Afin de débuter ce travail, il est essentiel de définir trois concepts importants : le concept de pathologie et plus précisément de pathologie cardiovasculaire, le concept de dépendance orientée vers la dépendance tabagique et enfin le concept de l’accompagnement infirmier. La pathologie et la maladie cardio-vasculaire Au sein de cet écrit, le terme « pathologie » pourra être remplacé par le terme de « maladie ». « La pathologie, autrement dénommée maladie est un ensemble de symptômes ou de syndromes dus à une cause déterminée et à une lésion anatomique précise »1. La pathologie est donc en contradiction avec la santé telle que le définit l’OMS « non seulement comme l'absence de maladie mais comme un état de complet bien-être physique et moral ». La tradition hippocratique définit, elle, une notion de la maladie qui la rend plus universelle : la maladie est la même chez tous les Hommes, elle est « séparée de son support individuel et social, et coupé de toute implication divine ou surnaturelle »2. Notion contredite par Henri PEQUIGNOT car selon lui, « chacun de nous a des maladies successives ou simultanées et chacun de nous a des prédispositions très variée et très spécifiques ou des protections plus ou moins efficaces mais toujours très définies vis-à-vis de facteurs multiples de l’environnement, facteurs de l’environnement »3. « Nous ne sommes pas tous égaux devant la maladie » : l’auteur de cette citation est inconnu, puisse-t-il existé. Cependant, c’est une réalité : chaque Homme possède des facultés différentes à lutter contre la maladie. Elle s’exprime différemment d’un individu à l’autre. La thèse hippocratique est donc écartée, d’années en années, d’expériences en expériences, où l’on peux voir à quel point la diversité des situations médicales fait apparaître les exceptions, les rémissions spontanées, les maladies foudroyantes, handicapantes, mortelles. Chaque Homme réagit différemment à une maladie. « Premier vivant et dernier mourant, le cœur est insensible aux maladies » était ainsi le point de vue d’Aristote 4. Pline, lui, affirmait : « de tous les viscères, seul le cœur n’est pas altéré par les maladies et ne prolonge pas les souffrances de la vie ; blessé il cause la mort »5. Le cœur est un organe essentiel qui provoque la mort quand il défaille. Les visions du cœur et plus généralement de la pathologie cardiovasculaire ont évoluées tout au long de l’histoire de la médecine. Enfin, selon Jean-Nicolas Pathologie médicale à l’usage des infirmières, A. Molinier Sciences humaines et soins infirmiers, Evelyne Guez et Pablo Troianovski p.40 3 Encycopédia Universalis informatique version 10, Henri Pequignot 4 Les parties des animaux, Aristote 5 Histoire naturelle, Pline 1 2 CORVISART, « soit parce qu’il agit toujours, soit parce qu’il est exposé à être troublé sans cesse dans son action, [le cœur est] le plus exposé de tous les organes à être lésé dans sa structure »6. Le concept de maladie cardiaque et des vaisseaux est enfin introduit après avoir prétendu la toute puissance du palpitant. Elle peut être défini comme l’atteinte pathologique du cœur ou du réseau sanguin, les veines, artères et capillaires sanguins. Cependant la notion de facteurs de risques cardiovasculaire n’est introduite qu’après la Seconde Guerre Mondiale et on en dénombre aujourd’hui plus de 250. Parmi ces facteurs de risque, on retrouve l’alimentation (le cholestérol), l’activité physique, le stress et les pratique addictives et de dépendance à des produits toxiques dont le tabac. Le tabac est une cause non négligeable de maladies cardiovasculaires. Parmi celle-ci, on peut citer l’artériopathie athéromateuse des membres inférieurs ou artérite, la thrombo-angéite oblitérante ou maladie de Burger (« artérite » non athéromateuse), la maladie coronarienne, l’infarctus du myocarde, les lésions aortiques, les accidents vasculaires cérébraux, les phlébites et le syndrome de Raynaud.7 Je précise donc que mon sujet s’intéresse aux patients atteints d’une pathologie cardiovasculaire récemment découverte, c'est-à-dire aux patients présents en Unité de Soins Intensifs de Cardiologie. La dépendance au tabac et son sevrage La dépendance se défini comme un « état psychique et parfois physique résultant de l’interaction entre un organisme vivant et une substance, caractérisé par des réponses comportementales avec toujours une compulsion à prendre la substance de manière continue ou périodique, de façon à ressentir ses effets psychiques et parfois éviter l’inconfort de son absence. La tolérance (nécessité d’augmenter les doses) peut être présente ou non »8. Concernant plus précisément la dépendance au tabac, déjà en 1623, la notion de plaisir dans la consommation de tabac est abordée : « L’usage du tabac s’étend beaucoup, il conquiert les hommes grâce à un certain plaisir secret tel que ceux qui en ont pris l’habitude peuvent difficilement se restreindre ensuite »9. La notion de plaisir est ici associée également à celle de la dépendance ou assuétude. Même si la nicotine est responsable de la dépendance, une étude américaine a prouvée qu’on pouvait être dépendant même avec 2 cigarettes par semaines10. Les causes sont multiples : il a été prouvé que le sujet jeune est plus sensible à la nicotine que le sujet adulte. De plus, c’est un moyen d’intégration sociale, si cher pour les adolescents en Essai sur les maladies et les lésions organiques du cœur et des gros vaisseaux, Jean-Nicolas Corvisart Le tabac en 200 questions, Docteur Béatrice Le Maître 8 Définition de l’OMS de 1975 9 Francis Bacon, savant et philosophe 10 Revue spécialisée Tobacco Control, année 2002 6 7 quête de leur identité. Car il existe 3 types de dépendance : la dépendance physique ou pharmacologique, la dépendance comportementale et la dépendance psychologique. La dépendance pharmacologique se défini comme un besoin perpétuelle d’apport en nicotine. La nicotine a des effets psychoactifs : plaisir, effet anti-stress, stimulation intellectuelle, soutien pour le moral, effet coupe faim. Très vite, le cerveau réclame sa « dose » de nicotine : c’est la dépendance physique. Pour expliquer et définir la dépendance comportementale, je souhaite relater une situation. Une infirmière tabacologue s’entretient avec un patient hospitalisé depuis peu. Ce patient est fumeur. Il fume lors des temps de poses avec ses collègues. L’infirmière lui demande alors : « Etes-vous ensemble parce que vous fumer ou fumez-vous pour être ensemble ? ». C’est ainsi que se définit la dépendance comportementale, c’est utiliser la cigarette comme médiateur, comme moyen d’interagir avec son environnement, avec son entourage. Très vite, cette dépendance devient réflexe : une cigarette pour des moments quotidiens bien particuliers. Sans oublier, et la présente situation l’illustre bien, la convivialité peut également induire une consommation systématique de cigarette. Enfin, la dépendance psychologique. Le cerveau, qui a associé la consommation de cigarette à des effets psychoactifs, va libérer de la dopamine à chaque prise. C’est le mécanisme de la récompense. Le fumeur associera alors la consommation de cigarette à des situations stressantes, d’intense réflexion, … La cigarette est alors libératrice, accompagnante. Elle est parfois définit comme un « compagnon » car la cigarette est souvent consommé lors de situations conviviales mais paradoxalement est aussi consommée lors de temps solitaires. Pour résumer ces trois types de dépendance, on peut effectuer les rapprochements suivants : dans la dépendance pharmacologique, la cigarette est un objet de plaisir. Dans la dépendance comportementale, la cigarette est un médiateur entre le fumeur et son environnement. Dans la dépendance psychologique, la cigarette est un acteur qui accompagne le fumeur au quotidien. La dépendance au tabac est généralement l’association de ces trois types de dépendance plus ou moins proportionnés. La promiscuité de la relation entre le fumeur et la cigarette rend l’analyse de sa dépendance très fastidieuse. C’est pourtant un des principes du sevrage tabagique. Le sevrage tabagique est définit comme l’action de priver un toxicomane d’une drogue.11 Ici, le toxicomane est le fumeur et sa drogue est, la cigarette. Il est une tendance de définir le sevrage comme l’unique substitution nicotinique. Hors, le sevrage tabagique prend en compte la dimension comportementale, pharmacologique et psychologique de la dépendance et se doit donc d’agir sur chacune de celles-ci. En premier lieu, le fumeur prend du recul sur sa relation au toxique. Il analyse son comportement et définit les moments où il consomme, pourquoi il consomme, … En parallèle de ce travail, il est mis en place en cas de forte dépendance, un traitement de substitution nicotinique. En cas de mauvais dosage du substitut nicotinique, il peut y avoir un syndrome de manque : « manifestations consécutives à l’arrêt brutal ou à la réduction de la quantité de nicotine : pulsion à fumer, humeur triste ou dépressive, insomnie, irritabilité, frustration, colère, agitation, anxiété, difficultés de concentration, diminution du rythme cardiaque, augmentation de l’appétit ou augmentation du poids. »12 Le début de sevrage tabagique représentera dans ce travail la période d’hospitalisation pendant laquelle le patient est en surveillance après la découverte d’une phase aiguë d’une pathologie cardiovasculaire. Pendant cette hospitalisation, le patient ne peut pas fumer dans les locaux comme le stipule le décret n° 92-478 du 29 mai 1992 qui interdit et réprime l’usage du tabac dans les lieux affectés à l’usage collectif. Ce décret est conforté par le plus récent décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006. Cette période difficile pour le patient nécessite une aide et un accompagnement infirmier et plus généralement un prendre soin spécifique. L’accompagnement infirmier et le prendre soin « L'infirmier ou l'infirmière exerce sa profession dans le respect de la vie et de la personne humaine. Il respecte la dignité et l'intimité du patient et de la famille »13. C’est pour cela qu’il est préférable de parler d’accompagnement et de prendre soin et non d’assistanat ou de prise en charge afin de respecter l’intégrité et les libertés du patient. « La personne hospitalisée participe aux choix thérapeutiques qui la concernent. [Elle] est traitée avec égards. Ses croyances sont respectées »14. « L'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière comporte (…) la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d'éducation à la santé »15. L’ « aide et le soutien psychologique »16 font partie intégrante du rôle propre infirmier. 11 Encyclopoedia Universalis informatique version 10 Diagnostic and Statistical Manual IV (DSM4) 13 Décret n° 93-221 du 16 Février 1993, article 2 14 Charte du patient hospitalisé 15 Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004, article R. 4311-1 16 Décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004, article R. 4311-5 12 L’accompagnement, tel que je l’aborde dans mon travail, est axé essentiellement sur la dimension psychologique. Car si la substitution nicotinique est de mieux en mieux dosée et pallie donc à la dépendance pharmacologique, le patient souffre de sa dépendance comportementale et psychologique. La relation d’aide est basée sur l’ « écoute, (…) l’observation des attitudes, des gestes, et des plaintes évoquant une souffrance psychique »17. « L’infirmier est formé à tenir compte et à évaluer ces expressions de détresse et de mal être est donc mieux à même que le médecin et le personnel non qualifié de les repérer et d’y répondre »18. Et c’est bien de la réponse dont il est question : « chaque personne a ses solutions et ses problèmes »19. Comme le disait Confusius : « Si tu vois un homme qui a faim, ne lui donne pas de poisson, apprend lui à pêcher ». Et c’est bien sur cette métaphore célèbre que la relation d’aide prend tout son sens. L’infirmier accompagne le patient dans ses difficultés et l’aide à trouver des solutions à ses problèmes. 17 Sciences humaines et soins infirmiers, Evelyne Guez et Pablo Troianovski p.53 Sciences humaines et soins infirmiers, Evelyne Guez et Pablo Troianovski p.53 19 Postulat de Carl Roggers 18