La surdité chez l’enfant Typologies des diverses surdités Journée Implants cochléaires Développement du langage et scolarisation de l’enfant sourd Yverdon, 20 janvier 2010 Dr F. Waridel, Unité d’ORL Pédiatrique, Service d’ORL CHUVHEL La surdité chez l’enfant • La connaissance des étiologies de la surdité de l’enfant est indispensable au diagnostic précoce. • Le devenir des enfants sourds dépend de la précocité du diagnostic et de la prise en charge de leur handicap. La surdité chez l’enfant Prévalence des surdités invalidantes 1/ 700 naissances + 1 / 1000 apparition pendant l’enfance 1 % en cas de pathologie néo-natale sévère La surdité est le déficit sensoriel le plus fréquent Anatomie de l’oreille Otoscopie Physiologie de l’oreille Oreille moyenne: ⇒ Osselets: amplificateur → Ondes sonores transmises et amplifiées par l’oreille moyenne → Oscillations des membranes vestibulaires et tympaniques → Transduction de l’énergie hydraulique en énergie électrique Oreille interne: ⇒ Cochlée: transducteur Physiologie de l’oreille Transduction de l’énergie hydraulique en énergie électrique dans l’organe de Corti Déplacement de la membrane basilaire → Inclinaison des stéréocils contre la membrane tectoriale → Ouverture des canaux potassiques → Entrée du potassium → Dépolarisation des cellules ciliées de l’organe de Corti → Activaton fibres nerveuses → Voies auditives centrales La perception du son Un son est déterminé par - sa hauteur ou fréquence en Hertz (Hz) - son intensité ou pression en décibels (dB) Les voyelles sont des sons à basses fréquences Les consonnes sont des sons de fréquences élevées La perception du son Sources sonores Montre, chute de feuilles 10 dB Pièce tranquille 20 dB Voix chuchotée 30 - 40 dB Voix parlée (conversation) 60 - 70 dB Bruits de la rue 70 dB Voix forte, criée 80 - 90 dB Machines 80 - 100 dB Disco, marteau piqueur 100 dB Moteur à réaction 140 dB Coup de feu 170 dB Mesures de l’audition Acoumétrie phonique évaluation de l’audition grossière par la voix parlée. Audiométrie tonale recherche de l’intensité minimale perçue sur toutes les fréquences importantes pour la perception du langage Audiométrie vocale mesure le nombre de mots compris en fonction de leur intensité: c’est la mesure de ce que le sujet comprend Acoumétrie phonique Voix chuchotée • 30 dB Voix parlée • 60 dB Voix criée • 90 dB mots de deux syllabes masquage de l’autre oreille - friction du tragus - boîte de Barany (• 100 dB) Audiométrie tonale Détermination du seuil auditif pour un son pur, à chaque octave fréquentiel de 125 à 8000 Hz (fréquences conversationnelles) - en conduction aérienne (écouteurs) - en conduction osseuse (vibreur placé sur l’os) Audiométrie tonale Audition 0 NORMALE 20 DÉFICIENCE LÉGÈRE 40 60 DÉFICIENCE MOYENNE 80 DÉFICIENCE SÉVÈRE 100 SURDITÉ PROFONDE Classification des surdités Le degré de surdité Moyenne du déficit en décibels de la meilleure oreille calculée sur les fréquences de 500, 1000, 2000, 4000Hz selon le bureau international d’audio-phonologie (BIAP) Degré de la surdité déficit de 20 à 40 dB • Légère • Moyenne déficit de 40 à 70 dB • Sévère déficit de 70 à 90 dB • Profonde déficit de 90 à 120 dB • Cophose au-delà de 120 dB Les répercussions sur les acquisitions linguistiques de l’enfant sourd congénital ou prélingual sont variables selon le degré de l’atteinte. Répercussions de la 0 – 20 dB Audition normale 20 – 40 dB Surdité légère surdité 40 – 70 dB ne comprend pas toujours bien, déforme les mots Surdité moyenne lecture labiale compréhension fragmentaire du langage 70 – 90 dB Surdité sévère ne perçoit que la voix forte pas de langage structuré > 90 dB Surdité profonde (cophose) aucune parole perçue Répercussions sur l’acoumétrie phonique degré de surdité légère voix chuchotée voix parlée non perçue > 30 cm non perçue > 4m (20 – 40 dB) moyenne non perçue > 1 m (40 – 70 dB) sévère non perçue > 30 cm (70 – 90 dB) profonde (>90 dB) ne perçoit et ne comprend rien Audiométrie tonale Surdité sur les hautes fréquences Conséquences de la surdité Démonstration Effets de la surdité sur le • Surdité unilatérale: langage pas d’effet, difficultés de compréhension et localisation • Surdité légère: confusions phonémiques, léger retard de langage, agitation, troubles de l’attention • Surdité moyenne: retard de langage important, voix perçue à forte intensité, possible adaptation par la lecture labiale • Surdité sévère et profonde: inadaptation au milieu sonore environnant pas de développement spontané du langage Différents types de surdité CAE OM OI VIII SNC SURDITE DE TRANSMISSIONSURDITE DE PERCEPTION CAE OREILLE MOYENNE OREILLE INTERNE - tympan - caisse - chaîne des osselets NERF AUDITIF - cochléaire - rétro-cochléaire Surdité de transmission Une surdité de transmission ne dépasse pas 60dB de perte Perte sur basses fréquences Troubles du langage modérés Traitement médicamenteux ou chirurgical Bouchon de cire Otite secrétoire Rétraction tympan Surdité de perception de l’enfant • Surdités de perception pré-linguales: survenant avant l’acquisition du langage congénitale ou avant deux ans • Surdités de perception post-linguales: survenant après l’acquisition du langage méningite, traumatisme, surdité évolutive • Leur pronostic est très différent Surdité de perception • 50% acquise • 50% génétique Surdité acquise grossesse néonatale post-natale Surdités prénatales TORCHS infectieuses acronyme du groupe des infections congénitales acquises durant la grossesse TOxoplasmose Rubéole CMV Herpès Syphilis Pas de dépistage systématique Surdités prénatales infectieuses CMV Cytomégalovirus Infection congénitale la + fréquente : 0.4-2% naissances Infection fœtale dans 20-50% 10% n-nés asymptomatiques Manifestation tardive (surdité isolée) Atteintes multiples: Microcéphalie 70% Calcifications péri-ventriculaires 35% Choriorétinite ou atrophie optique 22% Surdité 30%, parfois isolée Surdités acquises néonatales • Prématurité • Hypoxie • Médicaments ototoxiques • Hyperbilirubinémie Surdités acquises postnatales Méningites bactériennes Oreillons Traumatismes Traumatismes acoustiques Surdités acquises postMENINGITES BACTERIENNES natales • Cause majeure d’implantation cochléaire aux USA • Streptocoques pneumoniae et Neisseria Meningitidis • Diminution Haemophilus Influenza type B (vaccination) • Incidence de surdité de 20%, sévère à profonde • Surdité précoce et/ou retardée • Perte bilatérale dans 60%, svt asymétriques Surdités de perception congénitales • 60% surdités prélinguales sont génétiques • 70% surdités non syndromiques, isolées • 30% surdités syndromiques • 400 syndromes décrits Surdités congénitales • 30% surdités génétiques syndromiques • Récessives – Syndrome de Pendred – Syndrome d’Usher – Syndrome de Jervell et Lange-Nielsen • Dominantes – Syndrome de Waardenburg – Syndrome branchio-oto-rénal – Syndrome de Treacher-Collins • Liées à l’X – Syndrome de Alport Syndrome de • SurditéWaardenburg neurosensorielle avec anomalie pigmentaire de l’iris et des cheveux (mèche blanche frontale), et dystopies des canthies internes • 4 formes décrites • 5 gênes différents identifiés; PAX3 le + fréquent • Transmission dominante Syndrome de Treacher• Dysostose mandibulofaciale Collins • Malformation de l’oreille moyenne et interne • Microtie, sténose du CAE • 30% avec surdité de transmission • Malformations craniofaciales • Gêne TCOF1 dans 60% Surdités nonsyndromiques isolées • 70% surditésou génétiques • 80% transmission autosomique récessive • 20% transmission autosomique dominante • Liées à l’X • Plus de 200 gênes impliqués • 40 gênes identifiés Surdités Ø Connexin 26 (GJB2, DFNB1) génétiques • Mutation génétique la plus fréquente • 50% des surdités sévères à profondes • Différents mode de transmission - DFNB1: 1er locus identifié pour surdité non-syndr réc. - ensuite aussi identifié avec forme dominante DFNA3 • Différents phénotypes • Différents rôles pour une seule mutation Connexine • Protéines des gap-junction s transport inter-cellulaires • Responsables du des ions et métabolites • La CX26 joue un rôle primordial dans le recyclage du potassium dans l’endolymphe du canal cochléaire après stimulation électriques des cellules ciliées Connexine • Plus de 50 mutations identifiées dans ce gêne 26 • Prévalence de 30-70% de mutation ponctuelle, 35delG • Initialement décrite comme responsable de surdité prélinguale bilatérale et non-progressive • Récemment identifiée avec une forte prévalence, dans la population suisse, en cas de surdité post-linguale • Phénotype de la surdité variable: Surdité modérée à profonde, habituellement stable, mais parfois évolutive! touchant toutes les fréquences • Test génétique disponible (500.-) Surdités évolutives de • Causes inconnues (40%) l’enfant • Surdités héréditaires: - isolée, progressive ou fluctuante (CX26 ou 31) - syndromique: Pendred • Neurofibromatose • Médicaments ototoxiques • Traumatismes acoustiques • Méningites bactériennes • Infection congénitale à CMV • Facteurs de risques périnataux Neuropathie auditive ou dys-synchronie auditive • Surdité neurosensorielle rétro-cochléaire • Fonction cochléaire normale OEAp présentes: intégrité des cellules ciliées ext • PEA anormaux: atteinte rétro-cochléaire • Lésions rétro-cochléaires hypothétiques: - des cellules ciliées internes isolées - des synapses entre cellules ciliées et dendrites - des cellules du ganglion spiral - des fibres nerveuses Neuropathie • Etiologies diverses auditive - Acquise: hyperbilirubinémie néo-natale - Associée à neuropathies périphériques syndromiques: Ataxie de Friedrich, maladie de Charcot-Marie - Forme sporadique - Forme héréditaire autosomique récessive nonsyndromique (OTOF gêne) - Forme héréditaire autosomique dominante Neuropathie auditive • Discordance entre audiométrie tonale et vocale • Troubles du langage inexpliqués par audiométrie • Incidence méconnue: 2-10% des surdités neurosensorielles • Surdité variable • Succès variable de la réhabilitation prothétique • Soutien logopédique avec support visuel (LS) • Implantation cochléaire (re-synchronisation des neurones) Prise en charge d’une • Légère surdité parole perçue, confusion phonétique, retard de langage, ⇒ soutien pédago-thérapeutique et appareillage auditif à discuter • Moyenne parole forte perçue, lecture labiale, retard des acquisitions langagières et scolaires, ⇒ soutien pédago-thérapeutique et appareillage auditif indispensables Prise en charge d’une • Sévère surdité parole non perçue, contrôle vocale impossible, acquisition du langage impossible, la lecture labiale est la seule source de perception de la parole, ⇒ soutien pédago-thérapeutique et appareillage auditif indispensables • Profonde et totale pas de perception du monde sonore, obstacle absolu au monde oralisant, ⇒ implant cochléaire Critères d’indication à l’implant cochléaire Les critères de sélection à l’implant chez l’enfant sont multiples et représentent un travail d’équipe, regroupant les compétences de plusieurs spécialités médicales et des équipes éducatives de l’enfant sourd en coordination avec les parents et le milieu sociofamilial. Critères d’indication à l’implant cochléaire Critères auditifs • Surdités de perception bilatérale • Neuropathie auditive La conservation d’un certain nombre de neurones du ganglion spiral est nécessaire pour transmettre la stimulation électrique aux voies auditives centrales Critères auditifs à l’implant • Les critères auditifs évoluent dans le temps! cochléaire • Surdité sévère ou profonde • Sans bénéfice avec audioprothèses conventionnelles Un seuil de 55 dB pour 2 et 4 KHz avec audioprothèses Critères • Absence de troubles neurologiques graves psychologiques • Motivation familiale fondamentale Critères orthophoniques • Appréciation de l’aptitude à la communication orale • Performances perceptives et productrices du langage • Base pour le suivi de l’implant L’implant cochléaire pédiatrique 9e Symposium européen sur l’implant cochléaire pédiatrique. Varsovie May 2009 L’implant cochléaire pédiatrique 9e Symposium européen sur l’implant cochléaire pédiatrique. Varsovie May 2009 L’implant cochléaire pédiatrique 9e Symposium européen sur l’implant cochléaire pédiatrique. Varsovie May 2009 L’implant cochléaire pédiatrique 9e Symposium européen sur l’implant cochléaire pédiatrique. Varsovie May 2009 Résultats de l’implant - A l’instar de l’enfant normo-entendant et avec un décalage temporel, les capacités langagières de perception et de compréhension se développent avec les années d’utilisation. - Il existe une grande disparité des résultats sur les performances langagières à long terme malgré une perception auditive mesurable équivalente. - Après quelques mois: reconnaissance des différents phonèmes de la parole - Après 1 à 2 ans: reconnaissance de mots et de phrases simples - Entre 2 et 6 ans: identification de mots et de phrases en listes ouvertes - Après 6 ans: possibilité de suivre une conversation en liste ouverte sans lecture labiale pour près de 80% des enfants Résultats de l’implant: facteurs de réussite - Les performances langagières des enfants implantés (n=181) avant 5 ans et après une ré-éducation de 4 à 6 ans dépendent du QI non-verbal, du réglage (dynamique) de l’implant, du sexe, et du programme éducatif et pédagogique qui favorisent prioritairement le langal oral (abandon de la langue des signes). - Le mode de ré-éducation orale et la scolarisation en classe ordinaire sont les principaux facteurs qui améliorent les performances langagières Factors associated with development of speech production skills in children implantated by age five. E.A. Tobey. Ear&Hearing 2003, vol.24, s36-s45 Résultats de l’implant • Le suivi longitudinal à 5 ans de 50 enfants sourds pré-linguaux implanté a démontré que > 50% (26) des enfants implantés avant l’âge de 7 ans sont intégrés en scolarité ordinaire. • L’évolution des performances de perception et production langagière est meilleure chez les enfants implantés avant l’âge de 3 ans. • 55% n’ont pas de retard de compréhension. • Le mode de scolarisation dépend aussi du niveau d’études des parents et de leur catégorie socio-professionnelle. 1er rapport global à 5 ans, Centre technique national d’études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations. 2006 Résultats de l’implant 9e Symposium européen sur l’implant cochléaire pédiatrique. Varsovie May 2009 Résultats de l’implant - Les enfants sourds pré-linguaux implantés avant 42 mois acquièrent plus rapidement la lecture et obtiennent de meilleurs scores de lecture après 7 ans d’évolution que les enfants implantés après 42 mois (n=105). - La courbe d’apprentissage de la lecture des enfants implantés précocément suit celle des enfants entendants. Reading abilities after cochlear implantation: the effect of age at implantation. S. Archbold, et al, Int Journal Ped Oto, 2008, 72, 1471-1478 Résultats de l’implant Les enfants implantés avant deux ans ont des performances de perception lexicales identiques aux enfants entendants après 2 ans de ré-éducation auditive. Receptive vocabulary development in deaf children with cochlear implants H Hayes. Ear&hearing 2009 30;128-135 Facteurs prédictifs de succès de l’implantation pédiatrique • Age précoce: avant 3 ans (implantation précoce entre 7 et 12 mois posible) (1) • Environnement social et familial participatifs (2) • Communication orale • Scolarisation ordinaire 1. Cochlear implant surgery at 12 months of age or younger A. James. Laryngoscope 2004 114.2191-2195 2. Determinants of speech perception in children after cochlear implantation. G.M. O’Donoghue. Lancet 2000 356 466-468 Implantation cochléaire bilatérale Objectif • Restauration d’une audition binaurale ⇒ Amélioration de la discrimination auditive dans le bruit ⇒ Localisation du son 9e Symposium européen sur l’implant cochléaire pédiatrique. Varsovie May 2009 Implantation bilatérale: controverse Arguments contre 1. Risque chirurgical accru 2. Performances langagières suffisantes avec 1 implant 3. Préservation d’une oreille pour de futures technologies 4. Risque d’une atteinte vestibulaire bilatérale handicapante 5. Inéquité sociale, contraintes économiques Arguments pour 1. Pas de risque chirurgical accru démontré en simultané 2. Meilleure discrimination dans le bruit et dans le silence, avec localisation du son possible 3. Période critique de 3 ans, thérapies géniques disponibles? 4. Atteinte vestibulaire transitoire dans 10% 5. Implantation simultanée diminue les coûts 6. L’oreille avec les meilleures performances post-op implantée 7. Audition préservée si panne ou infection d’un côté Bilateral cochlear implants should be the standard for children B.C. Papsin Current opinion in Oto&Head and Neck Surg. 2008. 16:69-74 Conclusion • L’implant cochléaire permet le dévelopement du langage oral dans les cas de surdité sévère, profonde ou complète, sans lecture labiale. • La majorité des enfants sourds pré-linguaux implantés avant sept ans peuvent suivre une scolarité ordinaire. • La succès de la réhabilitation par l’implant est le fruit d’un travail d’équipe pluridisciplinaire (ORL, logopédistes, ingénieures, psychologues) et dépend de la bonne collaboration avec l’environnement socio-éducatif, ainsi que de la participation active et intensive du milieu familial. • L’âge idéal de l’implantation est avant 3 ans. • Le dépistage précoce et la prise en charge de la surdité avant l’âge d’un an sont primordiaux et conditionnent les performances langagières futures de l’enfant pour toute sa vie. CRIC