LES SOINS ANTALGIQUES CONTRE LES DOULEURS INDUITES CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE EN INSTITUTION Ne jamais oublier que la douleur la plus facile à soigner est celle de l’autre. A cause de leur pratique quotidienne et de la facilité de leur application, ces soins exigent une continuelle démarche de qualité des soins et une éducation à la santé dirigée vers tout le personnel soignant, vers le patient et son entourage. L’amélioration de notre pratique passe par la prise de conscience que tout acte, le plus anodin soit-il, peut être source de douleur chez un patient âgé. Le maître mot de la prévention, c’est l’anticipation. Anticiper et bien soigner exigent de la personne soignante une connaissance de l’art de soigner, une empathie et une dimension humaine. 1-Ecouter le patient et son entourage L’amélioration de l’écoute des paroles des patients et de leur entourage et savoir leur expliquer ce que l’on prescrit et pourquoi on le prescrit. Ces moments sont précieux pour la conduite des soins et leur efficacité. Même un patient dément doit recevoir des informations. S’il ne saisit pas tout, il pourra être sensible à l’attention qu’on lui porte et au ton de la voix. Son entourage inquiet sera rassuré et notre travail de soins valorisé. Enfin les travaux de nos confrères canadiens confirment la plus grande efficacité des soins et de la qualité de vie du fait de l’implication de la famille. 2-Rôle du médecin et de l’équipe des soins: le bénéfice pour le patient. a) développer la culture de l’anticipation et de la prévention Malgré l’entrée dans les mœurs de la pratique quotidienne des soins contre les douleurs induites, le médecin doit toujours rester attentif aux conséquences douloureuses des actes prescrits et les anticiper. L’équipe soignante devient de plus en plus attentive à l’identification des situations et au bon déroulement des soins. b) développer la formation continue pour permettre à l’équipe soignante de mieux repérer les situations de douleurs induites, de comparer le travail accompli par rapport à celui d’autres équipes, d’assurer du meilleur maniement des antalgiques et ne pas avoir peur de les utiliser. c) organiser la chaine d’information qui arrive du patient et de son entourage jusqu’à l’équipe soignante pour développer de nouvelles approches ou techniques de soins quotidiens (prélèvements, pansements, toilette…). d) Accepter de renoncer à certains actes ou soins douloureux, si le bénéfice n’est pas certain pour le patient. 3-Les patients âgés sont particulièrement exposés à une souffrance lorsque les actes prescrits se passent en dehors de leur cadre habituel de vie. Un simple transport à la radio peut être une rude épreuve (chaos, secousses, attente, angoisse…). La chaine de soins antalgiques ne doit pas s’interrompre. Un carnet avec les recommandations antalgiques remis à l’équipe des ambulanciers permettra de prévenir l’équipe d’accueil où arrive le patient à poursuivre les soins .. 2 Les douleurs induites : Les personnes âgées constituent une population fragile dans laquelle nous retrouvons des spécificités au niveau des causes, du traitement et de la prévention des douleurs induites. Ces dernières sont bien réelles, elles entravent la qualité de vie des patients et altèrent souvent la relation de soin. Les limites d’âge pour proposer des actes diagnostiques et/ou thérapeutiques reculent. Une médicalisation plus forte s’installe dans cette tranche d’âge. Les progrès réalisés dans les soins antalgiques des douleurs induites chez les patients âgés sont réels. Les douleurs induites par les actes ou les soins sont de mieux en mieux ciblées, bien soignées et la qualité des soins évolue parallèlement à la qualité de vie des patients. Le but actuel des différentes équipes est l’amélioration des pratiques du repérage des situations induisant les douleurs et des soins à proposer. . LES SPÉCIFICITÉS GÉRIATRIQUES 1-La difficulté d’évaluer Il est naturel que les actes de soins douloureux soient réfléchis et bien exposés au patient et à son entourage. Auparavant l’évaluation sera faite. Elle sera démarrée dès le moment où l’indication est posée. 2-Lorsque les fonctions cognitives sont normales, le patient âgé peut contrôler son ressenti et éventuellement formuler une plainte “adaptée” à l’acte. Ainsi, les expériences douloureuses antérieures vont bien sûr modifier la plainte. Une personne âgée ayant un lourd passé douloureux ou traumatique (maladie grave, handicaps multiples) pourra soit banaliser les nouvelles douleurs induites (« Quand on a vécu ce que j’ai vécu… »), soit être totalement envahie de douleur pour un acte minime qui peut paraître indolore pour tous. Le facteur psychologique ne doit jamais être négligé. Il est toujours recommandé de réfléchir au patient dans sa globalité : somatique et psychologique et d’utiliser les échelles d’évaluation recommandées. 3-Lorsque les fonctions cognitives sont altérées, il faut - se placer face au patient et lui expliquer les gestes et leurs difficultés mais aussi les bénéfices attendus pour lui. le patient doit être préparé. - expliquer les gestes à l’entourage. - utiliser les échelles d’évaluation Il faut toujours se poser la question : Comment le patient percevra-t-il le geste ? Le personnel soignant n’oublie jamais que tout geste peut être vécu par le patient comme une agression et son comportement réactionnel va paraître inadapté. Un tel comportement peut entraver le soin et du même coup le rendre plus douloureux. Dès lors, l’évaluation de la douleur ne sera pas aisée. Le trouble du comportement peut signifier douleur, mais aussi incompréhension. À nous de savoir proposer des stratégies de traitement, s’il y a suspicion de douleur. Les échelles d’hétéro-évaluation de la douleur vont nous servir à identifier un comportement possiblement douloureux. 4-La présence et/ou la participation de la famille est recommandée dans un cas comme dans l’autre. 3 La population institutionnalisée : éducation à la santé Les institutions accueillant des personnes âgées dépendantes sont de mieux en mieux médicalisées. Ce séjour en institution favorise le développement d’une relation humaine et de de soins. Le personnel soignant avec l’aide de l’entourage du patient, a pour but d’améliorer la qualité de vie des résidents. Il faut apprendre au patient à mieux exprimer sa ou ses douleurs : verbalisation, utilisation des échelles…, le patient apprendra, avec son entourage, peu à peu que la douleur n’est pas une fatalité et qu’il faut savoir mieux l’exprimer que de la taire. Il apprendra qu’en institution, les soins viennent à lui et qu’il faut savoir utiliser ce mode de communication pour garder une bonne qualité de vie. L’effet institution doit devenir favorable au patient et à l’équipe soignante car en développant une éducation aux soins, le patient et le personnel soignant mettent en route une stratégie productive pour lutter contre les douleurs. L’éducation aux soins comprend la réflexion sur les douleurs induites. La réflexion est plurielle : médecin, patient, entourage, infirmiers, personnel soignant, psychologue, kiné…. Les actes prescrits doivent être légitimes et productifs. Si les fonctions cognitives sont altérées, le soin doit être clairement expliqué au patient et à son entourage. Quelles sont les douleurs induites le plus fréquemment rencontrées ? Les actes diagnostiques et/ou thérapeutiques la douleur la plus facile à soigner est celle de l’autre. Il s’agit ci-dessous d’une liste des situations les plus fréquentes. Il est conseillé d’en établir un tableau qui servira de « check-up » à vérifier pour chaque patient. La répétition d’actes (qui pris séparément sont supportables) peut engendrer de la douleur et particulièrement de l’anticipation anxieuse qui peut être mal interprétée par des soignants non formés. « On ne l’a pas encore touché qu’elle crie déjà! « Cela ne peut pas être de la douleur… » 1-ponctions veineuses ou artérielles, lombaires, articulaires, pleurales, osseuses ; endoscopies bronchiques, digestives ; biopsies mammaires, prostatiques, hépatiques, ostéomédullaires pour ne citer que les plus fréquentes. 2-les infiltrations dont la réalisation sans préparation sont douloureuses. Il faut avertir l’équipe qui accueille le patient pour ce geste et de son devoir de remplir le document de soins préparé par l’institution à ce sujet. Pour les actes ambulatoires (hopital de jour), les patients arrivent avec une perfusion de néfopam qui doit se poursuivre en post-opératoire. 3-Les retours des patients résidents après chirurgie ambulatoire sont souvent à l’origine de douleurs parfois intenses. Les soins antalgiques sont obligatoirement programmés et ciblés par le personnel soignant. Les soins démarrent par la lecture de la fiche de transmission, par l’interrogatoire et l’évaluation des douleurs. Souvent le médecin anesthésiste conseille l’utilisation de l’association du néfopam et d’un AINS ou du néfopam associé ou non à un morphinique respectant l’immunosenescence pour contrôler les douleurs 4-Les soins infirmiers : soins d’escarres et pansements. Nous citons ces deux situations jadis très douloureuses et actuellement bien « protocolisées », ciblées et bien soignées. Actuellement, chaque unité dispose d’un programme de soins adaptés à chacune de ces situations, il faut entrer en contact avec l’unité et travailler en harmonie en pré comme en post-interventionnel. 4 5- la kinésithérapie postopératoire précoce ou plus tardive entre dans le cadre du traitement des douleurs induites. 6-les gestes en radio-interventionnelle : (infiltrations, embolisations diverses, ….) ne peuvent pas toujours bénéficier de la présence d’anesthésistes. Actuellement, chaque unité dispose d’un programme de soins adapté à chacune de ces situations, il faut entrer en contact avec l’unité et travailler en harmonie en pré comme en post-interventionnel. 7- Le myélogramme est très douloureux ; la ponction lombaire ; le prélèvement sanguin artériel et la pose de perfusion intraveineuse sont moins douloureuses mais exigent une préparation antalgique. Actuellement, chaque unité dispose d’un programme de soins adapté à chacune de ces situations, il faut entrer en contact avec l’unité et travailler en harmonie en pré comme en post-interventionnel. 8-L’enchaînement d’actes multiples peut-être source de douleur, la personne âgée fragile ne pouvant “récupérer” entre deux examens. Il faut savoir programmer les examens pour éviter le rapprochement des actes d’antalgie contre les douleurs induites et favoriser la récupération du patient. 9- Les soins des différents types de plaies : les plaies évoluant sur un mode chronique sont fréquentes dans la population âgée : ulcères variqueux, plaies des extrémités dans le cadre d’une artérite, escarres de décubitus. Il faut noter les bons résultats obtenus par les soins et qui ont conduits à la raréfaction des lésions cutanées du siège ou des organes génitaux externes dans le cadre de mycoses. Grâce à l’amélioration des pratiques, les lésions dues aux phénomènes de macération n’existent plus.. 10-Les soins de bouche : malgré bien des efforts, peu de patients sont adressés pour des soins dentaires. Ces soins sont d’autant plus exigés que le patient est porteur d’un appareil. Une attention particulière doit être portée pour les patients en fin de vie, et dès lors, l’alimentation, la prise de boissons ou de traitements, pourront être source d’inconfort. 11-Les soins d’hygiène, des soins quotidiens comme : la toilette, l’habillage et la mise au fauteuil (toujours non adapté) jadis à l’origine de douleurs sont actuellement bien ciblés et les antalgiques bien utilisés. Enfin notre attention doit être portée sur les inconvénients de certains transferts en ambulance, d’épisodes de jeûne, de répétition des examens…qui peuvent perturber les mécanismes d’autocontrôle du patient. Au total, les causes des douleurs induites sont multiples chez les personnes âgées. Depuis près d’une décennie notre attention et nos actes de soins sont devenus plus performants. Meilleur ciblage, meilleure connaissance de la physiopathologie, des soins antalgiques et une grande place pour l’empathie. ponctions veineuses ou artérielles soins d’hygiène lombaires, articulaires, soins de bouche, soins des différents types de plaies 5 osseuses ; pleurales, endoscopies bronchiques, hépatiques, digestives ; prostatiques, biopsies mammaires, ostéo-médullaires Transferts en ambulance Enchaînement rapide d’actes multiples myélogramme kinésithérapie Sortie -promenade Pose sonde vésicale Ablation de fils opératoire Ablation de drains, de sonde soins d’escarres, pansements gestes en radiointerventionnelle TRAITEMENT DES DOULEURS INDUITES Tous les actes ponctuels douloureux bénéficient obligatoirement d’une explication claire et d’un traitement dont on évalue continuellement l’efficacité afin d’ajuster le traitement dans le cadre de l’amélioration continue de la qualité des soins. Dans le cas d’un soin, le traitement ne pourra être conduit sans l’étape fondamentale que constitue l’évaluation des conséquences du geste et du statut anxieux du patient.. L’évaluation : avant et après le geste À quel moment survient la douleur? Malgré nos connaissances, il est primordial d’observer le déroulement complet d’un soin pour déterminer ce qui fait mal afin d’améliorer la qualité du soin. Exemples : 1- Le patient a-t-il mal avant qu’on le touche malgré notre explication? C’est le signe de l’anticipation douloureuse et signe non pas un patient qui “en rajoute”, mais un patient qui a mal et chez qui la douleur est mémorisée (conditionnement). La participation anxieuse peut également induire ou majorer ce type de réaction. Facilement, nous comprenons l’importance d’une nouvelle explication et de la participation de la psychologue dans cette approche. 2- La douleur est-elle induite par les mobilisations nécessaires pour le soin ? observation fréquente lors des transports, en salle de radio-interventionnelle. Il faut savoir faire le geste sous couverture antalgique. La transmission des signes et symptômes ressentis par le patient améliorera la pratique de nos soins. 3- Le patient a-t-il mal quand on enlève le pansement ? 6 Il peut exister en périphérie de la plaie une zone inflammatoire responsable d’un phénomène d’hyperalgésie qui peut expliquer les douleurs survenant alors qu’on enlève simplement l’adhésif, acte que chacun d’entre nous peut penser indolore. 4- La douleur survient-elle quand on aborde la plaie elle-même ? Nombre de patients ont une douleur importante qui survient après la réfection du pansement, alors que les soignants ne sont plus présents pour le voir… 5- La douleur survient-elle après le soin ? Dérouler de façon systématique tout ce questionnement permettra de s’interroger sur la nécessité d’une prémédication simple, d’un traitement sur 24 heures (avec éventuellement une prémédication avant le soin), d’un traitement local ajouté ou d’une autre façon de faire le soin… Évaluation de l’intensité de la douleur Cette étape est fondamentale pour le choix des antalgiques, l’adaptation et le suivi du traitement. L’idéal est une auto-évaluation réalisée par le patient (avant - pendant - après le soin). On peut proposer divers outils d’évaluation quantitative de la douleur: • l’EVA (Échelle Visuelle Analogique) : réglette graduée munie d’un curseur que le patient positionne en fonction de sa douleur. • L’EN (Échelle Numérique) : on demande au patient de donner une note à sa douleur entre 0 et 10 (consignes : 0 = pas de douleur, 10 = douleur maximale). • l’EVS (Échelle Verbale Simple) : on propose au patient des mots pour quantifier sa douleur. Chaque mot correspond à un chiffre. Exemple : absence de douleur = 0, douleur faible = 1, douleur modérée = 2, douleur intense = 3, douleur extrêmement intense = 4. Dans 60 % des cas environ, le patient âgé ne peut utiliser ces outils (troubles cognitifs, aphasie, troubles sensoriels). L’équipe soignante aura recours à des échelles d’hétéroévaluation de la douleur. Deux sont actuellement validées : DOLOPLUS 2 et ECPA. Ces échelles d’hétéro-évaluation vont permettre en analysant des items bien précis d’avoir une présomption d’état douloureux. Chaque item à lui seul n’est pas significatif de douleur mais l’ensemble des items cotés conduit à un score qui va permettre de suspecter l’état douloureux. Dès lors, le doute devant bénéficier au patient, une stratégie de traitement est mise en place et c’est par des évaluations répétées que l’on saura si on est efficace, car on analyse une cinétique des scores. Dans le cas de patients adultes ou âgés non communicants, le choix se portent : - soit sur l’ECPA. Cette échelle comprend deux séries d’items. Une série à coter avant le soin et une série à coter pendant le soin. L’ECPA a une bonne sensibilité lorsque le patient est soumis à des actes potentiellement douloureux. Lorsque les soignants utilisent ces grilles en routine, la cotation est rapide - soit sur l’échelle DOLOPLUS 2 selon les habitudes des équipes et parfois le type de recrutement des patients. Il est important d’expliquer l’échelle utilisée –disponible dans la chambre du patient- à l’entourage du patient qui peut en faire un excellent usage. L’évaluation de la douleur par le médecin devra également s’attacher à déterminer le type de douleur dont il s’agit (nociceptive, neuropathique ?). Dans le cas des actes et soins, on est souvent dans le registre des douleurs nociceptives, mais il est important de ne pas méconnaître l’existence d’une douleur neuropathique qui nécessitera un traitement de fond. Par ailleurs, il peut exister une douleur neuropathique de base susceptible d’être exacerbée lors de soins ou d’actes douloureux. 7 De même, il est important d’analyser la part d’anxiété qui participe au phénomène douloureux. Elle est fréquente dans la population âgée et justifie parfois des prescriptions autres que celles du domaine de l’antalgie. Les médicaments Les médicaments co-antalgiques Ils sont associés au traitement antalgique et pourront contribuer selon les indications à diminuer la douleur (ex : antibiotiques en cas de plaie surinfectée, les AINS quand les phénomènes inflammatoires sont importants et que ce traitement est possible. Les anxiolytiques non BZD ou antidépresseurs peuvent également, au cas par cas, avoir un rôle dans la prise en charge de la douleur). Les traitements locaux Ils sont le plus souvent utilisés en association à un traitement de fond ou à une prémédication. Les actes avec effraction cutanée (prélèvements artériels, veineux, ponctions, pose de perfusion…) Le traitement sera essentiellement préventif avec : • soit une application de froid sur la zone de piqûre (Cryogesic®); • soit une application d’EMLA® (forme tube ou patch). L’EMLA® est une crème constituée d’un mélange de deux anesthésiques locaux. Elle entraîne une anesthésie d’une profondeur de 3 à 5 mm en une à deux heures. La crème doit être mise en place sur le point de ponction prévu, et recouverte d’un film transparent. Il est essentiel de respecter le délai d’action. La crème EMLA® ou son équivalent générique doitvent être largement utilisés pour les actes programmés, particulièrement chez les patients aux fonctions cognitives altérées ou pour certains actes ressentis plus douloureux (ponctions - gaz du sang…). Dans le cas de plaies La lidocaïne (Xylocaïne®) peut être utilisée en application sur une plaie. Il existe une forme à 5 % : vaporiser sur la plaie et y poser des compresses imbibées de Xylocaïne®. Laisser agir avant d’aborder de nouveau la plaie : 10 à 15 mn semble être le temps minimal pour obtenir une efficacité. La Xylocaïne® sous forme gel peut être utilisée dans les mêmes indications. Vérifier l’absence d’intolérance cutanée aux applications répétées. L’EMLA® peut être utilisée en application locale avec la nécessité d’appliquer l’EMLA® au moins une heure avant le soin en ayant pris soin de recouvrir la plaie d’un film hermétique (AMM dans le curetage des ulcères). On recommande 1 à 2 g d’EMLA® pour 10 cm de plaie à déterger. Pas plus de 10 g par application. Les essais n’ont pas été poursuivis au-delà de quinze jours. L’utilisation n’est donc pas validée au long cours. Les techniques d’anesthésie Les analgésies loco-régionales (ALR). Il faut savoir appeler le médecin anesthésiste référent douleur le plus proche et lui demander son avis. 8 L’anesthésie générale : Les soins des plaies sont parfois tellement douloureux et longs que l’anesthésie générale est utilisée. C’est le cas dans : débridement, mise à plat d’escarres, pose de gastrostomie…. Ces techniques impliquent une voie intraveineuse, une lutte contre les douleurs pré et postopératoires et une surveillance cardiaque et respiratoire. Elles sont réalisées sous la surveillance d’un anesthésiste. C’est cette surveillance particulière qui permettra d’éviter les troubles cognitifs fréquemment observés en post-op. Les techniques de sédation On peut les utiliser lorsque le traitement antalgique ne suffit pas et/ou qu’il existe une importante appréhension pour le soin. Il est conseillé que la personne qui a expliqué le soin et la technique soit présente. Le Mélange Equimolaire oxygène/protoxyde d’azote. (MEOPA) Le MEOPA induit une “sédation vigile”. (Le risque de pollution oblige d'administrer ce gaz dans un local bien ventilé ou de l'éliminer à l'extérieur). Chez la personne âgée, une consultation médicale est nécessaire avec auscultation pulmonaire, palpation abdominale et radiographie pulmonaire. Réservé longtemps aux milieux proches de l’anesthésie, une modification de l’AMM ( 24/02/2002) permet une extension de son utilisation moyennant certaines précautions: respect des contre-indications bien sûr mais aussi, formation des utilisateurs, conditions de stockage… C’est un gaz qui possède des propriétés analgésiques et anxiolytiques. Utilisé en mélange équimolaire associé à l’oxygène, le protoxyde d’azote (Kalinox®) permet par inhalation une analgésie précoce (en trois minutes) et ses effets sont rapidement réversibles à l'arrêt de l'administration. Le soin doit être réalisé au minimum par deux soignants dont un s’assurera que le patient tolère bien l’acte et reste conscient. L’administration se fait par l’intermédiaire d’un masque bien adapté au patient qui doit être coopérant. Chez la personne âgée, Le MEOPA doit être utilisé en association à un traitement antalgique de fond avec ou sans prémédication. Son utilisation est recommandée pour des soins n’excédant pas une heure. Quand les conditions le permettent (hospitalisation, structure sanitaire…), il est important d’inclure le MEOPA dans l’arsenal thérapeutique de base. Son utilisation précoce justifie et permet d’éviter qu’un conditionnement douloureux du patient ne s’installe. Les effets secondaires constatés : euphorie, rêves, modification des perceptions sensorielles, paresthésies, vertiges, nausées, vomissements, agitation avec angoisse. Les contre-indications principales sont l'altération de l’état de conscience, un pneumothorax, l’existence de bulles d’emphysème, d'une distension gazeuse abdominale, d'un traumatisme de la face… et ne pas oublier d’enlever la prothèse dentaire avant l’application. Le midazolam (Hypnovel®) C’est une benzodiazépine à demi-vie courte à utiliser quand il existe une anxiété par rapport aux soins et une présence médicale à proximité. Par ailleurs, il faut être prudent si votre patient est déjà sous morphinique. - Voie sublinguale ou sous-cutanée des ampoules injectables à 5 mg. La dose est spécifique du patient, donc il faut titrer. Le but est d’induire une sédation ou une forte baisse de la vigilance pendant la durée du soin. Le délai d’action varie selon les patients et les doses, de 10 à 45 minutes. Il est important d’analyser la durée d’action qui peut varier de quelques minutes à plusieurs heures. Si le patient reste sédaté trop longtemps après le soin, il faut en 9 conclure immédiatement qu’il ne s’agit pas d’une bonne indication. Il existe un risque d’ accumulation si l’emploi est répété de façon régulière. Les techniques non médicamenteuses - La relaxation, la sophrologie ou l’hypnose (+++). - Ce sont les soignants, les associations impliquées, les familles… qui vont utiliser des techniques centrées sur la parole (rassurer, expliquer, prévenir), la distraction, le détournement de l’attention, la musique. Les traitements par voie générale dans les douleurs nociceptives. Palier 1 • Les antalgiques de palier 1 sont souvent insuffisants pour calmer des douleurs induites par les actes thérapeutiques ou diagnostiques. En pratique courante, le paracétamol est régulièrement utilisé, à la dose d’1 g donné per os une heure avant les mobilisations du matin ou de la toilette, par exemple. • Le nefopam (Acupan®)(les antécédents de comitialité contre-indiquent son utilisation) est un antalgique d’action centrale. Il faut proposer ce traitement en prémédication. Il peut être utilisé en voie parentérale (IM ou IV) mais en gériatrie, le plus souvent on peut l’utiliser en sous-cutanée ou per os (hors AMM). Sa durée d’action est d’environ 4 heures. C’est un produit bien toléré et représente une alternative intéressante aux opioïdes. Les effets indésirables sont de type atropiniques. Les ampoules sont dosées à 20 mg pour 2 ml. On utilise une à quatre ampoules en fonction du niveau de douleur. Palier 2 . Le néfopam (Acupan) sauf si obstacle urétro-prostatique, glaucome à angle fermé, ATCD de convulsions (dix fois plus actif que l’aspirine, trois fois moins actif que la morphine) qui peut être utilisé par voies orale, IV ou IM), une à deux heures avant les soins. . Le tramadol sous forme à libération immédiate (50 mg ou 100 mg) peut-être proposé (Contramal®, Topalgic®, Zamudol®…),. La personne âgée présente une mauvaise tolérance avec une dose aussi forte de la forme immédiate. Nous préférons l’utilisation d’un gramme de paracétamol associé à 10 ou 15 gouttes de contramal. Il ne faut pas oublier la synergie d’utilisation du tramadol avec le perfalgan. Palier 3 Les traitements opioïdes forts seront prescrits dans les cas de douleur induite. La morphine va être principalement utilisée. Sous forme immédiate, on dispose de plusieurs spécialités mais l’immunosenescence oriente vers l’utilisation de l’Oxynorm sous forme gélule. L’avantage de cette molécule est le moindre risque d’accumulation en cas d’insuffisance rénale modérée du fait de sa métabolisation en dérivés inactifs. L’oxycodone, tout en restant prudent, est une molécule à recommander chez la personne âgée. L’oxycodone a une efficacité double de celle de la morphine (10 mg d’oxycodone = 20 mg de morphine). Sa durée d’action est plus longue (environ 6 heures). L’Oxynorm® existe en gélules à 5 mg, 10 mg et 20 mg qui peuvent être ouvertes. 10 • Le fentanyl transmuqueux (Actiq®) est un excellent produit mais nécessite un temps d’application gingival contraignant pour le patient comme pour le personnel et un état buccal non altéré. Son efficacité est variable et son coût reste élevé. Quelle dose de morphine donner en prémédication chez une personne âgée ? Celle-ci sera dépendante du niveau de douleur évalué. Si le patient est “naïf”d’opioïde, la dose sera prudente (10mg) - 5 mg per os chez le patient très fragile-. Ensuite, c’est l’évaluation du soulagement obtenu qui guidera l’augmentation éventuelle des doses. Les effets secondaires de la morphine dans les soins des douleurs induites Les effets secondaires connus pour la morphine utilisée de façon chronique : Constipation, nausées, vomissements, somnolence, confusion et hallucinations ne se rencontrent,dans le cadre des soins contre les douleurs induites, que dans de rares cas. Il faut parfois donner un traitement en fonction de la situation clinique. (Haldol® faible 5 à 10 gouttes ; Primpéran per os). La dépression respiratoire n’a jamais été observée. Enfin, les doses utilisées ne favorisent pas l’installation d’un état de surdosage nécessitant l’utilisation du naloxone (Narcan®). La prémédication Le but est d’apporter une antalgie ponctuelle pour un moment douloureux dont l’exemple typique est le soin d’une plaie ou la préparation à une ponction. Le choix du médicament est fonction du niveau d’antalgie souhaitée (évaluation de l’intensité douloureuse), de sa durée d’action et il doit être compatible avec un traitement de fond. Il s’agit le plus souvent d’un antalgique de palier 3 sous forme “libération immédiate”. Si l’évaluation clinique de la situation montre une anxiété importante non gérable par des moyens non médicamenteux, on propose en prémédication un anxiolytique seul ou le plus souvent associé à un antalgique (attention à l’accumulation des effets sédatifs). On choisit une molécule à demi vie la plus courte possible (oxazepam (Seresta®) 10 mg avant les soins. Le midazolam peut également être utilisé. Le soin douloureux doit avoir lieu au temps maximum d’efficacité antalgique du médicament choisi, ce qui conduit à donner la prémédication une heure avant le soin pour la voie orale et 30 à 45 minutes pour la voie sous-cutanée. Cela implique une bonne coordination des acteurs du soin. Les deux écueils étant de faire le pansement trop tôt, alors que l'antalgique n’a pas agi, ou au contraire d’attendre trop longtemps après la prémédication, et donc d’être moins efficace. En pratique • Si le patient ne reçoit pas de traitement de fond la prémédication se fera en fonction de l’évaluation de l’intensité douloureuse. Palier 1 : plus souvent, 1 g de paracétamol, Palier 2: 1 à 2 comprimés de Zaldiar. Palier 3 : 5 à 10 mg d’Oxynorm per os, ou sous-cutanée selon les cas. Prudence au-delà de 10 mg sous cutané de morphine en dose ponctuelle. Bien évaluer l’efficacité et les effets secondaires. Remarque : Lorsqu’un patient reçoit un traitement morphinique continu sur 24 heures, la prémédication (comme les interdoses) devra être comprise entre 1/10 et 1/6 de la dose reçue au total sur 24 heures. 11 Exemple:si un patient reçoit 30 mg d’Oxycontin, deux fois par jour et qu’un moment douloureux nécessite une prémédication, celle-ci sera de 5 à 10 mg de oxynorm. Lorsqu’un patient porte un patch de fentanyl (Durogesic®), l’équivalence analgésique est la suivante: Durogesic® 25 µg/h = au moins 60 mg de morphine per os/24 heures ; Durogesic® 100 µg/h = au moins 240 mg de morphine per os/24 heures. Un patient porteur d’un patch à 100 µg/h devra bénéficier d’une prémédication de 25 à 40 mg de morphine per os. Si la voie sous-cutanée est choisie pour la prémédication, (deux fois plus efficace que la voie orale), d’où l’importance de l’adaptation de la dose (diviser la dose totale par deux). La voie sous-cutanée est efficace plus rapidement, 1/2 heure au lieu d’une heure per os. Cela peut-être un avantage dans l’organisation des soins. (certains patients la trouvent souvent douloureuse ). Il est tout à fait possible d’avoir un traitement continu sur 24 heures per os, et une prémédication sous-cutanée. La PCA a-t-elle une indication dans les soins pour les douleurs incidentes ? Il n’y a pas de contre-indication à l’utilisation d’une PCA sous réserve de quelques conditions préalables : • personnel rodé à l’emploi de cette technique; • patient disposant d’une voie d’abord IV et capable de comprendre et d’utiliser cette technique. Si ce n’est pas le cas, les bolus doivent être faits par les infirmières; (la morphine en IV chez le patient âgé : le facteur de conversion par rapport à la voie orale est de 1/3. CONCLUSION La douleur est un domaine où la part subjective est grande ; nous devons développer nos capacités d’écoute, d’observation, et accepter de nous laisser interroger par les patients, par l’équipe soignante, sur le bien-fondé de nos prescriptions et leurs conséquences. La fragilité et la fréquence des troubles cognitifs chez les personnes âgées peuvent rendre difficile l’évaluation et le traitement des douleurs induites. La prévention des douleurs induites est fondamentale et obligatoire dans les soins d’un patient en gériatrie -comme ailleurs-, les conséquences des douleurs répétées pouvant être encore plus délétères que chez l’adulte. Ces soins nécessitent un travail d’équipe et une sensibilisation responsable de tous les acteurs du soin. La prévention des douleurs induites par les soins est bien entrée dans les mœurs des soins. Il faut toujours s’interroger sur les conséquences “douleur” d’un acte prescrit, et rester vigilant avec l’ensemble de l’équipe sur le vécu des patients par rapport aux actes ou aux soins exécutés. La douleur est un domaine où la part subjective est grande ; nous devons développer nos capacités d’écoute et d’observation, et accepter de nous laisser interroger par les patients, par l’équipe soignante, sur le bien-fondé de nos prescriptions et leurs conséquences. Des traitements, des méthodes de prévention existent, à nous de les apprendre et à les utiliser au mieux. Il faut savoir également faire appel à des professionnels spécialisés, si nous nous trouvons face à un patient qui nous pose problème.