Dossier Pédagogique - Théâtre de l`aquarium

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Dossier Pédagogique
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Le spectacle
Une création
Le spectacle se répétera de début janvier à mi-février pour une création à la Ferme de Bel
Ébat, juste avant les représentations au Théâtre de l’Aquarium.
Métamorphoses
d’après Les Métamorphoses d’Ovide, les Contes d’Ovide de Ted Hughes et autres textes
adaptation et mise en scène Aurélie Van Den Daele
dramaturgie Sidney Ali Mehelleb, scénographie, lumière, vidéo, son Collectif INVIVO :
Chloé Dumas / Julien Dubuc / Grégoire Durrande
une partition pour quatre interprètes dont deux musiciens live :Alexandre Le Nours,
Mara Bijeljac, Christophe Rodomisto (guitare) & Tatiana Mladenovitch (batterie)
Représentations
du 1er au 26 mars 2017 (du mardi au samedi à 20h, dimanche à 16h)
Réservation
01 43 74 99 61 (du mardi au samedi de 14h à 19h)
Le Déluge, Narcisse, Térée, Phaeton… Les mythes fondent notre
culture et sont encore aujourd’hui emplis d’enseignements
(d’avertissements ?) sur nous, notre rapport aux autres et au
monde. Mais comment les faire exister sur un plateau ? En jouant
du théâtre, lieu de tous les possibles !
Avec sa transposition des Métamorphoses, Aurélie Van Den Daele
veut interroger les mythes comme creuset de notre civilisation et
leurs répercussions sur notre monde actuel. Elle nous emmène à
la croisée des chemins entre théâtre, cinéma et arts plastiques
pour donner au théâtre la force d’un espace exutoire, d’un lieu où
nous pouvons encore imaginer, réinventer le monde.
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Autour du spectacle
Répétitions ouvertes
Le Théâtre de l'Aquarium vous ouvre ses portes pour assister en direct à l'émergence du spectacle
puis discuter avec la metteure en scène Aurélie Van Den Daele et son équipe.
> en soirée : mardi 24 janvier de 20h à 22h
> en journée : mardi 31 janvier de 14h à 16h ou jeudi 2 février de 14h à 16h
Rencontrez les artistes
En classe quelques jours auparavant ou au théâtre 1h avant le début de la représentation, un
membre de l'équipe artistique donne aux élèves toutes les clefs nécessaires pour apprécier au mieux
la représentation à venir. Des rencontres avec l'équipe artistique sont également proposées à l'issue
des représentations. > durée : 1h pour les rencontres en classe / 30 min. environ pour les rencontres au théâtre, avant ou
après la représentation
> date : à définir au moment de votre réservation avec l’équipe des relations publiques
Théâtre Express
La classe, divisée en 4 groupes accompagnés chacun par un "maître de jeu", reprend des
séquences majeures de la pièce dans différents lieux de la Cartoucherie. À partir d’un livret
proposant plusieurs extraits de la pièce, les élèves ciblent les enjeux dramaturgiques de chaque
scène puis doivent rejoindre des lieux spécifiques à chaque scène pour la rejouer et proposer une
photo qui en résume le ressort principal. Costumes, accessoires, figurants complices à la
Cartoucherie, tout est permis !
> Sur inscription (gratuite) au 01 43 74 67 36 - Nb de place limité
Le Louvre s’invite à l’Aquarium !
Nos mythes fondateurs : REGARDS CROISÉS en association avec le Musée du Louvre,
parcours interdisciplinaire destiné aux enseignants autour de Métamorphoses
Le temps d’une visite virtuelle du Musée du Louvre, Aurélie Van Den Daele et un historien de l’art,
vous proposent de (re)découvrir les œuvres qui font écho aux célèbres mythes contés par Ovide.
Leurs regards croisés vous donneront un éclairage sensible et original sur les collections et vous
permettront d’enrichir vos projets d’éducation artistique.
Vous pourrez ensuite si vous le souhaitez, proposer à vos élèves de partager ce parcours
interdisciplinaire en les emmenant découvrir les collections du Musée du Louvre.
Vous souhaitez organiser une action d’accompagnement autour du spectacle ?
>>> l’équipe des relations avec les publics est à votre disposition !
Jessica Pinhomme - 01 43 74 67 36 - [email protected]
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Picasso, Pablo (1881-1973) : Lutte entre Térée et sa belle-soeur Philomèle, 1931.
Eau-forte sur papier, 313 x 221.
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LES TEXTES
Ovide
Ted Hughes
Né en 43 av. J-C à Sulmone (actuelle
Italie), et mort en exil à Tomis
(actuelle Roumanie) en 17 ou 18 ap.
J-C, Ovide est un poète latin connu
pour ses deux oeuvres majeures :
L’Art d’aimer et Les Métamorphoses.
Deux éléments de sa biographie
peuvent aider à contextualiser son
oeuvre.
Né en 1930 et mort en 1998, il est
considéré comme l’un des plus grand
poètes anglais contemporains et a
reçu l’Ordre du Mérite pour
l’ensemble de son oeuvre par la reine
Elisabeth II en 1998.
Tout d’abord, et comme souvent à
son époque, il effectue dans ses
jeunes années un long voyage en
Grèce, qui n’est pas sans impact sur
son oeuvre, puisqu’elle est largement
influencée par les légendes grécolatines et étrangères.
Par ailleurs, il vit au moment
historique de la mutation de la
République romaine, sous Jules
César, en Empire d’Auguste.
Après des études de lettres, il
s’oriente vers l’archéologie et
l’anthropologie, deux disciplines qui
marquent le début de son intérêt pour
les récits fondateurs de l’humanité.
Il s’intéresse en effet aux mythes,
quel que soient leurs horizons, des
mythes gaéliques à ceux des Natives
d’Amérique du Nord en passant, bien
sûr, par les mythes gréco-latins.
Cette thématique traverse toute son
oeuvre jusqu’aux Contes d’Ovide
qu’il publie en 1997.
Les Métamorphoses d’Ovide est un long poème de 12 000 vers, contenus dans 15 livres, qui
décrivent 246 récits de métamorphoses, toutes inspirées par la mythologie gréco-latine. Ces récits
suivent en partie un ordre chronologique qui va du chaos originel, avant la création du monde,
jusqu’au règne de l’empereur Auguste.
Ovide livre une réflexion à la fois proche de ses contemporains, en faisant écho à l’histoire romaine,
et en même temps à caractère universel, car chaque récit est pour lui l’occasion d’étudier les
passions humaines et le rapport à la nature. Que sont en effet l’amour, la haine, le désir, sinon des
forces contradictoires qui font se mouvoir les êtres humains ? À travers les transformations multiples
opérées par les métamorphoses, Ovide interroge la permanence de ces forces vitales qui nous
traversent, qu’importe le visage qu’elles peuvent prendre.
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Les Contes d’Ovide
sont une réécriture en vers des Métamorphoses de l’auteur latin.
Comme d’autres ont pu le faire avant lui, Ted Hughes réinvestit l’oeuvre latine, ce qui n’est pas
un hasard : celle-ci fait très largement écho aux thématiques générales de sa propre production.
En effet, la poésie de Ted Hughes est marquée dès ses débuts par la présence des animaux,
avec une approche non pas anthropomorphique, qui voudrait faire ressembler les animaux aux
hommes, mais que l’on pourrait au contraire décrire par l’adjectif « chamanique » : à travers les
animaux, le poète fait émerger la puissance d’une énergie primitive qui n’est pas médiatisée par
la raison, ce qui lui permet d’interroger, à l’instar d’Ovide, les forces ancestrales qui traversent les
êtres humains.
Une écriture de plateau
viendra compléter la matière du spectacle. Il s’agira pour
l’équipe de trouver, par le biais d’un travail d’improvisations, la traduction théâtrale des
Métamorphoses et d’y introduire des inserts contemporains. Cela pourra prendre la forme
d’images créées au plateau par les comédiens, d’images vidéos, de musique ou d’ajouts de
textes.
« Maintenant je suis prêt à dire comment les corps
Se sont changés en d’autres corps.
Je convoque les êtres surnaturels
Qui ont d’abord donné
Aux métamorphoses
Le visage de la vie.
Vous l’avez fait pour vous divertir :
Descendez une fois encore, je vous en prie, pour
de nouveau
Ranimer ces merveilles !
Révélez exactement comment elles ont été
accomplies
Depuis l’origine
Jusqu’à ce jour. »
Ted Hughes, « La Création, les Quatre Ages, le Déluge, Lycaon »,
Contes d’Ovide.
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Les passions humaines à l’œuvre
Aurélie Van Den Daele a choisi de concentrer le spectacle sur cinq des mythes racontés
par Ovide et Ted Hugues, particulièrement révélateurs des passions humaines :
Le Chaos, les Quatre Ages et le Déluge :
Le recueil s’ouvre sur
ce poème, qui débute par le récit de la création du monde par un démiurge qui
prend au final les traits du dieu Jupiter. L’être humain apparaît comme la
création ultime du dieu ; mais dès que cette créature se met en marche,
commence la décadence, depuis l’Age d’Or où les êtres sont purs, à l’Age
d’Airain marqué par l’avènement de la ruse et de l’intérêt. Lycaon est l’un de ces
humains déchus : comme il a tenté de tuer Jupiter, ce dernier décide de le punir
en le transformant en loup, errant à la recherche de moutons pour se repaître.
Frappé par le caractère abject des humains, Jupiter décide d’éradiquer l’espèce
humaine tout entière, et fait pleuvoir sur la Terre un déluge apocalyptique.
Phaéton :
Fils présumé de Phébus le dieu Soleil, Phaéton part à la
recherche de son père afin de lui demander une preuve de sa paternité. Phébus
lui accorde alors n’importe quelle faveur, qu’il s’engage à accorder à son fils.
Ce dernier lui demande l’impossible : le char qui sert au dieu à effectuer la
course du soleil. Mais, le dieu doit respecter sa promesse. la mort dans l’âme, il
donne les rênes du char à Phaéton. N’arrivant évidemment pas à maîtriser les
chevaux, Phaéton brûle une partie de la Terre et meurt dans les flammes. A sa
mort, ses soeurs, de chagrin se transforment en arbres sur sa tombe, et leur
sève devient l’ambre dont, nous dit le texte, se pareront les Romaines…
Erysichthon :
Maudit par la déesse Cérès pour avoir abattu son arbre
sacré, Erysichthon est condamné à subir une faim atroce et insatiable. Afin de
trouver assez de nourriture pour combler cette faim, il en vient à vendre sa fille
comme esclave. Or, celle-ci, en invoquant le dieu Neptune, parvient à échapper
à son nouveau maître en se transformant en pêcheur : comme Protée, elle a le
pouvoir de changer d’apparence selon son désir. Son père profite alors de ce
don pour faire fortune. Mais, jamais sa faim ne sera rassasiée : Erysichthon finit
par s’autodévorer…
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Echo et Narcisse :
Echo est une jeune nymphe bavarde, punie par Junon
pour lui avoir menti à de nombreuses reprises au sujet des infidélités de Jupiter.
Elle est condamnée par la déesse à répéter les derniers mots de ses
interlocuteurs… Narcisse est un jeune homme d’une beauté prodigieuse, dont le
destin funeste est révélé par Tirésias au début du poème. Un jour, les deux
jeunes gens se rencontrent dans un bois. Echo tombe immédiatement
amoureuse de Narcisse, mais ce dernier est effrayé par la « maladie » d’Echo, et
la chasse. Blessée, Echo se cache dans la forêt, est disparait peu à peu jusqu’à
ce qu’il ne reste d’elle que sa voix. Narcisse, quant à lui, apercevant un jour son
reflet dans l’eau, tombe amoureux de lui-même. Désespéré par l’impossibilité de
cet amour, il se consume. De son corps naitra au pays des morts une fleur jaune
qui portera son nom : Narcisse.
Térée :
Térée est marié à Procné, avec laquelle il a un fils, Itys. Lorsqu’il
© MARJOLAINE MOULIN
rencontre sa belle-soeur, Philomèle, Térée devient obsédé par celle-ci, au point
de l’enlever pour l’enfermer et abuser d’elle. Philomèle le met en garde : il sera
puni par les dieux pour ce crime. Qu’importe, Térée lui coupe la langue et
annonce à Procné, qui ne sait rien de l’affaire, que sa soeur est morte. Or, par
une ruse de Philomèle, Procné apprend la vérité et décide de se venger. Ainsi,
lors de la fête masquée de Bacchus, elle délivre sa soeur et prépare un funeste
festin pour son mari : après que Térée a dégusté le mets délicieux, Procné lui
dévoile qu’elle sait tout, et lui apprend que c’est son propre fils, Itys, qu’il vient de
dévorer. Dans une folle course-poursuite finale, Térée se transforme en huppe,
Procné en hirondelle, et Philomèle en rossignol.
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UN TEXTE AUX MULTIPLES FACETTES
Les Métamorphoses d’Ovide est un poème épique
dans lequel on retrouve
les éléments du genre : longue narration en vers d’un peuple mythique, avec un narrateur à la
fois omniscient et extérieur à l’action… Mais, il n’y a pas de héros chez Ovide, élément pourtant
fondamental de l’épopée. On notera que certains spécialistes considèrent qu’il s’agit en fait d’une
parodie de l’épopée, appartenant surtout à ce genre par le souffle et la puissance des mythes.
En fait, la richesse de l’œuvre est notamment due au fait qu’Ovide y mélange les styles :
aventures héroïques, histoire d’amour, lettres, monologues intérieurs, exposés philosophiques,
morceaux de rhétorique…
On y retrouve de nombreux éléments de la tragédie,
que ce soit dans
l’atmosphère, les thèmes (les rois écrasés par la colère divine, les destins féminins suscitant
colère et pitié, les passions amoureuses destructrices…) ou les traits d’écriture (éléments
lexicaux, tension particulièrement dramatique donnée à certains passages ou présence de
formes caractéristiques de la tragédie. Les longues tirades de certains personnages constituent
des morceaux de bravoures, dans lesquels l’influence de la tragédie, grecque et surtout romain,
est évidente.
La théâtralité tragique des Métamorphoses est aussi constitué d’une gestuelle empruntée à la
scène : l’écriture ovidienne est extrêmement visuelle les corps y sont éloquents, notamment dans
les moments ou les personnages basculent vers le crime et/ou la métamorphose. C’est sans
doute l’une des raisons pour lesquelles l’œuvre d’Ovide a tant inspiré les artistes.
Il y ainsi chez Ovide un aller-retour constant entre le tragique et l’épique, mélange sur lequel
travaillera l’équipe d’Aurélie Van Den Daele, proposant des éléments des deux genres. On y
retrouvera le souffle de l’épopée mais aussi des codes de la tragédie tels que l’unité de lieu, les
thèmes ou la théâtralité,
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LA MISE EN SCÈNE :
les mythes d’hier à aujourd’hui
Je regarde le monde…
Je regarde le monde. De mes yeux de jeune adulte. Je vois « un monde cartographié de feu ».
Je vois un monde « où l’homme ouvre le ventre de la terre, fourragea dans ses entrailles. Les
métaux précieux que le créateur avait cachés aussi près que possible des Enfers furent extraitsnouvelle drogue pour le crime. » comme le dit Ted Hughes.
Un monde où la terre n’est plus une ressource à respecter mais un capital à explorer. C’est l’une
des raisons du projet : proposer un nouveau regard sur l’environnement au sens de ce qui nous
entoure. Un regard bienveillant, poétique et onirique qui nous détacherait de l’approche
consumériste que nous avons du monde.
Pour cela, le cinéma sera notre guide : donner à voir le majestueux de la nature, dans des
références visuelles proches de Bill Viola, ou de la filmographie récente de Lars Von Trier :
Mélancholia, Antechrist.
Je regarde le monde. De mes yeux de jeune adulte. Et je vois la barbarie perpétuée, les redites
de l’Histoire qui pour moi, naissent de la petite histoire.
« Maintenant l’homme vit de rapines. L’hôte est victime de l’hôte...les frères qui devraient s’aimer
préfèrent se haïr. Le mari n’a qu’un seul regret : enterrer sa femme, et inversement. Les belles
mères pour l’amour de leur beau fils étudient les poisons et les fils s’affligent de l’insolente santé
de leur père. » comme le dit Ted Hughes en décrivant l’âge de fer.
C’est l’une des raisons du projet : donner au théâtre la force d’un espace exutoire, d’un endroit
de partage, de communion où l’on représente pour fantasmer, pour donner corps à l’imagination.
Pour cela, le théâtre sera notre guide : des situations jouées dans un univers trivial où le drame
est traité comme dans les mythes : nous le connaissons, nous le pressentons mais quand il
arrive, nous sommes surpris.
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C’est en partant de l’idée d’un spectacle qui devait parler à tous, comme les mythes parlent à
notre inconscient collectif, que l’idée d’un dispositif de salles des fêtes est née. C’est un espace
de célébration, de partage mais aussi de révélation des non dits, de bagarres, un espace
d’Histoires. Un espace exutoire. Inspiré notamment d’une installation de Claude Levêque. Mais
qui convoquerait aussi l’étrangeté du photographe Gregory Crewdson.
Ainsi Métamorphoses va célébrer des fêtes d’amour : mariage, communion du fils, retrouvailles
des chefs, noces de fer qui scelleront le repas transgressif. Autant de fêtes et de banquets pour
jouer le drame de Térée.
Ainsi Métamorphoses s’invitera dans des temporalité différentes : un soir de repas de Noël pour
parler de la folie fanatique d’Erysichton, un feu d’artifice un soir de 14 juillet, pour rendre compte
de la solitude de Phaéton.
Ainsi Métamorphoses s’immiscera dans les coulisses des désirs : dans les arcanes d’un groupe
de rock, dans les traces que l’on laisse pour déclarer son amour, dans le labyrinthe des pulsions.
Métamorphoses proposera un paysage de fabrique : les matières s’accumuleront, dans un
procédé de fabrication de l’image. Chaque soir les interprètes noieront les traces des mythes
qu’ils ont joué, autant de vestiges à renouveler chaque soir de représentation.
Les interprètes incarneront : ils ne raconteront pas. Ils se glisseront dans les manteaux de ces
personnages ancestraux et historiques avec des appuis contemporains très forts. Pour que la
situation devienne universelle. Le jeu sera intense et organique sur le plateau du théâtre, et
puissant et éthéré dans les séquences de tournage. Nous travaillerons d’abord en répétitions,
puis en tournage. Pour que les situations très contemporaines et fournies des mythes puissent
nourrir le jeu cinématographique.
Aurélie Van Den Daele
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Un effet cathartique
La portée universelle, enracinée dans une connaissance profonde des affects humains, a fait des
Métamorphoses un texte fondateur, dont la vérité peut faire écho à toute époque.
Ovide a écrit Les Métamorphoses à un moment charnière de notre société (passage à l’Empire
romain, passage d’un monde païen à celui de l’avènement du christianisme). De même, Ted
Hugues écrit Les contes d’Ovide au tournant du deuxième millénaire, marqué par le concept
moderne (et postmoderne) de la « fin de l’Histoire ». Pour l’un comme pour l’autre, la résurgence
d’un temps primitif par le recours aux mythes peut s’interpréter comme une réponse aux
bouleversements du monde. En lisant les Métamorphoses aujourd’hui, il paraît impossible de ne
pas faire le lien avec notre époque où certains systèmes ne fonctionnent plus, où certains
comportements ne pourront que conduire à notre perte. D’ailleurs, selon certains spécialistes, nous
vivons en ce moment dans « l’âge de fer » tel que décrit par Ovide, celui où les excès et les crimes
atteignent leur point culminant, au point que Jupiter décide que l’humanité ne mérite pas d’être sur
terre et de l’éradiquer.
Représenter les Métamorphoses aujourd’hui, c’est chercher à retrouver l’effet cathartique qu’ont les
mythes. Parce qu’ils mettent en jeu nos pulsions les plus primaires, ils nous permettent de nous en
libérer, de les mettre à distance. Le choix des mythes joués dans le spectacle va dans ce sens.
Aurélie Van Den Daele les a notamment choisi parce qu’ils sont particulièrement révélateurs des
pulsions qui nous agitent encore aujourd’hui : l’hubris, le désir, la violence, le narcissisme… Jouer
les Métamorphoses, c’est aussi s’interroger sur notre libre arbitre. Si dans les mythes, les dieux
viennent tour à tour pour punir ou sauver les Hommes, nous devons assumer nos actes lorsqu’à
l’image de Phaéthon, notre arrogance nous conduit vers un « incendie cosmique » (réchauffement
climatique) ou lorsqu’à l’image de Narcisse, nous sommes tellement centrés sur nous même que
nous courons à notre « chute ».
Pour parvenir à l’effet cathartique recherché, la question de la représentation des différentes
métamorphoses est évidemment essentielle. L’équipe a travaillé autour de plusieurs axes :
•
•
•
•
•
Transposer les mythes en des situations contemporaines
Trouver la traduction théâtrale d’un texte narratif
Confronter le style soutenu du texte avec un texte « parlé » au plateau
Travailler sur l’unité de temps et de lieu
Trouver une complémentarité entre les texte et une écriture de plateau
Ainsi, l’équipe a transposé les mythes à notre époque. Tous se dérouleront dans un espace de salle
des fêtes, lieu de célébrations (donc de tous les excès !), chaque mythe mis en scène lors d’un
événement particulier (Noël, concert, feux d’artifice…). Le plateau sera le lieu du vivant, de l’action,
tandis que la vidéo permettra le lien avec le passé, avec le mythe original. Parallèlement au travail
sur les textes, les comédiens travaillent sur des improvisations au plateau pour trouver une
traduction visuelle (et sonore) qui permette de (re)trouver l’onirisme de chaque récit.
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Lumières, vidéo, espace scénique et son
La scénographie
s’inspirera de différentes contraintes liées à la
mythologie et à la volonté de créer une micro société au sein du plateau.
• Une contrainte d’espace. Tous les mythes devront être joués dans un
espace unique : la salle des fêtes. Chaque mythe sera donc pensé comme
un événement, une fête à célébrer.
• Une esthétique en apparence modeste et légèrement kitsch. La salle des
fêtes est un lieu familier pour tous. Le mobilier de collectivité, les faux
plafonds en polystyrène avec des tubes fluos, le carrelage blanc, sont tout
autant d’éléments vus et revus. Ils évoquent souvent les lieux administratifs,
sans charme et dénués d’individualité. Comment amener de la théâtralité là
où la neutralité semble régner ? Dans ce lieu désuet, nous souhaitons qu’une
fabrique d’images sublimes s’opèrent et transforment l’espace, afin de
ramener l’onirisme et de créer la surprise chez les spectateurs. Notre espace
sera ambigu : les choses ne sont pas exactement ce qu’elles paraissent être.
• L’image projetée comme référence mythologique. Entre chaque mythe, un
écran descendra et refermera l’espace scénique. On y projettera une image
vidéo représentant la fin du mythe suivant. Cette image vidéo sera la fin
mythologique de l’histoire qui va se jouer dans la salle des fêtes. Comme un
flashforward, les spectateurs seront informés de la fin du récit qui est censé
se dérouler dans le futur. Dans ces images vidéos, nous jouerons sur un
univers beaucoup plus mythologique, semblant surgir d’un autre monde, celui
des dieux.
La vidéo sera le reflet de chaque mythe. Elle permettra au spectateur de
rentrer dans l’histoire, comme une introduction, une « prophétie », procédé
cher au mythe. Ces courtes vidéos seront aussi le moyen d’annoncer la fin du
mythe. Pas de façon explicative, mais au contraire en transposant cette fin
dans un décor réel et naturel (forêt, champs de tulipe, carrière, ruisseau...).
Les images seront tournée en slow motion pour créer un ralenti parfait, une
décomposition de l’image et du temps. Nous souhaitons travailler sur une
image brutale qui décale le réel du lieu de tournage et qui frictionne avec le
trivial du plateau de théâtre.
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La lumière
se construira en parallèle de l’espace scénique, comme à
l’habitude pour le collectif INVIVO. Il faudra qu’elle donne en quelques
secondes les codes d’un espace de fêtes (plafonnier carré, sources fluo,
appliques au mur, lumière de fêtes disco). À contrario, elle doit permettre de
basculer dans le fantastique en tranchant avec une esthétique plus sombre,
plus dessiné, et plus contrasté.
Le son
prendra deux aspects : musique live et travail sonore.
Deux musiciens (duo basse/batterie au plateau) seront intégrés au dispositif
comme des personnages de fiction (ils font partie de la salle des fêtes).
La musique prendra en charge le déroulement du temps au sein des mythes
(avec la répétition de motifs, de phrases, de thèmes, pour créer des
mouvements d’élans, d’accidents, de suspensions, de trajectoires).
Les références musicales seront éclectiques, et puiseront à la fois dans les
répertoires les plus anciens (chants monophoniques, chant grégorien), dans
des esthétiques futuristes (musique électronique, musique acousmatique), tout
en citant certains courants des années 70 à 90 (pop, rock, post-rock, mais
aussi dance, bal, musette, slow etc). Pour compenser l’aspect de cet
éclectisme, le choix d’un effectif musical réduit (basse, batterie, synthèse), et la
continuité des thèmes et matières utilisés, constitueront une vraie unité dans
l’écriture musicale.
Parallèlement, un travail sonore sera utilisé pour définir les points de vue sur
les actions. L’utilisation des outils (microphones, effets, synthèses sonores,
bandes-sons, enceintes) prendra en charge les glissements d’un espace à un
autre (espace du public, du théâtre, de la fiction, de la situation, espace
mental, espace du surnaturel, espace des divinités).
Par exemple, des voix pourront paraître en direct mais seront préenregistrées
(comme si l’esprit se détachait du corps). De même, on pourra entendre : des
sons concrets mais qui ne viendront de nulle part (comme si des objets étaient
présent sans être visibles) ; des sons abstraits pour entrer dans le surnaturel
(comme si une divinité était présente dans la pièce) ; des sons concrets au
plateau qui sonneront de manière décalée (la goutte d’eau résonne comme si
c’était une explosion) ; des sons concrets qui se transforment de manière
abstraite (comme si la pluie se transformait en pluie d’étoiles filantes).
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Ainsi des morphings sonores seront réalisés, parfois de manière asynchrone
au récit, pour créer de la distance entre ce que l’on voit et ce que l’on entend,
et basculer de l’espace de la salle des fêtes à des espaces surnaturels, d’où
surgissent les divinités et les métamorphoses.
Des microphones sans fil, invisibles sur les oreilles des comédiens, seront
également utilisés pour amplifier les voix et pour placer le spectateur dans un
rapport cinématographique, dans une superposition quasi permanente de
voix, de musiques, de bruits, d’ambiances, sans que le texte devienne
inintelligible. Avec cette amplification, le registre des voix, sans être quotidien,
pourra être plus intime, fera apparaître les complicités fortes entre les
personnages, et déploiera les espaces intérieurs des personnages.
Phaéton conduisant le char du soleil. Peinture de Nicolas Bertin. Vers 1720
16
LE CAHIER DES ÉLÈVES
.
Avant la représentation
Bon à savoir avant…
• Qui est Ovide : Dans quel contexte a t-il écrit Les Métamorphoses, quel lien peut-on faire avec
notre société contemporaine ?
• Découverte des 5 mythes : Proposez aux élèves de lire les mythes choisis pour le spectacle.
• Quelques notions fondamentales :
> catharsis, hubris, fatalité
> épopée tragédie, réécriture, transposition, variation, écriture de plateau
Les mythes sont partout !
De nombreuses expressions courantes viennent des mythes, sans que la plupart des gens en
aient conscience. C’est le cas par exemple de la notion de narcissisme, dérivé de Narcisse,
qui est employé pour désigné une « admiration de soi-même, attention exclusive portée à soi »
synonyme d’égotisme et selon son sens psychanalytique, une « fixation affective à soi-même ».
De même, de nombreux artistes, dans tous les domaines artistiques se sont inspirés des
Métamorphoses d’ovidé.
Proposez aux élèves de chercher des expressions dérivées de mythes grecs ou latins.
>>> Exemples : « Le talon d’Achille », « La boite de Pandore », un « travail d’Hercule »…
Proposez aux élèves de chercher des exemples d’œuvres inspirées des Métamorphoses
>>> À VOIR : la section « Focus : les Métamorphoses revisitées » (p. 18)
Comment représenter les mythes au théâtre
Proposez à vos élèves d’imaginer la façon dont les métamorphoses choisies par Aurélie Van
Den Daele pourraient être mises en scène.
>>> Quel en serait le cadre : période antique ou contemporaine, transposition littérale ou
réécriture…
>>> Quels moyens spécifiques au théâtre peut-on utiliser pour représenter les
métamorphoses : jeu, lumière, son, vidéo…
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Pendant la représentation : porter attention à…
La scénographie
>>> Quels sont les caractéristiques de l’espace scénique (sols, murs, plafond, matières,
couleurs) et est-il unique ou évolutif (à quoi correspondant les transformations) ?
>>> L’espace est-il figuratif, que représente t-il, quel est son rapport avec l’espace public ?
La lumière, l’environnement sonore et la vidéo
>>> À quel moment intervient la lumière et quel est son rôle : éclairer ou commenter une
action, isoler un acteur ou un élément de la scène, créer une atmosphère, rythmer la
représentation, assurer la transition entre différents moments,
>>> Comment et où les sources musicales sont-elles produites (en direct par des musiciens,
enregistrées et introduites par la régie technique) ?
>>> Quelle est la situation des musiciens par rapport aux acteurs et aux spectateurs ?
>>> Quel est le rôle la musique : créer, illustrer, caractériser une atmosphère correspondant à
la situation dramatique, faire reconnaitre une situation, souligner un moment de jeu ?
>>> Quels sont les types et supports de projection et l’image, est-elle prise en direct ou
préalablement enregistrée, sa présence est-elle continue ou ponctuelle et est-elle illustrative,
référentielle, symbolique ?
Les costumes
>>> Quelles sont les caractéristiques des costumes : caractériser une époque, un milieu
social ou permettre un repère dramaturgique en relation avec les circonstances de l’action ?
>>> Quels sont les choix esthétiques : couleurs, formes, coupes, matières ?
Le jeu
>>> Organisation de l’espace : entrées, les sorties, occupation de l’espace ?
>>> Quelle est la dynamique entre les personnages : contacts physiques, communication non
verbale, jeux de regards, etc ?
>>> Quel est le rapport entre le texte et les voix : diction, rythme, amplification, variations ?
La mise en scène
>>> Quel est la parti-pris artistique : réaliste, théâtralisé, symbolique, épique, stylisé ?
>>> Quels sont les choix dramaturgiques ?
>>> Quelle est la place du texte et quel est le rapport entre le texte et l’image ?
>>> Q Quelle fable est racontée la mise en scène et quel est son discours sur le monde ?
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FOCUS : LES MÉTAMORPHOSES REVISITÉES
« Dès le Moyen-Age, Ovide est considéré comme un auteur incontournable, à tel point que les
XIIIe et XIVe siècles sont parfois qualifiés d’« âge d’Ovide ». Avec Homère, Horace et Lucain,
Ovide est un des quatre poètes antiques apparaissant à Dante dans la Divine Comédie.
Montaigne a écrit que le goût des livres lui est venu de la lecture des Métamorphoses
Son œuvre n’aura de cesse d’être réinterprétée, et de nombreux artistes, d’hier à aujourd’hui,
s’approprieront les Métamorphoses à l’aune de leur propre pratique. C’est dans les
Métamorphoses que les architectes de Louis XIV puisent l’inspiration de Versailles, reflet
terrestre du Palais du Soleil. Gongora, Nerval, Baudelaire, Wordsworth, Chateaubriand, Verlaine,
Giraudoux reconnaissent leur dette envers Ovide. Il inspire des musiciens (Lully, Gluck, Haendel,
Rameau, Britten), des peintres (Vélasquez, Rubens, Poussin, Picasso)… Christophe Honoré
(Les Chansons d’amour) a proposé au cinéma une adaptation naturaliste et libertaire des
Métamorphoses. «Comment interroger la modernité à partir de l’Antiquité?, demande le cinéaste.
Qu’est-ce que Les Métamorphoses raconteraient d’une France qui retournerait vers ses mythes
méditerranéens plutôt que d’espérer dans son futur anglo-saxon?» »
Ovide, «Les Métamorphoses», édition de Jean-Pierre Néraudau, traduction de Georges Lafaye, Folio Classique
Shakespeare et Ovide
Shakespeare a découvert assez tôt œuvre d’Ovide qu’il ne cessera jamais de
citer ou de s’inspirer. Il était fasciné par la dimension fantastique, la sexualité
omniprésente et l’incroyable théâtralité de son œuvre.
Dans l’une de ses premières pièces, Titus Andronicus, le viol et la mutilation
subie par Lavina, de même que la vengeance de Titus s’inspire du mythe de
Térée et du viol de Philomèle. D’ailleurs, cette dernière utilise une copie du
texte d’Ovide pour expliquer ce qui lui est arrivé. De même, la scène dans
laquelle Lavina écrit sur le sable le nom de ses violeurs s’inspire du mythe de Io
qui, transformée en vache par Zeus pour l’empêcher de raconter qu’il l’a violé,
écrit son nom dans la poussière pour révéler son identité à son père.
Roméo et Juliette est une réinterprétation du mythe de Pyrame et Thisbé dont il
reprend librement l’intrigue. Il le réutilisera également dans Le Songe d’une nuit
d’été où le mythe est joué de façon parodique pour le mariage de Thésée et
Hippolyte.
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Le mythe de Narcisse
Narcisse a inspiré de nombreux artistes, aussi bien en peinture qu’en sculpture,
dont Nicolas Poussin, Gustave Moreau, Auguste Rodin…
Narcisse par Le Caravage
Admiré, débattu, loué, discuté, le Narcisse reste
un chef-d’œuvre, l’un des tableaux les plus
suggestifs et envoûtants de la peinture italienne.
L’invention exceptionnelle de sa composition
fascine dès le premier regard, elle attire et
emprisonne dans le cercle presque parfait tracé
par les deux figures spéculaires.
Pour la réalisation de la figure, Caravage a fixé sur
la toile le moment le plus dramatique de l’histoire
de Narcisse : le jeune chasseur attiré de manière
irrésistible par son image reflétée, essaie de
s’approcher de celle-ci pour l’étreindre et
l’embrasser, un instant avant de tomber dans
l’eau.
La Métamorphose de Narcisse par Salvador Dalí (1937)
Tate Gallery, Londres.
Malgré la dimension assurément moderne de ses créations, Dalí demeure attaché aux
thèmes traditionnels de la peinture, et notamment à ceux qui sont issus de la
mythologie. À gauche, Narcisse se mire dans l'eau, à droite, son double, sous la forme
d'une statue, est transformé en l'image d'une main. À la place de la tête de Narcisse
se trouve, selon Dalí, « un œuf, une semence, l'oignon duquel naît le nouveau
Narcisse – la fleur ». L'assimilation de la tête à un oignon est à rapprocher d'une
expression catalane : de quelqu'un qui a un complexe, on dit qu'il a « un oignon dans
la tête ». Dalí réinvente ainsi le mythe grec, en montre la dimension psychanalytique,
utilisant pour la première fois sa méthode « paranoïaque-critique ».
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mènent à la station RATP « Château de Vincennes »
>>> La navette Cartoucherie circule pendant 1h avant et après la représentation, entre le métro
Château de Vincennes et La Cartoucherie :
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