1 LES SOINS ANTALGIQUES CONTRE LES DOULEURS INDUITES

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LES SOINS ANTALGIQUES
CONTRE LES DOULEURS INDUITES
CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE EN INSTITUTION
Ne jamais oublier que la douleur la plus facile à soigner est celle de l’autre.
A cause de leur pratique quotidienne et de la facilité de leur application, ces soins exigent une
continuelle démarche de qualité des soins et une éducation à la santé dirigée vers tout le
personnel soignant, vers le patient et son entourage. L’amélioration de notre pratique passe
par la prise de conscience que tout acte, le plus anodin soit-il, peut être source de douleur
chez un patient âgé. Le maître mot de la prévention, c’est l’anticipation.
Anticiper et bien soigner exigent de la personne soignante une connaissance de l’art
de soigner, une empathie et une dimension humaine.
1-Ecouter le patient et son entourage
L’amélioration de l’écoute des paroles des patients et de leur entourage et savoir leur
expliquer ce que l’on prescrit et pourquoi on le prescrit. Ces moments sont précieux pour la
conduite des soins et leur efficacité.
Même un patient dément doit recevoir des informations. S’il ne saisit pas tout, il pourra être
sensible à l’attention qu’on lui porte et au ton de la voix. Son entourage inquiet sera rassuré
et notre travail de soins valorisé.
Enfin les travaux de nos confrères canadiens confirment la plus grande efficacité des soins et
de la qualité de vie du fait de l’implication de la famille.
2-Rôle du médecin et de l’équipe des soins: le bénéfice pour le patient.
a) développer la culture de l’anticipation et de la prévention
Malgré l’entrée dans les mœurs de la pratique quotidienne des soins contre les douleurs
induites, le médecin doit toujours rester attentif aux conséquences douloureuses des actes
prescrits et les anticiper. L’équipe soignante devient de plus en plus attentive à l’identification
des situations et au bon déroulement des soins.
b) développer la formation continue pour permettre à l’équipe soignante de mieux repérer
les situations de douleurs induites, de comparer le travail accompli par rapport à celui d’autres
équipes, d’assurer du meilleur maniement des antalgiques et ne pas avoir peur de les utiliser.
c) organiser la chaine d’information qui arrive du patient et de son entourage
jusqu’à l’équipe soignante pour développer de nouvelles approches ou techniques de soins
quotidiens (prélèvements, pansements, toilette…).
d) Accepter de renoncer à certains actes ou soins douloureux, si le bénéfice n’est pas
certain pour le patient.
3-Les patients âgés sont particulièrement exposés à une souffrance lorsque les actes
prescrits se passent en dehors de leur cadre habituel de vie. Un simple transport à la radio
peut être une rude épreuve (chaos, secousses, attente, angoisse…). La chaine de soins
antalgiques ne doit pas s’interrompre. Un carnet avec les recommandations antalgiques remis
à l’équipe des ambulanciers permettra de prévenir l’équipe d’accueil où arrive le patient à
poursuivre les soins ..
2
Les douleurs induites :
Les personnes âgées constituent une population fragile dans laquelle nous retrouvons des
spécificités au niveau des causes, du traitement et de la prévention des douleurs induites. Ces
dernières sont bien réelles, elles entravent la qualité de vie des patients et altèrent souvent la
relation de soin. Les limites d’âge pour proposer des actes diagnostiques et/ou thérapeutiques
reculent. Une médicalisation plus forte s’installe dans cette tranche d’âge.
Les progrès réalisés dans les soins antalgiques des douleurs induites chez les patients âgés
sont réels. Les douleurs induites par les actes ou les soins sont de mieux en mieux ciblées,
bien soignées et la qualité des soins évolue parallèlement à la qualité de vie des patients. Le
but actuel des différentes équipes est l’amélioration des pratiques du repérage des situations
induisant les douleurs et des soins à proposer.
.
LES SPÉCIFICITÉS GÉRIATRIQUES
1-La difficulté d’évaluer
Il est naturel que les actes de soins douloureux soient réfléchis et bien exposés au patient et à
son entourage. Auparavant l’évaluation sera faite. Elle sera démarrée dès le moment où
l’indication est posée.
2-Lorsque les fonctions cognitives sont normales, le patient âgé peut contrôler son
ressenti et éventuellement formuler une plainte “adaptée” à l’acte. Ainsi, les expériences
douloureuses antérieures vont bien sûr modifier la plainte. Une personne âgée ayant un lourd
passé douloureux ou traumatique (maladie grave, handicaps multiples) pourra soit banaliser
les nouvelles douleurs induites (« Quand on a vécu ce que j’ai vécu… »), soit être totalement
envahie de douleur pour un acte minime qui peut paraître indolore pour tous. Le facteur
psychologique ne doit jamais être négligé. Il est toujours recommandé de réfléchir au patient
dans sa globalité : somatique et psychologique et d’utiliser les échelles d’évaluation
recommandées.
3-Lorsque les fonctions cognitives sont altérées, il faut
- se placer face au patient et lui expliquer les gestes et leurs difficultés mais aussi les
bénéfices attendus pour lui. le patient doit être préparé.
- expliquer les gestes à l’entourage.
- utiliser les échelles d’évaluation
Il faut toujours se poser la question : Comment le patient percevra-t-il le geste ? Le
personnel soignant n’oublie jamais que tout geste peut être vécu par le patient comme une
agression et son comportement réactionnel va paraître inadapté. Un tel comportement peut
entraver le soin et du même coup le rendre plus douloureux. Dès lors, l’évaluation de la
douleur ne sera pas aisée.
Le trouble du comportement peut signifier douleur, mais aussi incompréhension. À nous de
savoir proposer des stratégies de traitement, s’il y a suspicion de douleur. Les échelles
d’hétéro-évaluation de la douleur vont nous servir à identifier un comportement possiblement
douloureux.
4-La présence et/ou la participation de la famille est recommandée dans un cas
comme dans l’autre.
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La population institutionnalisée : éducation à la santé
Les institutions accueillant des personnes âgées dépendantes sont de mieux en mieux
médicalisées. Ce séjour en institution favorise le développement d’une relation humaine et de
de soins. Le personnel soignant avec l’aide de l’entourage du patient, a pour but d’améliorer la
qualité de vie des résidents. Il faut apprendre au patient à mieux exprimer sa ou ses
douleurs : verbalisation, utilisation des échelles…, le patient apprendra, avec son entourage,
peu à peu que la douleur n’est pas une fatalité et qu’il faut savoir mieux l’exprimer que de la
taire. Il apprendra qu’en institution, les soins viennent à lui et qu’il faut savoir utiliser ce mode
de communication pour garder une bonne qualité de vie.
L’effet institution doit devenir favorable au patient et à l’équipe soignante car en développant
une éducation aux soins, le patient et le personnel soignant mettent en route une stratégie
productive pour lutter contre les douleurs. L’éducation aux soins comprend la réflexion sur les
douleurs induites. La réflexion est plurielle : médecin, patient, entourage, infirmiers, personnel
soignant, psychologue, kiné…. Les actes prescrits doivent être légitimes et productifs.
Si les fonctions cognitives sont altérées, le soin doit être clairement expliqué au patient et à
son entourage.
Quelles sont les douleurs induites le plus fréquemment rencontrées ?
Les actes diagnostiques et/ou thérapeutiques
la douleur la plus facile à soigner est celle de l’autre.
Il s’agit ci-dessous d’une liste des situations les plus fréquentes. Il est conseillé d’en
établir un tableau qui servira de « check-up » à vérifier pour chaque patient.
La répétition d’actes (qui pris séparément sont supportables) peut engendrer de la douleur et
particulièrement de l’anticipation anxieuse qui peut être mal interprétée par des soignants non
formés. « On ne l’a pas encore touché qu’elle crie déjà! « Cela ne peut pas être de la
douleur… »
1-ponctions veineuses ou artérielles, lombaires, articulaires, pleurales, osseuses ;
endoscopies bronchiques, digestives ; biopsies mammaires, prostatiques, hépatiques, ostéomédullaires pour ne citer que les plus fréquentes.
2-les infiltrations dont la réalisation sans préparation sont douloureuses. Il faut avertir
l’équipe qui accueille le patient pour ce geste et de son devoir de remplir le document de soins
préparé par l’institution à ce sujet. Pour les actes ambulatoires (hopital de jour), les patients
arrivent avec une perfusion de néfopam qui doit se poursuivre en post-opératoire.
3-Les retours des patients résidents après chirurgie ambulatoire sont souvent à
l’origine de douleurs parfois intenses. Les soins antalgiques sont obligatoirement
programmés et ciblés par le personnel soignant. Les soins démarrent par la lecture de la fiche
de transmission, par l’interrogatoire et l’évaluation des douleurs. Souvent le médecin
anesthésiste conseille l’utilisation de l’association du néfopam et d’un AINS ou du néfopam
associé ou non à un morphinique respectant l’immunosenescence pour contrôler les douleurs
4-Les soins infirmiers : soins d’escarres et pansements. Nous citons ces deux situations
jadis très douloureuses et actuellement bien « protocolisées », ciblées et bien soignées.
Actuellement, chaque unité dispose d’un programme de soins adaptés à chacune de ces
situations, il faut entrer en contact avec l’unité et travailler en harmonie en pré comme en
post-interventionnel.
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5- la kinésithérapie postopératoire précoce ou plus tardive entre dans le cadre du
traitement des douleurs induites.
6-les gestes en radio-interventionnelle : (infiltrations, embolisations diverses, ….) ne
peuvent pas toujours bénéficier de la présence d’anesthésistes. Actuellement, chaque unité
dispose d’un programme de soins adapté à chacune de ces situations, il faut entrer en contact
avec l’unité et travailler en harmonie en pré comme en post-interventionnel.
7- Le myélogramme est très douloureux ; la ponction lombaire ; le prélèvement sanguin
artériel et la pose de perfusion intraveineuse sont moins douloureuses mais exigent une
préparation antalgique. Actuellement, chaque unité dispose d’un programme de soins adapté
à chacune de ces situations, il faut entrer en contact avec l’unité et travailler en harmonie en
pré comme en post-interventionnel.
8-L’enchaînement d’actes multiples peut-être source de douleur, la personne âgée fragile
ne pouvant “récupérer” entre deux examens. Il faut savoir programmer les examens pour
éviter le rapprochement des actes d’antalgie contre les douleurs induites et favoriser la
récupération du patient.
9- Les soins des différents types de plaies : les plaies évoluant sur un mode chronique
sont fréquentes dans la population âgée : ulcères variqueux, plaies des extrémités dans le
cadre d’une artérite, escarres de décubitus.
Il faut noter les bons résultats obtenus par les soins et qui ont conduits à la raréfaction des
lésions cutanées du siège ou des organes génitaux externes dans le cadre de mycoses. Grâce
à l’amélioration des pratiques, les lésions dues aux phénomènes de macération n’existent
plus..
10-Les soins de bouche : malgré bien des efforts, peu de patients sont adressés pour
des soins dentaires. Ces soins sont d’autant plus exigés que le patient est porteur
d’un appareil.
Une attention particulière doit être portée pour les patients en fin de vie, et dès lors,
l’alimentation, la prise de boissons ou de traitements, pourront être source d’inconfort.
11-Les soins d’hygiène, des soins quotidiens comme : la toilette, l’habillage et la mise au
fauteuil (toujours non adapté) jadis à l’origine de douleurs sont actuellement bien ciblés et les
antalgiques bien utilisés.
Enfin notre attention doit être portée sur les inconvénients de certains transferts en
ambulance, d’épisodes de jeûne, de répétition des examens…qui peuvent perturber les
mécanismes d’autocontrôle du patient.
Au total, les causes des douleurs induites sont multiples chez les personnes âgées. Depuis
près d’une décennie notre attention et nos actes de soins sont devenus plus performants.
Meilleur ciblage, meilleure connaissance de la physiopathologie, des soins antalgiques et une
grande place pour l’empathie.
ponctions
veineuses
ou artérielles
soins d’hygiène
lombaires,
articulaires,
soins de bouche,
soins des différents
types de plaies
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osseuses ;
pleurales,
endoscopies
bronchiques,
hépatiques,
digestives ;
prostatiques,
biopsies mammaires,
ostéo-médullaires
Transferts
en
ambulance
Enchaînement
rapide
d’actes
multiples
myélogramme
kinésithérapie
Sortie -promenade
Pose sonde vésicale
Ablation
de
fils
opératoire
Ablation de drains,
de sonde
soins d’escarres,
pansements
gestes
en
radiointerventionnelle
TRAITEMENT DES DOULEURS INDUITES
Tous les actes ponctuels douloureux bénéficient obligatoirement d’une explication claire et
d’un traitement dont on évalue continuellement l’efficacité afin d’ajuster le traitement dans le
cadre de l’amélioration continue de la qualité des soins.
Dans le cas d’un soin, le traitement ne pourra être conduit sans l’étape fondamentale que
constitue l’évaluation des conséquences du geste et du statut anxieux du patient..
L’évaluation : avant et après le geste
À quel moment survient la douleur?
Malgré nos connaissances, il est primordial d’observer le déroulement complet d’un soin pour
déterminer ce qui fait mal afin d’améliorer la qualité du soin.
Exemples :
1- Le patient a-t-il mal avant qu’on le touche malgré notre explication?
C’est le signe de l’anticipation douloureuse et signe non pas un patient qui “en rajoute”, mais
un patient qui a mal et chez qui la douleur est mémorisée (conditionnement).
La participation anxieuse peut également induire ou majorer ce type de réaction.
Facilement, nous comprenons l’importance d’une nouvelle explication et de la participation de
la psychologue dans cette approche.
2- La douleur est-elle induite par les mobilisations nécessaires pour le soin ?
observation fréquente lors des transports, en salle de radio-interventionnelle. Il faut savoir
faire le geste sous couverture antalgique. La transmission des signes et symptômes ressentis
par le patient améliorera la pratique de nos soins.
3- Le patient a-t-il mal quand on enlève le pansement ?
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Il peut exister en périphérie de la plaie une zone inflammatoire responsable d’un phénomène
d’hyperalgésie qui peut expliquer les douleurs survenant alors qu’on enlève simplement
l’adhésif, acte que chacun d’entre nous peut penser indolore.
4- La douleur survient-elle quand on aborde la plaie elle-même ?
Nombre de patients ont une douleur importante qui survient après la réfection du pansement,
alors que les soignants ne sont plus présents pour le voir…
5- La douleur survient-elle après le soin ?
Dérouler de façon systématique tout ce questionnement permettra de s’interroger sur la
nécessité d’une prémédication simple, d’un traitement sur 24 heures (avec éventuellement
une prémédication avant le soin), d’un traitement local ajouté ou d’une autre façon de faire le
soin…
Évaluation de l’intensité de la douleur
Cette étape est fondamentale pour le choix des antalgiques, l’adaptation et le suivi du
traitement. L’idéal est une auto-évaluation réalisée par le patient (avant - pendant - après le
soin). On peut proposer divers outils d’évaluation quantitative de la douleur:
• l’EVA (Échelle Visuelle Analogique) : réglette graduée munie d’un curseur que le patient
positionne en fonction de sa douleur.
• L’EN (Échelle Numérique) : on demande au patient de donner une note à sa douleur
entre 0 et 10 (consignes : 0 = pas de douleur, 10 = douleur maximale).
• l’EVS (Échelle Verbale Simple) : on propose au patient des mots pour quantifier sa
douleur. Chaque mot correspond à un chiffre. Exemple : absence de douleur = 0, douleur
faible = 1, douleur modérée = 2, douleur intense = 3, douleur extrêmement intense = 4.
Dans 60 % des cas environ, le patient âgé ne peut utiliser ces outils (troubles cognitifs,
aphasie, troubles sensoriels). L’équipe soignante aura recours à des échelles d’hétéroévaluation de la douleur. Deux sont actuellement validées : DOLOPLUS 2 et ECPA. Ces
échelles d’hétéro-évaluation vont permettre en analysant des items bien précis d’avoir une
présomption d’état douloureux. Chaque item à lui seul n’est pas significatif de douleur mais
l’ensemble des items cotés conduit à un score qui va permettre de suspecter l’état
douloureux. Dès lors, le doute devant bénéficier au patient, une stratégie de traitement est
mise en place et c’est par des évaluations répétées que l’on saura si on est efficace, car on
analyse une cinétique des scores.
Dans le cas de patients adultes ou âgés non communicants, le choix se portent :
- soit sur l’ECPA. Cette échelle comprend deux séries d’items. Une série à
coter avant le soin et une série à coter pendant le soin. L’ECPA a une bonne sensibilité
lorsque le patient est soumis à des actes potentiellement douloureux. Lorsque les
soignants utilisent ces grilles en routine, la cotation est rapide
- soit sur l’échelle DOLOPLUS 2 selon les habitudes des équipes et parfois le
type de recrutement des patients.
Il est important d’expliquer l’échelle utilisée –disponible dans la chambre du patient- à
l’entourage du patient qui peut en faire un excellent usage.
L’évaluation de la douleur par le médecin devra également s’attacher à déterminer le type de
douleur dont il s’agit (nociceptive, neuropathique ?).
Dans le cas des actes et soins, on est souvent dans le registre des douleurs nociceptives, mais
il est important de ne pas méconnaître l’existence d’une douleur neuropathique qui
nécessitera un traitement de fond. Par ailleurs, il peut exister une douleur neuropathique de
base susceptible d’être exacerbée lors de soins ou d’actes douloureux.
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De même, il est important d’analyser la part d’anxiété qui participe au phénomène
douloureux. Elle est fréquente dans la population âgée et justifie parfois des prescriptions
autres que celles du domaine de l’antalgie.
Les médicaments
Les médicaments co-antalgiques
Ils sont associés au traitement antalgique et pourront contribuer selon les indications à
diminuer la douleur (ex : antibiotiques en cas de plaie surinfectée, les AINS quand les
phénomènes inflammatoires sont importants et que ce traitement est possible. Les
anxiolytiques non BZD ou antidépresseurs peuvent également, au cas par cas, avoir un rôle
dans la prise en charge de la douleur).
Les traitements locaux
Ils sont le plus souvent utilisés en association à un traitement de fond ou à une
prémédication.
Les actes avec effraction cutanée (prélèvements artériels, veineux, ponctions, pose de
perfusion…)
Le traitement sera essentiellement préventif avec :
• soit une application de froid sur la zone de piqûre (Cryogesic®);
• soit une application d’EMLA® (forme tube ou patch).
L’EMLA® est une crème constituée d’un mélange de deux anesthésiques locaux. Elle entraîne
une anesthésie d’une profondeur de 3 à 5 mm en une à deux heures. La crème doit être mise
en place sur le point de ponction prévu, et recouverte d’un film transparent. Il est essentiel de
respecter le délai d’action. La crème EMLA® ou son équivalent générique doitvent être
largement utilisés pour les actes programmés, particulièrement chez les patients aux fonctions
cognitives altérées ou pour certains actes ressentis plus douloureux (ponctions - gaz du
sang…).
Dans le cas de plaies
La lidocaïne (Xylocaïne®) peut être utilisée en application sur une plaie.
Il existe une forme à 5 % : vaporiser sur la plaie et y poser des compresses imbibées de
Xylocaïne®. Laisser agir avant d’aborder de nouveau la plaie : 10 à 15 mn semble être le
temps minimal pour obtenir une efficacité. La Xylocaïne® sous forme gel peut être utilisée
dans les mêmes indications. Vérifier l’absence d’intolérance cutanée aux applications répétées.
L’EMLA® peut être utilisée en application locale avec la nécessité d’appliquer l’EMLA® au
moins une heure avant le soin en ayant pris soin de recouvrir la plaie d’un film hermétique
(AMM dans le curetage des ulcères). On recommande 1 à 2 g d’EMLA® pour 10 cm de plaie
à déterger. Pas plus de 10 g par application. Les essais n’ont pas été poursuivis au-delà de
quinze jours. L’utilisation n’est donc pas validée au long cours.
Les techniques d’anesthésie
Les analgésies loco-régionales (ALR). Il faut savoir appeler le médecin anesthésiste
référent douleur le plus proche et lui demander son avis.
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L’anesthésie générale : Les soins des plaies sont parfois tellement douloureux et longs que
l’anesthésie générale est utilisée. C’est le cas dans : débridement, mise à plat d’escarres, pose
de gastrostomie….
Ces techniques impliquent une voie intraveineuse, une lutte contre les douleurs pré et postopératoires et une surveillance cardiaque et respiratoire. Elles sont réalisées sous la
surveillance d’un anesthésiste. C’est cette surveillance particulière qui permettra d’éviter les
troubles cognitifs fréquemment observés en post-op.
Les techniques de sédation
On peut les utiliser lorsque le traitement antalgique ne suffit pas et/ou qu’il existe une
importante appréhension pour le soin. Il est conseillé que la personne qui a expliqué le soin et
la technique soit présente.
Le Mélange Equimolaire oxygène/protoxyde d’azote. (MEOPA)
Le MEOPA induit une “sédation vigile”.
(Le risque de pollution oblige d'administrer ce gaz dans un local bien ventilé ou de l'éliminer à
l'extérieur).
Chez la personne âgée, une consultation médicale est nécessaire avec auscultation
pulmonaire, palpation abdominale et radiographie pulmonaire.
Réservé longtemps aux milieux proches de l’anesthésie, une modification de l’AMM (
24/02/2002) permet une extension de son utilisation moyennant certaines précautions:
respect des contre-indications bien sûr mais aussi, formation des utilisateurs, conditions de
stockage…
C’est un gaz qui possède des propriétés analgésiques et anxiolytiques. Utilisé en mélange
équimolaire associé à l’oxygène, le protoxyde d’azote (Kalinox®) permet par inhalation une
analgésie précoce (en trois minutes) et ses effets sont rapidement réversibles à l'arrêt de
l'administration.
Le soin doit être réalisé au minimum par deux soignants dont un s’assurera que le patient
tolère bien l’acte et reste conscient. L’administration se fait par l’intermédiaire d’un masque
bien adapté au patient qui doit être coopérant. Chez la personne âgée, Le MEOPA doit être
utilisé en association à un traitement antalgique de fond avec ou sans prémédication. Son
utilisation est recommandée pour des soins n’excédant pas une heure.
Quand les conditions le permettent (hospitalisation, structure sanitaire…), il est important
d’inclure le MEOPA dans l’arsenal thérapeutique de base. Son utilisation précoce justifie et
permet d’éviter qu’un conditionnement douloureux du patient ne s’installe.
Les effets secondaires constatés : euphorie,
rêves, modification des perceptions
sensorielles, paresthésies, vertiges, nausées, vomissements, agitation avec angoisse.
Les contre-indications principales sont l'altération de l’état de conscience, un
pneumothorax, l’existence de bulles d’emphysème, d'une distension gazeuse abdominale, d'un
traumatisme de la face… et ne pas oublier d’enlever la prothèse dentaire avant l’application.
Le midazolam (Hypnovel®)
C’est une benzodiazépine à demi-vie courte à utiliser quand il existe une anxiété par rapport
aux soins et une présence médicale à proximité. Par ailleurs, il faut être prudent si votre
patient est déjà sous morphinique.
- Voie sublinguale ou sous-cutanée des ampoules injectables à 5 mg. La dose est spécifique
du patient, donc il faut titrer. Le but est d’induire une sédation ou une forte baisse de la
vigilance pendant la durée du soin. Le délai d’action varie selon les patients et les doses, de
10 à 45 minutes. Il est important d’analyser la durée d’action qui peut varier de quelques
minutes à plusieurs heures. Si le patient reste sédaté trop longtemps après le soin, il faut en
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conclure immédiatement qu’il ne s’agit pas d’une bonne indication. Il existe un risque d’
accumulation si l’emploi est répété de façon régulière.
Les techniques non médicamenteuses
- La relaxation, la sophrologie ou l’hypnose (+++).
- Ce sont les soignants, les associations impliquées, les familles… qui vont utiliser des
techniques centrées sur la parole (rassurer, expliquer, prévenir), la distraction, le
détournement de l’attention, la musique.
Les traitements par voie générale dans les douleurs nociceptives.
Palier 1
• Les antalgiques de palier 1 sont souvent insuffisants pour calmer des douleurs induites par
les actes thérapeutiques ou diagnostiques. En pratique courante, le paracétamol est
régulièrement utilisé, à la dose d’1 g donné per os une heure avant les mobilisations du
matin ou de la toilette, par exemple.
• Le nefopam (Acupan®)(les antécédents de comitialité contre-indiquent son
utilisation) est un antalgique d’action centrale. Il faut proposer ce traitement
en
prémédication. Il peut être utilisé en voie parentérale (IM ou IV) mais en gériatrie, le plus
souvent on peut l’utiliser en sous-cutanée ou per os (hors AMM).
Sa durée d’action est d’environ 4 heures. C’est un produit bien toléré et représente une
alternative intéressante aux opioïdes. Les effets indésirables sont de type atropiniques.
Les ampoules sont dosées à 20 mg pour 2 ml. On utilise une à quatre ampoules en fonction du
niveau de douleur.
Palier 2
. Le néfopam (Acupan) sauf si obstacle urétro-prostatique, glaucome à angle fermé, ATCD
de convulsions
(dix fois plus actif que l’aspirine, trois fois moins actif que la morphine) qui peut être utilisé
par voies orale, IV ou IM), une à deux heures avant les soins.
. Le tramadol sous forme à libération immédiate (50 mg ou 100 mg) peut-être proposé
(Contramal®, Topalgic®, Zamudol®…),. La personne âgée présente une mauvaise
tolérance avec une dose aussi forte de la forme immédiate. Nous préférons l’utilisation d’un
gramme de paracétamol associé à 10 ou 15 gouttes de contramal. Il ne faut pas oublier la
synergie d’utilisation du tramadol avec le perfalgan.
Palier 3
Les traitements opioïdes forts seront prescrits dans les cas de douleur induite. La morphine va
être principalement utilisée.
Sous forme immédiate, on dispose de plusieurs spécialités mais l’immunosenescence
oriente vers l’utilisation de l’Oxynorm sous forme gélule.
L’avantage de cette molécule est le moindre risque d’accumulation en cas d’insuffisance rénale
modérée du fait de sa métabolisation en dérivés inactifs. L’oxycodone, tout en restant
prudent, est une molécule à recommander chez la personne âgée.
L’oxycodone a une efficacité double de celle de la morphine (10 mg d’oxycodone = 20 mg de
morphine). Sa durée d’action est plus longue (environ 6 heures). L’Oxynorm® existe en
gélules à 5 mg, 10 mg et 20 mg qui peuvent être ouvertes.
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• Le fentanyl transmuqueux (Actiq®) est un excellent produit mais nécessite un
temps d’application gingival contraignant pour le patient comme pour le personnel et un état
buccal non altéré. Son efficacité est variable et son coût reste élevé.
Quelle dose de morphine donner en prémédication chez une personne âgée ?
Celle-ci sera dépendante du niveau de douleur évalué. Si le patient est “naïf”d’opioïde, la dose
sera prudente (10mg) - 5 mg per os chez le patient très fragile-. Ensuite, c’est l’évaluation du
soulagement obtenu qui guidera l’augmentation éventuelle des doses.
Les effets secondaires de la morphine dans les soins des douleurs
induites
Les effets secondaires connus pour la morphine utilisée de façon chronique :
Constipation, nausées, vomissements, somnolence, confusion et hallucinations ne
se rencontrent,dans le cadre des soins contre les douleurs induites, que dans de
rares cas. Il faut parfois donner un traitement en fonction de la situation clinique.
(Haldol® faible 5 à 10 gouttes ; Primpéran per os). La dépression respiratoire n’a jamais
été observée.
Enfin, les doses utilisées ne favorisent pas l’installation d’un état de surdosage nécessitant
l’utilisation du naloxone (Narcan®).
La prémédication
Le but est d’apporter une antalgie ponctuelle pour un moment douloureux dont l’exemple
typique est le soin d’une plaie ou la préparation à une ponction.
Le choix du médicament est fonction du niveau d’antalgie souhaitée (évaluation de l’intensité
douloureuse), de sa durée d’action et il doit être compatible avec un traitement de fond.
Il s’agit le plus souvent d’un antalgique de palier 3 sous forme “libération immédiate”.
Si l’évaluation clinique de la situation montre une anxiété importante non gérable par des
moyens non médicamenteux, on propose en prémédication un anxiolytique seul ou le plus
souvent associé à un antalgique (attention à l’accumulation des effets sédatifs). On choisit une
molécule à demi vie la plus courte possible (oxazepam (Seresta®) 10 mg avant les soins.
Le midazolam peut également être utilisé.
Le soin douloureux doit avoir lieu au temps maximum d’efficacité antalgique du médicament
choisi, ce qui conduit à donner la prémédication une heure avant le soin pour la voie orale et
30 à 45 minutes pour la voie sous-cutanée.
Cela implique une bonne coordination des acteurs du soin. Les deux écueils étant de faire le
pansement trop tôt, alors que l'antalgique n’a pas agi, ou au contraire d’attendre trop
longtemps après la prémédication, et donc d’être moins efficace.
En pratique
• Si le patient ne reçoit pas de traitement de fond la prémédication se fera en fonction de
l’évaluation de l’intensité douloureuse.
Palier 1 : plus souvent, 1 g de paracétamol,
Palier 2: 1 à 2 comprimés de Zaldiar.
Palier 3 : 5 à 10 mg d’Oxynorm per os, ou sous-cutanée selon les cas.
Prudence au-delà de 10 mg sous cutané de morphine en dose ponctuelle. Bien évaluer
l’efficacité et les effets secondaires.
Remarque :
Lorsqu’un patient reçoit un traitement morphinique continu sur 24 heures, la prémédication
(comme les interdoses) devra être comprise entre 1/10 et 1/6 de la dose reçue au total sur 24
heures.
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Exemple:si un patient reçoit 30 mg d’Oxycontin, deux fois par jour et qu’un moment
douloureux nécessite une prémédication, celle-ci sera de 5 à 10 mg de oxynorm.
Lorsqu’un patient porte un patch de fentanyl (Durogesic®), l’équivalence analgésique est la
suivante:
Durogesic® 25 µg/h = au moins 60 mg de morphine per os/24 heures ;
Durogesic® 100 µg/h = au moins 240 mg de morphine per os/24 heures.
Un patient porteur d’un patch à 100 µg/h devra bénéficier d’une prémédication de
25 à 40 mg de morphine per os.
Si la voie sous-cutanée est choisie pour la prémédication, (deux fois plus efficace que la voie
orale), d’où l’importance de l’adaptation de la dose (diviser la dose totale par deux).
La voie sous-cutanée est efficace plus rapidement, 1/2 heure au lieu d’une heure per os. Cela
peut-être un avantage dans l’organisation des soins. (certains patients la trouvent souvent
douloureuse ). Il est tout à fait possible d’avoir un traitement continu sur 24 heures per os, et
une prémédication sous-cutanée.
La PCA a-t-elle une indication dans les soins pour les douleurs incidentes ?
Il n’y a pas de contre-indication à l’utilisation d’une PCA sous réserve de quelques conditions
préalables :
• personnel rodé à l’emploi de cette technique;
• patient disposant d’une voie d’abord IV et capable de comprendre et d’utiliser cette
technique. Si ce n’est pas le cas, les bolus doivent être faits par les infirmières;
(la morphine en IV chez le patient âgé : le facteur de conversion par rapport à la voie orale
est de 1/3.
CONCLUSION
La douleur est un domaine où la part subjective est grande ; nous devons développer nos
capacités d’écoute, d’observation, et accepter de nous laisser interroger par les patients, par
l’équipe soignante, sur le bien-fondé de nos prescriptions et leurs conséquences.
La fragilité et la fréquence des troubles cognitifs chez les personnes âgées peuvent rendre
difficile l’évaluation et le traitement des douleurs induites.
La prévention des douleurs induites est fondamentale et obligatoire dans les soins d’un patient
en gériatrie -comme ailleurs-, les conséquences des douleurs répétées pouvant être encore
plus délétères que chez l’adulte.
Ces soins nécessitent un travail d’équipe et une sensibilisation responsable de tous les
acteurs du soin. La prévention des douleurs induites par les soins est bien entrée dans les
mœurs des soins. Il faut toujours s’interroger sur les conséquences “douleur” d’un acte
prescrit, et rester vigilant avec l’ensemble de l’équipe sur le vécu des patients par rapport aux
actes ou aux soins exécutés.
La douleur est un domaine où la part subjective est grande ; nous devons développer nos
capacités d’écoute et d’observation, et accepter de nous laisser interroger par les patients, par
l’équipe soignante, sur le bien-fondé de nos prescriptions et leurs conséquences.
Des traitements, des méthodes de prévention existent, à nous de les apprendre et à les
utiliser au mieux.
Il faut savoir également faire appel à des professionnels spécialisés, si nous nous trouvons
face à un patient qui nous pose problème.
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