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DROIT PRIVE COMPARE
1. PROPOS INTRODUCTIFS
1. Qu'est-ce que comparer?
Comparer, c'est mettre en relation des droits différents, c’est étudier un droit à la lumière d'un
autre. On étudie son propre droit à la lumière d'un droit étranger. C'est donc, d’abord, une
manière de redécouvrir son droit national.
Comparer signifie mettre en parallèle des matières pour faire apparaître des similitudes et des
différences. Les comparatistes se divisent parfois entre ceux qui recherchent des similitudes
entre deux droits (on parle alors de « comparaison intégrative » - A.Watson), tandis que
d’autres ont une approche différentialiste (Legrand).
Le comparatiste devrait pourtant être un observateur neutre et objectif. En réalité, la
comparaison a mené et mène toujours à des résultats distincts selon le but visé. Le résultat de
la comparaison dépend en effet des critères de comparaison qui ont été retenus à l’origine,
ainsi que des objectifs poursuivis.
2. Pourquoi comparer?
La comparaison permet d'obtenir une approche critique du droit. Dans une approche assez
large, macro comparative, c'est un des grands mérites du droit comparé, qui provoque en effet
une ouverture et permet de formuler une critique de son propre système juridique. C'est ce que
certains appellent la « fonction subversive du droit comparé » d’après la formule de H. MuirWatt.
Le droit comparé est donc un instrument contre le dogmatisme, l'ethnocentrisme en cela qu’il
conteste l'idée que les normes juridiques internes sont les seules concevables. Il permet de
formuler une critique du droit.
Du point de vue de la doctrine, une des difficultés qui s'est présentée en France est qu’il
existait assez peu de critiques du droit, contrairement aux USA. C’est grâce au droit comparé
qu’ont pu être introduites certaines critiques du droit au sein de notre système.
Le principe de la comparaison est simple : on va apprendre d'un autre droit, y trouver une
source d'inspiration, des solutions applicables au sein de son propre système juridique. C’est
ainsi que de nos jours, lorsqu’une réforme législative est envisagée, il est procédé en premier
lieu à une étude des systèmes avoisinants, de manière plus ou moins efficace et pertinente
d’ailleurs.
1
En effet, il faut être capable de traduire correctement les solutions qui ont pu y être
appliquées. D’après le Doyen Carbonnier, c’est ici que réside les dangers de la comparaison,
car peu sont à même de déterminer si ce qui a été extrait d’un autre système est juste : « a
beau mentir qui vient de loin ».
Le droit comparé sert également à convaincre. Dans le cadre judiciaire, ou en ce qui concerne
l'interprétation du droit constitutionnel, il n’est pas toujours évident d'interpréter la
constitution d'un Etat à l'aune d'un droit étranger. D’ailleurs le Conseil Constitutionnel ne
semble pas être très favorable à une approche comparative. D’après le Doyen Vedel : « il faut
se défaire de l'idée que telle ou telle théorie, telle ou telle pratique, adoptée par une cour
constitutionnelle étrangère dans une démocratie parfois juvénile comme... ».
Aux Etats-Unis, dans l’affaire Lawrence v. Texas de 2003, un argument comparatiste a été
soulevé devant la Cour Suprême. Cette affaire concernait une loi texane prévoyant des
sanctions pénales pour toute personne se livrant à des actes de sodomie entre adultes
consentants. La question centrale était ici de savoir si cette loi était critiquable sous l'angle des
droits fondamentaux ou des libertés constitutionnelles. Certains juges utilisèrent un élément
de comparaison en affirmant que dans certains pays avaient été jugées inconstitutionnelles des
lois de ce type, et contraire aux droits fondamentaux devant la CEDH. Le juge Scalia jugea
pour sa part qu'il était impossible de faire usage du droit comparé en l’espèce, que cela était
même impensable. Il jugea qu'il fallait se référer à l'intention des auteurs de la constitution
américaine, et interpréter cette loi selon le droit interne uniquement. D’autres juges
considérèrent pourtant qu'il était possible de développer une conception évolutive de la
Constitution, sans pour autant gommer son originalité (opinion du juge Breyer notamment).
Pour eux, il ne fallait pas que la conception américaine soit trop différente des conceptions
européennes en matière de droits de l'homme.
L'utilisation du droit comparé est tout de même toujours perçue comme une source de
difficultés.
Dans un premier temps en effet, il est nécessaire d’utiliser des décisions étrangères sorties de
leur contexte, provoquant un risque certain de décontextualisation de ce fait. Pour contourner
ce problème, il serait donc nécessaire qu'on n’utilise des références émanant d'un système
assez proche.
Exemple d’usage de la comparaison dans le domaine du droit civil.
On peut remarquer que dans certaines décisions, les juges font appel à la comparaison, au
droit étranger. Cf : Cass, Arrêt Perruche, 2007 (enfant handicapé dont les parents n’en avait
pas été informés d’un risque de malformation suite à une erreur du médecin et du laboratoire).
L’arrêt s’est appuyé sur un usage du droit comparé, ce qui apparaît clairement dans les
conclusions de l’AG Sainte Rose. Les juges n’ont pas hésité pour trancher cette affaire à se
référer au droit étranger.
Une telle utilisation du droit comparé est souvent faite dans des affaires soulevant des
polémiques importantes au sein de l’opinion publique.
2
L’utilisation du droit comparé par le juge n’a pas pour autant pour objectif de reprendre une
solution au compte du système interne. Le juge trouvera en effet plutôt des supports dans le
droit étranger, des arguments pour rendre son propos plus solide.
Ex : House of Lords, 25 Novembre 1999, Mcfarlane case : Mr McFarlane avait subit une
vasectomie dans une clinique anglaise. Sa femme tomba enceinte par la suite. Le couple
demanda des d&I à la clinique auprès de la Cour. Le débat tourna ici autour de questions
éthiques, plus que juridiques. Les juges anglais se sont référés à une décision rendue par la
Haute Cour néerlandaise, qui avait donné raison aux parents dans un contexte similaire. A la
différence de cette affaire, les juges anglais ont eux refusés d’indemniser les parents et en
examinant les arguments soulevés devant le Haute Cour, ont expliqué pourquoi ils
n’appliqueraient pas la même solution en droit anglais. Dans cette décision, à l’inverse des
décisions de droit français, c’est la décision elle-même qui se réfère au droit étranger. Cela
tient au style judiciaire différent de ces deux systèmes.
Ex : High Court, 2000 : Tort law related case. La question était ici de savoir si l’on pouvait
indemniser un préjudice psychologique subit par un conjoint pour la perte d’un être cher
lorsque ce dernier avait lui-même contribué, par sa faute, à ce décès. L’inspiration fut ici
puisée dans la jurisprudence allemande qui avait déjà tranché cette question. Il y a eu une
consultation entre un professeur allemand, les avocats anglais et le juge anglais qui a pris en
compte cette décision dans son jugement.
L’usage de la référence au droit étranger peut être utilisé dans un contexte judiciaire, lorsqu’il
s’agit de convaincre le juge. Cela peut avoir un poids assez fort devant le juge. Le travail des
avocats sera de trouver des idées, plutôt que des solutions dans le droit étranger, et plutôt que
la solution, l’argumentation développée devant les juridictions étrangères peut être utilisée.
« Le droit comparé est un emprunt à la démarche juridique, non une transposition de la
jurisprudence dans le système de droit interne », d’après l’ancien premier président de la
Cour de Cassation. Une décision ne peut en effet être importée telle qu’elle, en raison des
valeurs particulières de chaque système.
Le droit comparé est également un outil de compréhension, que ce soit dans les relations entre
Etats ou entre personnes privées. Il est en effet nécessaire de connaître l’autre pour le
comprendre. Cette matière est donc très importante notamment dans le contexte d’intégration
régionale actuelle (ex : UE) ou globale (OMC…).
L’écart est parfois assez grand entre deux systèmes dans la conception d’une même notion.
Ex : La bonne foi en matière de droit des contrats. C’est dans ce type de contexte qu’il est
fondamental que chaque partie ait connaissance du droit de l’autre, de l’écart de conception et
du risque que cet écart présente.
3) L’histoire du droit comparé
3
On a pu observer l’utilisation du droit comparé, c-a-d la référence au droit étranger, depuis
très longtemps. L’un des exemples les plus anciens remonte à Solon, homme politique grec du
6e siècle avant JC.
Au Moyen Age, on comparait le droit naturel avec le droit canonique. En Angleterre, on
comparait le droit canonique et le Common Law.
Dans L’esprit des lois de Montesquieu, on peut également observer des comparaisons en
matière de systèmes politiques et juridiques (notamment des comparaisons avec le système
anglais).
En réalité, la discipline elle-même de droit comparé apparaît au cours du 19e siècle chez les
anglais avec Henry Sumner Maine. En 1831 fut créé au Collège de France une chaire
d'études juridiques comparatives et d’internationalisation (occupée par Mireille DelmasMarty depuis novembre 2002).
Fut également créée en France la Société de législations comparées (1860). Est organisé en
1900 un grand congrès international de droit comparé, dont les fondateurs du droit comparé
en
France
ont
fait
partie
(Lambert
et
Saleilles :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_00353337_2000_num_52_4_18626 ).
En Europe, le droit comparé reprend aujourd’hui une place très importante, très certainement
en raison de l’intégration européenne. Pourquoi maintenant seulement ? Car pendant de
nombreuses années, l’intégration européenne n’a touché qu’un nombre limité de domaines du
droit. Maintenant qu’il y a des développements plus large, affectant la plupart des branches du
droit privé, l’œuvre d’harmonisation provoque des questionnements renouvelés.
Ex : Il existe aujourd’hui des chroniques, dans des revues très généralistes, de droit comparé.
4) Le droit comparé et le droit international privé



1e approche : les deux disciplines évoluent dans des sphères différentes et il n’y a pas
d’interactions entre elles.
2e approche : deux disciplines doivent être conjuguées ensemble. Des tensions
apparaissent à certains niveaux dans les deux matières en effet. D’un côté, une
volonté d’uniformiser le droit en droit comparé, une volonté de limiter la diversité,
volonté partagée, dans une certaine mesure, avec le DI privé. D’un autre côté, le droit
comparé n’existe que du fait de la diversité des droits, et celle-ci n’a pas
nécessairement vocation à être vaincue, selon certains courants (différentialistes), de
même en dip, la technique centrale du conflit de lois repose sur l’existence d’une
diversité de loi, dont il faut aménager le jeu.
3e approche : on considère que ces disciplines sont complémentaires, interdépendantes
car le DI privé fait parfois appel au droit comparé. Il peut par exemple en DI privé y
avoir une question de qualification qui implique l’étude du droit étranger. (Ex :
reconnaissance du mariage homosexuel – à quelle institution correspond-t-il en droit
français ?). En matière d’OP international, il est nécessaire de connaître les valeurs en
jeu dans le système étranger pour savoir si oui ou non la loi étrangère est contraire à
4

l’OP international. Pour Bénédicte Fauvarque-Cosson, c’est la raison pour laquelle le
droit comparé est essentiel, non seulement en raison de sa portée théorique mais en
raison de ses enjeux pratiques.
4e approche : il existe un rapport de rivalité entre les deux disciplines car si le droit
comparé vise à unifier le droit comme le suggère un de ses courants de pensées, les
règles de conflits deviendront à terme inutiles. A l’échelle de la planète, une telle
unification semble improbable, mais à l’échelle de l’UE, cela pourrait être possible,
même si à ce niveau, l’objectif poursuivi est l’harmonisation, le plus souvent, et non
pas l’unification. Or harmonisation ne fait que rapprocher les systèmes juridiques, elle
ne crée pas de règles uniformes.
5) Le droit comparé et le droit européen
Le droit de l’UE se construit à partir du droit des Etats membres de l’Union (c’est le
« phénomène ascendant » d’après Mireille Delmas-Marty). Cf : Mécanisme de reconnaissance
des Principes Généraux de droit communautaire + responsabilité de l’Etat pour violation du
droit de l’UE, dégagés à partir des traditions constitutionnelles communes aux EM, inscrit
dans le TUE depuis 1992.)
En outre, le souci pour les juges de mettre en œuvre des solutions acceptables pour les EM est
réel. L’Avocat général Lagrange de la CJUE a ainsi mis en évidence la nécessité de prendre
en compte l’usage du droit comparé dans la construction du droit européen.
Pb : Comment la CJUE procède-t-elle pour reconnaître une solution commune ? Il est rare
que la cour souligne que tous les Etats retiennent une seule et même solution pour l’adopter.
L’idée de « convergence des droits » (aussi reprise par la CEDH) est souvent invoquée.
6) Le droit comparé et la mondialisation du droit
Les mondialisations du droit et de l’économie sont liées.
La mondialisation du Droit s’apparente au fait que le droit ne peuvent plus se concevoir
aujourd’hui uniquement au sein des frontières nationales, et que les mouvements se
produisant au sein du droit ne peuvent plus se comprendre qu’en étudiant les mécanismes
intrasystémiques.
La mondialisation signifie donc que les systèmes juridiques sont désormais perméables.
On voit ainsi émerger un droit mondial, qui s’étend à l’échelle de la planète (ex : droit de
l’OMC, conventions internationales…).
La Mondialisation entraîne également des formes plus ou moins variables de rapprochement
des droits à l’échelle mondiale : on parle de « droit mondialisé ». Ce phénomène est abordé
par François Ost (« De la pyramide au réseau»). Il dissocie le droit de la mondialisation (1e
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catégorie) et décrit ainsi le droit international, découlant de la mise en place de structure de
gouvernance mondiale, notamment dans le cadre de l’ONU. Il aborde également le thème du
droit mondialisé – une « mondialisation douce » d’après lui, à tort ou à raison - qui résulte
d’une perspective plus radicale d’interpénétration des systèmes, qui résulte elle même d’une
convergence plus ou moins spontanée des droits nationaux, qui vont chercher à s’aligner sur
des modèles soient dominants, soient séduisants, et qui vont ramener à eux d’autres
systèmes.
Ex : La grande influence de la théorie « Law and Economics » développée aux USA.
Cela entraîne, d’après certains, des phénomènes « d’hybridation » au sein du droit.
Ex : L’influence du système de Common Law sur les systèmes romano-germaniques.
Diffusion de certaines notions, de certains mécanismes ou types de raisonnement
Ex : Diffusion de la notion « d’harcèlement sexuel » dans les droits occidentaux.
Une série de facteurs explique cette mondialisation :




La dimension volontaire de cette mondialisation, construite à travers les différentes OI
mises en place. Dénote de la volonté des Etats d’uniformiser les droits. Mais il existe
aussi d’autres mouvements volontaires d’harmonisation qui découlent de groupes
privés (groupes académiques par exemple dans le domaine de l’unification du droit
des contrats – Commission Lando au sein de l’UE). L’initiative prise par le barreau
américain aux USA au début du 20e siècle ont permis de mettre au point le « Uniform
commercial code » visant à uniformiser les droits des différents Etats fédérés.
L’évolution des techniques / technologies influe également sur le développement de
cette mondialisation du droit, notamment le développement des nouvelles technologies
de l’information et de la communication. La contrainte du temps et de l’espace qui
n’existe désormais plus a des influences sur le droit.
Le phénomène d’interdépendance des Etats joue lui aussi. Les Etats sont liés lié les
uns aux autres, et pas seulement en raison des échanges économiques (v. aussi
questions environnementales, par ex).
Le sentiment qu’il y a une émergence de valeurs communes entre certains pays, des
besoins et des questions communs, accentue lui aussi le phénomène.
Ex : La protection de l’environnement entraîne le rapprochement des droits car il existe une
préoccupation commune.
Des questions éthiques (cf : McFarlane case) sont également partagées.
Les conséquences de ce phénomène de mondialisation sont diverses :

La domination d’un modèle juridique : c’est un phénomène qui s’est déjà produit dans
l’Histoire (ex : l’influence du modèle allemand dans la 1e moitié du 20e siècle,
l’influence du Code Napoléon en Europe au début du 19e siècle, l’« impérialisme » du
droit des USA aujourd’hui). Cet impérialisme a d’ailleurs été critiqué, notamment
6
avec la publication des rapports de la Banque Mondiale intitulés « Doing business ».
Ces rapports annuels sont destinés à classer les droits aux moyens d’indicateurs
économiques (en 2006 : la France était classée au 44e rang sur 153, derrière le
Botswana, la Jamaïque et les Iles Tonga). Les juristes civilistes français ont critiqué ce
classement car d’après eux les systèmes civilistes étaient défavorisés par rapport aux
systèmes de Common Law, car n’assurant pas une protection des droits de la même
manière. Le rapport « Les droits civilistes en questions » fut ainsi publié par
l’association Capitant et la Société de législation comparée en réponse au rapport de la
Banque Mondiale pour défendre les systèmes civilistes. A quoi servent ces rapports de
la BM ? A orienter les opérateurs économiques vers les pays qui sont sensés être le
plus favorable sur le plan économique (« pour faire des affaires »). Les civilistes
dénoncent ainsi un préjugé en faveur de la Common Law car les personnes rédigeant
ce rapport sont plus favorables à ce système où les mécanismes de réglementation des
Marchés (notamment aux USA) sont décriés.
En 2009, la France était au 31e rang de ce classement. Pourquoi un si mauvais classement ?
En raison de de deux critères : la réglementation du travail en France et de l’enregistrement
des transactions immobilières.
NB : Cette évaluation est très critiquable car l’approche est ici uniquement économique. C’est
pourquoi une partie des comparatistes la critique, car elle ne prend pas en compte les
différentes fonctions du droit. D’autres comparatistes trouvent que ces rapports ont l’effet
d’un électrochoc, car ils permettent de réagir et de reprendre l’analyse comparatiste sous
d’autres angles. Cette analyse économétrique est qui plus est originale pour ces juristes, car
elle n’est pas utilisée en temps ordinaire et devrait peut être le devenir.
Une dernière vision, plus nuancée, se fonde sur les échanges entre les systèmes. Pour eux, les
rapprochements entre les systèmes se font non pas sous la forme de l’hégémonie d’un seul
système, mais sous la force d’une hybridation des systèmes du fait de la Mondialisation.
Le droit comparé est nécessaire pour pouvoir évaluer l’avancé de cette hybridation, ou de la
mise en place de l’hégémonie d’un système (en fonction du point de vue adopté).
Le Professeur Xavier Blanc-Jouvan, dans « L’avenir du droit comparé, un défi pour les
juristes du nouveau millénaire », a précisé que « le 21e siècle sera le siècle de
l’internationalisation et de la globalisation dans tous les domaines (…) et, pour les juristes,
celui du droit comparé. Mais celui-ci devra s’adapter à la situation nouvelle en devenant à son
tour - et ce n’est pas un paradoxe - de plus en plus international. »
Plusieurs interprétations de cette affirmation son possibles :


Le droit comparé ne se fait plus aujourd’hui à l’échelle nationale, mais à l’échelle
internationale au sein des OI (ONU, Conseil de l’Europe…) ou au sein de groupes
privés (Commission Lando).
La comparaison ne se limite plus à la comparaison des droits nationaux, mais
également des droits régionaux entre eux (UE / CEDH, UE /ALENA…). On compare
aussi le DI et le droit régional (Droit social européen / droit de l’OIT). Sont donc
introduites des comparaisons entre systèmes juridiques internationaux.
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Paragraphe 2 : La diversité des droits
A l’échelle de la planète, la multiplicité des droits est flagrante, et ce même au sein d’un
même Etat.
L’idée chez les comparatistes a été de penser qu’il existait une manière de regrouper ces droits
en établissant des systèmes ou familles juridiques (ou encore cultures ou traditions
juridiques). Cette diversité n’était pour eux qu’une apparence. Cette mise en place de
systèmes juridiques permettra d’élaborer une comparaison plus efficace.
Ce mode de pensée de regroupement des droits est aujourd’hui très critiqué. A l’époque où
l’on observe de nombreuses hybridations entre les droits, cette classification devient obsolète.
Pierre Esmein, au congrès international de Droit comparé de Paris, a proposé un classement
des droits en familles, sur des fondements historiques, géographiques et religieux. Il proposa
ainsi de distinguer 5 familles :





Droit romain
Droit germanique
Droit anglo-saxon
Droit slave
Droit musulman.
NB : Cette classification ne prend pas ou peu en compte les traditions juridiques africaines ou
asiatiques.
En 1913, un Professeur suisse proposera une classification des droits en fonction de la race.
Il divisa alors le monde en 4 familles de droit : ariens et indo-européens, sémitiques, mongols
et barbares.
Le Professeur René David dans les années 50 reprendra la classification d’ Esmein et
proposera de partir des conceptions de la Justice, qui d’après lui prévalent dans les systèmes
juridiques, ainsi que des techniques juridiques employées.
Il distingua alors :





Système occidentaux
Système socialiste
Droit musulman
Droit hindous
Droit chinois
NB : Il a rassemblé la famille des systèmes occidentaux dans un seul groupe.
L’idée qui domine chez David et ses successeurs est qu’on peut admettre que le Droit ne se
réduit pas à la diversité des règles qui le composent, mais qu’on trouve à l’intérieur de
chaque droit des concepts, catégories et modes de raisonnement spécifiques à ce droit et
témoignant d’une certaine permanence ou structure fondamentale du droit.
8
Aujourd’hui encore, la plupart des manuels de droit comparé sont divisés en fonction de cette
classification en familles juridiques. (= 1 partie pour chaque famille).
On distingue aujourd’hui 7 familles car la famille occidentale à été remplacée par les familles
de droit romano-germanique et de Common Law. Le droit socialiste a lui été remplacé par le
droit russe.
Des auteurs allemands (Zweigert et Kötz) ont qualifié cette classification de relative. La
plupart du temps, ces classifications sont en effet uniquement réalisées par des privatistes.
Elles peuvent donc ne pas être appropriées au droit public. Selon le domaine qu’on observe,
on peut donc avoir un classement différent d’après eux. Il faut dont nuancer cette approche en
famille.
De même, les classifications ne sont pas immuables dans le temps ; elles peuvent varier en
fonction des époques.
Ces auteurs préfèrent faire primer l’étude des traits juridiques, des styles de droit, des qualités
distinctives, pour regrouper ces droits en familles juridiques. Un des critères qui doit guider la
classification est l’effet d’étonnement produit par tel ou tel aspect du droit d’un autre système.
Il utilise 5 critères pour aboutir à leur classement :





Les racines historiques du droit
Le mode de pensée juridique (= legal thinking)
Des institutions distinctives (ex : le trust dans les droits de Common Law)
Les sources du Droit (critère mineur d’après eux)
L’idéologie du droit (= l’influence de la religion ou d’une idéologie politique).
Ces différents critères leur permettent d’aboutir à une classification du droit en fonction de «
cercles de droit ». 7 existent d’ après eux (4 grands groupes + 3 catégories).
Ccl : Il existe donc une grande relativité des familles et une créativité dans l’approche
comparatiste. Cela a été durant tout le 20e siècle une grande question chez les comparatistes
que celles de l’établissement de ces familles.
Critiques de ces classifications

Il y a une part d’arbitraire dans l’établissement de ces classifications, ce qui les rend
très contestables.

Ces regroupements en familles sont trompeurs, très réducteurs, et incapables de saisir
la catégorie de droit que constituent les droits mixtes (ex : droit civil et droit de CL /
Common Law et droit musulman).
9
Ex : Le Canada possède un système juridique ou coexistent des règles de droit civil inspirées
de la culture française et de Common Law inspirées des traditions juridiques anglo-saxonnes,
au sein d’un Etat fédéral. Depuis les années 90, un programme d’harmonisation de la
législation fédérale avec le droit civil du Québec a d’ailleurs été mis en place. Dans la
province du Québec en effet, règles de droit civil en français et en anglais et règles de
Common Law en anglais et en français coexistent. L’harmonisation vise ainsi à faire
fonctionner ensemble ces règles d’origines diverses.
Pourtant, il reste nécessaire de comparer ces différentes familles de droit à l’heure actuelle,
car aucune autre base de comparaison n’existe aujourd’hui. Même si leur établissement reste
contestable, ces familles n’en reste pas moins des repères qui permettent parfois de
comprendre ce qui se passe au sein des systèmes juridiques. (ex : au sein de l’UE, l’étude
comparatiste nous permet de comprendre des conflits qui pourraient surgir entre conceptions
de Common Law et conceptions romano-germaniques).
Cette classification nous permet également d’évaluer le rayonnement des différents systèmes
juridiques. En prenant l’exemple de la famille romano-germanique, on note qu’elle réunit une
grande partie des pays occidentaux et d’Amérique latine (environ 100 pays à l’échelle du
Monde). Les pays de Common Law sont quant à eux un peu moins de 50.


Traits distinctifs des systèmes de CL et de droit romano-germanique :
Les sources : le rapport entre la Loi ( le Code) et la jurisprudence. La loi est
considérée comme la source centrale dans les systèmes RG, alors que les pays de CL
ont exprimé très tôt leur rejet du système de droit civil, et notamment de l’idée de
« Code ». Des juristes anglais, notamment A.V. Dicey et Charles Cooper, s’y sont
fermement opposés même : « Comment peut-on former un code destiné à réguler les
actions futures d’un peuple. » (Cooper). Cela a donc eu une influence sur la
conception du droit dans les pays de CL.
En France, on considère que c’est à la Loi de réguler les comportements. Lorsqu’on se rend
compte de l’importance que prend la jurisprudence dans certains domaines, on se demande
quelle valeur normative à cette jurisprudence, notamment si celle est source de droit ou pas.
La jurisprudence est-elle inférieure à la Loi dans le système français (hiérarchie entre les
sources que sont la Loi et la jurisprudence donc) ou la jurisprudence est-elle subordonnée à la
Loi car elle découle de celle-ci en premier lieu (« hiérarchie » chronologique) ?
Dans les pays de Common Law, notamment aux USA, ce n’est pas cette question qui
se pose. Les questions ont surgis, et ont été considérées notamment par les auteurs
réalistes américains (dont le juge Holmes). Ils ont ainsi critiqué les méthodes et
procédés employés par le juge pour interpréter et créer du Droit. Existent-ils des
critères de jugement ? Si oui, lesquels ?
De nombreuses réponses ont été fournies, parmi elles beaucoup préconisaient que soit
également prises en compte par le juge des critères externes au droit (critères
sociologiques ou psychologiques par exemple). Cela reflète la nature ouverte,
perméable du droit de la CL, qui fait appel à d’autres sciences sociales pour appliquer
le Droit.
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Il s’oppose en cela au droit romano-germanique, qui lui prône une certaine clôture du
système, reflétée par la rédaction de codes, censés englober l’ensemble des règles qui
doivent être prises en compte par les juges.

Les raisonnements de ces 2 systèmes s’opposent également. Dans la famille de CL, on
dit que la pensée juridique est empirique et qu’elle se fonde sur la mesure du
phénomène, plutôt tâtonnante, refusant toute systématisation. Ce raisonnement est
effectué à partir de l’expérience de cas concrets. Dans la pensée civiliste, c’est plutôt
la pensée logique qui domine, la conception d’un système complet de normes qui se
suffit à lui-même. On parle dans ce système de « sciences juridiques ». On se situe
souvent à un certain niveau de généralité, d’abstraction. Une fois la règle générale
trouvée, on l’applique aux faits d’espèce (déduction). Le juge sera qui plus est très
soucieux de ramener la solution trouvée à des principes supérieurs. Cette méthode a
l’avantage de la concision, mais le système civiliste décontextualise bien souvent le
droit de cette manière.
D’après G. Samuel, en droit anglais, cela ne signifie pas que la règle n’a pas d’importance. La
formulation de la règle est uniquement différente, car elle découle du cas particulier et vise à
s’appliquer de manière générale, alors qu’en droit civil elle découle d’une règle générale et est
appliquée au cas particulier.
NB : Les Massime italiennes sont l’extrême exemple de cette approche abstraite et
généralisante des systèmes civilistes.
Holmes disait en 1881 que « la vie du Droit dépend de l’expérience et non de la logique », et
que « des propositions générales ne décident pas du cas concret. »
En réponse à cette affirmation, un juriste français, René David, déclara que l’expérience
n’était pas laissée de côté en droit civil non plus (Portalis le disait lui-même). En revanche, il
existe un problème avec la logique formelle pour les juristes civilistes : selon eux, celle-ci
s’impose, elle ne peut pas être mise de côté.
2. La méthode comparatiste
La question de la méthode est une question centrale en droit comparé. En effet, beaucoup de
juristes estiment que sans méthode, la comparaison est contestable voire inexistante, et qu’il
n’en existe pas aujourd’hui. D’autres estiment qu’il ne peut exister de méthode de
comparaison car tous ces droits sont incomparables.
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Lorsque le droit comparé a commencé à se développer, aucune méthode n’existait certes mais
on se livrait alors à des micro-comparaisons en comparant des législations étrangères. On
parlait alors de « comparaison de législation ».
Cette méthode a été rapidement critiquée, dans la mesure où il n’y avait aucun intérêt et
bénéfice à procéder à de telles comparaisons, trop superficielles.
Le problème majeur alors est qu’on n’attachait pas assez de poids à la jurisprudence. La prise
en compte des législations étrangères seules était considérée comme risquée car l’on masquait
alors tout un pan du Droit. Il fut alors décidé que le droit comparé devait contenir également
le droit vivant (c-a-d la jurisprudence).
De nombreuses méthodes furent alors dégagées pour tenter de mener des comparaisons
pertinentes.

La première d’entre elles, la plus instinctive, est la méthode conceptuelle. C’est une
approche qui se fonde en effet uniquement sur les concepts juridiques, les institutions,
pour comparer les différents systèmes.
Ex : La comparaison du concept de « contrat » ou de « bonne foi » dans différents systèmes
juridiques.
Beaucoup d’auteurs appliquent cette méthode. Celle-ci a quand même un nombre important
d’inconvénients. En effet, d’après R. David, il n’y a pas toujours de correspondance entre les
institutions étudiées. Cela risque donc de bloquer l’analyse.
De même, cette méthode peut être parfois dangereuse. On peut en effet retrouver le même
concept dans un autre système, mais dont le sens est différent.
Ex : Le concept français d’équité et d’Equity en droit anglais.
Il existe également une grande difficulté posée par la traduction. La méthode conceptuelle
exacerbe particulièrement cette difficulté.
Pierre Legrand, dans son ouvrage, présente à cet effet toute une liste de traductions de
diverses institutions.
Ex : La ou Le Common Law ? Pour certains « la common law » s’apparente uniquement à « la
Loi ». On devrait donc dire, pour désigner le système de Common Law, « le Common Law ».

L’approche contextualiste ou culturelle a quant à elle pour vocation de se distinguer de
l’approche textualiste. D’après les auteurs qui soutiennent cette approche, il est
nécessaire d’appréhender le « droit en action », dans son mouvement et son
environnement culturel, et non pas seulement en se fondant sur les textes. L’aspect
décisif de cette méthode est donc qu’on ne peut pas bien comparer sans tenir compte
du contexte, d’éléments périphériques au droit. Il faut donc pratiquer une
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interdisciplinarité (Sociologie, Histoire…). Le problème est de ce fait que cette
méthode devient très difficile à pratiquer pour les individus.

La méthode fonctionnelle
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La méthode factuelle
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