamus et
de l’amygdale que nous avons évoqué précédemment ? Sans doute que
non ! Et c’est normal : comme ce sujet est un peu complexe et que vous
n’avez pas d’intérêt personnel et urgent à mémoriser la chose, la trace des
informations issues de votre lecture a disparu… Dans le cas contraire,
bravo ! C’est que vous y avez trouvé beaucoup d’intérêt et eu envie d’en
savoir plus, ou peut-être aviez-vous des connaissances antérieures, à moins
que notre explication vous ait paru particulièrement claire…
Maintenant, pouvez-vous vous souvenir de vos nom et prénom ? Savezvous encore faire du vélo ? Savez-vous vous brosser les dents le matin ?…
Beaucoup de nos comportements sont des expériences régulières
qui s’organisent en voies neuronales et établissent des changements plus
durables : un réseau de neurones plus utilisé va « creuser » un « bassin
d’attraction », à la manière des animaux qui creusent au fil de leurs passages
un chemin dans un champ. Ce chemin neuronal devient plus facile et plus
rapide à emprunter, et nous voilà capables d’agir sans réfléchir ni « cogiter »,
sans élaboration systématique. L’action se fait automatiquement… C’est un
gain de temps et d’énergie !
Nous sommes ainsi conditionnés par des habitudes dont nous n’avons
pas conscience. Ces traces, une fois creusées, deviennent très « glissantes »
et très efficaces, induisant des habitudes… bonnes ou mauvaises. Elles
s’enracinent et se consolident – c’est pourquoi les mauvaises habitudes
sont difficiles à corriger. Avez-vous pour habitude de reboucher votre tube
de dentifrice le matin ou de le laisser ouvert ?…
Enfin, pour compliquer un peu les choses, il existe des neuromodulateurs,
qui modulent l’action des neurotransmetteurs ; des neurotransmetteurs
« agonistes » miment les effets d’un autre neurotransmetteur en prenant
30
NNotrNNotreNNoNNotreNNotre c
sa place, et des neurotransmetteurs « antagonistes » bloquent les effets du
neurotransmetteur. Quand vous pliez et dépliez l’avant-bras, par exemple,
ils interviennent afin de contrecarrer la première action rapidement, ou de
la moduler plus finement.
DÉVELOPPEMENT ET PLASTICITÉ NEURONALE
Au cours de son développement, le cerveau du fœtus associe des
sons, des sensations, des goûts, des lumières à son vécu in utero ; puis à la
naissance, il associe l’affection, les soins et la nourriture en un même vécu.
Cette première expérience formatrice après la naissance se traduit par
la poursuite d’un câblage cérébral à la fois temporaire, car en constante
évolution, et déterminant.
Vers dix ou douze mois, des circuits neuronaux se développent dans le
système orbito-frontal, situé derrière l’œil droit : ils permettront à l’enfant
de structurer ses relations affectives et de contrôler ses émotions. La mère
qui partage la vie de son enfant communique constamment avec lui par des
moyens verbaux, mais aussi non verbaux. Les phrases banales du langage de la
mère et ses expressions contiennent énormément d’informations capitales.
C’est le premier apprentissage de la vie émotionnelle et relationnelle, une
période critique où ces échanges apprennent progressivement à l’enfant à
se repérer dans la jungle des ressentis.
Selon la description de Freud, ces périodes de la petite enfance (stades
oral, anal, phallique) sont suivies d’une période de latence et du stade génital,
« phases de réorganisation » qui ont des répercussions très importantes sur
la construction du cerveau et sur la vie affective de l’adulte. Elles sont liées
à la plasticité issue du développement sexuel et à la capacité à entretenir
une relation amoureuse. L’acquisition de ces premiers apprentissages se
fait sans effort au cours de ces périodes parce que le noyau basal est alors
activé en permanence. Cela implique des modifications neuronales (grâce
à la plasticité du cerveau) qui s’appliquent dans tout le système nerveux
central, à l’hypothalamus, l’amygdale, l’hippocampe… Merzenich, chercheur
américain dans le domaine de la plasticité cérébrale, a montré que si un des
centres de commande du cerveau se modifie, ceux qui lui sont raccordés
se modifient également.
31
Cerveau, chimie et psychologie
Ensuite, grâce aux apprentissages familiaux, scolaires, sociaux, l’esprit
de l’enfant accumule une foule de représentations qui forment le socle
neuronal de ses perceptions, croyances, comportements ; elles tendent à
se renforcer avec la répétition, et finissent par s’auto-entretenir. Lorsque
l’enfant reproduit jour après jour les mêmes comportements, les connexions
neuronales mises en jeu sont toutefois légèrement différentes chaque fois, à
cause de ce qu’il a fait, et appris, dans l’intervalle qui sépare les répétitions.
De multiples styles éducatifs existent, mais on peut les répartir selon
les trois styles de commandement proposés par les psychosociologues :
le style autoritaire, le style démocratique et le style du laisser-faire. Tout
dépend de l’éducation, du contexte et de la culture dans lesquels nous
sommes « immergés ». Nous savons par exemple que notre éducation, ou
celle de nos parents ou grands-parents, ne laissait pas trop de place à notre
expression et était plutôt de style « autoritaire ».
Certaines recherches en psychologie prônaient l’éducation
« conditionnée », c’est-à-dire qu’un stimulus entraînait un comportement
et il n’y avait pas de place pour les émotions – qu’il s’agisse de les ressentir
ou de les exprimer ; c’était l’approche watsonienne du courant behavioriste
du milieu du siècle dernier. John Broadus Watson, en 1913, établit les
principes de base du behaviorisme, dont il invente le nom. Il affirme, dans
un article intitulé « La psychologie telle que le behavioriste la voit », que
si la psychologie veut être perçue comme une science naturelle, elle doit
se limiter aux événements observables et mesurables. Cela suppose de se
débarrasser, sur le plan théorique, de toutes les interprétations qui font appel
à des notions telles que la conscience. Sur le plan méthodologique, Watson
condamne l’usage de l’introspection « aussi peu utile à la psychologie qu’elle
l’est à la chimie ou la physique ». Il fait alors de l’apprentissage un objet
central pour l’étude du comportement, qui doit être abordé uniquement
sous l’angle de comportements mesurables produits en réponse à des
stimuli de l’environnement. Peut-être êtes-vous né durant cette période
des années cinquante ?…
Vers la fin du siècle, le courant s’est inversé jusqu’à atteindre l’autre
polarité, celle du « laisser-faire » et de l’enfant-roi, avec d’autres méfaits. De
nos jours, et à cause du changement sociétal, l’ordonnancement des rôles
de père et de mère n’existe plus. Certains parents doutent, et un adulte qui
doute se questionne – sur lui-même, sur l’humain, sur le monde, et a fortiori
32
NNotrNNotreNNoNNotreNNotre c
sur le changement. C’est une très bonne chose pour l’enfant à condition
d’un développement « secure ».
Apprentissages et éducation adaptée, fondée sur l’encouragement,
contribuent à son bon développement, en lien avec le sentiment de
sécurité, de reconnaissance, d’estime et de confiance en soi. Devenu adulte,
il aura la possibilité de vivre selon ses propres valeurs et croyances. Cela
correspondra à son choix de vie, pour peu qu’il ait conscience de ce choix
et qu’il en ait, encore une fois, la possibilité.
Il recherchera les stimulations familières, plutôt agréables pour lui ; par
exemple, il privilégiera les personnes qui ont une tournure d’esprit voisine
de la sienne pour se rapprocher d’elles… Les recherches montrent que
nous avons tendance à oublier, ignorer, voire discréditer par habitude les
informations qui ne recoupent pas nos convictions ou notre perception de
la société, tout simplement parce que penser et percevoir autrement nous
rebute ou… nous fait peur – voire nous échappe complètement.
Cependant, plus l’individu vieillit, plus ses actes tendent à préserver
les structures existantes, et quand il y a inadéquation entre ses réseaux
neurocognitifs internes et le monde, eh bien ! c’est le monde qu’il cherche
à changer. À son échelle, il va donc commencer à faire pression sur son
environnement, à le contrôler, à tenter de le plier à son mode de pensée
ordinaire. Poussé à l’extrême, ce processus amène souvent à imposer
son point de vue. Ensuite, on constate un « épuisement de la plasticité »,
notamment chez les personnes âgées, qui deviennent alors « rigides »,
« figées », « incapables de changement » ; ce que Freud explique par
la « force de l’habitude ». Tout ce qui implique la répétition des mêmes
comportements peut figer la personnalité, et conduire à la rigidité. Certaines
personnes demeurent néanmoins flexibles durant leur vie d’adulte, grâce à
de bonnes facultés d’adaptation.
LE PARADOXE PLASTIQUE ET LES COMPORTEMENTS
NON ADAPTÉS
Alvaro Pascual-Leone a montré que la plasticité, qui a priori favorise le
changement, peut aussi conduire à des situations de blocage et de répétition
dans le cerveau. C’est le « paradoxe plastique », que Norman Doidge,
33
Cerveau, chimie et psychologie
psychiatre, psychanalyste et chercheur américain, explique par la nature
même de la plasticité. Si la neuroplasticité peut susciter des comportements
psychorigides aussi bien que psychoflexibles, c’est que nous avons tendance
à sous-estimer notre propre potentiel de flexibilité, car il faut une contrainte
pour imposer le changement. Il faut bloquer ou contraindre les autres
circuits compétitifs, qui sont généralement les plus fréquemment utilisés.
La plupart des individus ne se hasardent pas à exploiter ce potentiel de
flexibilité, ou alors que très occasionnellement. Par facilité et soumission au
« principe de plaisir », on évite la contrainte.
La plupart des comportements sont à l’origine « adaptés » à un contexte
et bénéfiques pour le sujet qui les adopte ; mais quand ils deviennent
répétitifs, ils peuvent devenir gênants et inadaptés par rapport à la situation
vécue.
Avez-vous un comportement dont vous souhaitez vous débarrasser ?
Voulez-vous arrêter de vous emporter, de crier, de vous ronger les ongles,
de prendre du beurre, de fumer ? Est-ce facile ? « C’est plus fort que moi ! »
direz-vous. D’ailleurs, tant que le comportement ne cause ni souffrance
ni mise en danger, pourquoi changer ?… Par contre, s’il devient inadapté
et nuisible, plus de doute : le changement s’impose. Mais savons-nous et
pouvons-nous agir autrement ?
Lorsqu’un réseau de neurones se développe, il acquiert une autonomie
de fonctionnement à force d’être utilisé, et l’individu qui exerce les facultés
qui en dépendent a du mal à désapprendre ce qu’il a « appris » ou mis
en place. Le sujet reproduit obstinément les mêmes schémas inconscients
et les mêmes comportements ou associations négatives, ce qui rend leur
interruption et leur réorientation quasi impossible sans aide extérieure d’un
professionnel. Le sujet est alors perturbé, consciemment ou inconsciemment,
par des aspects de son propre caractère, par des symptômes névrotiques
ou par de violents conflits intérieurs dans lesquels une part de lui-même
devient « dissociée mentalement » : en incohérence avec lui-même et le
reste du monde, il est déconnecté de la réalité, voire délirant. C’est une
véritable souffrance psychologique.
La psychothérapie va l’aider à verbaliser son vécu, sa problématique,
ses besoins, ses souvenirs inconscients de la mémoire procédurale, et ceci
grâce à la « loi de l’association par la simultanéité ».
34
NNotrNNotreNNoNNotreNNotre c
La mémoire procédurale est sollicitée lorsque nous apprenons une
procédure, ou série d’actes, ou vivons un événement sans avoir besoin de
mobiliser notre attention – les mots y sont donc généralement inutiles.
Les interactions non verbales avec autrui, de même que la plupart des
souvenirs émotionnels, font partie du système mnémonique procédural, et
ces souvenirs sont relégués dans l’inconscient.
La « loi de l’association par la simultanéité » explique l’importance
qu’a prise ensuite la notion de libre association en thérapie, où le patient
verbalise tout ce qui lui vient à l’esprit, que cela soit décousu ou gênant.
Freud s’est aperçu qu’en interférant le moins possible avec le flux de parole,
il laissait au patient la possibilité d’exprimer des sentiments, des états d’esprit
normalement refoulés ou perçus comme déplacés, et que cela permettait
d’établir des rapprochements constructifs.
La distance dans la relation qu’il imposait à ses patients leur permettait
de retrouver des états internes qui les liaient à certaines personnes, en
général leurs parents, et notamment durant les périodes critiques. C’est
ce qu’il a nommé le « transfert ». Le patient revivait alors des épisodes de
son enfance au lieu de se rappeler tel ou tel événement. Cette distance
avec le thérapeute permet au sujet de projeter le contenu de son transfert
sur lui et sur d’autres personnes qui jouaient un rôle dans sa vie. Le fait de
l’aider à comprendre son transfert lui permet naturellement d’améliorer
ses relations. Toutes nos associations de pensées, même les plus aléatoires
(lapsus…), sont considérées comme l’expression de liens révélateurs
formés dans les couches les plus profondes de la mémoire.
Pour Freud, ces connexions correspondent à des neurones qui ont réagi,
se sont raccordés et se sont consolidés ensemble des années plus tôt. Elles
demeurent inchangées dans le cerveau et se révèlent par le biais de la
libre association. Les connexions restent inchangées car elles n’ont pas été
élaborées et la plupart du temps elles ont été refoulées dans l’inconscient.
Mais un des phénomènes essentiels à mettre au compte de la
neuroplasticité, c’est la possibilité de désapprendre ces schémas inconscients,
comportements ou associations négatives. Ce désapprentissage joue un rôle
crucial dans le développement psychosensoriel, permettant de s’adapter
avec flexibilité quand on passe d’un contexte à un autre.
35
TTablTTabTTable de
Table des matières
Avant-propos......................................................................................................7
Introduction..................................................................................................... 11
Partie 1
Nous et notre monde intérieur
1. Notre corps et notre cerveau................................................................. 17
Le système nerveux..............................................................................................................18
Notre cerveau (SNC, système nerveux central)................................................. 20
Notre cortex cérébral................................................................................................... 20
Notre système limbique............................................................................................... 21
Les réseaux de neurones................................................................................................... 27
Les neurones.............................................................................................................................28
Développement et plasticité neuronale.................................................................... 31
Le paradoxe plastique et les comportements non adaptés.......................... 33
2. Notre monde intérieur............................................................................. 37
État présent, niveaux logiques et métamodèle...................................................... 37
État présent négatif et remontée des niveaux logiques................................... 40
État présent positif et remontée des niveaux logiques.................................... 41
Les émotions.............................................................................................................................43
L’encodage..................................................................................................................................45
3. Conséquences physico-chimiques de notre vécu................................ 47
Neurotransmetteurs, hygiène de vie, équilibre nutritionnel........................... 49
Hormonothérapie, compléments alimentaires...................................................... 50
Stratégies de l’industrie alimentaire.............................................................................. 53
Additifs et effets cocktail.................................................................................................... 54
383
Cerveau, chimie et psychologie
Partie II
Les bassins d’attraction du stress, de l’anxiété, des traumatismes,
de la souffrance
1. Le stress........................................................................................................ 61
La noradrénaline.....................................................................................................................62
L’adrénaline.................................................................................................................................64
Conditionnement aversif.................................................................................................... 65
Les traumatismes....................................................................................................................67
2. Glu… glutamate, transglutaminase, gluten :
le glutamate et autres découvertes............................................................. 73
Glutamate et alimentation................................................................................................. 76
Le syndrome du restaurant chinois........................................................................ 79
Le glutamate autorisé et controverse................................................................... 80
Glutamate et addiction.................................................................................................. 84
Glutamate et obésité...................................................................................................... 85
La transglutaminase...............................................................................................................88
Transglutaminase et thrombine, colles à viande.............................................. 90
Monopole de la transglutaminase........................................................................... 92
Se perdre dans les étiquetages…........................................................................... 95
Gluten...........................................................................................................................................99
Gluten, glutamate et alimentation........................................................................... 99
Implication dans les maladies.................................................................................. 102
Glutamate, mémoires, oubli, Alzheimer ?............................................................... 103
Différents types de mémoires et glutamate................................................... 104
Troubles de la mémoire............................................................................................. 107
Alzheimer et vieillissement cognitif..................................................................... 108
384
3. C3. Conséque33. Cons33. Conséq33.33. Co33. C3
.
Partie III
Les bassins d’attraction du mieux-être, du plaisir et de la récompense,
et des fonctions exécutives
1. Le GABA..................................................................................................... 141
Du glutamate au GABA…............................................................................................. 142
Les médicaments contre l’anxiété et la dépression......................................... 147
Les benzodiazépines, à nouveau........................................................................... 147
Autres calmants et somnifères............................................................................... 151
Dépendances ?................................................................................................................ 155
La question du sevrage............................................................................................... 157
Le « miracle » d’Internet et le GABA industriel............................................... 160
Comment libérer naturellement son GABA ?.................................................... 162
2. La sérotonine............................................................................................. 169
Sérotonine, quand tu nous abandonnes................................................................. 170
Sérotonine et dépression.......................................................................................... 170
Pulsions suicidaires et meurtrières...................................................................... 175
Sérotonine et médications : les antidépresseurs.......................................... 175
Sérotonine et Internet................................................................................................ 196
Comment libérer sa sérotonine naturelle............................................................. 199
Sérotonine et alimentation....................................................................................... 199
Syndrome du côlon irritable................................................................................... 204
Maladie de l’intolérance au gluten : maladie cœliaque............................. 204
Sérotonine, dépendances et hygiène de vie................................................... 206
Homéostasie et sérénité sont bonnes pour la santé................................ 207
Les plantes utiles au stress........................................................................................ 209
3. La mélatonine............................................................................................. 211
Mélatonine et médications............................................................................................. 212
Nouvelles médications : les mélanomimétiques................................................ 214
Internet et automédication............................................................................................ 215
Interactions diverses.......................................................................................................... 218
Alimentation et mélatonine........................................................................................... 218
Comment libérer sa mélatonine naturelle ?......................................................... 219
Rôle de la lumière et de l’obscurité.................................................................... 220
Dormir…........................................................................................................................... 222
Réveils nocturnes........................................................................................................... 223
L’amour, le meilleur somnifère naturel............................................................... 225
385
Cerveau, chimie et psychologie
4. La dopamine............................................................................................... 227
Dopamine et médications.............................................................................................. 228
Ritaline, Concerta : amphétamines pour enfants…................................... 228
Diagnostic TDAH........................................................................................................... 230
Neuroleptiques............................................................................................................... 239
Dopamine et Internet....................................................................................................... 253
Dopamine et dépendance............................................................................................. 255
Dopamine et maladies neurodégénératives : Parkinson….......................... 258
Parkinson et pesticides............................................................................................... 259
Autres causes possibles : le stress oxydatif..................................................... 264
Traitements de la maladie de Parkinson........................................................... 265
Une autre hormone en cause : la testostérone ?........................................ 268
Parkinson et processus cognitifs............................................................................ 269
Dopamine et alimentation............................................................................................. 271
Régimes et perte de poids....................................................................................... 272
Libérer sa dopamine naturelle..................................................................................... 273
5. L’acétylcholine............................................................................................ 281
Maladies aiguës des circuits cholinergiques.......................................................... 282
Acétylcholine et maladies neurodégénératives.................................................. 284
Maladies, acétylcholine et pesticides......................................................................... 284
Médications, compléments et acétylcholine......................................................... 289
Les anticholinestérasiques......................................................................................... 289
La choline........................................................................................................................... 292
Les anticholinergiques................................................................................................. 294
Acétylcholine et alimentation : choline/cholestérol.......................................... 296
Libérer son acétylcholine naturelle............................................................................ 302
6. Les endorphines........................................................................................ 307
La fibromyalgie...................................................................................................................... 308
Médicaments antidouleur............................................................................................... 310
Endorphines et alimentation......................................................................................... 311
Comment libérer les endorphines naturelles ?.................................................. 311
7. L’ocytocine.................................................................................................. 315
L’hormone de l’amour et de l’attachement.......................................................... 315
Plasticité cérébrale.............................................................................................................. 316
Ocytocine et autisme........................................................................................................ 317
Ocytocine et médications.............................................................................................. 322
386
CConclusioConc
Ocytocine et Internet....................................................................................................... 325
Ocytocine, tu nous tiens et t’évanouis inexorablement !............................. 326
Comment libérer son ocytocine naturelle ?......................................................... 329
Pourquoi libérer son ocytocine naturelle ?...................................................... 331
Ocytocine et sexualité................................................................................................ 332
Traitements autour de la sexualité...................................................................... 334
Recherches autour des médications du sexe................................................ 337
Ocytocine, ouverture et perte de vigilance, de discernement................. 338
Paradoxe plastique........................................................................................................ 340
Espoir, croyances, motivation et parfois guérisons...................................... 341
Croyances ressourçantes et respons/abilisation........................................... 344
8. Les facteurs de croissance des neurones FNIC................................. 347
Croissance des neurones................................................................................................ 349
Pathologies en lien avec le facteur de croissance des neurones.............. 349
Comment mobiliser son FNIC naturel................................................................... 351
Entretenir son physique............................................................................................. 351
Entretenir son mental.................................................................................................. 352
Partie IV
Les stratégies mentales et comportementales
Les valeurs essentielles..................................................................................................... 358
Les buts et les objectifs.................................................................................................... 358
L’identité.............................................................................................................................. 359
Les valeurs............................................................................................................................... 360
Les présupposés, les croyances.................................................................................... 360
Les capacités........................................................................................................................... 361
Les émotions.......................................................................................................................... 361
Les comportements........................................................................................................... 362
Conclusion...................................................................................................... 365
Sigles................................................................................................................. 368
Glossaire......................................................................................................... 370
Bibliographie................................................................................................... 372
387
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