France / Mayotte / Comores / Administration Mayotte devient le 101ème département français (MFI / 05.04.2011) Depuis le 31 mars 2011, l’île de Mayotte est devenue officiellement département français, le 101e. Après le boycott de la réunion officielle par les élus de droite qui avait empêché l'élection du président du Conseil général, c’est finalement le socialiste Daniel Zaïdani qui a été élu le dimanche 3 avril. Le nouveau statut de l’île laisse présager de bonnes surprises et de moins bonnes. Symbole de cette nouvelle départementalisation : l’euro de Mayotte est né ! Les premières pièces sont encore toutes chaudes. On y voit un bateau, des vagues d’océan et deux grosses lettres : RF, les initiales de République française. Les habitants de Mayotte ont voté à 95% en faveur de cette départementalisation. Leurs principaux espoirs : améliorer leur niveau de vie avec, entre autres, l’alignement des aides sociales auxquelles ils vont pouvoir prétendre à partir d’aujourd’hui. Elles seront calquées sur ce qui existe en métropole. L’île souffre de difficultés économiques. La plupart des salariés appartiennent à la fonction publique, les autres habitants tentent de gagner leur vie grâce à la pêche et aux commerces locaux. Mayotte est indépendante depuis 1975 mais a souhaité rester française. Son PIB (Produit intérieur brut) est de 4 900 dollars par habitants. Un chiffre nettement inférieur à celui de l’île de la Réunion, présente également dans cette partie de l’océan Indien. 26% de chômage Mais dans un archipel des Comores où ses proches voisins souffrent de pauvreté chronique, le PIB de Mayotte reste neuf fois supérieur à celui des îles environnantes, notamment Anjouan. « Mayotte est confrontée à un fort taux de chômage, autour de 26%, notre population est extrêmement jeune et parmi elle, la plupart des enfants ne savent pas lire, l’un des grands défis des prochaines années sera la lutte contre l’illettrisme », souligne Mandsou Kamardine, ancien élu UMP au Conseil général de Mayotte, qui ne dément pas la présence d’une économie souterraine importante. Bon nombre d’enfants s’emploient à des menus travaux et de ce fait ne sont jamais entrés dans une salle de classe. Cet alignement des aides sociales sur le modèle de la métropole est tellement espéré qu’il risque bien de décevoir les Mahorais. « En effet, précise Mandsou Kamardine, dès le début du processus, le président Sarkozy avait clairement annoncé les choses. Et nous, élus locaux, avons déjà averti nos populations : la mise en place des allocations et du SMIC (le salaire minimum) ne se fera pas dans les prochains jours ni dans les prochaines semaines, le mécanisme se fera de manière échelonnée et entrera totalement en vigueur d’ici 20 ans ! » Ce qui est dit est dit, laissant présager la douche froide. Les nouveaux impôts arriveront avant l’alignement des aides sociales, d’ici deux ans pour la taxe d’habitation. La place des musulmans En plein débat sur la laïcité et la place de l’islam, Mayotte – dont 90% de la population est musulmane – entend montrer l’exemple en prouvant que la religion n’est pas un frein mais qu’au contraire l’islam régit la bonne entente sans problèmes d’intégration avec le reste de la population française. Cependant, au ministère de l’Outre-mer à Paris, à des milliers de kilomètres de là, on a déjà annoncé la couleur. L’ancien délégué interministériel pour l’Egalité des chances des Français d’outre-mer Patrick Karam a estimé qu’« avec ce nouveau statut, Mayotte aura des droits mais aussi des devoirs. Il sera demandé d’importants ajustements tels que l’interdiction de la polygamie, la disparition progressive des ‘Wali’, les tuteurs matrimoniaux ». Les juges musulmans, les « Cadi » verront quant à eux leur rôle diminuer. Mayotte, l’immigration clandestine et la santé des enfants Chef de mission à Médecins du Monde à Paris, Pierre Corti connaît très bien la situation mahoraise. Cette départementalisation l’inquiète en même temps qu’elle lui laisse espérer quelques progrès. « J’espère que grâce à ce nouveau statut, l’Aide médicale d’Etat, destinée aux personnes sans papiers, s’appliquera très vite. Car pour le moment, les réfugiés n’ont pas le droit aux soins gratuits. Bon nombre de mamans des autres îles de l’archipel, arrivées ici en barque au péril de leur vie pour y gagner de quoi vivre, nous avouent qu’en raison des expulsions massives, elles se cachent pour fuir la police. Du coup, ces mères ne viennent ni se faire soigner, ni faire soigner leurs bébés ». L’année 2010 a enregistré un taux record d’expulsions avec près de 26 500 reconduites à la frontière, soit presque la totalité des expulsions enregistrées sur l’ensemble du territoire français ! La principale conséquence de cette politique répressive se voit dans le nombre croissant d’orphelins immigrés en raison des absences ou des abandons soudains des parents. Un relent de colonialisme et d’hégémonie à la française La départementalisation de Mayotte suscite des polémiques dans la région. Les plus proches voisins de l’archipel des Comores voient dans ce rattachement concret à la France une volonté d’implantation régionale. Pierre Caminade, militant de l’association Survie, dénonce dans son livre noir sur Mayotte la stratégie militaire de Paris. « Les habitants de Mayotte ont été largement trompés par leurs élites. Cela a commencé au début des années 60. A l’époque, Mayotte avait tout le pouvoir économique et politique. Et sur décision des autorités françaises, ces pouvoirs ont été transférés à Maroni, très loin, tout au sud de l’archipel. Ce qui a suscité la rancœur des Comoriens des autres îles et notamment des Mahorais qui ont ensuite voté pour l’indépendance en 1975. Si Paris a toujours tenu à garder la main sur ce territoire d’outre-mer, c’est clairement avec un but militaire. Avant 1975, avec l’installation d’une base sous-marine et ces dernières années, en 2010, avec la mise en place d’antennes du réseau d’écoutes satellitaires ». Symbole de ce nouveau rapprochement entre Mayotte et la métropole, la première liaison directe sans escales Paris/Mayotte sera effective à partir d’octobre prochain. Marina Mielczarek