Orthopédie - Traumatismes ligamentaires du poignet

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Examen clinique des Traumatismes
Ligamentaires du Poignet
Christian Dumontier
Institut de la main, Clinique Jouvenet, 75016 Paris
Il y a seulement 35 ans McLaughlin professait que les entorses du poignet
étaient des lésions rares. L'article princeps de Linscheid et Dobyns en 1972 [1]
a depuis marqué le début d'une explosion de travaux expérimentaux ou
cliniques sur les lésions ligamentaires du poignet. La plupart de ces lésions
sont méconnues en urgence car les signes cliniques sont peu parlants et les
radiographies presque toujours normales. Le diagnostic est donc
habituellement tardif. Les déformations radiologiques évidentes ne posent plus
de problèmes diagnostics aux orthopédistes, mais traduisent des lésions
évoluées dont le traitement reste encore très controversé. Le terme anglo-saxon
d'instabilité est ici impropre car il s'agit paradoxalement de lésions
<<stables>>, la désaxation correspondant à une nouvelle position d'équilibre.
Le poignet douloureux chronique dont le bilan radiographique standard est
normal, est un des problèmes quotidiens les plus difficiles à résoudre. Face à ce
tableau, aussi fréquent que frustrant car le bilan reste souvent négatif, il ne faut
pas méconnaître une lésion ligamentaire qui pourrait être chirurgicale. Aussi
tous les auteurs insistent sur l'importance de l'examen clinique qui oriente le
diagnostic et permet de choisir les examens complémentaires... ; mais très peu
le détaillent avec précision. Or l'examen clinique est fondamental car il attire
l'attention sur des lésions dont on pense qu'elles entraînent, en l'absence de
traitement, des douleurs par atteinte dégénérative du poignet. Le traitement de
ces lésions au stade évolué s'accompagne d'une morbidité notable à court
terme, et son retentissement à long terme reste inconnu. Le diagnostic précoce
de ces lésions permet d'envisager des traitements <<conservateurs>>, de faible
morbidité, et dont les résultats semblent se maintenir dans le temps. Nous ne
traiterons ici que des bases de l'examen clinique dans les lésions ligamentaires
du poignet, laissant de côté l'imagerie et les indications thérapeutiques. Nous
ne détaillerons pas non plus les lésions des parties molles du poignet, beaucoup
plus fréquentes, et qui sont autant de diagnostics différentiels possibles.
Le <<poignet ligamentaire>> concerne 4 articulations distinctes : la radioulnaire distale, la radio-carpienne, la médio-carpienne et les carpométacarpiennes des doigts longs. Nous avons conservé la dénomination anglosaxonne d'instabilités qui traduit bien la notion de mouvements anormaux des
os entre eux, mais <<entorse grave>> serait la dénomination anatomique
exacte. Ces instabilités peuvent apparaître, chez les athlètes notamment, après
des micro-traumatismes répétés, mais elles font le plus souvent suite à un
traumatisme unique.
L'examen clinique d'un poignet instable comporte deux temps
complémentaires : l'appréciation objective de la fonction du poignet par la
mesure de la mobilité, de la force et par la réalisation éventuelle de tests
fonctionnels ; la recherche de points douloureux et/ou de mouvements
anormaux des os du carpe, qui orientent vers une localisation lésionnelle. La
compréhension des mécanismes physiopathologiques des instabilités, et la
connaissance de l'anatomie osseuse et ligamentaires, sont des préalables
indispensables à l'examen clinique mais ne seront pas détaillés dans cet exposé.
L'EXAMEN FONCTIONNEL DU POIGNET :
La mobilité :
Les mesures doivent être bilatérales et comparatives pour apprécier les
variations physiologiques. La flexion-extension se mesure avec un goniomètre
placé à la face palmaire pour la mesure de l'extension, à la face dorsale pour la
mesure de la flexion, dans l'axe du troisième métacarpien (figures 1 et 2). Les
valeurs normales varient selon les individus jusqu'à 85° en flexion ou en
extension. L'inclinaison ulnaire (de 30 à 45°) et radiale (de 15 à 25°) se
mesurent avec un goniomètre dans l'axe de l'avant-bras et dans l'axe du
troisième métacarpien, la main à plat. Pour tester la prono-supination le patient
doit garder les coudes au corps et mettre successivement la paume en haut puis
en bas. On place un bras du goniomètre dans l'axe de l'humérus et l'autre est
posé à la partie distale de l'avant-bras (figure 4). L'utilisation d'une baguette
dans la paume des patients doit être évitée car on majore la mobilité active de
la radio-ulnaire par la mobilité rotatoire passive du carpe qui peut atteindre
40°. Si l'on définit le zéro comme la position neutre de prono-supination, la
pronation normale est comprise entre 60 et 90° et la supination entre 45 et 80°.
Ces mesures sont simples et reproductibles [2].
Figure 1:
Mesure de la pronation : la
branche verticale est placée
dans l’axe du bras, la
branche horizontale est posée
sur la face dorsale du poignet
(et pas de la main).
Figure 2:
Mesure de la
supination. La
branche horizontale
est placée à la face
antérieure du
poignet.
Figure 4:
Mesure de l’extension : le
goniomètre est placé à la face
antérieure du poignet.
La mesure de la force :
Elle est réalisée à l'aide d'un dynamomètre de Jamar, considéré comme
l'instrument de référence internationale. L'utilisation successive des 5
écartements du dynamomètre est un peu fastidieuse. On utilise habituellement
un seul écartement (le deuxième ou le troisième) mais en faisant 3 mesures
successives. Il n'y a pas de tables de valeurs et c'est la main controlatérale qui
sert de référence. C'est la moyenne de trois mesures pour chaque main en
demandant à chaque fois une contraction maximum qui est retenue. La courbe
habituelle des valeurs pour un écartement unique doit être horizontale ou
légèrement descendante. Celle pour les 5 écartements représente
habituellement une courbe en cloche. L'alternance rapide, d'une main sur
l'autre, empêche les patients de doser leur contraction et permet ainsi de
dépister une absence de contraction maximum [3,4]. La main dominante est
habituellement plus forte de 5 à 10%. Les principes de mesure de la pince
pollici- bi ou tri-digitale sont identiques, mais cette mesure est de moindre
intérêt dans les instabilités du poignet. Nous ne détaillerons pas les tests
fonctionnels, parfois réalisés en France par les ergothérapeutes et les
kinésithérapeutes, mais jamais par les chirurgiens.
L'EXAMEN CLINIQUE DU POIGNET
L'examen du poignet normal :
La clef de l'examen clinique du poignet repose sur la localisation précise des
symptômes qui seront ensuite rapportés aux structures anatomiques sousjacentes : structures osseuses, interlignes articulaires, formation ligamentaires
ou trajet tendineux. Comme dans tout examen clinique, la zone la plus
douloureuse est examinée la dernière. L'examen doit être strictement
comparatif car il n'existe aucun critère de normalité.
Conditions d'examen
Le poignet s'examine sur un patient dont l'avant-bras est nu, débarrassé de ses
bijoux. Le confort de l'examinateur, et du patient, est indispensable à la
réalisation d'un examen de qualité. L'idéal serait de disposer d'une table étroite
dont la hauteur peut varier. En pratique la position la plus simple consiste à
s'asseoir en face du patient, très près de lui, de façon à faire reposer sa main sur
vos genoux, le coude du patient reposant sur sa cuisse (figure 5). L'examen
débute en général par la face dorsale, en pronation de l'avant-bras et flexion du
poignet alors que le bord ulnaire s'examine en flexion maximum du coude.
Lorsqu'il faut mobiliser le poignet, la prise proximale sert habituellement à
stabiliser l'avant-bras tandis que la prise distale sert à imprimer les
mouvements. Lorsqu'on palpe les structures anatomiques, l'examinateur
stabilise le poignet entre ses deux mains, et se sert de ses deux pouces pour la
palpation.
Figure 5:
Position «pratique» d’examen du poignet.
Projection cutanée des éléments anatomiques
La richesse séméiologique du poignet est liée au fait que tous les éléments
osseux, articulaires, tendineux, ou vasculaires peuvent être repérés et palpés à
partir de leur projection cutanée. L'examen, pour être complet, doit donc être
systématique. Quel que soit la structure examinée en premier, qui dépend de
chacun, l'examen devra être circulaire.
Face dorsale : à la partie proximale du poignet, et de dehors en dedans, on
identifie facilement la styloïde radiale, puis 1 cm au dessus l'arête vive qui
limite le premier compartiment des extenseurs et enfin le tubercule de Lister
sur lequel se réfléchit l'extensor pollicis longus (figure 6 et 7). Plus en dedans
on palpe la face plane dorso-ulnaire du radius et surtout la tête de l'ulna qui
saille en pronation. Au bord interne la styloïde ulnaire peut être palpée ; à la
face dorsale en supination, en position ulno-palmaire en pronation, et en
dedans en position neutre [4,5].
Figure 6:
Pour pouvoir correctement
examiner un poignet, il
faut pouvoir construire
mentalement la projection
cutanée des éléments
osseux.
Figure 7:
es principaux repères osseux
palpables de la face dorsale du
poignet.
A l'étage carpien on trouve en dehors la tabatière anatomique comprise entre :
l'extensor pollicis brevis et l'Abductor pollicis longus en dehors et l'extensor
pollicis longus en dedans. Le fond de la tabatière est occupé par le corps du
scaphoïde, surcroisé par l'artère radiale. La mise en inclinaison radiale fait
disparaître le scaphoïde. La partie distale de la tabatière correspond à
l'articulation scapho-trapézienne (figures 8 et 9). A l'extrémité distale du
scaphoïde existe un sillon qui admet l'index et permet de palper le trapézoïde
dans l'axe du 2 métacarpien, et le trapèze dans l'axe du pouce [4]. A la partie
externe de ce sillon, juste en dehors de l'extensor pollicis longus, se situe le
point d'entrée, dit STT, des arthroscopies médio-carpiennes (figure 10). Au
milieu de la face dorsale, 1 cm environ sous le tubercule de Lister, se situe
l'interligne scapho-lunaire tandis que, légèrement en dehors, le pôle proximal
du scaphoïde peut être palpé par la mise en flexion du poignet. Plus en dedans
on palpe une dépression qui correspond au col du capitatum (fossette de la
crucifixion) (figure 11). C'est surtout la tête du capitatum qui apparaît lors de la
mise en flexion maximum du poignet, le lunatum n'étant que partiellement
accessible à la palpation (figure 12). Discrètement en dehors du col du
capitatum, un cm distal par rapport à l'interligne scapho-lunaire, se trouve le
point d'entrée radial de la médio-carpienne. La styloïde du troisième
métacarpien se situe un cm à 1,5 cm plus distalement, entre le capitatum et le
trapézoïde. Elle est plus ou moins développée selon les individus et peut être
cachée par l'insertion de l'extensor carpi radialis brevis.
Figure 8:
Le fond de la tabatière
anatomique est occupé par le
scaphoïde et à sa partie
distale l’articulation scaphotrapézo-trapézoïdienne. Les
mouvements d’inclinaison
ulnaire et radiale permettent
de faire varier la position des
structures palpées.
Figure 9:
Projection cutanée de la
tabatière anatomique.
Figure 11: La face postérieure du col du
capitatum est située au fond d’une
dépression facilement repérable à la face
postérieure du poignet.
Figure 10:
Le sillon entre scaphoïde et trapèzetrapézoïde permet de palper la médiocarpienne.
Figure 12:
La mise en flexion du poignet
permet de palper la tête du
capitatum et la corne
postérieure du lucratum.
Le poignet en rectitude, il existe sur le versant ulnaire une continuité entre la
tête de l'ulna, le triquetrum, l'hamatum et le 5degrés métacarpien [5].
L'interligne triquetro-lunaire et le triquetrum sont accessibles à la palpation, en
inclinaison radiale, sous la saillie de la tête de l'ulna alors qu'ils disparaissent
en inclinaison ulnaire. Sous la tubérosité dorsale du triquetrum se trouve
l'interligne triquetrum-hamatum dont on peut apprécier la mobilité (figure 13).
Au bord ulnaire du poignet on retrouve une fossette entre l'extensor carpi
ulnaris et le flexor carpi ulnaris, facile à palper, au fond de laquelle se projette
le triquetrum en inclinaison radiale et en dessous de lui l'interligne triquetrohamatum, voie de drainage des arthroscopies médio-carpiennes (figure 14).
Figure 14:
La face postérieure du triquetum est
facilement repérée par la palpation de
la crête d’insertion du ligament radio-
triquetral postérieur. En-dessous, se
situe l’interligne triqueto-hamate.
Figure 13: La «tabatière anatomique
ulnaire».
A la face palmaire : Les structures osseuses sont beaucoup plus profondes.
Cependant, en dehors des deux styloïdes radiales et ulnaires, on peut
reconnaître en dehors, à la base de l'éminence thénar, la crête du trapèze, en
dessous l'interligne trapézo-métacarpien et au dessus, en extension du poignet,
la tubérosité du scaphoïde ainsi que l'interligne scapho-trapézien [5] (figure
15). En dedans, le pisiforme est aisément palpable, juste en dessous du pli du
poignet. Deux centimètres en dessous et en dehors du pisiforme, dans l'axe
avec la tête du deuxième métacarpien, on peut palper l'hamulus ossi hamatum,
juste en dedans du pli thénarien dont les fractures sont responsables de
douleurs dorsales [6] (figure 16). Les interlignes articulaires ne sont pas
palpables, mais le pli cutané proximal du poignet qui se projette en dehors au
niveau de la base de l'apophyse styloïde du radius, et en dedans en regard de la
pointe de l'apophyse styloïde de l'ulna, correspond dans sa partie moyenne à
l'articulation radio-carpienne [7]. Le pli cutané distal, concave vers le haut,
correspond en dehors au bord supérieur de la saillie du tubercule du scaphoïde
en dedans au bord supérieur du pisiforme et se projette en regard de
l'articulation médio-carpienne [7].
Figure15:
Les principaux repères
osseux palpables de la
face antérieure du
poignet.
Figure 16:
L’hamulus ossi hamatum est
palpé, en profondeur, 2 cm en
dessous du pisiforme en
direction de la 2ème
métacarpo-phalangienne.
Les parties molles :
A partir des repères osseux on peut facilement palper presque toutes les
structures tendineuses, vasculaires et parfois neurologiques. Leur palpation fait
partie de l'examen clinique général du poignet mais ne sera pas détaillée.
L'examen général à la recherche de déformation ou d'anomalies visibles fait
partie de l'examen.
L'EXAMEN DU POIGNET INSTABLE
Généralités :
C'est parce qu'ils se plaignent d'une faiblesse du poignet, d'une sensation de
ressaut ou d'un manque de force que la plupart des patients viennent consulter.
Un large spectre de lésions anatomiques allant de la déchirure ligamentaire
sans instabilité à la désaxation chronique des os
du carpe peut expliquer cette symptomatologie. L'examen clinique est très
variable d'un individu à l'autre [8]. L'examen de structures normales est parfois
ressentie comme douloureux ; c'est pourquoi l'examen doit être comparatif. Cet
examen, qui doit être rigoureux et méthodique, comporte 5 temps.
Le premier temps doit faire préciser par le patient les circonstances de
l'accident car le point de contact et la position du poignet au moment du choc
orientent parfois vers un type de lésions. Malheureusement, il est rare que les
patients aient eu le temps de noter la position de leur main lors du traumatisme.
Le deuxième temps détaille les symptômes allégués par les patients. La
douleur est le symptôme le plus fréquemment rapporté. Il faut en préciser son
caractère, ses horaires, ses facteurs favorisants, et la gêne qu'elle entraîne. Les
instabilités dynamiques apparaissent lors des efforts et elles entraînent
volontiers une synovite et des douleurs qui persistent un jour ou deux après
l'effort [8]. La douleur est en général toujours la même et ne disparaît jamais
complètement [6]. Le siège exact de la douleur est, pour tous les auteurs, le
signe le plus précis et le plus spécifique. Il faut donc demander au patient de
préciser avec un seul doigt la zone douloureuse. Cependant, la corrélation entre
une douleur radiale et l'existence de lésions arthrographiques radiales est faible
(46%), alors qu'elle est meilleure du côté ulnaire (88%) [9,10]. Cette
corrélation paraît encore plus faible si on réalise des arthrographies bilatérales
car pratiquement 75% des lésions sont bilatérales et symétriques [11]. On peut
ici utiliser des tests grossiers pour réveiller la douleur: secouer la main du
patient comme une chiffe, lui faire faire des pompes,... ; qui n'ont de valeur que
négatifs [12]. La reproduction de la douleur alléguée lors des mouvements
passifs qui sont faits avec une légère distraction, ou par les tests provocatifs,
est également un bon signe, de même que le soulagement par l'injection
d'anesthésiques locaux [3].
Le manque de force est souvent le deuxième symptôme allégué par le patient :
l'appréhension de la douleur est souvent en cause mais, si la douleur est
modérée, c'est un bon signe d'instabilité intra-carpienne.
Le troisième temps correspond à la palpation et au testing proprement dit de
chaque articulation, qui sera détaillée plus loin. On recherche : une sensibilité
de la zone palpée, parfois des mouvements anormaux, un crépitement ou un
oedème.
Le quatrième temps concerne un troisième groupe de symptômes constitué
par les bruits et ressaut émis ou ressentis par les patients. Il faut éliminer le
craquement bénin, observé chez de nombreux individus, qui est un bruit sec,
apparaissant lors de mouvements actifs, transitoire, avec une période de
latence, en rapport avec un état de saturation des gaz intra-articulaires. Le
ressaut est un phénomène visible, audible et souvent palpable mais il existe
toute une panoplie de signes associant à divers degrés : une sensation de
dérangement interne, des bruits (click, clunck...) et une sensation de ressaut.
On doit faire reproduire par le patient le mouvement déclenchant et essayer
ensuite de le reproduire passivement. Pour cela, le coude du patient étant en
appui, on se saisit de sa main et en exerçant une pression axiale on réalise des
mouvements de flexion-extension, d'inclinaison radiale et ulnaire et des
mouvements de rotation. Les manoeuvres <<spécifiques>>, décrites dans la
littérature, n'ont pour but que de majorer les contraintes sur les structures
ligamentaires pour déclencher douleurs, ressaut et craquements ou dévoiler une
mobilité anormale entre deux pièces osseuses. Cependant, la plupart des tests
décrits n'ont pas été validés en terme de sensibilité et de spécificité. Il s'agit
donc de tests indicatifs sans valeur formelle. C'est au cours de cet examen que
l'on va également apprécier la laxité des patients : laxité générale (recurvatum
et valgus prononcé des coudes, possibilité de toucher l'avant-bras avec le pouce
en flexion maximum du poignet, hyperextension des MP.) mais aussi laxité du
poignet avec :
(1) la chute du bord ulnaire de la main avec l'apparition d'un sillon dorsal
distalement à la tête de l'ulna, qui se corrige si l'on appuie sur le pisiforme
(figures 17 a et b).
Figure 17a,b: Chute spontanée du bord ulnaire du poignet chez une jeune fille laxe.
On vérifiera la réductibilité de cette position en poussant sur le pisiforme ce qui
éliminera
également une subluxation de la radio-ulnaire distale.
(2) L'existence d'un tiroir antéro-postérieur : une des mains de l'examinateur
maintient fermement l'avant-bras, tandis que l'autre main attrape la main du
patient au niveau des têtes métacarpiennes en exerçant une traction axiale. On
imprime des mouvements antéro-postérieurs mais le déplacement habituel est
minime. Chez les sujets laxes on observe une véritable subluxation qui a lieu
dans la médio-carpienne et s'accompagne d'une bascule de la première rangée,
d'une position de VISI en tiroir antérieur, à une position en DISI en tiroir
postérieur [13] (figures 18 a et b). Jeanneret a cependant montré qu'en légère
inclinaison ulnaire, il existait un mouvement de tiroir antérieur très net chez
tous les individus, tiroir qui disparaît en inclinaison neutre, radiale ou ulnaire
forcée [14].
Figure 18a,b: Réalisation d’un tiroir antérieur (9a) et postérieur.
Habituellement le déplacement en tiroir postérieur est toujours
plus important que celui en tiroir antérieur. La première rangée
se place en flexion en tiroir antérieur (9b, photo de gauche) et en
extension en tiroir postérieur (9b, photo de droite). Chez les
patients très laxes, la deuxième rangée se subluxe sous la
première.
(3) La présence d'un ressaut médio-carpien, indolore, présent chez un quart des
individus. On le met en évidence en portant, de l'inclinaison radiale à
l'inclinaison ulnaire, un poignet préalablement mis en flexion modérée et en
compression. Cette position place la première rangée en flexion et en tiroir
antérieur. Le ressaut n'est rien d'autre que le passage brutal de ce poignet
contraint d'une position de flexion à la position d'extension et de tiroir
postérieur qu'il doit avoir en inclinaison ulnaire. Ce signe d'examen que
certaines personnes arrivent à reproduire activement [5] est parfois appelé test
de Lichtman. Un test équivalent existe en partant de l'inclinaison ulnaire, mais
il est habituellement moins marqué [7]. L'hyperlaxité est fréquente chez les
patients qui présentent une instabilité du carpe, dont elle est un facteur
favorisant [15].
Si les radiographies sont normales, l'injection d'un anesthésique dans la zone
douloureuse et la reprise complète de l'examen constitue le cinquième temps
[16].
Comme pour tout examen clinique on s'aidera, si nécessaire, de manoeuvres
dilatoires pour mettre en évidence la mauvaise volonté de certains patients
(examen de plusieurs zones à la fois, testing de muscles antagonistes..) [12].
Au moment d'envisager un diagnostic, il est important de se souvenir que de
nombreuses lésions sont responsables de douleurs du poignet, alors que la
fréquence des lésions ligamentaires est assez faible (5% maximum de lésions
scapho-lunaires après un traumatisme du poignet [17]). De nombreux poignets
douloureux, y compris après un traumatisme, ne sont souvent que des kystes
dorsaux de petite taille devenus douloureux, ou des syndromes d'impaction
postérieure sans instabilité [18]. A l'inverse, s'il est rare que des lésions
ligamentaires intra-carpiennes soient asymptomatiques (2%), la présence d'une
symptomatologie évocatrice n'est corrélée à des lésions anatomiques que dans
un cas sur deux pour Truong et al. [9], et ne présente aucune corrélation
statistique pour Cantor [11]. Sur 87 arthroscopies du poignet pour douleurs
évocatrices d'instabilités, 51 patients présentaient une perforation ligamentaire
du carpe et 18 une perforation du TFCC. Cependant, plus de 70% étaient des
lésions partielles qui n'entraînaient pas d'instabilité [19].
Les lésions scapho-lunaires :
Le mécanisme lésionnel associe une chute sur le poignet en extension et en
inclinaison ulnaire, avant-bras en pronation, le point d'appui se situant sur
l'éminence thénar [6,15]. La douleur, radiale, et une perte de force progressive
sont habituelles [15]. La perte de mobilité est par contre tardive. Les patients se
plaignent parfois d'un ressaut qui apparaît plutôt lorsque le poignet est en
flexion, lors du passage de l'inclinaison radiale à l'inclinaison neutre. En
inclinaison ulnaire, le ressaut ou le craquement révèle le découplage du
scaphoïde et du lunatum et sa correction brutale. L'association d'une
inclinaison ulnaire et d'un tiroir antérieur qui met en tension la partie
postérieure du ligament scapho-lunaire, permettrait de dépister les lésions
partielles [Masquelet, communication particulière]. En flexion, le ressaut
traduit la pénétration du capitatum dans l'intervalle scapho-lunaire, ou la
subluxation postérieure du scaphoïde sur la marge postérieure du radius [5].
On peut parfois le reproduire lors des mouvements d'inclinaison en pression
axiale [20]. Parmi les tests provocateurs rapportés dans la littérature :
Le signe d'irritation synoviale du scaphoïde consiste à presser le scaphoïde
dans la tabatière ce qui réveille les douleurs [6,21] (figure 19). Ce signe est
habituellement positif chez les patients porteurs d'une instabilité mais sa
spécificité est très faible.
Figure 19:
Test du ballotement scapholunaire.
Figure 20:
est de compression de la tabatière ulnaire
(Linscheid).
Le signe de la sonnette du scaphoïde consiste à palper avec le pouce la saillie
palmaire du scaphoïde à la partie moyenne de la gouttière du pouls, tandis que
l'index est placé dans la tabatière anatomique. En inclinaison ulnaire la saillie
du tubercule scaphoïdien s'efface alors que celle du pôle proximal du
scaphoïde augmente dans la tabatière anatomique. En inclinaison radiale, la
saillie du tubercule scaphoïdien réapparaît dans la gouttière du pouls tandis que
celle du pôle du scaphoïde disparaît au niveau de la tabatière anatomique. La
perturbation de ce phénomène évoque une dissociation scapho-lunaire mais sa
sensibilité est faible [7].
Le test du ballottement scapho-lunaire cherche à mettre en évidence des
mouvements anormaux entre scaphoïde et lunatum. D'une main l'examinateur
maintient le scaphoïde entre le pouce (en avant et en bas) et l'index (en arrière
et en haut), et de l'autre main le lunatum également entre pouce et index (figure
20). On imprime alors de petits mouvements en sens contraire. L'appréciation
d'une véritable instabilité reste difficile car l'articulation scapho-lunaire
possède à l'état normal une grande amplitude de mouvements selon les
individus [5]. Le réveil de la douleur est par contre un bon signe. Le
ballottement du scaphoïde est plus net en légère flexion et on voit parfois une
saillie dorsale de la deuxième rangée [4,20]. Une autre technique consiste à
placer son doigt sur le pôle distal du lunatum, puis à le déplacer vers le bord
radial tout en mobilisant le poignet en flexion-extension. On peut parfois sentir
un sillon correspondant à l'écart scapho-lunaire, ou plus souvent un léger
ballottement de la tête du scaphoïde [6]. Les limites de ce test sont liées à la
difficulté à bien saisir le lunatum.
La manoeuvre de flexion du poignet-extension des doigts a été décrite par
Watson : coude en appui, on met le poignet en flexion en demandant une
extension des doigts. L'extension contrariée par un appui sur les ongles doit
réveiller la douleur de l'interligne scapho-lunaire [9,12] (figure 21).
Figure 21:
Manoeuvre de flexion du poignet extension
du doigt. La mise en compression du carpe
que réalise cette manoeuvre réveille une
douleur de l’interligne scapho-lunaire.
Le test de Watson ou scaphoid shear test [8,22] : l'examinateur et le patient
sont face à face dans la position du bras de fer. L'index (ou les doigts) de
l'examinateur est placé à la face dorsale du pôle proximal du scaphoïde, le
pouce étant posé sur la tubérosité palmaire. L'autre main maintient les
métacarpiens.
Une pression ferme est appliquée sur la face palmaire du scaphoïde tandis que
le poignet est placé en inclinaison ulnaire ce qui place le scaphoïde en
extension. Lors du passage en inclinaison radiale, le scaphoïde ne peut se
fléchir car il est maintenu par le pouce de l'examinateur. En cas de lésion
scapho-lunaire, et chez les sujets laxes, le scaphoïde aura tendance à partir en
arrière, sous la marge postérieure du radius et en venant ainsi au contact de
l'index de l'examinateur réveillera la douleur (figure 22). La douleur peut
parfois être seule présente sans perception du ressaut. Lorsque l'on relâche la
pression, le scaphoïde réintègre sa position avec parfois un <<thunk>> sonore
[22]. Dans certains cas, l'absence de mobilité par rapport au côté sain peut
traduire une réaction oedémateuse et synoviale [8]. Pour éviter des fauxpositifs trop fréquents, il faut d'abord mettre ses doigts sur la face postérieure
du scaphoïde pour détecter les sujets spontanément douloureux. Bien qu'il
s'agisse du test le plus connu, sa sensibilité et sa spécificité sont faibles. Ce test
est positif chez 20% des individus normaux [21,22]. Dans une autre étude, la
prévalence d'un ressaut asymptomatique lors du retrait du pouce était de 32%,
témoignant de la laxité des patients, dont 14% avaient cependant un test positif
unilatéral [23]. Lane a proposé de modifier le test (Scaphoid Shift test) en ne
réalisant qu'une translation antéro-postérieure ce qui augmenterait la sensibilité
en mettant en évidence des mouvements simples [24].
Figure 22: Test de Watson.
Les lésions luno-triquetrales
Ces lésions font suite à une torsion avec hyperpronation du poignet [5] ou plus
fréquemment à une chute en hyperextension avec impaction sur le bord ulnaire
[6,25,26].
La douleur siège au bord ulnaire du poignet chez 90% des patients, et la
palpation réveille toujours une douleur précise sur l'interligne triquetro-lunaire
[25,26]. Les mouvements de prono-supination sans résistance sont indolores,
mais deviennent douloureux sur l'interligne luno-triquetral si les contraintes
entraînent une torsion dans le carpe [26]. Une sensation d'instabilité, ou un
manque de force, sont plus rares. Un ressaut et/ou un bruit sourd (clunk) sont
présents dans un cas sur deux lors des mouvements d'inclinaison frontale, ou
lors du passage de la flexion à l'extension [4,5,25]. Parmi les mouvements dits
<<spécifiques>> :
Le test de Reagan ou test du ballottement luno-triquetral (shuck test ou shear
test selon les auteurs !) : Comme pour le ballottement scapho-lunaire
l'examinateur saisit entre pouce et index le lunatum et déplace le triquetrum
(par l'intermédiaire du pisiforme en avant). On apprécie l'instabilité (difficile)
et surtout le réveil de la douleur [25,27,28] (figure 23). Sa sensibilité est
diversement appréciée selon les séries (entre 33 et 100%), alors que sa
spécificité est inconnue.
Le shear test de Kleinman
(ou shuck test pour certains auteurs !) : avant-bras en l'air, l'examinateur place
un de ses doigts sur le lunatum en arrière. Avec le pouce controlatéral, il
appuie sur le pisiforme d'avant en arrière ce qui réveille la douleur [27,28]
(figure 24). Ce test serait très sensible et plus spécifique que le test de Reagan
[28].
Figure 23:
Test du ballotement lunotriquetral (Reagan).
Figure 24:
Test de Kleinman.
Figure 25:
Test de compression de la
tabatière ulnaire (Linscheid).
Le test de compression de la tabatière ulnaire de Linscheid serait le moins
spécifique pour Kleinman. Une pression axiale est exercée avec le pouce, de
dedans en dehors, au bord cubital du triquetrum ce qui réveille la douleur
[27,28] (figure 25).
Le test de l'ascension du triquetrum a récemment été proposé par
Zdravkovic et Sennwald (G. Sennwald, Communication particulière).
L'examinateur soutient la main du patient à examiner en amont du poignet et
place son pouce sur le triquetrum. A partir de la position neutre de flexionextension, il imprime des mouvements d'inclinaison radiale puis ulnaire et
apprécie les mouvements d'élévation du triquetrum qu'il compare au côté sain
(figures 26 a, b et c). La sensibilité et la spécificité de ce test sont encore
inconnues de même que les lésions anatomiques nécessaires pour qu'il soit
positif sont également encore mal précisées.
Figure 26: Test de l’ascension du triquetrum (Photos G. Sennwald). 10A, l’examinateur place le poign
radiale tout en palpant le triquetrum. Il porte ensuite le poignet en inclinaison neutre (10B) puis ulnair
apprécier l’ascension du triquetrum qui devra être comparée au côté sain.
Les instabilités globales de la première rangée :
Elles pourraient correspondre à des luxations spontanément réduites grâce à la
persistance de certains ligaments extrinsèques [29]. La clinique associe les
signes scapho-lunaires et luno-triquetraux avec douleur, perte de force, perte
de mobilité, douleurs aux mouvements extrêmes du poignet [29]. Des lésions
associées du TFCC sont très fréquemment rencontrées [29].
Les instabilités médio-carpiennes :
La classification de ces lésions reste imparfaite et ce terme recouvre
probablement plusieurs entités distinctes : pour certains l'instabilité est
essentiellement ulnaire, hamato-triquetrale [27,30,31]. Pour d'autres, la lésion
siégerait plutôt dans l'espace luno-capitatum [32,33]. Enfin, Schernberg, et
Masquelet ont décrit des instabilités radiales, scapho-trapézienne, que nous
individualiserons [7,13,34]. Le mécanisme lésionnel est donc mal connu mais,
en dehors des lésions radiales certainement traumatiques, il ne semble pas y
avoir de traumatisme déclenchant précis pour les lésions centrales ou ulnaires,
les plus fréquentes [27,30]. L'hyperflexion pour certains, [13], l'hyperpronation
associée à une extension pour d'autres [16] seraient des mouvements
favorisants.
Les instabilités médio-carpiennes ulnaires ou centrales :
La plupart des patients ont une laxité bilatérale et, une fois sur trois, un ressaut
medio-carpien indolore sur le poignet <<sain>> [30]. La douleur siège du côté
ulnaire, et elle entraîne une impotence fonctionnelle, un manque de force et
une limitation de la mobilité [13]. C'est surtout le ressaut médio-carpien que
présente les patients lors des mouvements entraînant une compression axiale
qui est pratiquement pathognomonique car il est visible et audible <<de loin>>
(Figures 27 a et b). Ce ressaut est identique à celui qu'on observe chez certains
sujets laxes mais son caractère douloureux est pathologique [5,31].
Figure 27a,b :
Passage brutal dans une
instabilité médio-carpienne
d’une position de flexion
globale de tous les os de la
première rangée à une position
d’extension lors de la
reproduction du ressaut. Noter
l’aspect en flexion du
scaphoïde dont on voit la
tubérosité distale sous forme
d’un anneau, celle du lunatum
dont on voit la corne
postérieure, petite, pointue et
asymétrique et celle du
triquetrum qui est juxtaposé à
l’hamatum. En extension, le
scaphoïde apparaît dans sa
plus grande longueur et le
signe de l’anneau a disparu, le
lunatum présente sa corne
antérieure volumineuse,
arrondie, symétrique tandis
que le triquetrum se superpose
à l’hamatum.
Ce ressaut disparaît si l'on appuie sur le pisiforme ce qui place la première
rangée en extension. Il disparaît également lors de la contraction des
hypothénariens. D'autres manoeuvres ont également été proposées qui, toutes,
provoquent un ressaut avec décalage d'une rangée du carpe sur l'autre et
déformation en zigzag du carpe : douleur à la mobilisation postérieure du
capitatum pour Johnson et al. qui contrôlent sous amplificateur la subluxation
du capitatum [32]. Pour ces auteurs la lésion est traumatique et concerne le
ligament radio-capitatum. Louis place le poignet en légère flexion en même
temps qu'il exerce une traction. Il pousse alors sur la tubérosité distale du
scaphoïde en contrôlant le déplacement du carpe sous amplificateur [33]. Pour
Louis on assiste, dans ses 11 cas publiés, à une double subluxation postérieure
de la première rangée sous le radius et du grand os sous le lunatum [33]. Seul
un patient ayant été opéré, la lésion responsable n'est pas connue, mais Louis
pense qu'il s'agit d'une faiblesse des ligaments dorsaux luno-capitatum [33]. Un
test de cisaillement a également été décrit entre triquetrum et hamatum
(Triquetro-hamate shear test) qui consiste à saisir le triquetrum entre pouce et
index, tandis que l'on appuie sur l'hamulus ossi hamatum d'avant en arrière
[12] (figure 28).
Figure 28: Test de cisaillement triquetrohamatum.
L'instabilité scapho-trapézienne
: La lésion, rare, fait suite à une hyperextension du poignet et de la colonne du
pouce, avec parfois un mouvement de torsion [34,35]. La douleur, qui siège à
la face antérieure de la STT, est reproduite lors de la mise en rétropulsion
forcée de la colonne du pouce. Il s'y associe une faiblesse de la pince pouceindex, une gêne aux mouvements de rotation de la pince, ainsi qu'une fatigue à
l'écriture [35]. Schernberg décrit un cas dans lequel le mouvement traumatisant
était une flexion forcée avec traction [13]. Il est possible de réaliser un test de
cisaillement associant translation et compression de la scapho-trapézienne :
Une main enserre le trapèze et le trapézoïde dorsalement, dans le sillon, et la
crête du trapèze en avant, tandis que l'autre main enserre la partie basse du
scaphoïde [12].
Les instabilités de la radio-ulnaire distale :
L'instabilité antérieure fait suite à un traumatisme en supination forcée,
l'instabilité postérieure à un traumatisme en pronation forcée. La luxation
dorsale entraîne la saillie de la tête de l'ulna et une perte de la supination. En
cas de subluxation dorsale, la saillie de la tête de l'ulna est bien visible lors de
l'examen à jour frisant et, contrairement à ce qu'on observe sur un poignet
normal, ne disparaît pas lors de la flexion du poignet [7]. Une luxation
antérieure entraîne une rétraction de la peau dorsale et une limitation de la
pronation. Lorsqu'existe une subluxation antérieure on retrouve une disparition
ou une diminution de la saillie de la tête de l'ulna avec un alignement ou une
disparition de la dénivellation physiologique ulno-carpienne [7]. Les douleurs
des instabilités radio-ulnaires distales siègent au bord interne du poignet et sont
reproduites lors des mouvements de prono-supination. Une des mains de
l'examinateur maintient l'avant-bras du patient, tandis qu'avec son autre main il
empoigne la main du patient comme pour une vigoureuse poignée de main. La
rotation passive forcée, ou la rotation active contre résistance réveillent les
douleurs radio-ulnaires. Les douleurs provoquées par la compression associée,
avec la main antébrachiale, de l'ulna sur le radius, évoque plutôt une
chondromalacie [3,16]. Les patients se plaignent également d'un ressaut lors
des mouvements de prono-supination, qui apparaît lors de la subluxation de la
tête ulnaire ou lors de sa réduction.
L'instabilité radio-ulnaire s'apprécie lors du test du ballottement dans le sens
antéro-postérieur réalisé en flexion du coude, le pouce et l'index de
l'examinateur stabilisant, en dehors le radius, en dedans la tête de l'ulna (figure
29). Il n'existe normalement pas de mobilité radio-ulnaire en pronation ou
supination maximum. L'apparition de douleurs et d'une mobilité importante est
en faveur d'une instabilité radio-ulnaire. Ce test doit être non seulement
recherché dans les mouvements extrêmes de prono-supination, mais également
en faisant varier la rotation car l'instabilité peut n'apparaître que pour certains
degrés de rotation. On peut également tenter de mobiliser vers le bord medial,
entre deux doigts, la tête ulnaire [12]. Les lésions du TFCC sont le plus
souvent dégénératives, mais peuvent représenter un des premiers stades
d'instabilité. Les douleurs sont toujours ulnaires, et sont aggravés par les
mouvements du poignet, mais pas forcément lors des mouvements de pronosupination. Elles sont habituellement aggravées par l'inclinaison ulnaire et
l'impaction ou les contraintes en rotation : test du tournevis dans lequel la main
du patient est maintenue dans celle de l'examinateur qui la visse et la dévisse
[12,16].
Enfin, à la limite des lésions ligamentaires, l'instabilité du tendon Extensor
Carpi Ulnaris apparaît après des mouvements associant hypersupination et
inclinaison ulnaire [16]. La mobilisation en prono-supination passive est en
général douloureuse, et s'accompagne parfois d'un ressaut visible et palpable
que l'on reproduit en portant le poignet en flexion et supination [6] (figure 30).
Figure 29:
Test du ballotement radioulnaire.
Figure 30:
Le déplacement du
tendon de l’extensor
carpi ulnaris
s’apprécie en
portant le poignet en
flexion et supination
et doit être comparé
au coté opposé.
Les instabilités radio-carpiennes:
Très rares, elles semblent faire suite à un mécanisme associant hyperextension,
inclinaison ulnaire et un mouvement de rotation [36]. Les lésions les plus
graves sont séquellaires des luxations radio-carpiennes et s'accompagnent d'un
tiroir antérieur et d'un tiroir ulnaire [37,38] (figure 31). Schernberg a décrit des
lésions moins sévères d'instabilité radio-carpienne par distension des
formations radio-triquetrales postérieures que l'on peut mettre en évidence par
la présence d'un tiroir radio-carpien interne, parfois douloureux, qui n'existe
pas à l'état normal [7] : le pouce de l'examinateur imprime un mouvement
antérieur puis postérieur en appuyant sur la face postérieure du triquetrum
(tiroir antérieur) puis sur la face antérieur du pisiforme (tiroir postérieur). Les
pulpes de l'index et du médius placées sur la face antérieure puis postérieure du
radius servent de contre-appui. Il existe également dans ces cas une
augmentation de la dénivellation ulno-carpienne postérieure qui est réduite par
le tiroir postérieur, ce qui témoigne de son origine radio-carpienne. Il existe
également parfois un ressaut apparaissant lors des mouvements d'inclinaison
ulnaire, le poignet étant en position intermédiaire de flexion-extension. Ce
ressaut est neutralisé si l'on réalise la manoeuvre de tiroir radio-carpien interne
postérieur [7].
Figure 31:
Luxation radiocarpienne spontanément
réduite: translation
ulnaire majeure.
Figure 32:
«Grinding Test» du
pisiforme. Cette
manoeuvre est
douloureuse dans les
instabilités du pisiforme
mais aussi dans les
arthroses grisotriquetrales, beaucoup
plus fréquentes, où elle
s’accompagne d’un
crissement.
Les instabilités piso-triquetrales :
L'atteinte piso-triquetrale est le plus souvent dégénérative. L'instabilité aiguë
fait suite à une chute sur le bord ulnaire du poignet en extension [39]. Les rares
cas d'instabilité chronique se rencontrent chez les joueurs de raquettes. La
douleur est réveillée par le ballottement du pisiforme le poignet étant mis en
légère flexion et inclinaison ulnaire pour détendre le Flexor Carpi Ulnaris
[40,41] (figure 32).
Figure 34:
Test de Linscheid.
Figure 33:
La compression des métacarpiens réveille
la douleur carpo-métacarpienne dans les
instabilités.
Les instabilités carpo-métacarpiennes : Elles font habituellement suite à une
chute en hyperflexion. La douleur siège à la base des métacarpiens. Le test
d'écrasement des métacarpiens qui consiste à serrer les métacarpiens entre
deux doigts de l'examinateur est utile au dépistage de ces lésions [12] (figure
33). La douleur est réveillée par le test de Lindscheid [6] : l'examinateur
stabilise la deuxième rangée du carpe d'une main, tandis qu'il exerce une
pression dorsale puis palmaire sur les métacarpiens de l'autre [4] (figure 34).
Pour les métacarpiens mobiles (4ème et 5ème), le testing associe des
manoeuvres de translation et de compression [12].
REMERCIEMENTS :
Au Pr A.C. Masquelet et au Dr E. Lenoble pour avoir accepté de
relire et de critiquer les versions initiales de ce travail et à A.
Travadel pour la réalisation des dessins.
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