7 La capacité juridique des personnes physiques Les droits de la personnalité s’exercent, en droit français, à partir de la notion de patrimoine (section I) Certains droits relèvent directement de cette notion : ce sont les droits patrimoniaux (section II). D’autres droits sont rattachés à l’individu : ce sont les droits extra-patrimoniaux (section III). SECTION I. NOTION DE PATRIMOINE La notion de patrimoine est une abstraction. Elle vient du latin patrimonium qui signifie héritage du père. Le patrimoine renvoie généralement aux biens de famille, hérités des ascendants. Il implique l’existence de fortune, d’héritage, de propriété. Dans le langage courant, le patrimoine est considéré comme une propriété transmise par les ancêtres, la fortune d’une personne. En droit, le patrimoine est défini comme le contenant des droits et des obligations d’une personne. L’acception juridique se distingue de ce que perçoit le commun des mortels. Le patrimoine ne contient pas les choses dont une personne est propriétaire, mais il constitue les droits portant sur ces choses. Le patrimoine n’est pas la somme de biens. Une personne totalement démunie n’a pas moins un patrimoine, car elle susceptible de devenir titulaires de droits subjectifs (droits de propriété, droits personnels). Même une personne n’ayant que des dettes a un patrimoine, celui-ci étant indépendant des éléments qui le composent. La théorie du patrimoine date du XIXe siècle et fut élaborée par Aubry et Rau dans leur cours de droit civil. Selon eux, le patrimoine est une émanation de la personnalité. SECTION II. LES DROITS PATRIMONIAUX Toute personne n’a qu’un patrimoine, même si elle ne possède rien ou a des dettes. Le patrimoine est incessible dans son ensemble. Seuls peuvent être vendus les biens qui le composent individuellement : biens au sens économique (choses : tableau, maison, etc.) et juridique (droits portant sur les choses). Les droits patrimoniaux ne comprennent que les droits et obligations de valeur pécuniaire. Ainsi, le droit de propriété et ses démembrements (usufruit, servitudes) constituent une partie importante des droits patrimoniaux. Le droit de créance ou droits personnels sont également des droits patrimoniaux. Par exemple, le propriétaire d’un appartement en location pourra exiger le versement de loyers. Le droit de propriété est évaluable en argent, de même qu’une créance. Le patrimoine est transmissible au décès de la personne. L’actif et le passif qui le composent sont transmis aux héritiers. On dit alors que l’héritier « continue la personne du défunt » SECTION III. LES DROITS EXTRA-PATRIMONIAUX Les droits patrimoniaux sont l’émanation de la personne et les éléments qui le composent sont évaluable en argent. Les droits extrapatrimoniaux sont intimement liés à la personne, sortent du cadre du patrimoine et n’ont pas de valeur pécuniaire. Ainsi, les droits politiques ne sont pas négociables. Ils ne sauraient faire l’objet d’une transaction commerciale. L’article 7 du Code civil précise que les droits politiques « s’acquièrent et se conservent conformément aux lois constitutionnelles et électorales ». Les droits politiques sont des droits subjectifs dont l’exercice est conditionnée par l’existence de textes constitutionnels et du Code électoral L’universalité du suffrage est consacré par l’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958. L’alinéa 4 énonce qu’ont le droit de vote « tous les nationaux français majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques », et que les conditions d’exercice de ce droit sont déterminées par la loi. Nul ne peut vendre son bulletin de vote… Plus largement, les droits publics, civils ou civiques sont proclamés par un ensemble de textes internationaux. Ces droits extrapatrimoniaux sont consacrés par la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789, par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la convention européenne des droits de l’homme de 1950, le pacte des Nations-Unies de 1966 sur les droits civils et politiques. Parmi ces droits, le droit à l’intégrité physique (droit à la sûreté) est fondamental. Le corps humain est protégé contre les atteintes des tiers à son intégrité : coups et blessures, sévices, tortures, viols, etc. Ces infractions sont sanctionnées pénalement en proportion de leur gravité. Elles donnent droit pour la victime à l’octroi de dommagesintérêts. Ce principe est cependant assorti de nombreuses exceptions. Dans un certain nombre de situations, le consentement de l’intéressé peut ne pas être requis. Par exemple, les atteintes au corps humain peuvent être justifiées lorsqu’il s’agit de vaccinations obligatoires, autopsie ordonnée par un juge. Un arrêt du Conseil d’État du 26 octobre 2001 prévoit par exemple que des médecins qui avaient transfusé en urgence un témoin de Jéovah contre son gré n’avaient pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l’assistance publique-Hôpitaux de Paris. L’arrêt considère cependant que l’obligation de soins ne saurait prévaloir de manière générale sur le respect de la volonté du malade. Enfin, le corps ou une partie de lui-même ne peut être vendu ou loué, ce qui équivaudrait à admettre l’esclavage abolie en France le 27 avril 1848 par Victor Schoelcher. Le droit à l’intégrité morale est un droit extra-patrimonial. Ainsi, toute personne dispose d’un droit exclusif sur la reproduction de son image quelle qu’en soit la forme : photographie, dessin, etc. Le droit au respect de la vie privée est un droit prévu par l’article 9 du Code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privé. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toute mesure, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé ». Les atteintes au droit à l’image et au droit au respect de la vie privée peuvent être notamment sanctionnées par l’octroi de dommagesintérêts, saisie des documents, destruction. Sont protégés également le nom, l’honneur (action en diffamation), le droit au secret professionnel et au secret de la correspondance. Les droits extra-patrimonaiux sont : inaliénables : nul ne peut les vendre insaisissables : ils ne peuvent être saisis par un créancier imprescriptibles : ils ne se perdent pas par le non-usage