DOSSIER N°1

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L’Asie du Sud et de l’Est
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DOSSIER N°4a
L’Asie du Sud et de l’Est : les défis de la population et de la
croissance.
Introduction :
Asie en assyrien ancien, se prononce « assu » pour désigner l’Est. L’Asie du
Sud et de l’Est, l’Asie méridionale (du Sud) réunit tous les pays de la péninsule
indienne, autour de l’Inde, voir carte 341, (Pakistan, Népal, Bhoutan, Bangladesh,
Sri Lanka, Maldives) tandis que l’Asie orientale réunit l’ensemble des pays
asiatiques de la façade pacifique (membres de l’APEC, sauf Corée du Nord).
Voir cartes p.342-343. Cet ensemble offre une certaine unité géographique
(des climats humides de mousson, des pays de civilisations du riz qui expliquent les
fortes densités de population enregistrées presque partout). Cet espace est marqué
par une croissance économique rapide et spectaculaire, résultat d’une adaptation
réussie des économies nationales aux impératifs de la mondialisation (surtout depuis
les années 1980). Cet espace réunit plus de 4 milliards d’habitants en 2017, soit plus
de 1/2 de la population mondiale.
Quels sont les défis posés par cette croissance spectaculaire ? Quelles
sont les ambitions de l’Asie du Sud et de l’Est dans la mondialisation ?
Pour y répondre, nous étudierons tout d’abord les défis du peuplement et de
l’urbanisation, puis ceux posés par la croissance économique, avant de terminer par
les disparités croissantes de cet ensemble géographique analysé à différentes
échelles.
I - LES DEFIS DU PEUPLEMENT ET DE L’URBANISATION : 1 heure
1 - Plus de la moitié de la population mondiale : carte p.342
L’Asie méridionale et orientale réunit plus de 4 milliards d’habitants, la
Chine (1,38 milliard d’habitants en 2017) et l’Inde (1,32 milliard d’habitants en
2017) étant les deux pays les plus peuplés du monde. L’Asie orientale possède
des densités de population parmi les plus élevées du monde (dans l’espace que
nous avons choisi d’étudier, les densités sont > à 100h/km² partout).
C’est en partie un héritage historique pour les zones rurales (civilisations
du riz qui nécessitent une main-d’œuvre nombreuse pour les travaux agricoles et
l’entretien des aménagements agricoles, dans le cadre de communautés rurales très
structurées où le sens du travail collectif est valorisé). C’est un héritage des
civilisations du riz, céréale qui nécessite beaucoup de main-d’œuvre et fournit des
récoltes abondantes, une céréale permettant jusqu’à trois récoltes par an.
Cependant, les dynamiques démographiques sont très contrastées (comparer Chine
et Inde).
2 - Deux défis démographiques majeurs :
Ce sont la maîtrise de la croissance démographique et le vieillissement de
la population d’abord (très prononcé au Japon : les chiffres fournis par l’INED en
2015 sont révélateurs en ce qui concerne l’ISF, indice synthétique de fécondité qui
L’Asie du Sud et de l’Est
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calcule le nombre d’enfants nés vivants par femme en âge de procréer soit de 15 à
49 ans, le renouvellement des générations étant assuré avec un indice théorique de
2, or les chiffres sont très variables d’un pays à l’autre : 1,2 seulement en Corée du
Sud, 1,3 à Singapour, 1,4 au Japon, 1,7 en Chine où la politique de l’enfant
unique mise en place de 1979 à 2015 et assouplie en 1984 dans les campagnes
et en 2013 dans les villes a fait lourdement chuter la natalité, et elle est remplacée
en 2015 par la politique des deux enfants, alors que l’Union indienne atteint le
chiffre de 2,3, le Vietnam 2,4, le Pakistan 3,8 et l’Afghanistan 4,9.
Les pays ayant un ISF faible doivent faire face au problème de la
diminution relative de la population active qui augmente les charges sociales et
ralentit la croissance économique, engendre un manque de dynamisme de la
population et un égoïsme des enfants uniques, tandis que les pays ayant un ISF
élevé doivent faire face à l’arrivée massive des jeunes dans le système éducatif
puis sur le marché du travail).
Défi commun à cet ensemble géographique est le déséquilibre entre les
sexes ensuite (héritage des cultures rurales où la jeune mariée entre dans la famille
du mari avec le versement d’une dot et ne pourra pas subvenir aux besoins de ses
parents, ce déséquilibre est très marqué depuis 1955, il s’observe également
dans les naissances depuis 1990 avec plus de naissances de garçons que de
filles, ce qui peut s’expliquer par la pratique de l’infanticide ou de l’avortement,
l’INED indique en Inde un ratio de 110 personnes de sexe masculin pour 100 de
sexe féminin, en Chine le ratio est de 115 en raison de la politique démographique
autoritaire, les démographes prévoient un ratio de 150 en Inde et en Chine en 2050
selon l’INED, ce qui combiné aux effets de la politique démographique chinoise
actuelle devrait faire baisser la population chinoise de 250Mh d’ici 2050, l’Inde
devenant alors le pays le plus peuplé du monde selon le démographe
Christophe Z. Guilmoto).
3 - Une urbanisation rapide et disparate : voir carte n°1 p. 342 et dossier
p.346/7
Cet espace a un taux d’urbanisation moyen, mais il possède les plus
grandes agglomérations du monde selon le WUP publié par l’ONU en 2014, dont
Tokyo (environ 38Mh, capitale du Japon et première mégapole du monde),
Delhi (26Mh, capitale de l’Inde et seconde mégapole mondiale), Shanghai
(24Mh en 2014, métropole de la Chine et troisième mégapole mondiale),
Mumbai (21Mh en 2014, métropole de l’Union indienne et 5 e mégapole
mondiale), Beijing (20Mh, capitale de la Chine et 7e mégapole mondiale).
Le Japon possède la première mégapole du monde (Tokyo, 38Mh), ainsi
que deux autres mégapoles majeures (Osaka qui réunit 20Mh et Nagoya).
L’ensemble forme la mégalopole japonaise devenue l’hypercentre de l’Asie
orientale (équivalent asiatique de la Mégalopolis).
La Corée du sud possède deux métropoles (Séoul et Pusan).
La Chine littorale est dominée par six mégapoles dont la croissance
démographique a été très rapide (Beijing ou Pékin la capitale, Chongqing,
Shanghai métropole économique et financière de la Chine, Hong Kong qui est
associée à Shenzhen et à Guangzhou ou Canton). Cette urbanisation est
inégalement maîtrisée comme on peut le constater avec les exemples de Shanghai
et de Mumbai. La croissance est maîtrisée dans les villes des pays du Nord (Japon,
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Corée du Sud, Taiwan et Singapour, ainsi qu’en Chine littorale, mais elle est mal
maîtrisée en Chine intérieure, ainsi qu’en Asie du Sud-Est et du Sud.
II - LES DEFIS POSES PAR LA CROISSANCE ECONOMIQUE : 1 heure
1 - L’Asie du Sud et de l’Est, principal pôle de croissance de l’économie
mondiale : carte p.343
Aujourd’hui la croissance économique de l’Asie orientale en fait l’espace en
développement le plus important du monde. Dans un contexte économique de crise
mondiale, tous les pays de l’Asie orientale affichent des taux de croissance élevés, à
l’exception du Japon (0,6% en 2015). Le PIB chinois a augmenté de 6,8%, celui de
l’Inde de 7,3% en 2015. Le poids de l’Asie du Sud et de l’Est dans l ‘économie
mondiale est donc considérable. Plus de 3.900Mh en 2015, soit 54% de la
population mondiale, 22.500Mds$ de PIB en 2014, soit 29% du PIB mondial.
Le Japon, 3e puissance économique du monde a bénéficié d’un passé
industriel (décollage dès le milieu du XIXe siècle, ère Meiji ou des Lumières de 1868
à 1911, Empereur Mutsuhito). Le PIB/h japonais est donc comparable à ceux des
pays d’Europe occidentale, ce qui est aussi le cas des 4 anciens dragons ou NPIA
(nouveaux pays industrialisés d’Asie : Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong,
Singapour) qui sont considérés aujourd’hui comme faisant partie des pays du
Nord.
Par contre, la Chine et les pays de l’ASEAN (marché commun de l’Asie du
Sud-Est créé en 1967) sont encore classés dans les pays du Sud (sauf
Singapour) en raison d’un PIB/h faible. Le « nouveau dragon » (Chine), les
« tigres » (Indonésie, Malaisie, Vietnam, Thaïlande) et les « bébés tigres » (Laos,
Cambodge, Birmanie) sont les « pays ateliers » du monde.
Les pays de l’Asie du Sud (Union indienne et pays voisins) sont eux-aussi
des PED, avec une population rurale plus importante et un retard marqué en matière
de développement économique (le Népal, dévasté par un séisme meurtrier en 2015,
le Pakistan et l‘Afghanistan, affaiblis par la guerre civile, sont des PMA).
2 - L’Asie du Sud et de l’Est, espace fortement intégré dans la mondialisation :
L’Asie orientale et méridionale fournit l’essentiel des consoles de jeux, des
lecteurs MP3, des appareils photo numériques, des télés écrans plats, des PC
portables, des téléphones mobiles produits dans le monde.
La Chine produit 70% des photocopieurs, 55% des appareils photo, 50% des
ordinateurs, 60% des bicyclettes, 50% des chaussures, 70% des jouets, 83% des
tracteurs et 43% des textiles vendus dans le monde en 2008. Les produits
manufacturés représentent plus de 70% des exportations chinoises : la Chine
est bien devenue le plus grand NPI du monde (un NPI a une production
industrielle > 25% PIB et consacre plus de 50% de ses exportations à des produits
manufacturés). La part des exportations chinoises dans les échanges mondiaux
est passée de 1,2% en 1983 à 7,5% en 2006 et 12,1% en 2013 (numéro 1
mondial). La Chine est aujourd’hui le pays le mieux intégré dans le commerce
mondial de marchandises.
L’Asie orientale et méridionale est traversée de flux commerciaux majeurs,
s’appuyant sur la première façade maritime du monde. Nous savons que l’Asie
orientale possède 16 des 20 premiers ports de commerce du monde (dont 13 en
L’Asie du Sud et de l’Est
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Chine) et 15 des premiers ports de conteneurs du monde (dont 9 en Chine) en
2013 (source IEM). Shanghai est le premier port de conteneurs du monde, devant
Singapour, avec plus de 30 millions d’EVP en 2013.
Singapour, cité Etat membre de l’ASEAN (marché commun de l’Asie du SE),
troisième port du monde par son trafic et second port mondial de conteneurs, est l’un
des plus grands hubs du monde (point central d’un réseau de transports où est
assuré un maximum de correspondances) et une plate-forme multimodale assurant
le relai entre différents modes de transport. La cité-Etat possède un CBD (centre des
affaires) avec bourse des valeurs, des sièges sociaux de FTN s’y trouvent.
Singapour est majoritairement peuplée de familles de la diaspora chinoise, qui
assure 25% des échanges internationaux de la Chine (d’où des flux informels
majeurs). Mais Singapour est aussi le centre d’une activité transfrontalière associant
les populations des pays voisins : triangle de prospérité SIJORI (Singapour, Johor,
Riau). Singapour délègue à ses voisins les activités portuaires secondaires et le
tourisme (surtout vers l’Indonésie) ainsi que les ateliers de production des zones
industrielles (surtout vers la Malaisie), la cité Etat se réservant le port de conteneurs
et les activités financières.
L’Inde n’a pas bénéficié d’une ouverture aussi rapide et précoce, et tente de
rattraper son retard depuis les années 1990 par la « politique du regard vers l’Est ».
Le nouveau PM indien, Narendra MODI, élu en mai 2014, a visité 33 pays pour
inciter les entreprises étrangères à s’installer en Inde (main-d’œuvre abondante et
bon marché, procédures administratives simplifiées), mais le pays manque
d’infrastructures adaptées, notamment en matière de transports, et la très large
autonomie des Etats qui composent l’Union indienne est un frein important (il y a des
taxes intérieures lorsqu’on passe d’un Etat indien à un autre).
III - LES DEFIS POSES PAR LES DISPARITES, A DIFFERENTES ECHELLES : 1
heure
1 - L’Asie du Sud et de l’Est, des disparités à l’échelle locale :
Au Japon, pays montagneux composé d’un archipel d’îles aux plaines côtières
étroites, se pose le problème de la rivalité pour l’occupation de l’espace littoral entre
l’habitat, les activités industrielles et les moyens de transport (les autoroutes
suspendues et les voies ferrées traversent des zones très densément peuplées), ce
qui fragilise les populations dans une zone très exposée aux risques majeurs
(séismes, tsunamis, cyclones).
Voir les effets du séisme de Sendai du 11 mars 2011, qui a désorganisé
l’économie japonaise en provoquant l’accident nucléaire de Fukushima. Nous savons
que des problèmes d’aménagement de l’espace urbanisé se posent dans tous les
Etats, comme à Mumbai.
2 - L’Asie du Sud et de l’Est, des disparités à l’échelle nationale :
Par exemple, l’organisation régionale du littoral chinois est le reflet d’une
dualité de l’espace chinois qui se retrouve dans tous les domaines (ce qui
correspond à la culture taoïste du yin et du yang).
La carte (carte p.357) montre que les territoires qui bénéficient de la
croissance chinoise sont tous situés sur le littoral, à l’exception de deux provinces du
centre. Ce sont aussi les provinces les plus riches, les plus densément peuplées. La
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Chine intérieure semble oubliée par la croissance (en particulier les provinces de
l’ouest où vivent les minorités musulmanes et bouddhistes, persécutées comme au
Tibet). Pourtant la Chine intérieure fournit au littoral la main-d’œuvre et l’énergie
nécessaires au dynamisme du littoral (barrage des Trois Gorges sur le Yangzi
achevé en 2003 après avoir déplacé 1,27 million de personnes, comportant une
retenue d’eau de 660km de long, devenu le plus grand barrage du monde en 2009
lors de sa mise en service).
Exemple d’une région chinoise, Le Xinjiang, située dans l’ancien Turkestan
oriental, au nord-ouest de la Chine, connaît de profonds changements et de grands
travaux d’aménagements pour intégrer ce territoire resté longtemps aux marges de
la croissance chinoise. Dossier pp.353-355.
3 - L’Asie du Sud et de l’Est, des disparités à l’échelle régionale :
(Commentaire de la carte n°1 p.350) Enfin, nous savons que cet espace ne
dispose pas de structures politiques communes aux Etats qui le composent, leurs
régimes politiques et leur situation économique étant très différentes, d’où les
tensions engendrées par les rivalités entre puissances.
Nous pouvons distinguer quatre grands ensembles.
1. Le Japon et les quatre « dragons » (Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong et
Singapour) sont des pays du Nord riches et développés, dont deux ont des régimes
politiques démocratiques (Japon et Corée du Sud). Hong Kong est un cas
particulier : territoire autonome rattaché à la Chine communiste, la ville bénéficie
d’une autonomie menacée. Les trois autres Etats sont très liés aux Etats-Unis, même
Taiwan qui n’est pourtant pas reconnu par les organisations internationales.
2. La Chine est la puissance dominante de l’Asie orientale (voir cours
d’Histoire) et elle s’efforce de rattacher à son territoire les provinces revendiquées
(Taiwan) tout en élargissant sa ZEE (Spratly). La Corée du Nord est un Etat enclavé
protégé par la Chine.
3. Les « tigres » et « bébés tigres » de l’Asie du Sud-Est, sont membres de
l’ASEAN (avec Singapour). Ce sont des pays de régime autoritaire, culturellement
très divers (Indonésie et Malaisie musulmanes et hindouistes, le reste bouddhiste),
qui connaissent une forte croissance économique (Vietnam) souvent dirigée par des
investisseurs de la diaspora chinoise, mais qui tentent de se libérer de l’influence
chinoise (accord du TPP signé par plusieurs pays de l’ASEAN).
4. L’Asie du Sud est dominée par l’Union indienne, devenue la 7 e puissance
économique mondiale en 2016 et qui tente de rattraper son retard économique par
une « politique de l’Est ». Cependant, l’Asie du Sud est fragilisée par les tensions
entre Hindouistes (majoritaires dans l’Union indienne) et Musulmans (majoritaires au
Pakistan, Afghanistan, Bangladesh), ainsi qu’avec les Bouddhistes (Sri Lanka).
Ainsi, l’Asie du Sud et de l’Est est confrontée à une multitude de défis, dont le
nombre et l’ampleur sont aux dimensions de cet espace. Le premier est le défi
démographique, dans ses différentes composantes, et celui de l’urbanisation
croissante. Le second est le défi de la croissance économique spectaculaire mais qui
doit être maîtrisée et prolongée dans la longue durée. Le troisième est le défi des
disparités multiples et des rivalités entre Etats et communautés diverses. Force est
de constater qu’à ces différents défis, les Etats asiatiques ont apporté des réponses
très diverses qui fragilisent la cohésion de cette « Asie des moussons » au rôle
essentiel dans le processus de mondialisation.
L’Asie du Sud et de l’Est
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BIBLIOGRAPHIE
• BENOIT B., SAUSAC R. (dir.), L’Asie, Bréal, 2010.
• BOILLOT J.-J, Géopolitique de l’Asie, SEDES, 2007. • BOUISSOU J.-M,
GODEMENT F., JAFFRELOT C., Les géants d’Asie en 2025, Picquier poche, 2012. •
PELLETIER P., Atlas du Japon ; après Fukushima, une société fragilisée, Autrement,
2012. • SANJUAN T., Atlas de la Chine : un monde sous tension, Autrement, 2013. •
SCOCCIMARRO R., « Le Japon : renouveau d’une puissance », La Documentation
photographique, n° 8076, La Documentation française, juillet août 2010.
Revues • Diplomatie, Les Grands Dossiers, n° 14, « Géopolitique de l’Inde ;
les défis de l’émergence », avril-mai 2013. • Diplomatie, Les Grands Dossiers, n° 20,
« Géopolitique de la Chine ; les défis de la puissance », avril-mai 2014. • Hérodote n°
150, « Regards géopolitiques sur la Chine », 2013. • Questions internationales, « La
Chine dans la mondialisation », La Documentation française, n° 32, juillet-août 2008.
• Questions internationales, « La Chine et la nouvelle Asie », La Documentation
française, n° 48, mars-avril 2011. • Questions internationales, « Le Japon », La
Documentation française, 2008.
Sites Internet • http://www.ladocumentationfrancaise.fr/motcle/c artothequethemes/transports-reseaux.shtml : De nombreuses cartes sur l’Asie sont disponibles
sur le site de la cartothèque de la Documentation photographique. •
http://cartographie.sciences-po.fr/fr/cartotheque : Des cartes sur l’Asie sur le site de
la cartothèque de Sciences Po Paris. • http://www.centreasia.eu/ Asia centre : des
documents et des comptes rendus de conférences sur l’Asie
L’Asie du Sud et de l’Est
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DOSSIER N°4c
Japon, Chine : concurrences régionales, ambitions mondiales.
Objectif : analyser deux puissances asiatiques qui sont fortement intégrées
dans le processus de mondialisation.
Le Japon est un empire démocratique, troisième puissance économique
mondiale depuis 2010, dont le territoire est limité à 378.000 km², pour une population
de 127Mh en milieu 2016, soit une densité de 336h/km². Le Japon fait partie des
pays du Nord, riches et développés, et il constitue un élément essentiel de la Triade.
La Chine est une république de régime communiste depuis 1949 (voir cours
d’Histoire), seconde puissance économique mondiale depuis 2010, dont le territoire
est un subcontinent de 9,6 millions de km² (3e rang mondial) peuplé de 1.380Mh en
milieu 2016 (1er rang mondial). C’est un pays du Sud, un PED qui fait partie des
puissances émergentes du BRICS.
Pourquoi ces deux Etats sont-ils en concurrence à l’échelle régionale ?
Quelles sont leurs ambitions mondiales respectives ?
Pour y répondre, nous verrons tout d’abord en quoi ces deux pays constituent
des modèles économiques pertinents, avant d’expliquer pourquoi ces deux Etats
s’affrontent à l’échelle régionale, ce qui nous permettra d’expliquer leurs ambitions
respectives à l’échelle mondiale.
I - JAPON, CHINE : DEUX PUISSANCES ECONOMIQUES OFFRANT DES
MODELES DIFFERENTS 1h
1 - Le Japon, modèle d’économie libérale.
a) Une économie extravertie :
Le Japon a joué un rôle pionnier dans le développement économique de l’Asie
orientale. Devenu une puissance industrielle dès 1868 (ère Meiji), ce pays a vu se
former de grandes entreprises familiales, les zaibatsu (groupes industriels à capital
familial né avant la Seconde Guerre mondiale). Après la défaite, la guerre de Corée
permit la reconstruction rapide du Japon durant la période de « Haute Croissance »
(1950 à 1973). C’est durant cette période que fut adoptée la stratégie en « vols
d’oies sauvages » (définie par l’économiste Akamatsu KANAME dès 1937) qui
assura la réussite des entreprises japonaises, en étroite concertation avec le
gouvernement (comme les oies sauvages qui se déplacent toujours ensemble et
avancent dans la même direction lors des migrations). Dans un premier temps furent
importés des modèles étrangers qui furent copiés pour couvrir le marché intérieur.
Puis les entreprises s’orientèrent vers l’exportation en développant d’abord l’industrie
lourde (acier, constructions navales), puis le matériel de précision (photocopieurs,
appareils photographiques) qui nécessitait une main-d’œuvre nombreuse, qualifiée et
habile, avant de développer les industries de pointe dites de « matière grise »
nécessitant une part croissance d’investissement dans la RD (haute technologie :
robotique, électronique).
b) Une économie concertée :
L’Asie du Sud et de l’Est
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Le modèle japonais repose sur trois éléments essentiels. 1. Intégration
bancaire et commerciale : les zaibatsu sont aujourd’hui remplacés par des keiretsu
(conglomérats d’entreprises dirigés par des banques dont certaines sont d’anciens
zaibatsu : Mitsubishi, Mitsui, Sumitomo, d’autres sont nées après 1945 : Honda,
Sony, Toyota, Fuji). La plupart des keiretsu, qui ont des participations de capitaux
croisés, possèdent une Sogo Shosha (filiale « multiservices » fournissant au keiretsu
les moyens d’exporter, assurant la gestion des intérêts de l’entreprise à l’étranger,
jouant le rôle de banquier-relais pour les IDE). 2. Dualisme économique : les
conglomérats intéressent leurs salariés en leur offrant des avantages (salaires élevés
avec prime à l’ancienneté, avantages sociaux : logements, crèches, etc. ., parfois
encore l’emploi à vie) en échange de contraintes (mobilité, heures supplémentaires).
Les PME sont associées aux conglomérats et permettent la souplesse du système
(travail en sous-traitance, mais conditions de travail plus difficiles et emplois
précaires). 3. Concertation : à l’échelle nationale, l’Etat intervient dans l’économie
grâce au METI (ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie) qui dirige les
bureaux du JETRO et travaille en étroite concertation avec le zaikai (« monde des
affaires », ensemble des organisations représentant les grandes entreprises comme
le Keidanren = MEDEF japonais). Le METI conduit les restructurations, informe les
entreprises, réglemente les marchés. Cela a permis aux entreprises de développer
des méthodes de production innovantes dans les années de Haute Croissance :
ainsi est né le toyotisme ou système des 5 zéros (zéro défaut, zéro délai, zéro stock,
zéro panne, zéro papier : production en flux tendus, cercles de qualité chargés de
proposer des solutions pour améliorer la marche de l’entreprise).
c) Un fonctionnement reposant sur le consensus social :
Voir Amélie NOTHOMB, Stupeur et tremblement, Ni d’Eve ni d’Adam.
Fortement marqué par un héritage historique particulier (bouddhisme et shintoïsme,
époque féodale des samouraïs), le modèle japonais repose sur le respect des 3P
(patron, père, professeur).
1. Patron : on ne dit pas « je travaille chez… », mais « j’appartiens à… ». Le
salarié se soumet volontiers aux règlements de l’entreprise : on ne prend pas tous
les congés auxquels on a droit (d’où le karochi : mort par excès de travail). Les
grévistes assurent leur service mais portent un badge. Les salariés chantent l’hymne
de l’entreprise le matin.
2. Père : la vie familiale est importante, et nécessite des sacrifices financiers.
Les réunions de famille sont un moment essentiel de la vie japonaise, notamment
lors de la floraison des cerisiers. Les salariés épargnent pour leur retraite et celle de
leurs proches (une prime de deux à quatre ans de salaire est versée au retraité, d’où
la nécessité de capitaliser ou d’exercer un métier de complément : agriculteur,
pêcheur).
3. Professeur : le Japon est l’empire du concours (examens de la maternelle à
l’université : les familles doivent épargner des sommes considérables pour
l’éducation des enfants, souvent inscrits dans des écoles privées pour préparer les
examens de l’enseignement public qu’il faut absolument réussir).
2 - La Chine, modèle d’économie dirigée :
a) Une économie extravertie :
L’Asie du Sud et de l’Est
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La Chine, pays communiste de régime autoritaire depuis 1949, s’est ouverte
au marché mondial en 1979, selon le proverbe chinois « Peu importe que le chat soit
noir ou blanc pourvu qu’il attrape les souris » (Deng Xiaoping). L’objectif des
dirigeants était, après la mort de Mao Zedong, de rattraper le retard chinois dû à une
politique introvertie (communes populaires, grand bond en avant et révolution
culturelle).
Le gouvernement s’efforça d’attirer les capitaux étrangers par une politique
d’ouverture et d’assouplissement. La Chine littorale a tiré profit de cette politique, par
la création des 4 ZES (zones économiques spéciales) organisées entre 1980 et 1984
dans le Sud-Est de la Chine (autour de Hong Kong), et complétées ensuite par des
ZEO (zones économiques ouvertes) le long du littoral chinois et des grands fleuves.
Les investisseurs étrangers y ont trouvé des terrains bon marché, des baux de
longue durée (50 à 70 ans), une main-d’œuvre abondante et bon marché, une taxe
professionnelle modérée (15%), le droit d’exporter sans payer de taxes. Des zones
franches (deltas des fleuves en 1987 : Fleuve Bleu, Rivière des Perles), des
technopôles (ZEET : zones de développement économique et technologique 1987)
ont vu le jour. Cette stratégie a été complétée par la création du CBD de Pudong à
Shanghai en 1990. L’entrée de la Chine dans l’OMC a eu lieu en 2002 L’abandon
des quotas sur les textiles chinois en 2005 a déstabilisé le marché mondial, et un
sommet de l’OMC s’est tenu pour la première fois à Hong Kong en décembre 2005.
Shenzhen l’aménagement d’une nouvelle mégapole chinoise aux ambitions
mondiales voir TP mis sur le site des clionautes
b) Une économie socialiste de marché :
Le modèle chinois est différent de celui du Japon dans la mesure où l’Etat
communiste depuis 1949 reste le principal gestionnaire de l’économie du pays. C’est
le Parti communiste qui continue à prendre les décisions majeures en matière de
croissance économique et de finances. Les implantations d’entreprises étrangères en
Chine sont basées sur l’idée de partenariat, les capitaux étrangers étant associés à
des entreprises chinoises.
L’Etat chinois dispose de fonds souverains importants qu’il utilise pour
des investissements à caractère stratégique dans différentes parties du
monde, par exemple par des achats massifs de terres cultivables en Afrique
(pour garantir la sécurité alimentaire de la Chine sur le long terme).
Depuis 2006 la Constitution chinoise reconnaît la propriété privée. Depuis
cette date, les entreprises privées chinoises connaissent une croissance très rapide,
avec le soutien du gouvernement chinois. Par exemple, l’homme d’affaires Wang
Chuanfu a réalisé en 2008 la première voiture chinoise hybride électrique et
ambitionne de faire de la marque BYD le numéro un mondial de l’automobile en
2025. Le PDG de cette entreprise siège au Congrès du Peuple de la ville de
Shenzhen où se trouve le siège de BYD automobile.
c) Une société sous contrôle de l’Etat :
La philosophie de Confucius a imposé le respect de l’autorité, renforcé par le
système répressif mis en place dès 1949 par le Parti communiste. Les Chinois n’ont
pas l’habitude de la démocratie, mais bien celle du respect de l’autorité souveraine.
L’Asie du Sud et de l’Est
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Le nouveau dirigeant du pays, Xi Jinping, a lancé une vaste campagne de lutte
contre la corruption qui lui permet de renforcer son autorité et celle du PCC en
terrorisant les fonctionnaires et les élus locaux.
La télévision et le cinéma chinois s’inspirent largement du passé impérial, et
tout le monde connaît les figures des grands empereurs qui ont organisé le pays
depuis l’Antiquité. De ce fait, le plus grand pays communiste du monde voit les
salariés travailler dans des conditions très pénibles, pour des salaires très faibles,
même si les revenus augmentent progressivement et permettent de bénéficier de
loisirs.
La majorité des salariés est composée de mingong, « ouvriers paysans »
souvent très jeunes et venus des campagnes, qui sont employés dans les
entreprises des grandes agglomérations mais seulement pour une période
déterminée. Lorsque leur contrat est achevé ils doivent le plus souvent retourner à la
campagne.
La Chine intérieure, restée majoritairement rurale (700 millions de ruraux soit
52% de la population), fournit donc un « volant de main-d’œuvre » gigantesque et
constamment renouvelable, qui permet aux entreprises de faire pression sur les
salariés afin de ne pas augmenter les salaires trop rapidement. Les salariés
acceptent volontiers ces conditions de travail très difficiles, car le niveau de vie
s’améliore lentement dans les villes. Grâce à la prospérité économique, la Chine a vu
apparaitre en milieu urbain une « classe moyenne » composée de salariés aisés qui
peuvent accéder à la propriété d’un logement dans un immeuble collectif. De ce fait,
l’autorité du gouvernement chinois est assez facilement acceptée par le plus grand
nombre.
3 - Deux puissances aux trajectoires économiques croisées :
a) Des puissances économiques interdépendantes :
Les deux Etats étant fortement intégrés dans le processus de mondialisation,
leurs économies sont interdépendantes. Les keiretsu japonais investissent en Chine
en plaçant leurs IDE dans des ateliers de production, pour bénéficier d’une maind’œuvre bon marché, mais aussi pour être présents sur un marché en expansion de
pays émergent qui consomme des biens manufacturés à haute valeur ajoutée. La
Chine exporte de plus en plus de biens manufacturés vers le Japon, mais investit
peu de capitaux dans ce pays développé au marché manquant de dynamisme du fait
de la stagnation démographique japonaise.
b) Mais des puissances économiques concurrentes :
Les deux Etats sont cependant en concurrence sur le marché des matières
premières et des sources d’énergie. D’autre part, l’économie chinoise se transforme
rapidement par la montée en puissance des filières industrielles, la Chine
investissant beaucoup de capitaux dans la recherche fondamentale ou appliquée,
comme le Japon, dans les énergies nouvelles et la robotique, comme le Japon, avec
un volume de capitaux disponible beaucoup plus important que celui du Japon. De
ce fait, la croissance chinoise inquiète beaucoup les Japonais, ce qui explique le fait
que ces deux Etats proches et complémentaires n’ont pas signé d’accord de libreéchange entre eux.
L’Asie du Sud et de l’Est
11
II - JAPON, CHINE : DEUX PUISSANCES CONCURRENTES EN ASIE DU SUD ET
DE L’EST 1h
1 - Japon, Chine, concurrence pour la maîtrise des marchés :
a) Le Japon, modèle économique imité par les « dragons » d’Asie
orientale :
Les NPIA (nouveaux pays industrialisés d’Asie) ont d’abord connu la
croissance en adoptant le modèle japonais dans les années 1970-80, avant de
traverser eux-aussi une période de crise, qui les a incités à se tourner vers le marché
chinois. Le plus proche du modèle japonais est la Corée du Sud, où les
conglomérats sont appelés Chaebols (voir Samsung ou Daewoo).
b) La Chine, puissance émergente qui s’appuie sur la diaspora chinoise
en Asie orientale et méridionale :
Taiwan bénéficie de la proximité avec la Chine (de nombreuses entreprises
taïwanaises délocalisent vers les ZES chinoises), mais le pays souffre de l’incertitude
politique qui pèse sur l’avenir de l’île (revendication chinoise territoriale et missiles
pointés vers Taiwan).
Hong Kong, qui fait partie de la Chine depuis 1997 (avec Macao annexé en
1999), sert les intérêts de la Chine dont elle est la « porte de la modernité » grâce à
ses infrastructures financières et commerciales. Le delta de la Rivière des Perles
réunit plus de 25Mh autour de Hong Kong et Macao (reliées par un pont à haubans),
Guangzhou et Shenzhen.
Il en est de même pour Singapour, dominée par la diaspora chinoise et qui
rayonne sur la Malaisie et l’Indonésie.
c) Japon, Chine, puissances concurrentes en Asie du Sud-Est :
L’ASEAN est l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est. Cette
organisation économique a été créée à Bangkok en 1967 dans le but de constituer
un marché commun entre les pays membres. Il comprend aujourd’hui Singapour (un
des quatre « dragons ») et les « tigres » et « bébés tigres » de Malaisie, Indonésie,
Brunei, Vietnam, Laos, Cambodge, Thaïlande, Philippines, Birmanie (ou Myanmar).
C’est un marché en expansion de plus de 600Mh qui intéresse les investisseurs
japonais et chinois. Ces derniers ont obtenu en 1997 à Singapour que les
discussions soient élargies à la Chine, la Corée du Sud et le Japon (c’est
l’ASEAN+3, avec une zone de libre-échange entre l’ASEAN et chacun de ces trois
Etats établie en 2010). Le Japon souhaite élargir cet accord à trois autres Etats
(Inde, Australie et Nouvelle-Zélande, c’est l’ASEAN+6) pour contrebalancer
l’influence chinoise. Les négociations du TPP (accord de partenariat transpacifique)
qui ont abouti à un accord en 2015 sont un succès pour le Japon, car cet accord de
libre-échange a été signé par le Japon avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande,
Singapour, Malaisie, Brunei, Vietnam, qui ont volontairement écarté la Chine des
négociations avec les Etats-Unis et les Etats américains signataires.
2 - Japon, Chine, un lourd contentieux et une méfiance réciproque :
L’Asie du Sud et de l’Est
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a) Le poids de l’Histoire, un différend mémoriel :
Le Japon est une ancienne puissance coloniale qui s’était emparée de
territoires chinois à partir de 1894/95 (Corée, Formose) puis avait obtenu les colonies
allemandes en Chine en 1919. Les troupes japonaises s’étaient emparées de la
Mandchourie en 1931, puis avaient tenté d’envahir la Chine en 1937. Dans les
territoires occupés comme dans les colonies, les Japonais avaient pratiqué une
politique génocidaire afin d’exterminer les populations locales et de faire de la Chine
une terre de colonisation japonaise. La Chine réclame la reconnaissance par le
Japon des crimes commis en Chine (massacre de Nankin notamment), mais le
Japon a seulement présenté des excuses en 1972 et n’a donc pas reconnu les
crimes contre l’Humanité commis par ses officiers. Le PM japonais s’est recueilli à
plusieurs reprises au sanctuaire Yasukuni qui honore les soldats morts pour la patrie,
parmi lesquels 14 criminels de guerre condamnés par les Alliés en 1945. Le système
éducatif japonais minimise les crimes de la Seconde Guerre mondiale. Enfin, le PM
Shinzo ABE se distingue par son négationnisme, particulièrement choquant au
moment des cérémonies du 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre
mondiale (il refuse de reconnaitre les massacres de Nankin).
b) Deux puissances nationalistes qui rivalisent :
La Chine est une grande puissance militaire et diplomatique, disposant de
l’arme nucléaire et d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. De ce fait,
la Chine a une politique extérieure agressive destinée à affirmer sa puissance. Ainsi,
la Chine revendique une extension de sa ZEE à l’ensemble du plateau continental
situé entre Chine et Japon, et souhaite annexer un archipel annexé par le Japon en
1895 (îles Senkaku) et revendiqué par la Chine (îles Diaoyu). La constitution d’une
puissante flotte de guerre chinoise a conduit le PM japonais Shinzo ABE à rompre
avec le pacifisme affiché par son pays depuis 1945 et à constituer une flotte de
guerre japonaise en réponse à une potentielle « menace chinoise ». Ces rivalités
servent les intérêts des Etats-Unis dans cette zone.
III - Japon, Chine : deux puissances concurrentes à l’échelle mondiale 1h
1 - Japon, Chine : deux acteurs incontournables de la mondialisation
a) Le Japon, un des centres majeurs de la Triade :
Le Japon fait partie de l’oligopole mondial (la mégalopole japonaise en est une
des trois composantes majeures), pays membre du G20, signataire du TPP, pays
surendetté mais dont la dette est supportée par les banques japonaises. L’aire
urbaine de Tokyo, première mégapole du monde, possède un pouvoir de
commandement qui en fait un des centres d’impulsion majeur de la planète. Siège de
nombreux keiretsu, d’une des plus importantes bourse de valeurs du monde (Kabuto
Cho est la seconde bourse mondiale derrière le NYSE), grand hub (5e aéroport du
monde de passagers), possédant un espace portuaire majeur, Tokyo continue
d’attirer de nouveaux résidents venus autrefois du Nord, mais aussi plus récemment
des aires urbaines d’Osaka et Nagoya. C’est le signe d’un déséquilibre croissant
entre les aires urbaines qui composent la mégalopole, et d’une métropolisation
croissante en faveur de la capitale japonaise. Cependant, le pays a été fragilisé par
L’Asie du Sud et de l’Est
13
l’accident nucléaire de Fukushima du 11 mars 2011 (seuls 4 réacteurs sur 55 ont été
remis en service, ce qui impose au Japon d’importer des sources d’énergie).
b) La Chine, nouveau centre de l’économie mondiale :
La Chine, devenue en 2010 la deuxième puissance économique mondiale par
son PIB, réunit à elle seule 1.380.000.000 habitants (première population mondiale).
La Chine, entrée dans l’OMC en 2002, est le second récepteur d’IDE au monde
derrière les Etats-Unis en 2013. La fin des quotas sur les textiles chinois en 2005 a
bouleversé le marché mondial. La monnaie chinoise, le Yuan ou RENMIMBI, compte
dans le monde depuis 2007 (elle est sous-évaluée pour faciliter les exportations). Les
groupes financiers chinois prennent pied à l’étranger depuis 15 ans : par ex. Lenovo
géant de la micro-informatique a racheté l’activité PC d’IBM en 2004, l’entreprise
chinoise Geely a racheté le groupe suédois Volvo en 2010, le constructeur
automobile DONGFENG qui a racheté 14% de PSA et qui est devenu l’actionnaire
principal du groupe automobile français en 2015. Les banques chinoises ont sauvé
de la faillite plusieurs banques occidentales, en particulier aux Etats-Unis grâce aux
fonds souverains. Nous savons que la Chine est le premier partenaire commercial de
la plupart des Etats africains, grâce à une politique d’investissements (le siège de
l’UA à Addis-Abeba) et d’effacement de la dette (Congo Brazzaville). En ce qui
concerne le marché européen, la Chine a l’ambition d’établir des liens plus étroits
avec ce continent en finançant la construction de ports en Birmanie, Ceylan et
Pakistan, sur la route maritime de la soie vers la Mer Méditerranée, et en participant
à un projet ambitieux d’axe routier et ferroviaire passant par l’Iran, la Turquie et la
Russie, sur l’ancienne route de la soie terrestre.
2 - Japon, Chine : deux puissances incomplètes qui renforcent leur « hard
power »
a) Le Japon, une puissance incomplète en voie de militarisation :
Le Japon souffre du dynamisme de ses voisins (surtout de la Chine) et de sa
situation de puissance incomplète (ce n’est pas une puissance militaire, mais le PM
Shinzo Abe, un nationaliste, vient de modifier la politique de défense du Japon en
faisant adopter en septembre 2015 des lois sur la sécurité censées répondre aux
menaces de la Corée du Sud et de la Chine). Les nouvelles lois autorisent le Japon,
qui possède une armée depuis 1954 (les FAD), à déployer des forces militaires à
l’étranger pour apporter de l’aide à un pays allié, en violation de l’article 9 de la
Constitution qui interdit « à jamais de recourir à la guerre ». Ces mesures font suite à
la création d’un Conseil de sécurité nationale en décembre 2013 réunissant le PM,
son chef de cabinet et les deux ministres concernés (défense et AE). Le Japon
souhaite devenir une puissance maritime et a lancé l’IZUMO porte-hélicoptères de
19.500 t en 2015.
b) La Chine, l’ambition de devenir la première puissance mondiale :
Les JO de Pékin en 2008 (100 médailles gagnées par la Chine) et l’exposition
universelle de Shanghai en 2010 ont révélé la puissance chinoise au monde entier.
Mais la Chine a surtout une politique ambitieuse d’affirmation de son indépendance,
avec l’envoi d’un 1er taïkonaute dans l’espace (Yang Liwei, 15/10/2003), signe d’une
L’Asie du Sud et de l’Est
14
montée en puissance d’un Etat intégré dans la mondialisation mais qui reste
souverain, en développant sa flotte de guerre, en construisant des îles artificielles
dans les îles Spratly (avec pistes d’atterrissage et infrastructures portuaires), en
revendiquant les îles Senkaku-Diaoyu. Même si la Chine a échoué à changer le
statut de Hong Kong, elle continue de revendiquer Taïwan qui a été exclue de toutes
les organisations internationales dépendant de l’ONU. Seconde puissance militaire
du monde (216Mds $ dépensés en 2014), puissance nucléaire affirmée, la Chine a
resserré ses liens avec les BRICS et surtout la Russie (OCS). Cependant, le pays
vient de subir un revers important avec la signature du TPP en 2015 par le Japon, le
Vietnam, Singapour, Brunei et la Malaisie, un accord qui marque l’influence des
Etats-Unis dans la zone Asie-Pacifique. Malgré cela, le « dragon chinois » a
l’ambition de devenir le nouveau centre du monde : en chinois mandarin, première
langue parlée dans le monde, la Chine se dit « zhongguo zhi mingyun », l’Empire du
Milieu. Commenter la couverture du « Courrier international » 2005.
3 - Japon, Chine : deux puissances qui veulent améliorer leur image et
développer leur « soft power »
a) Le Japon, un pays qui veut développer son potentiel touristique :
Le Japon reste un pays fermé et secret qui tente de s’ouvrir au tourisme
depuis 2003 (opération COOL JAPAN qui s’appuie sur l’engouement mondial pour
les mangas et jeux-vidéos japonais, la cuisine à base de sushis, succès total puisque
l’objectif de 20M de touristes recherché par les organisateurs à l’horizon 2020 a été
presque atteint dès 2015 (19M touristes), notamment grâce aux Chinois appelés les
BAKUGAI (« explosion achats »). Mais cela pose de nouveaux problèmes au Japon,
car les infrastructures d’accueil et de transport du pays ne sont pas du tout adaptées
pour le tourisme, ce qui crée de l’inflation et rend plus difficile la vie quotidienne des
résidents permanents, en particulier les salariés. La culture japonaise, celle des
mangas notamment, contribue au « soft power » du Japon, en liaison avec le
prestige de puissance technologique qui caractérise ce pays, le premier au monde
pour l’investissement dans la recherche fondamentale (notamment dans le domaine
de la robotique, la RD occupe plus de 3% du PNB comme en Corée du Sud en
2014). Les artistes et intellectuels japonais sont connus et appréciés dans le monde
entier. L’orchestre philarmonique de Monaco vient d’accueillir un nouveau chef
japonais. Le Japon espère utiliser le rôle de « puissance civile », apportant une aide
APD élevée, pour rayonner dans le monde, mais l’agressivité du PM actuel constitue
un problème pour les pays voisins.
b) La Chine, l’ambition de devenir une vitrine de la modernité :
Shanghai, vitrine de la modernité chinoise, possède aujourd’hui tous les
attributs de puissance d’une métropole mondiale. Le Bund, vieux quartier des
affaires, est entouré par les immeubles de Puxi, aux commerces de luxe voisins des
immeubles d’habitat vétustes. Le CBD de Pudong créé en 1990 est relié par des
axes routiers à la zone industrialo-portuaire et au nouvel aéroport international,
faisant de Shanghai une plate-forme multimodale et un hub. Shanghai est reliée à
Beijing par une ligne TGV depuis 2012. La Chine utilise aujourd’hui les trois
métropoles du pays pour affirmer sa modernité. Nous savons que ce pays est affaibli
par la pollution atmosphérique due à l’industrialisation rapide, à l’utilisation massive
L’Asie du Sud et de l’Est
15
du charbon comme source d’énergie (les 2/3 des besoins énergétiques du pays),
mais aussi liée à l’urbanisation et à l’utilisation de l’automobile comme moyen de
transport privilégié. De ce fait, la Chine a pris des engagements fermes et qui
devraient avoir des conséquences planétaires lors de la COP21 : en particulier la fin
de la croissance des émissions de gaz à effet de serre dès 2030, ce qui devrait être
facilité par le ralentissement économique actuel. De plus, nous savons que la Chine
investit massivement dans les énergies renouvelables (le pays est désormais le
leader mondial dans la fabrication de panneaux photovoltaïques). La Chine entend
également constituer un soft power chinois, en s’appuyant sur la diaspora chinoise
dans le monde qui a depuis longtemps diffusé le raffinement de l’art culinaire chinois.
La Chine rayonne culturellement par la multiplication des instituts Confucius et
surtout par les progrès de l’enseignement de la langue chinoise en Occident.
Cependant la répression des minorités chinoises et la censure de l’information qui
sont pratiquées en Chine nuisent à son image internationale.
Ainsi, le Japon et la Chine sont deux puissances qui portent des modèles
économiques, politiques et culturels très différents. Ces deux Etats rivalisent en
utilisant des armes différentes, mais ils n’ont d’autre choix que de se concerter s’ils
veulent échapper à l’hégémonie des Etats-Unis qui ont récemment réorienté leur
politique étrangère vers l’Asie-Pacifique et ont remporté une victoire avec la
signature du TPP en 2015.
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