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Crise et transformation de la protection sociale : une
lecture régulationniste des évolutions du secteur de la
santé
Jean-Paul DOMIN (OMI-EA 2065, Université de Reims Champagne-Ardenne)
Introduction
La dépense courante de santé représente aujourd’hui en France 11,7 % du PIB. La France
se situe encore derrière les États-Unis, l’Allemagne et la Suisse, mais devance les autres pays
de l’Union européenne. Le système est organisé autour d’une assurance maladie obligatoire
qui reste le principal financeur de la dépense de soins et de biens médicaux (75,5 %) bien que
sa part diminue depuis 1995. Une part croissante de la dépense est assurée par l’assurance
maladie complémentaire (13,8 %) et les ménages dont le reste à charge (9,4 %) tend à
augmenter depuis le début des années 20001.
Ce travail s’inscrit dans une perspective historique et s’intéresse de façon générale aux
liens entre transformation des systèmes de protection sociale et crise économique et plus
particulièrement aux évolutions des systèmes de santé en phase de crise. L’approche
historique met en évidence les avancées en termes de socialisation de la dépense de soins. Les
phases de dépression se caractérisent en effet par une socialisation croissante des dépenses. La
crise accélère donc une prise en charge collective de la santé. Mais ce qui était vrai hier ne
l’est plus forcément aujourd’hui : la crise économique se traduit au contraire par une
désocialisation et une individualisation croissante du risque santé.
Nous organiserons notre propos en deux temps. Nous montrerons d’abord que si les
transformations des systèmes de prise en charge de la santé sont importantes en phases de
crise et se traduisent par une socialisation croissante (1), la période actuelle se manifeste
plutôt par une individualisation du risque santé et un transfert progressif de la dépense vers les
organismes complémentaires d’assurance maladie (2).
1. La transformation des systèmes de protection sociale en période de crise
La littérature régulationniste offre un large éventail des analyses des transformations de la
protection sociale. Une première approche dite de la régulation systémique voit dans les
phases de crise un moment de revalorisation de la force de travail (1.1.). Une seconde
approche dite de la régulation salariale voit dans la protection sociale un compromis
institutionnalisé né pendant les phases de crise (1.2.). Une analyse historique des systèmes
d’assurance maladie confirme les approches théoriques (1.3).
1.1. L’approche en termes de régulation systémique
Le programme de recherche initié par Paul Boccara au début des années 1960 constitue
une rupture avec un grand nombre de travaux marxistes des années 1950. Avec lui, le Parti
communiste français prend ses distances avec le Manuel d’économie politique publié dans les
1
Fenina A., Le Garrec M.-A. et Koubi M., Les comptes nationaux de la santé en 2009, Études et résultats, n°
736, 2010.
1
années 1950 en Union soviétique et longtemps considéré par bon nombre d’intellectuels
marxistes comme une référence indépassable2.
L’évolution théorique se structure autour de quatre grandes étapes. La première (19601966) est marquée par une relecture et une mise en cohérence des trois livres du Capital. À
partir de 1966 et jusqu’en 1971, Paul Boccara entame la réflexion sur le capitalisme
monopoliste d’État et l’articulation suraccumulation-dévalorisation du capital et baisse
tendancielle du taux de profit/contre-tendances. Les années 1970 marquent le début d’une
réflexion plus générale sur la recherche d’un nouveau type de croissance comme une issue à
la crise. Enfin, les années 1980 constituent le début des travaux sur la constitution d’un critère
synthétique de gestion. Comme le souligne Michel Bellet, des premiers travaux sur le
dépassement du capital jusqu’aux études sur les nouveaux critères de gestion, le couple
suraccumulation-dévalorisation du capital constitue l’axe de réflexion principal de Paul
Boccara et plus généralement de l’école de la régulation systémique3.
Si les travaux de Paul Boccara insistent sur la dévalorisation du capital en phase B de
Kondratieff (1.1.1.), Louis Fontvielle organise sa pensée autour de thème de la revalorisation
de la force de travail (1.1.2.).
1.1.1. Régulation et dévalorisation du capital
L’approche en termes de régulation systémique se développe vers les années 1970-1980
dans le sillage de la thèse du capitalisme monopoliste d’État et s’inscrit dans la perspective de
la théorie de la suraccumulation-dévalorisation du capital comme le souligne Paul Boccara :
« La théorie de la suraccumulation-dévalorisation du capital permet d'analyser la régulation
spontanée, opérant à la façon d'un organisme naturel, biologique du capitalisme. Elle montre
comment sur la base des rapports de production, de circulation, de répartition et de
consommation capitalistes, s'effectue cette régulation. La régulation est l'incitation au
progrès des forces productives et de la productivité du travail ainsi que la lutte contre les
obstacles à ce progrès. Elle concerne aussi le rétablissement de la cohérence normale du
système, après le développement des discordances et le dérèglement formel que ce progrès
engendre nécessairement. Ce rétablissement s'effectue à travers les crises et les
transformations qu'elles provoquent y compris les transformations structurelles de
l'organisme économique allant jusqu’à mettre cause l’existence du capitalisme lui-même »4.
Le caractère systémique des travaux de Paul Boccara repose sur le rôle fondamental du
taux de profit5 qui permet d’apprécier la structure des résultats du système économique. La
régulation par le taux de profit se caractériserait, au sein d’un cycle Kondratieff, par des
périodes de suraccumulation suivies de phases de dévalorisation du capital. Celle-ci s'exprime
sous trois formes différentes : la dévalorisation du capital en excès, la dévalorisation
conjoncturelle de capital de longue durée et la dévalorisation structurelle de capital. La
première consiste soit en une mise en sommeil du capital qui n'arrive pas à se valoriser, soit
en une mise en valeur à taux réduit, soit en une destruction d'une partie du capital. La
dévalorisation conjoncturelle de capital de longue durée, entraîne la destruction de capital, des
2
Pouch T., Les économistes français et le marxisme. Apogée et déclin d'un discours critique (1950-2000),
Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2001.
3
Bellet M., La régulation, éléments sur le statut de deux programmes de recherche, Issues, n° 32, 1988, p. 5-33.
4
Boccara P., Études sur le capitalisme monopoliste d'État, sa crise et son issue, Paris, Éditions sociales, 1974.
5 Jean-Claude Delaunay trouve d’ailleurs « injuste et surtout inexact de réduire la problématique dite de la
suraccumulation-dévalorisation à une régulation mécaniquement étatique du taux de profit », mais pense
toutefois que le manque de travaux sur cette question a « conduit à ce qu'elle fonctionne sous sa forme
idéologiquement réduite et appauvrie de régulation étatique du taux de profit ». Delaunay J.-C., Questions
posées à la théorie de la régulation systémique, Économies et sociétés, série R, n° 2, 1986, p. 209-231.
2
fermetures d'établissements, une montée du chômage massif et des krachs financiers. Enfin, la
dévalorisation structurelle constitue une dévalorisation chronique. Elle résulte de nouvelles
relations sociales6 et permet la prévention de certains blocages liés à l'accumulation du
capital7.
Les mutations technologiques sont au cœur de la phase de crise. Elles se caractérisent
essentiellement par de nouveaux rapports quantitatifs et qualitatifs. Le premier objectif sera
de relever le niveau des débouchés par des économies technologiques de capital constant 8.
Ces évolutions ne peuvent se faire que par des transformations sociales profondes, une
amélioration de la formation de la force de travail et par la dévalorisation structurelle d'une
partie du capital social (capitaux financiers, capitaux usuraires, capitaux des petits
épargnants).
Les longues périodes de difficultés sont également marquées par une accélération des
processus d'innovations fondamentales. Cette transformation ne peut se faire que sous la
pression des conditions économiques et sociales (surproduction, concurrence, nouvelles
relations sociales et culturelles). Les exemples sont nombreux pour plusieurs secteurs et pour
l'ensemble des phases de difficultés. Pendant ces périodes, des contre-tendances interviennent
sous la pression de la concurrence. Elles prennent la forme de baisses relatives en valeur des
dépenses en moyens matériels. Les mutations technologiques s'accompagnent également de
processus de modernisation de l'organisation du travail qui prennent des formes différentes
(nouveaux types de management, partage du travail de surveillance, amélioration des droits).
La théorie de la régulation systémique impose donc une nouvelle vision dialectique de
l’analyse marxiste. En effet, les adaptations périodiques du rapport de production doivent
permettre désormais de résoudre les contradictions du mode de production capitaliste,
assurant ainsi le développement du système sur des bases nouvelles. Le processus de
régulation, mis en évidence au travers des mouvements longs, offre la possibilité de changer
de façon radicale la structure du système économique.
1.1.2. La revalorisation de la force de travail en phase de crise
Si les premiers travaux de Louis Fontvieille analysent le caractère contracyclique des
dépenses publiques, ils vont rapidement se focaliser sur l’hypothèse de la revalorisation de la
force de travail qui va ensuite évoluer vers le développement des hommes.
L’objectif des premiers travaux de Louis Fontvieille est de montrer que l’État ne peut être
analysé en dehors de l’économie9. En effet, les transformations successives de l’État depuis le
début du XIXe siècle sont liées aux nécessités de transformation économiques. Ainsi, l’État
serait amené à prendre en charge certains services, voire certaines productions liées au
développement des forces productives (instruction publique, Ponts et chaussées, santé
publique, …), mais pouvant difficilement être mis en valeur dans une perspective privée. Il en
résulte donc selon l’auteur que le développement de l’appareil d’État est intrinsèquement lié
aux besoins de l’économie capitaliste. Le développement de l’État et de son domaine
d’intervention dépend de ce que lui permet le capital. Louis Fontvieille aboutit alors à une
triple constatation : la forte croissance des dépenses publiques, une évolution en paliers et la
mise en évidence de fluctuations cycliques de longue période.
6
Boccara P., Suraccumulation et dévalorisation du capital, La Pensée, n° 277, 1990, p. 13-30.
Boccara P., Les cycles longs et la longue phase de difficultés en cours, Issues, n° 29, 1987, p. 5-45.
8
Boccara P., Cycles longs, mutations technologiques et originalité de la crise de structure en cours, Issues, n° 16,
1983, p. 4-44.
9
Fontvieille L., Évolution et croissance de l'État français de 1815 à 1969, Économies et sociétés, série AF, n° 13,
1976, p. 1655-2144.
7
3
Les dépenses publiques ont connu une forte croissance depuis le début du XIX e siècle. La
reconstitution de séries monétaires montre que l’évolution des dépenses publiques par rapport
au produit physique (c’est-à-dire la production intérieure brute sans les services marchands)
est assez nette. Entre 1815 et 1969, le rapport est multiplié par trois passant de 0,12 en 18151818 (moyenne quinquennale) à 0,37 en 1965-1969. Toutefois, cette évolution ne donne
qu’une image partielle de la réalité dans la mesure où les séries ne tiennent pas comptes des
dépenses des collectivités locales, ni celles de la Sécurité sociale. Cette évolution n’est pas
une particularité française, on la retrouve dans certains pays européens.
La croissance en paliers constitue la deuxième constatation de Louis Fontvieille. Trois
grandes étapes ont été mises en évidence : les lendemains de la guerre franco-prusienne de
1870, l’après Première Guerre mondiale et la crise des années 1930. Après la guerre de 1870,
les dépenses militaires augmentent plus vite que précédemment. Les dépenses publiques
passent alors de 7 500 millions de francs constants en 1868 à 14 500 millions en 1871. Après
le conflit de 1914-1918, le scenario est identique. Les dépenses publiques passent de 19
milliards de francs constants en 1915 à 59 milliards en 1922. Enfin, après la crise des années
1930, la croissance des dépenses publiques reprend.
Enfin, Louis Fontvieille met en évidence une croissance alternée des dépenses publiques.
Celles-ci évoluent de façon inverse aux mouvements de longue période de Kondratieff. Les
phases A de prospérité économique sont marquées par une régression relative des dépenses
publiques alors que les phases B se caractérisent par une progression plus rapide. Les progrès
de l’État en phase de dépression seraient liés à une rupture dans l’accumulation du capital : la
dévalorisation. Les fluctuations sont plus évidentes encore pour ce que Louis Fontvieille
appelle les dépenses liées à la régulation.
Il faut donc distinguer les fonctions liées à la régulation du système économique aux
fonctions non liées. Les premières ont « pour effet d’accentuer la dévalorisation »10. Parmi
celles-ci, l’action sociale nous intéresse plus particulièrement dans la mesure où elle participe
à la reproduction de la force de travail. Dans cette perspective, les dépenses de santé
permettent de prolonger l’utilisation de la force de travail et contribuent donc à diminuer les
coûts. Enfin, elles élèvent les capacités productives de la force de travail, augmentant par la
même occasion à la croissance de la productivité du travail. A contrario, les fonctions non
liées à la régulation « ne font qu’assurer le bon fonctionnement et la perpétuation de ces
rapports sociaux »11.
Pendant les périodes de croissance, la priorité est donnée aux dépenses pour le capital
constant, ce qui implique la faiblesse des sommes consacrées à la force de travail. Cette
situation entraîne, à terme, un déséquilibre entre les forces productives qui freine leur
efficacité. Les dépenses sociales restent faibles car le processus de dévalorisation du capital
rend inutile toute intervention des pouvoirs publics. En revanche, durant les phases B, une
procédure de revalorisation du capital variable est mise en œuvre. Tous les travaux menés,
dans cette perspective théorique, sur des sujets comme les dépenses hospitalières12, ou
l’éducation13 constatent une progression contracyclique pour les trois premiers cycles de
Kondratieff.
Cette approche repose sur l'évolution de la seule structure productive en phase B et
explique la transformation du mode de production capitaliste (Fontvieille, 1989). Cette
10
Fontvieille L., op. cit., p. 1966.
ibid., p. 1995.
12
Domin J.-P., Évolution et croissance de longue période du système hospitalier français (1803-1993),
Économies et sociétés, série AF, volume 34, n° 3, 2000, p. 71-133.
13
Michel S., Éducation et croissance économique en longue période, Paris, Éditions L'Harmattan, 1999.
11
4
évolution est sans effet durant la phase de difficultés dans la mesure où la croissance du
chômage l'empêche. Mais, elle doit permettre de redynamiser l'activité et d'accroître la
demande au début de la phase A. La revalorisation de la force de travail se traduit donc par
une « action sélective » sur les investissements, favorisant le développement du capital
variable et les économies sur le travail passé.
La revalorisation de la force de travail se manifeste par des transformations sociales. En
effet, la phase B inaugure une période de luttes en faveur de la satisfaction de nouveaux
besoins sociaux. Ceux-ci ne peuvent plus être satisfaits que par une élévation du pouvoir
d'achat. Par exemple, les années 1820-1850 inaugurent une transformation profonde du procès
de travail et de la force de travail salariée, qui s'est urbanisée progressivement. Cette
évolution se manifeste par une évolution parallèle des rémunérations et des qualifications
bouleversant les modes de consommation. Les entreprises participent à cet effort par des
formes de dévalorisations internes (mise en service d'un chauffage gratuit aux salariés,
construction de logements, services collectifs, …). La revalorisation de la force de travail
passe également par la création d'institutions sociales publiques et privées afin d'assurer la
reproduction de la force de travail.
Cette transformation nécessite un financement efficace. Celui-ci s'opère par un
prélèvement sur la plus-value. La prise en compte de ces besoins ne peut se faire que sur la
base d'un capital dévalorisé, créant ainsi une nouvelle baisse du taux de profit. Les dépenses
publiques ont permis, en phase B, d'élever la qualité de la force de travail et de rétablir
l'équilibre en faveur des forces productives. À la fin de la période de difficultés, la maind’œuvre dispose donc d'une part accrue dans la richesse produite. Cette évolution favorise une
relance de l'accumulation sur des bases nouvelles dans la mesure où la progression des
dépenses sociales accroît le niveau de consommation.
La thèse de la revalorisation de la force de travail suscite dès le début une controverse au
sein de l’école de la régulation systémique. Le premier désaccord repose sur le terme de
revalorisation qui signifie un relèvement de la valeur, une réévaluation qui se traduirait par
une augmentation du capital variable par rapport au capital constant. Cette analyse est, pour
certains, contestable dans la mesure où le rapport salaire/prix ne renseigne pas sur l'évolution
sanitaire et sociale. D'autre part, la phase de difficultés en cours serait marquée par un
renforcement de l'exploitation de la force de travail et l'insatisfaction de la demande sociale.
Paul Boccara admet l'existence d'innovations sociales pendant les phases B, mais constate
également un renforcement des méthodes d'exploitation de la force de travail14. En réponse,
Louis Fontvieille analyse la revalorisation de la force de travail comme une réduction du taux
de plus-value. Pour Paul Boccara, il s'agirait plutôt d'une utilisation de la force de travail
comme un capital dévalorisé par des innovations sociales. Il ne peut donc s'agir d'une
revalorisation de la force de travail qui équivaudrait à l'augmentation de la part des salaires
dans la valeur créée par la main-d’œuvre.
La thèse du développement des hommes est avancée par Louis Fontvieille et constitue un
dépassement de la thèse de la revalorisation de la force de travail 15. En effet, le cycle de
Kondratieff débuté en 1945 se caractérise non par une logique contracyclique, mais plutôt par
une croissance procyclique des dépenses d’éducation. Cette évolution s’impose en raison des
limites théoriques de cette dernière approche qui passe sous silence la transformation
économique opérée par les dépenses sociales. Cette approche montre que certaines dépenses
14
Boccara P., Sur la communication de Louis Fontvieille, Issues, n° 36, 1989, p. 108-113.
Fontvieille L., Education growth and long cycles. The case of France in the 19th and 20th centuries, G T. (dir),
Education and economic developpment since the industrial revolution, Valencia, Generalitat valanciana, 1990, p.
311-342.
15
5
affectées d’abord à la force de travail peuvent trouver un autre type d’utilisation. L’éducation
en offre une illustration parfaite dans la mesure où elle permet de satisfaire des besoins
culturels16.
La valeur affectée au développement des hommes par une dévalorisation structurelle en
phase B est reproduite et garantit une part du surproduit acquis au terme du processus de
production. D’autre part, cette même valeur entre dans la reproduction et n’est donc pas
assimilable par le capital. Il s’agit bien d’une forme nouvelle. Les dépenses consacrées au
développement des hommes s’élèvent en phase de crise afin de résoudre les contradictions
inhérentes au mode de production capitaliste et favorisent la construction d’une forme sociale
nouvelle qui ne fonctionne pas dans une logique marchande.
Le fonctionnement de cette nouvelle forme sociale est différent dans la mesure où il ne
repose plus sur la mise en valeur d’un capital, mais plutôt sur un prélèvement effectué sur un
surproduit. Ainsi, avec la croissance économique retrouvée, la nouvelle forme sociale absorbe
une partie de ce surproduit. Il apparaît alors que la valeur dégagée par le travail se décompose
en trois parties : le salaire direct, une partie socialisée destinée à satisfaire les besoins
collectifs et une troisième partie sous la forme d’une plus value destinée à la reproduction
élargie du capital.
Le développement des hommes suppose que toute forme capitaliste engendre une forme
sociale obéissant à une logique différente. L’exemple de l’éducation est significatif de cette
évolution.
1.2. La protection sociale : un compromis institutionnalisé
La théorie de la régulation salariale s’inscrit également dans la perspective marxiste mais
souhaite l’amender et la compléter à la lumière de travaux plus récents. L’idée est de dépasser
l’approche en termes de baisse tendancielle du taux de profit pour lui préférer celle de régime
d’accumulation17. L’un des apports principaux de la théorie de la régulation est d’avoir
montré que l’issue du conflit capital versus travail a une influence sur le rapport
d’exploitation. La théorie de la régulation a pour objectif d’appréhender l’ampleur des
changements au sein des rapports sociaux. L’État n’est plus seulement que l’agent du capital,
c’est également le vecteur des compromis institutionnalisés18.
Les travaux menés sur cette question ont montré que l’action sociale résulte d’un rapport
de force entre l’État et la force de travail (1.2.1.) et favorise l’émergence d’un compromis
institutionnalisé (1.2.2.).
1.2.1. L’action sociale : l’expression d’un rapport de force entre État et force de travail
L'analyse des dépenses publiques sur la période 1870-1980 met en évidence deux traits
majeurs : l'affaiblissement récent de la dépense militaire et l'augmentation et la diversification
des dépenses civiles. Il est intéressant de constater que Christine André et Robert Delorme
refusent l'interprétation fonctionnelle. L'affaiblissement des dépenses militaires est selon eux
assez récent. Jusqu'en 1945, l'État a agi en deux temps : d'abord le financement de la
préparation de la guerre et les dépenses liées au conflit. Ensuite, l'État a financé les
réparations et payé la dette. De 1872 à 1938, celles-ci ont représenté près des deux tiers des
16
Fontvieille L. et Michel S., Cycles longs et éducation : une évaluation des transformations de la croissance, La
Pensée, n° 333, 2003, p. 19-36.
17
Boyer R., La théorie de la régulation : une analyse critique, Paris, Éditions de la Découverte, 1986.
18
Boyer R., Théorie de la régulation. 1. Les fondamentaux, Paris, Éditions de la Découverte, 2004.
6
dépenses. Enfin, les dépenses consacrées aux pouvoirs publics se sont maintenues de 10 à
15 % du total19.
En revanche, les dépenses civiles ont profondément évolué depuis 1870. L'élargissement
du secteur public constitue une première explication. Sur la première phase (1872-1912), les
pouvoirs publics représentent le premier poste des dépenses, immédiatement suivi par les
transports et l'éducation. À cette époque, l'action sociale avoisine 3,4 % des dépenses de l'État
(1909) alors même que tous les autres domaines ne dépassent pas 1 % de l'intervention de
l'État. Entre les deux guerres, les pouvoirs publics, les transports et l'éducation se situent au
premier rang des dépenses. Mais, le poids des pensions aux anciens combattants augmente.
L'action sociale évolue profondément. Ce poste avoisine 3,2 % des dépenses publiques en
1929 et 6,0 % en 1938. Les dépenses d'éducation augmentent également en raison de l'effort
en matière de politique éducative (gratuité des premières classes, scolarisation accrue, …).
Après la Seconde Guerre mondiale, le poids de la dépense civile s'accroît et se diversifie.
L'intervention de l'État dans les mécanismes économiques se traduit par le financement du
commerce, de l'industrie et des dépenses de logement. L'action directe des autorités dans la
sphère marchande se transforme et devient sélective à partir des années 1960.
Les auteurs constatent la place croissante des transferts après la Seconde Guerre mondiale,
alors qu'ils représentent la moitié des dépenses civiles à la fin de cette période. Leurs
fonctions évoluent également. Entre 1872 et 1912, ils vont principalement aux transports
(compagnies de chemin de fer et compagnies maritimes). Dès le début du XXe siècle, l'action
sociale, devient le premier poste des transferts. Après la Seconde Guerre mondiale, les
transferts se diversifient vers l'agriculture, le commerce, l'industrie, l'éducation et le logement.
Christine André et Robert Delorme, bien que se réclamant du matérialisme historique, ne
tirent pas les mêmes conclusions que Louis Fontvieille. Le système de protection sociale s'est
constitué progressivement dès la seconde moitié du XIXe siècle. Il prend la forme, à l'époque,
de caisses patronales ou de mutuelles. Pour Christine André et Robert Delorme, les débuts
réels de la socialisation du coût du travail datent de l'entre-deux-guerres. Ainsi, la Première
Guerre mondiale aurait joué un rôle important dans la mesure où l'organisation internationale
du travail a mis au jour le retard du système d'assurances sociales en France.
La profonde mutation du système industriel dans les années vingt a provoqué un
élargissement du salariat. Dans ces conditions, l’intervention de l'État en matière d'action
sociale devient nécessaire. Plusieurs domaines sont visés. L'amélioration des conditions de
travail constitue le premier axe de réflexion (baisse de la durée du travail, mise en œuvre des
congés payés et élaboration du droit du travail). La création d'un système d'assurances
sociales représente une avancée. Mais, il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale
pour voir se développer un système social généralisé à l'ensemble de la population. Plusieurs
actions sont menées (création de la Sécurité sociale, signatures de conventions entre syndicats
de médecins et la Caisse nationale d'assurance maladie pour accélérer la baisse des prix, …).
Ces actions participent, selon les auteurs, à la gestion par l'État de la force de travail.
L'intervention publique en matière sociale a essentiellement pour cible la population
ouvrière vivant en zone urbaine. Leurs revendications pour des conditions de vie meilleure
créaient des tensions permanentes qui favorisent l'émergence de solutions nouvelles. En effet,
le salaire direct ne permet pas de répondre aux problèmes d'insécurité sociale dans la mesure
où il n’est qu'un salaire de subsistance ne permettant pas l'épargne. D'autre part, les initiatives
privées en matière d'assurances sociales restent limitées.
19
Delorme R. et André C., L'État et l'économie, un essai d'explication de l'évolution des dépenses publiques en
France, 1870-1980, Paris, Éditions du Seuil, 1983.
7
Les salaires, notamment les salaires ouvriers, sont trop faibles pour permettre la mise en
œuvre d'une activité d'assurance. Le niveau des cotisations est trop élevé et exclue les
populations les moins favorisées. En outre, il n'existe aucune règle en la matière, le système
est trop lourd à mettre en place et en cas de faillite aucun droit ne garantit les salariés. C’est
d'ailleurs en ce sens que le législateur intervient en 1894-1895. Selon cette thèse, l'élaboration
d'un système de protection sociale serait issue d'un processus de négociations entre l'État et la
force de travail. Ainsi, les « victoires sociales » ne seraient pas nées d'une initiative publique,
mais plutôt d'un accord nécessaire pour réduire les tensions. C'est la thèse du « compromis
institutionnalisé ».
1.2.2. L'État social : expression d'un compromis institutionnalisé
Il existe, selon Christine André et Robert Delorme, un groupe de dépenses particulières :
l'enseignement et la Sécurité sociale. Ces deux types de dépenses relèvent du compromis
institutionnalisé20. À l'origine de celui-ci, on trouve une situation de conflit entre des groupes
sociaux-économiques. En ce qui concerne l'éducation, l'État et l'Église s'opposent. Pour les
assurances sociales, la situation est semblable. Une population ouvrière, majoritairement
salariée et soumise à certaines formes d'insécurité sociale, s'oppose au patronat allié aux
pouvoirs publics refusant d'intervenir dans des relations strictement professionnelles. Dans
ces conditions, aucune des forces en présence n'est assez dominante pour imposer ses choix. Il
s'en suit un long processus de négociation aboutissant à la conclusion d'un accord.
Le compromis institutionnalisé se distingue de l'institutionnalisation autoritaire (comme
ont pu le faire la Première République ou l'Empire). Les tensions nées des oppositions entre
classes favorisent la négociation et l'intervention de l'État. Les compromis institutionnalisés
« résultent d'une situation de tension et de conflits entre groupes sociaux économiques
pendant une période longue à l'issue de laquelle une forme d'organisation est mise en place,
créant des règles, des droits et des obligations par les parties prenantes »21. Cette définition
s'inscrit pleinement dans une logique de régulation. Pendant les phases de difficultés, les
tensions et les conflits nés de la déstructuration de l'ancien mode de régulation favorisent la
négociation et aboutissent à la mise en œuvre de nouvelles structures sociales.
Le compromis porte avant tout sur l'unification et l'obligation du changement.
L'intervention publique aura pour effet d'imposer à l'ensemble des acteurs les modifications,
mais permettra toutefois la persistance de certaines formes anciennes. Dans le cas de
l'éducation, cela s'est traduit par la cohabitation d'un enseignement public et privé. Pour la
Sécurité sociale, la mise en place d'un système obligatoire pour les travailleurs salariés
cohabitait avec des régimes particuliers (professionnels ou locaux) issus des luttes anciennes.
Pour Christine André et Robert Delorme, le compromis repose sur le cadre auquel
l'ensemble de la population se conforme. Toutefois, l'État-providence est aujourd'hui en crise.
Celle-ci n'est pas seulement financière. C'est également une crise d'efficacité se traduisant par
une inflation des coûts et par un résultat assez décevant et qui peut déboucher, à terme, sur
une crise de légitimité de l'État. Cette situation de difficulté devrait se conclure par une
réforme du système. En effet, la crise de l'État-providence génère inéluctablement des
tensions conduisant à de nouvelles formes de régulation.
L'école de la régulation salariale propose une relecture historique de la protection sociale et
tente d'analyser ses liens avec l'économie. Robert Boyer a montré que, pendant les trente
glorieuses, la lutte contre les inégalités était compatible avec les ressorts de la croissance
20
Delorme R. et André C., op. cit., p. 671-674.
André C., État-providence et compromis institutionnalisé. Des origines à la crise contemporaine, Boyer R. et
Saillard Y. (dir), Théorie de la régulation, l'état des savoirs, Paris, Éditions la Découverte, 1995, p. 144-152.
21
8
économique22. La Sécurité sociale constituait ce que l'auteur appelle le compromis fordiste et
devait permettre une diffusion générale du niveau de vie (stimulation de la demande de biens
de consommation et de biens de production). La croissance de l'État pouvait stabiliser la
conjoncture et réduire les risques de chômage. L'intérêt du compromis fordiste23 pour le
système capitaliste reposait sur l'acceptation par les travailleurs de l'impératif de
modernisation.
Le cercle vertueux de la croissance fordiste fonctionnait grâce à la synergie entre
l'efficacité économique et la justice sociale. Le mode de régulation monopoliste de l'aprèsguerre devait permettre la réduction des disparités salariales et assurait le partage des fruits de
la croissance par l'ensemble des salariés. Cette conjonction favorable favorisa la croissance
des gains de productivité ainsi que l'efficience économique. De 1945 à 1973, les deux
systèmes cohabitèrent de façon correcte. Comme le souligne H. Bertrand : « Le modèle
d'après-guerre était un puissant facteur de cohésion sociale (...) il offrait en permanence une
solution aux conflits sociaux »24.
À partir de 1973, la montée de la crise économique provoqua des tensions entre la justice
sociale et l'efficacité économique. Le dispositif de protection sociale devait néanmoins
permettre d'atténuer l'ampleur de la crise et son impact social. Mais, la Sécurité sociale n'a pas
assuré le retour d'une nouvelle dynamique économique et n'a pas répondu à la montée des
exclusions nées de la crise. Aujourd'hui, le système est à la croisée des chemins. La rigueur
budgétaire imposée par les contraintes de la monnaie unique semblent interdire toute tentative
de réforme. Mais, un choix est devenu nécessaire sur le modèle de protection sociale à
favoriser. Deux voies sont principalement explorées. Une première, expérimentée aux ÉtatsUnis, privilégie le talent individuel au détriment de l'égalité et de la distribution des revenus.
Une seconde, que l'on peut qualifier de sociale-démocrate, favorise la cohésion de la société
autour d'institutions collectives.
Il faut donc analyser le compromis institutionnalisé comme l'émergence d'un mode de
régulation assurant la cohérence du système économique. Cette théorie explique, dans une
perspective historique, les processus d'ajustement macroéconomique où les interventions
publiques sont nécessaires. Néanmoins, on ne peut réduire le système de protection sociale à
une simple forme de l'État. En effet, comme le pense Bruno Théret, la société serait un
ensemble d'ordres hétérogènes nécessitant pour sa reproduction le jeu de système mixte. Dans
cette perspective, l'auteur pense que l'État-providence est plutôt l'alliance de l'État et du bienêtre des citoyens et non pas une partie intégrante de cet État25. Les différentes recherches
menées sur la question du Welfare state ont souligné le fait qu'il existerait, à cet égard, une
pluralité de conceptions26.
22
Boyer R., Justice sociale et performances économiques : de l'alliance cachée au conflit ouvert ? , Paris,
CEPREMAP, 1991.
23
Le concept de compromis fordiste met en œuvre le rapport salarial fordiste qui est la forme de l'échange social,
organisée autour d'une augmentation du pouvoir d'achat contre des gains de productivité. C'est de cette manière
que les groupes sociaux se sont constitués et ont inventé un compromis nouveau : le développement de la
consommation de masse allait de pair avec la modernisation des systèmes productifs. On pourra lire à ce sujet
Bertrand H., Rapport salarial et système d'emploi, Boyer R. et Saillard Y. (dir), Théorie de la régulation. L'état
des savoirs, Paris, Éditions La Découverte, 1995, p. 126-134.
24
Bertrand H., France, modernisations et piétinements, Boyer R. (dir), Capitalismes fin de siècle, Paris, Puf,
1986, p. 67-105.
25
Théret B., De la comparabilité des systèmes nationaux de protection sociale dans les sociétés salariales : essai
d'analyse structurale, Comparer les systèmes de protection sociale en Europe. Rencontres de Berlin, Paris,
DREES-MiRe, 1996, p. 439-503.
26
Lautier B., L'État et le social, Théret B. (dir), L'État, La finance et le social, souveraineté nationale et
construction européenne, Paris, Éditions La Découverte, 1995, p. 483-508.
9
1.3. Une analyse historique des systèmes d’assurance maladie
Une analyse sur l’institutionnalisation des solidarités permet de comprendre comment le
système est passé progressivement d’une régulation concurrentielle à une régulation
conventionnelle prenant trois formes successives.
Dans le modèle de la régulation concurrentielle, le patient n’est couvert par aucun
dispositif de socialisation (modèle du patient non solvable). Le prix de l’acte médical
constitue le régulateur du système de soins puisque toute perturbation se caractérise par sa
dépréciation. Le système ne peut donc pas se développer durablement puisqu’il ne s’adresse
qu’à la demande solvable. Cette organisation de la santé est donc injuste et inefficace
puisqu’elle nie la notion de besoins de santé et n’est réservée qu’à une petite partie de la
population.
À partir des années 1890, la crise devient évidente, elle se combine à une à une crise
démographique. Les pouvoirs publics acceptent l’idée d’une réforme. Celle-ci se traduit par
une socialisation prenant la forme de l’assistance (du 15 juillet 1893) et de l’assurance (loi du
1er avril 1898). La première offre des soins gratuits aux personnes sans ressources. Elle
s’intègre dans une stratégie politique visant à aider médicalement des individus valides ou
momentanément invalidés afin de leur rendre leur liberté et de les réintégrer sur le marché du
travail27. La loi permet enfin à l’État de récupérer les ressources de pouvoir de l’Église
catholique28. La seconde, la loi du 1er avril 1898 dite Charte de la Mutualité rénove en
profondeur le statut, qui datait de la loi du 15 juillet 1850 et du décret du 28 mars 1852, crée
trois types de sociétés (libres, approuvées et reconnues d’utilité publique) et leur reconnaît un
rôle actif dans la protection sociale29.
Le vote de ces deux lois constitue un tournant dans le sens de la socialisation de la
dépenses. En 1890, 3 % de la population totale bénéficie d’une couverture sociale. En 1913,
le taux de couverture avoisine 17 %. Dans le même temps, la dépense de santé socialisée est
passée est passée de 8 à 140 millions de francs constants 1905-191330 (cf Graphique 1).
D’abord réticents à ces législations accusées de nier le paiement à l’acte, les praticiens vont
s’organiser afin de définir un barème national s’imposant pour toutes les prestations réalisées
sur des malades socialisés et de mettre en place des règles déontologiques pour éviter les
pratiques de rabais31. Le patient est progressivement couvert par un dispositif de socialisation.
La régulation concurrentielle s’efface progressivement devant une régulation conventionnelle
primaire.
Après la Première guerre mondiale, la nécessité de construire un système de santé socialisé
se renforce. Le conflit a causé a tué plus de 1,3 millions d’hommes, 250 000 civils et est
responsable d’un déficit de 1,4 millions de naissances. L’argumentaire démographique et
hygiéniste est donc au cœur des débats sur les assurances sociales. Une première loi est
promulguée le 5 avril 1928. Mais après un long mouvement de protestation des médecins
libéraux, une seconde loi est promulguée le 30 avril 1930. Elle affirme le paiement à l’acte,
mais les conventions signées entre les représentants de la profession et les caisses
27
Bec C., Les politiques d'assistance : de l'intégration à la relégation, La revue de l'IRES, n° 30, 1999, p. 72-92.
Théret B., Les dépenses d'enseignement et d'assistance en France au XIXe siècle : une réévaluation de la
rupture républicaine, Annales Économie, Sociétés, Civilisations, volume 46, n° 6, 1991, p. 1335-1374.
29
Dreyfus M., Histoire de la Mutualité, Saint-Jours Y. (dir), Traité de Sécurité sociale, Paris, LGDJ, 1990, p. 951.
30
Domin J.-P., Crise sociale et institutionnalisation des solidarités : une application au système de santé (18901940), Guillaume P. (dir), Les solidarités (2). Du terroir à l'État., Bordeaux, Éditions de la MSH d'Aquitaine,
2003, p. 73-93.
31
Steffen M., Les médecins et l'État en France, Politiques et management public, volume 5, n° 3, 1987, p. 19-39.
28
10
d’assurances sociales définissent un tarif de responsabilité qui garantit un niveau minimum de
remboursement à l’assuré.
160 000 000
18%
140 000 000
16%
14%
120 000 000
12%
100 000 000
10%
80 000 000
8%
60 000 000
6%
40 000 000
4%
20 000 000
Pourcentage de la population totale
Francs constants 1905-1913
Graphique n° 1
Évolution comparée des dépenses de santé socialisées et de la population couverte entre
1890 et 1912
2%
-
0%
1890
1892
1894
1896
1898
1900
1902
1904
1906
1908
1910
1912
Dˇpenses de santˇ socialisˇes
Part de la population couverte
Le dispositif repose dorénavant sur une régulation conventionnelle simple. Avec le vote
des lois sur les assurances sociales (1928-1930), le système se transforme en profondeur dans
la mesure où le conventionnement permet à la profession de déterminer conjointement avec
les caisses d’assurances sociales les tarifs. Ces derniers permettent un remboursement partiel
aux patients. Même si les assurances sociales sont en partie inefficace, la régulation
conventionnelle simple donne au patient des droits à prestations. Dans les faits, les assurances
sociales assurent le développement de la socialisation de la santé. En 1920 15 % de la
population totale est couverte par un dispositif de socialisation, en 1934 46 % de la population
est couverte. Dans le même temps, la dépense socialisée est passée de 78 à 326 millions de
francs constants 1905-1913.
En 1945, la création de la Sécurité sociale couronne cette évolution de longue période et
permet l’émergence d’une régulation conventionnelle élargie augmentant la solvabilisation de
la demande. Dorénavant, le conventionnement est élargi. En effet, le patient bénéficie de
nouveaux droits à prestations sociales et est associé à la gestion de la Sécurité sociale par
l’intermédiaire des organisations syndicales. À partir de 1960, la politique du
conventionnement oblige les praticiens à signer les conventions afin de renforcer les droits
des patients (modèle du patient assuré social).
Aujourd’hui ce modèle historique est contesté par les politiques économiques de santé,
s’appuyant de façon croissante sur la logique néo-classique des incitations. Le patient assuré
social cède la place au malade gestionnaire de son capital santé (Batifoulier, Domin, Gadreau,
2008). Progressivement, une régulation marchande de la santé s’instaure.
Graphique n° 2
Évolution comparée des dépenses de santé socialisées et de la population couverte entre
1920 et 1934
11
50%
400 000 000
45%
350 000 000
40%
300 000 000
35%
250 000 000
30%
25%
200 000 000
20%
150 000 000
15%
100 000 000
10%
50 000 000
5%
0%
1920 1921 1922 1923 1924 1925 1926 1927 1928 1929 1930 1931 1932 1933 1934
Dˇpenses de santˇ socialisˇes
Part de la population couverte
2. La crise actuelle favorisera-t-elle une sortie par le haut ? Une application
au système de santé
La phase de crise actuelle semble constituer un contre-exemple parfait. Des politiques de
freinage des dépenses et de diminution des coûts sont mises en œuvre depuis le milieu des
années 1970. Elles coïncident avec un changement de référentiel de politiques publiques, mais
se déclinent de façon différente suivant les périodes32. Dans un premier temps, les pouvoirs
publics ont favorisé des mesures centrées sur l’offre. Durant la phase de stagflation, (19751983), Un dispositif de limitation du nombre de diplômes délivrés (numerus clausus), institué
en 1971, est renforcé. Il a pour objectif de réduire l’offre de soins censée participer à la
croissance de la demande. La période de désinflation compétitive (1983-1993) marque une
certaine continuité politique (resserrement du numerus clausus, mise en place des taux
directeurs et du budget global, …). Elle est complétée par une tentative de désocialisation de
la demande de soins (développement d’un secteur 2 dit à honoraires libres). Mais, ces mesures
se révèlent vite financièrement inefficaces et socialement inégalitaires.
Un premier revirement a lieu au milieu des années 1990 avec une forte affirmation des
préférences béveridgiennes des élites (renforcement du poids décisionnel législatif,
fiscalisation du financement, réforme de l’offre publique de soins, …). Dans le même temps,
la tutelle abandonne toute tentative de réforme de l’offre privée de soins qui est trop risquée
au plan politique. Depuis le début des années 2000, la politique économique de santé prône
une régulation par la demande. La théorie économique des anticipations rationnelles, en
soutenant que les mesures keynésiennes sont non seulement stériles, mais également nuisibles
pour l’économie capitaliste, a contribué à cette évolution. Désormais, la politique économique
de santé repose sur un système complexe d’incitations censées orienter le comportement des
individus. C’est dans ce sens qu’il faut y voir une évolution marchande.
32
Barbier J.-C. et Théret B., Le nouveau système français de protection sociale, Paris, Éditions de la Découverte,
2004.
12
Les mesures prises depuis le début des années 2000 ne vont pas dans le sens d’un
accroissement de la socialisation. La loi de réforme de l’assurance maladie du 13 août 2004
montre la voie dans ce domaine en pénalisant les comportements déviants et en transférant
une part croissante de la dépense vers l’Assurance maladie complémentaire.
L’individualisation croissante du risque santé constitue une rupture paradigmatique en ce
sens que tout ce qui reposait auparavant sur le collectif est transféré à l’individuel (2.1.).
L’exemple de l’assurance maladie complémentaire est sur ce point caractéristique (2.2.).
2.1. L’individualisation croissante du risque : une rupture paradigmatique
Alors qu’au XIXe siècle, les périodes de crise se traduisaient par une socialisation
croissante de la dépense de santé, la phase actuelle tend à favoriser le retour à l’individu. Le
malade est forcément appréhendé comme un profiteur qu’il faut encadrer par un dispositif
d’incitations. Le risque santé devient progressivement une affaire individuelle (2.1.1.) ce qui
constitue en soi une rupture paradigmatique (2.1.2.).
2.1.1. Le risque santé : une affaire individuelle
Depuis la fin des années 1980, la thèse de l’agence constitue un thème majeur de
recherches en sciences économiques33. L’économie de la santé n’a pas échappé à cette
évolution34. Le déterminisme comportemental est devenu l’explication principale à la
croissance des dépenses35. En économie de l’assurance, la relation d’agence entraîne un aléa
moral ex ante et un aléa moral ex post.
L’aléa moral de première espèce (risque moral ex ante) suppose que l'individu relâche sa
vigilance en raison de l’efficacité de son assurance. Il peut s’observer dans le cas de
comportements à risque (tabac, alcool, …). Dans un système assurantiel, l’assureur ne
distingue pas les individus qui font de la prévention. Ainsi, l’absence d’internalisation
inciterait-elle les assurés à diminuer leurs efforts de prévention. L’existence de ce risque fait
l’objet de débats en assurance maladie. Pour certains, l’arrivée de nouveaux traitements contre
l’infection à VIH a coïncidé avec une augmentation des comportements à risques36. Mais,
d’autres travaux montrent que le fait d’être assuré n’entraîne pas de comportements de ce
type37. Une franchise doit permettre d’inciter les assurés sociaux à la prévention pour des
pathologies n’entraînant que de faibles variations de l’état de santé38.
L’aléa moral de seconde espèce (risque moral ex post) peut se définir ainsi : l’assuré, une
fois le risque survenu, consomme davantage de soins que son état ne le nécessite.
Contrairement à l’approche traditionnelle des contrats, l’asymétrie d’information n’est pas
nécessaire à la manifestation du risque moral. Dans ce cas, les différents états de la nature
(processus de soins, incertitude sur l’efficacité des traitements, relation d’agence entre le
malade et le praticien) empêchent la mise en œuvre de transferts forfaitaires.
La problématique de la responsabilisation des assurés sociaux s’inscrit dans cette
perspective théorique. Elle est présentée comme le seul remède à la crise de l’assurance
33
Coriat B. et Weinstein O., Les nouvelles théories de l'entreprise, Paris, LGF, 1995.
Benamouzig D., La santé au miroir de l'économie., Paris, Puf, 2005.
35
Kessler D., L'avenir de la protection sociale, Commentaire, volume 22, n° 87, 1999, p. 619-632.
36
Geoffard P.-Y. et Méchoulan S., Comportements sexuels risqués et incitations. L'impact des nouveaux
traitements sur la prévention du VIH, Revue économique, volume 55, n° 5, 2004, p. 883-900.
37
Henriet D., Assurance maladie : intervention publique et rôle de la concurrence, Revue d'économie politique,
volume 114, n° 5, 2004, p. 587-594.
38
Bardey D. et Lesur R., Contrat d'assurance maladie optimal et risque moral ex ante. Comment peut-on
s'affranchir d'une franchise ?, Revue économique, volume 55, n° 5, 2004, p. 857-868.
34
13
maladie dans la mesure où celle-ci résulterait de la déresponsabilisation des assurés sociaux.
Toute la période qui a précédé le vote de la loi du 13 août 2004 a été marquée par le
développement d’une idéologie de la sanction stigmatisant les comportements déviants. La
critique des conséquences négatives des politiques progressistes constitue, comme le souligne
Albert Hirschman, le caractère principal de la rhétorique réactionnaire39.
L’État social repose sur l’idée de division de la responsabilité. Ainsi, le risque social est-il
partagé par la collectivité. En matière de protection sociale, le risque moral n’est pas
totalement absent, il trouve une traduction dès les années 1970 dans les dispositifs de type
ticket modérateur. Aujourd’hui, le thème de la responsabilisation des assurés sociaux prend
appui sur la notion de risque moral, qui elle-même est adossée à une matrice coupable40. Cette
moralisation croissante de l’État social se manifeste par la dénonciation du tricheur (c’est-àdire de celui qui profite indûment des aides sociales).
Cette moralisation de la question sociale n’est pas foncièrement récente, elle s’est
développée avec le VIIe Plan (1975-1980). Il constitue une première adaptation du système
économique et social à la crise et se caractérise par une contradiction entre une planification
sociale mieux intégrée et une logique de gestion de la crise qui prend appui sur la
subordination de la justice distributive à la justice productive41. Dans les faits, la politique
sociale du VIIe Plan va se réduire à deux grands axes : la sélectivité des prestations et la
solidarité envers les plus démunis. Cette logique revient alors à un encadrement social de la
stratégie économique42.
Ce discours moralisateur s’inscrit dans une culture de la culpabilité. Celle-ci diffère de la
culture de la honte. Dans cette dernière, tout acte trouve une justification de la part de son
auteur qui l’attribue à un esprit malveillant et qui souffre de sa publicité. La honte déclenche
donc une intériorisation progressive. En revanche, la culture de la culpabilité suppose que la
faute et sa sanction soient d’emblée intériorisées. Chaque individu possède son propre
système de contrôle social.
2.1.2. Une rupture paradigmatique
Le développement d’une théorie du risque en matière de santé constitue donc a nos yeux
une rupture paradigmatique dans la mesure où elle remet en question la socialisation de la
santé.
Dans un article désormais célèbre, François Ewald et Denis Kessler proposent de célébrer
les noces du risque et de la politique43. La démocratie du risque viendrait clore le cycle de la
démocratie politique, puis de la démocratie sociale en répartissant les risques sur tous les
individus. Dans ce cas, il s’agit plus d’un divorce (en l’occurrence pour faute, voire même
pour aléa de comportement) que de véritables noces. En effet, l’émergence d’un droit social à
la fin du XIXe siècle résulte d’un compromis permettant de dépasser « l’opposition originelle
entre droit au travail et droit à la propriété »44. Le droit social s’appuie sur la contribution de
l’ensemble de la collectivité (la socialisation) afin d’améliorer l’ensemble de la société.
39
Hirschman A. O., Deux siècles de réthorique réactionnaire, Paris, Fayard, 1991.
Murard N., La morale de la question sociale, Paris, Éditions la Dispute, 2003.
41
Stoléru L., Vaincre la pauvreté dans les pays riches, Paris, Éditions Flammarion, 1977.
42
Domin J.-P., La planification sanitaire comme élément de la croissance économique. Une réflexion
rétrospective sur le rôle du Commissariat général du Plan, Dupuis J.-M. et El Moudden C. (dir), Politiques
sociales et croissance économique, Paris, Éditions de l'Harmattan, 2002, p. 63-79.
43
Ewald F. et Kessler D., Les noces du risque et de la politique, Le débat, n° 109, 2000, p. 55-72.
44
Donzelot J., L'invention du Social. Essai sur le déclin des passions politiques, Paris, Éditions du Seuil, 1994.
40
14
De la fin du XIXe siècle, c’est-à-dire du vote des premières lois sociales (assistance
médicale gratuite, Charte de la mutualité, …), jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale,
plusieurs stades vont se succéder dans la constitution de l’État social moderne. À chaque
étape, la socialisation se développe. L’ordonnance du 4 octobre 1945 couronne cette évolution
en mettant en place un système financé par des cotisations. Le préambule de la Constitution
du 27 octobre 1946 cimente ce nouveau droit en précisant que la nation « garantit à tous,
notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé … ».
En faisant référence à une nouvelle approche par les risques, François Ewald et Denis
Kessler proposent un changement en profondeur du régime salarial issu du compromis de
194545. En effet, la référence au risque permet d’évacuer du rapport salarial toute une série de
droits liés. Cette évolution suppose donc une rupture paradigmatique légitimant le passage
d’une société du droit (en l’occurrence à la santé) à une société du risque. Alors que, dans la
première, le rapport salarial repose sur une série de droits financés par des mécanismes de
cotisations, dans la seconde, l’État et les compagnies d’assurance se répartissent les risques
dans une perspective d’individualisation croissante des droits.
La rupture est d’autant plus grande qu’à l’origine, les travaux sur le risque s’inscrivent
dans la perspective de la gouvernementalité46. Or, en insistant sur le risque sanitaire, François
Ewald poursuit la réflexion entamée dans l’État providence sur ce qu’il appelle la société
assurantielle. Son approche du risque, comme le souligne Christophe Ramaux, est
profondément liée au mal47. Or, la maladie n’est pas qu’un incident génétique et
comportemental, elle peut être le fruit d’autres facteurs (environnement, travail, …). La
référence croissante à l’aléa de comportement en matière d’assurance maladie participe
également à l’individualisation de la santé qui participe à l’essor du marché de l’assurance48.
2.2. L’impossible égalité d’accès à l’assurance maladie complémentaire
La politique économique de santé tente dorénavant d’inciter les individus à adopter un
comportement économe, notamment par des techniques de copaiement49. L’incitation à
souscrire un contrat d’assurance maladie complémentaire prolonge cette approche.
En reportant une partie de la dépense sur le secteur de l’assurance maladie
complémentaire, la loi du 13 août 2004 de réforme de l’assurance maladie conforte les
inégalités persistantes dans un domaine qui est en effet caractérisé par des différences
importantes dans les garanties offertes. Les contrats proposés vont du meilleur au plus
mauvais (2.2.1.). La mise en œuvre de mesures d’aide à l’achat de complémentaire ne
répondent pas aux problèmes posés (2.2.2.).
2.2.1. Les questions liées au transfert de la dépense vers l’assurance maladie complémentaire
45
Ewald F. et Kessler D., op. cit., p. 55-72.
Après la mort de Michel Foucault, bon nombre de travaux vont lier la gouvernementalité et les risques
sociaux. La théorie du risque est donc, dans un premier temps, indissociable de l’approche en termes de biopouvoir. Sur cette question, on pourra se reporter à Burchell G., Gordon C. et Miller P. (dir), The Foucault effect.
Studies in governmentality, Chicago, The University of Chicago Press, 1991. François Ewald précise d’ailleurs
en 2002 dans un entretien à la revue Esprit que la référence au risque est profondément liée aux questions de
pouvoir.
47
Ramaux C., Quelle théorie pour l’État social ? Apports et limites de la référence assurantielle, Revue française
des affaires sociales, volume 61, n° 1, 2007, p. 13-34.
48
Castel R., L'insécurité sociale. Qu'est ce qu'être protégé ?, Paris, Éditions du Seuil, 2003.
49
Batifoulier P., Domin J.-P. et Gadreau M., La gouvernance de l'assurance maladie au risque d'un État social
marchand, Économie appliquée, volume 60, n° 1, 2007, p. 101-126.
46
15
Depuis le début des années 2000, la part de la Sécurité sociale s’est réduite en raison d’un
désengagement croissant et d’une pénalisation des assurés sociaux (cf. Graphique n° 3). La
part de la dépense prise en charge par l’assurance maladie obligatoire tend à s’accroître. Elle
était de 12,8 % en 2000 contre 13,8 % en 2009. À cette date, elle atteint 24 milliards d’euros.
Les organismes complémentaires d’assurance maladie prennent de plus en plus en charge les
autres biens médicaux (optique, prothèse, …). La part des assurés sociaux, le reste à charge, a
également augmenté. Il atteint 16,4 milliards en 2009. Le reste a charge est particulièrement
élevé en optique, pour les frais dentaires et pour les médicaments. La mise en œuvre d’une
franchise de cinquante centimes sur les boîtes de médicament en 2008 explique en partie
l’augmentation du reste à charge qui est à l’origine de renoncement aux soins50.
Graphique n° 3.
Le financement de la dépense de santé de 1980 à 2009
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
1980
1990
1995
Sécurité sociale
2000
État et CMU-C
2004
2005
2006
Assurance maladie complémentaire
2007
2008
2009
Ménages
Le recours croissant à l’assurance maladie complémentaire pose de nombreux problèmes.
L’inégalité des garanties proposées en constitue un exemple significatif. L'enquête Protection
sociale complémentaire d'entreprise (PSCE) de l'IRDES propose une première typologie en
distinguant quatre niveaux de prise en charge51. Le premier (classe 1) rassemble des contrats
aux garanties faibles en optique et en dentaire (34 % des contrats, 34 % des salariés). La
classe 2 (contrats aux garanties moyennes en optique et en dentaire) concerne 39 % des
contrats, 40 % des salariés. La classe 3 est constituée de contrats aux garanties fortes en
optique (18 % des contrats, 16 % des salariés). Enfin, le dernier niveau (classe 4) s'articule
autour de contrats aux garanties fortes en dentaire (9 % des contrats, 10 % des salariés).
Une seconde typologie résulte d'une étude de la DREES reposant sur des données qui
émanent des organismes assureurs. La classe D propose des contrats d'entrée de gamme
offrant les garanties les plus basses. Deux catégories intermédiaires (classes C et B) proposent
respectivement des contrats standards avec certaines prestations de référence et des contrats
50
Kambia-Chopin B. et Perronnin M., Les franchises ont-elles modifié le comportement d'achat de médicaments
?, Questions d'économie de la santé, n° 158, 2010.
51
Francesconi C., Perronnin M. et Rochereau T., La complémentaire maladie d'entreprise : niveaux de garanties
des contrats selon les catégories de salariés et le secteur d'activité, Questions d'économie de la santé, n° 112,
2006.
16
apportant une meilleure couverture en dentaire. Enfin, les contrats dits haut de gamme (classe
A) qui offrent des remboursements assez élevés pour toutes les prestations52.
Des inégalités persistent entre les contrats collectifs et ceux souscrits individuellement. Les
premiers sont majoritaires, ils sont proposés aux salariés de quatre établissements sur dix
(hors administration et secteur agricole). La majorité des personnes bénéficie d'un contrat de
couverture complémentaire d'entreprise à caractère obligatoire. Ces contrats sont plus
favorables aux salariés que les contrats individuels, ce qui renforce évidemment les inégalités.
Les contrats individuels offrent de moins bonnes garanties que les contrats collectifs53
(Couffinhal, Perronnin, 2004). Les contrats d’entrée de gamme sont plus souvent souscrits de
façon individuelle (15 %) que de manière collective (5 %) et prévoient essentiellement des
remboursements du ticket modérateur. A contrario, les contrats haut de gamme sont
majoritairement collectifs (11 %) et offrent des garanties deux à trois fois supérieures à celles
des contrats standards (Arnould, Rattier, Raynaud, 2006).
Si les contrats collectifs restent plus avantageux que ceux concluent individuellement, ils
n’empêchent pas les inégalités entre les salariés en fonction de leurs statuts, de leur catégorie
ou de leur entreprise. Les salariés des grandes entreprises sont mieux couverts que ceux des
petites et moyennes entreprises (Turquet, 2006). L'enquête PSCE de l'IRDES confirme que
les cadres cumulent des avantages plus nombreux que les non-cadres et qu'ils bénéficient
également de régimes catégoriels plus efficaces et de niveaux de garantie plus élevés
(Francesconi, Perronnin, Rochereau, 2006). Des inégalités existent également entre les
grosses et les petites entreprises54.
Les complémentaires les plus favorables sont aussi inégalement distribuées. Elles sont
obtenues à 60 % en lien avec l’entreprise et leur qualité est corrélée avec la position du salarié
dans l’entreprise et la puissance de celle-ci (Turquet, 2004b). Les complémentaires
d’entreprise les plus généreuses concernent davantage les cadres supérieurs, que les employés
ou ouvriers, les salariés des grandes entreprises que ceux des petites (Turquet, 2004a). Ainsi,
un cadre sur trois accède, via sa complémentaire d'entreprise, à des garanties élevées en
optique et dentaire contre un non-cadre sur cinq.
Dans les faits, les inégalités s’ajoutent à celles déjà existantes : les salariés précaires, les
chômeurs et les inactifs peuvent bénéficier d’une couverture complémentaire individuelle ou
de la couverture maladie universelle complémentaire, mais dans des conditions beaucoup
moins favorables que celles des contrats collectifs. Les personnes qui perdent leur travail
perdent également leur mutuelle et ne souscrivent pas forcément un contrat individuel. Nous
avions parlé à ce propos d’une double peine55.
2.2.2. L’inefficacité des mécanismes correcteurs
La réduction de la couverture sociale générée par une politique de retrait de l’assurance
maladie obligatoire pose des problèmes d’équité et introduit des barrières nouvelles à l’entrée
du système de soins, notamment pour les malades non solvables. Certains doivent renoncer
aux soins en raison de la politique incitative mise en œuvre. Face à ces inégalités, l’État social
52
Arnould M.-L., Rattier M.-O. et Raynaud D., Les contrats d'assurance maladie complémentaire, une typologie
en 2003, Études et résultats, n° 490, 2006.
53
Couffinhal A. et Perronnin M., Accès à la couverture complémentaire maladie en France : une comparaison
des niveaux de remboursements, Questions d'économie de la santé, n° 80, 2004.
54
Guillaume S. et Rochereau T., La protection sociale complémentaire collective : des situations diverses selon
les entreprises, Questions d'économie de la santé, n° 155, 2010.
55
Abecassis P., Coutinet N. et Domin J.-P., Logiques industrielles versus droits sociaux : une application au
secteur de l'assurance maladie complémentaire, Domin J.-P., Maric M., Delabruyère S. et Hédoin C. (dir), Audelà des droits économiques et des droits politiques, les droits sociaux, Paris, L'Harmattan, 2008, p. 153-166.
17
doit donc mettre en œuvre des mécanismes correcteurs afin de palier ces dysfonctionnements.
L’instauration de la couverture maladie universelle en a constitué en 1999 un premier
exemple.
La CMU a contribué à l’évolution de la structure de la population sans couverture
complémentaire. Le poids des personnes sans couverture est passé de 12 % en 1998 à 8 % en
2002. Cette population est majoritairement jeune et pauvre et comprend une forte proportion
de personnes sans emplois. Toutefois, la part de personnes âgées de 65 ans et plus a tendance
à croître. Enfin, la proportion de revenus inférieurs à 690 € par unité de consommation
diminue ainsi que la proportion de personnes vivant dans un ménage dont le chef de famille
est sans emploi.
Néanmoins, un nouveau dispositif de correction s’est justifié aux yeux du législateur, dans
un souci d’égalité d’accès au système de santé, dans la mesure où les taux de remboursement
de l’assurance maladie obligatoire sont restés faibles pour les petits risques (optique,
dentaire). D’autre part, le faible seuil de la CMUC (570 €) génère des effets de seuil : des
personnes modestes ne peuvent bénéficier de la CMUC gratuite parce qu’ils ont un revenu
supérieur à 570 €. Ces mêmes personnes ne bénéficient pas d’une couverture d’entreprise ou
ont des moyens trop faibles pour acquérir une assurance maladie complémentaire
individuelle. Ainsi, 17,5 % des personnes disposant de moins de 550 € de revenu mensuel par
ménage ne sont pas couvertes. En revanche, parmi ceux dont le revenu dépasse 1 300 €, 4 %
ne bénéficient d’aucune couverture56.
L’aide à l’acquisition d’une couverture maladie complémentaire prévue par la loi du 13
août 2004 constitue un nouveau dispositif de correction. Son objectif est de pallier les
différences entre les individus dans la souscription d’une couverture complémentaire et de
corriger les effets de seuils liés à l’existence de la CMUC. Mais, la réduction de ces effets
reste un objectif difficilement réalisable. Toutefois, les effets de ce nouveau dispositif
correcteur restent assez limités. En février 2006, 203 000 personnes bénéficient de cette aide,
soient 10 % seulement de la population-cible. La montée en charge est régulière, mais
relativement lente. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006 a déjà relevé le
montant de l’allocation (de 100 € pour les individus de moins de vingt-cinq ans à 400 € pour
ceux de plus de soixante) afin d’attirer de nouvelles personnes.
La Cour des comptes a relativisé dans son rapport 2006 les effets de correction d’inégalité
de ce dispositif. En effet, le taux de reste à charge sur la prime d'assurance reste assez
important. Les projections réalisées par le fonds CMU sont éloquentes. Ainsi, pour un couple
de personnes de plus de 60 ans, l'aide est de 800 €. Le reste à charge pour un contrat au coût
annuel de 1 371 € est de 571 €, ce qui représente un demi-mois de revenu du minimum
vieillesse (soit 1 094,80 € par mois). Des travaux plus récents insistent sur l’importance du
reste à charge moyen (389 €) qui représente 4,5 % du revenu annuel des ménages57.
Pour que ce dispositif augmente son efficacité en termes d’égalité, il faudrait mettre en
œuvre une aide dégressive à l’acquisition correspondant à 1,5 Smic de revenu par unité de
consommation (soit 2,5 plafonds de la CMU). La solution serait de prendre en charge la
totalité de la cotisation d’assurance maladie complémentaire pour les ménages dont les
revenus ne dépassent pas le seuil de la CMU, la moitié pour des revenus équivalents au Smic
et 16 % de la cotisation pour les ménages ayant des revenus correspondant à 1,3 Smic. Une
politique de ce type ne serait peut-être pas suffisante pour assurer un taux de couverture
56
Cornilleau G., Hagneré C. et Ventelou B., Assurance maladie : soins de court terme et traitement à long terme,
Revue de l'OFCE, n° 91, 2004, p. 269-332.
57
Franc C. et Perronnin M., Aide à l'acquisition d'une assurance maladie complémentaire : une première
évaluation du dispositif ACS, Questions d'économie de la santé, n° 121, 2007.
18
équivalent aux revenus de plus de 1 300 €. Elle permettrait seulement un taux de couverture
de 90 % pour l’ensemble des tranches de revenus58.
Mais, le coût d’une mesure de ce type serait forcément élevé (3,6 milliards d’euros), c’està-dire 2,6 fois les dépenses actuelles de CMU, ou encore 5 points de dépenses de soins de
ville remboursables (honoraires, analyses, médicaments et autres biens). Pour l’instant, les
pouvoirs publics ont limité cette politique dans la mesure où l’aide à l’acquisition d’une
assurance maladie complémentaire est possible pour les ménages dont le revenu est inférieur
à 1,15 plafond de la CMU. La politique mise en œuvre aujourd’hui ne suffit pas à assurer
l’équité d’accès aux soins.
Conclusion
La phase de crise actuelle marque une évolution par rapport aux phases précédentes. Si ces
dernières se sont caractérisées par une tendance à la socialisation de la dépense, la période
actuelle est marquée par un recul des droits sociaux. L’influence grandissante de la théorie de
l’agence est en grande partie responsable de cette évolution. Le malade est devenu
responsable en raison de son comportement dépensier de la croissance des dépenses. La seule
solution pour la politique économique de santé est de l’inciter à minorer sa consommation par
le développement de l’AMC. Cette solution ne garantit aucunement une baisse des dépenses
de santé, mais elle génère des inégalités.
Le recours à l’AMC pose en effet des problèmes d’égalité d’accès aux soins. En effet, si la
part couverte de la population ne cesse d’augmenter (91 % actuellement contre 30 % en
1960), les contrats proposés vont du meilleur au plus mauvais. Les inégalités qui existent sur
le marché du travail sont ainsi reproduites, sur le marché de l’assurance maladie
complémentaire. Les salariés en général ont plus de chances que les chômeurs de bénéficier
d’une couverture santé. Les cadres en particulier ont la possibilité d’être couverts par un
contrat avec de bonnes garanties, ce qui n’est pas toujours le cas pour les non-cadres.
L’accès a une complémentaire est donc devenu désormais un privilège dû à la position
salariale. Cette situation est aggravée par la part croissante du reste à charge des ménages qui
correspond 9,4 % de la CSBM, soit un niveau proche de celui de 1995. La mise en place
d’une politique d’incitations (participation forfaitaire, franchises, …) à partir de 2004 a pesé
sur la situation des plus fragiles et a entraîné des renoncements aux soins que les correctifs
(aides à l’acquisition d’une complémentaire santé, …) n’arrivent pas à résoudre.
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