Nabil LAAMOURI Dissertation de Macroéconomie Conférence de M. Fabrice BITTNER Mercredi 29 avril 2009 Le budget Américain est-il un rempart à la récession ? Dissertation Lundi 16 février 2009, le plan de relance proposé par M. Barack Obama a été adopté par le Congrès américain, au terme d'un vaste débat sur l'efficacité des mesures prévues. Immédiatement après son investiture, le nouveau Président s'est attelé à négocier avec les membres du Congrès son premier acte politique majeur: le montant et le contenu du plan de relance budgétaire qu'il veut mettre en œuvre pour que les Etats-Unis échappent à une longue récession. La réunion de l'American Economic Association de début janvier 2009 a souligné combien les économistes américains réputés convenables, hier majoritairement drapés dans la rigueur budgétaire, sont désormais presque tous devenus des zélateurs du déficit public massif. Jusqu'à Martin Feldstein, héraut du libéralisme économique et chantre du conservatisme politique déclarant que "relancer l'économie requiert un vaste effort budgétaire fait de baisses d'impôts et de dépenses publiques accrues". Le plan de relance du président Obama semble être principalement basé sur une stimulation budgétaire dont la mise en œuvre est loin de faire l’objet d’un consensus de tous les économistes. Quel est l’état des lieux de l’économie Américain aujourd’hui ? Quelle est la réponse de la politique budgétaire face aux prévisions d’une forte récession ? ces mesure budgétaire sont-elles suffisantes pour faire face à la récession ? 1. Crise économique et réponse insuffisante de la politique monétaire: 1.1. Une situation économique désastreuse Si la relance keynésienne a pu s'imposer comme la nouvelle doxa des économistes outreAtlantique, c'est que, sans stimuli publics, la situation économique des Etats-Unis apparaît désespérée, et ce pour plusieurs raisons. Il y a d'abord l'héritage pitoyable du 1 gouvernement Bush. Quel que soit l'angle retenu (croissance, chômage, finance, déficit extérieur, déficit budgétaire, inégalités, etc.), George W. Bush laisse au nouveau Président un tableau de bord où tous les indicateurs sont au rouge. La crise des subprimes est venue témoigner que les rares années de dynamisme économique entre 2004 et 2007 (2,8% de croissance en moyenne annuelle) n'étaient dues qu'à une bulle immobilière nourrie par les excès spéculatifs de la finance. Sur le plan de l'emploi, et c'est ce qui inquiète tous les dirigeants politiques et les économistes américains aujourd'hui: en 2008, les Etats-Unis ont détruit 2,6 millions d'emplois, dont 1 480 000 pendant le seul dernier trimestre, après la faillite de la banque d'affaires Lehman Brothers. C'est une dégradation extrêmement rapide comme l'Amérique n'en avait pas connue depuis l'époque de la Grande Dépression dans les années 1930. 7,2% de la population active américaine sont aujourd'hui sans travail, soit 11 millions de chômeurs. Mais le plus dur pourrait être à venir. Selon un rapport récent de Christina Romer et Jared Bernstein, respectivement à la tête du Conseil d'analyse économique d'Obama et conseiller économique du vice-président Joe Biden, sans effort de relance approprié, 3 à 4 millions d'emplois supplémentaires pourraient être détruits dans les prochains mois, portant le taux de chômage au-delà de 10%. Le manque de revenus et de soutien à la consommation qui en résulterait, dans une situation où les banques et les marchés financiers réduisent les possibilités d'emprunt, entraînerait un long plongeon de l'économie américaine dans la récession. Selon les dernières prévisions du Congressional Budget Office (CBO), un think tank parlementaire très écouté, le produit intérieur brut (PIB) chuterait de 2,2% cette année. Et la récession entamée en décembre 2007 pourrait durer au moins dix-neuf mois, soit la plus longue crise depuis la Seconde Guerre mondiale. Quant à la légère reprise envisagée à partir de la fin de l'année 2009, elle ne serait pas suffisante pour améliorer de manière significative la situation de l'emploi, laissant les Etats-Unis dans un régime de faible croissance pendant plusieurs années. 2 Un déficit budgétaire record 1.2. Une politique monétaire insuffisante Face à cette multiplicité des facteurs de récession, la politique monétaire a atteint une bonne partie de ses limites. La Fed, la Banque centrale américaine, a déjà ramené à 0,25% son taux directeur, qui influence directement le taux auquel les banques se prêtent entre elles. Il n'y a donc quasiment plus de marges de manœuvre du côté d'une baisse du coût de financement des banques auprès de la Banque centrale ou entre elles. De plus, avec la perspective d'un ralentissement profond et durable de l'activité, il existe un risque certain de déflation. Ce qui ferait monter les taux d'intérêt réels, une fois les variations de prix prises en compte, et rendrait le crédit cher en dépit de la faiblesse des taux nominaux. Au-delà de sa politique des taux, la Fed n'a pas perdu toutes ses marges de manœuvre. Celles-ci se trouvent désormais dans ce que les économistes appellent une politique "non conventionnelle", voire "hétérodoxe". Elle consiste, lorsque la banque centrale ne peut plus agir sur le prix du crédit, à influencer sa quantité. Elle le fait en achetant directement des titres d'emprunts à court terme émis par les entreprises, ce qu'elle avait fait pour plus de 300 milliards de dollars à la mi-janvier. De la même façon, la mise en œuvre de la politique annoncée fin novembre 2008 de rachats (pouvant aller jusqu'à 500 milliards de dollars) de créances immobilières a permis de faire baisser le taux d'emprunt logement à trente ans, revenu autour de 5%, niveau le plus faible depuis plusieurs décennies. 3 La politique monétaire tire donc encore quelques cartouches pour aider l'activité. Mais de manière insuffisante pour en espérer une reprise active de l'économie. La politique budgétaire est donc appelée à la rescousse. 2. La politique budgétaire : un rempart contre la récession ? 2.1. Le plan de relance Compte tenu du ralentissement de l'activité, donc des recettes fiscales, et de l'augmentation des dépenses liées à la montée du chômage et de la pauvreté, auxquelles s'ajoutent le coût du sauvetage du système financier, le déficit budgétaire américain passerait, selon les prévisions du CBO, de 455 milliards de dollars en 2008 à environ 1 200 milliards en 2009. Soit un bond de 3,2% à 8,3% du PIB, battant largement les records précédents. Et pourtant, l'effet d'entraînement de la croissance d'un tel déficit ne permettrait que de limiter l'ampleur de la récession, pas de l'éviter. Le taux de chômage resterait compris entre 8% et 9%. Le plan de relance du nouveau président Américain M. Obama et son équipe a été présenté devant les parlementaires dès le début janvier 2009. Ce nouveau plan de relance est estimé à 825 milliards de dollars étalés sur deux ans et qui s'ajouterait au déficit prévu pour l'emmener vers 11% du PIB. Cet effort de soutien supplémentaire à l'activité est d'autant plus réalisable qu'il pourrait ne pas coûter trop cher en termes de progression de la dette publique: les taux d'intérêt des emprunts publics à long terme, qui restent prisés pour l'instant par les investisseurs, peu tentés par des paris risqués, sont en effet faibles, entre 2% et 2,5% à dix ans. Par ailleurs, avant tout plan de relance, la dette publique, quoiqu'en forte progression, ne devrait s'établir qu'à 50% du PIB en 2009, selon le CBO. Comment seraient utilisés ces 825 milliards? Le détail du plan fait justement l'objet de négociations. Mais, dans ses grandes lignes, il est censé se partager entre deux tiers de dépenses supplémentaires et un tiers de baisses d'impôts. Du côté des dépenses, un effort massif d'investissements publics serait réalisé en matière de réhabilitation et de développement des infrastructures publiques, ainsi que d'investissements verts. De même, le plan prévoit une aide aux Etats pour compenser la baisse des recettes fiscales qui les contraint à diminuer leurs dépenses, ce qui ajoute au ralentissement d'activité. 4 Du côté des impôts, le plan du président Obama prévoit une baisse de l'imposition des classes moyennes de 500 dollars par salarié et de 1 000 dollars par couple pour ceux gagnant moins de 200 000 dollars (150 000 euros), une aide aux foyers les plus défavorisés et une importante aide fiscale aux entreprises. Ces baisses d'impôts résultent à la fois des promesses du candidat et d'une volonté, notamment en ce qui concerne l'appui aux entreprises, d'obtenir le soutien des parlementaires républicains. 2.2. Les limites de la politique budgétaire face à la récession Depuis que ces lignes générales d'intervention budgétaire sont connues, un vaste débat s'est ouvert outre-Atlantique quant à l'efficacité des diverses mesures proposées. Le président Obama, pressé de mettre en œuvre son plan de relance, a passé les dernières semaines avant son investiture à affiner le contenu du plan afin de répondre aux principales critiques qui lui sont faites. Dans un souci louable de transparence, son équipe d'économistes a mis dans le débat public leurs propres estimations de l'efficacité attendue du plan. Christina Romer et Jared Bernstein ont ainsi tenté de calculer combien les 825 milliards de dollars créeraient de PIB supplémentaire et combien cette croissance en plus créerait d'emplois. D'après leurs calculs, à plein rendement, au dernier trimestre 2010, le plan permettrait de créer un peu plus de 3,6 millions d'emplois et de ramener le taux de chômage vers 7%, au lieu des 8,8% prévus sans sa mise en œuvre. Un résultat significatif, mais jugé insuffisant par nombre de parlementaires et d'économistes, suggérant que le plan peut encore être amélioré. Il y a d'abord la question du montant. Selon les estimations du CBO, l'économie américaine va produire en 2009 et 2010 à 6,8% en dessous de son potentiel. Avec un PIB de l'ordre de 15 000 milliards de dollars, cela veut dire qu'il va manquer en gros 1 000 milliards par an, soit 2 000 milliards de création de richesse pour 2009-2010. Barack Obama propose de dépenser 825 milliards: la partie qui sera dépensée pour les investissements publics va permettre de créer des emplois et de distribuer des salaires qui vont soutenir la consommation et la croissance. Un effet multiplicateur, comme disent les économistes, mais qui ne porte que sur une partie du plan. Un petit calcul rapide permet alors à l'économiste américain Paul Krugman (prix Nobel d’économie) de montrer que le plan de relance ne va combler qu'environ la moitié du potentiel de croissance perdu ! 5 Sur le plan fiscal, une étude de l'ONG Citizens for Tax Justice, a montré que la baisse d'impôts à destination des classes moyennes telle qu'elle est définie dans le plan de relance n'est pas particulièrement redistributive: les 20% de contribuables les plus aisés recevraient un quart de l'allégement fiscal, tandis que les 60% du bas de l'échelle ne s'en partageraient qu'un peu moins de la moitié. Or, ce sont les personnes relativement les plus pauvres qui dépensent le plus les suppléments de revenus qu'ils obtiennent. George W. Bush avait distribué au deuxième trimestre 2008 pour 78 milliards de baisses d'impôts non ciblées qui s'étaient traduites par 12 milliards seulement de consommation supplémentaire, l'essentiel ayant été épargné ou utilisé pour rembourser des dettes. Ainsi, l'aide accordée aux familles avec enfants de moins de 17 ans, dont les modalités seraient amendées dans le cadre du plan de relance afin de bénéficier aux familles les plus pauvres (les 60% des contribuables les plus pauvres récupérant 98% de l'aide, selon les calculs de Citizens for Tax Justice), sera-t-elle plus efficace pour soutenir la croissance. Conclusion D'après Larry Summers et Martin Feldstein, pour éviter une très forte récession aux EtatsUnis, il faut une politique budgétaire expansionniste pour accompagner la politique monétaire; pour Greg Mankiw , la politique monétaire suffira et la politique budgétaire est inopportune; pour The Economist , une politique budgétaire n'est pas urgente. Churchill déplorait dans une plaisanterie célèbre que lorsqu'il réunissait 4 économistes à propos d'un problème, il obtenait 4 avis différents; et même 5 avis différents si l'un d'entre eux était J.M. Keynes. Cette question de l'opportunité d'une politique budgétaire expansionniste lui donne un peu raison : ces positions différentes ne sont pas assises sur des différences théoriques – tous ces auteurs se fondent sur le même corpus keynésien pour leurs préconisations; bien qu'étant d'accord sur les outils, les préconisations sont différentes. Le tout dans un contexte dans lequel la probabilité de récession aux USA a tendance à augmenter. Ce qui fait les différences de points de vue, c'est que si tous s'accordent pour considérer que l'économie américaine va passer une mauvaise deuxième année 2009, l'ampleur des difficultés à venir est inconnue. Quant aux mesures budgétaires annoncées pour faire face à une récession certaine, la stimulation budgétaire, au vue des différents points de vue des économistes, ne semble pas assez pour soutenir l'activité si effectivement la récession est forte, mais juste assez pour que la situation budgétaire du nouveau gouvernement soit un peu difficile. 6 Source : www.centreinfo.info http://econovie.canalblog.com http://alternatives-economiques.fr: blog de M. Christian CHAVAGNEUX http://news.bbc.co.uk: M. Obama stimulus plan http://www.observateurtunisie.com: Le budget révolutionnaire américain ou le défi majeur d'Obama 7