LA MARCHE VERS LA GUERRE 1936 à 1939 : L’AFFAILISSEMENT DES Démocraties libérales et la montée des fascismes Objectifs : - Montrer que la crise de 1929 est à l’origine de la montée des fascismes et de l’affaiblissement des démocraties libérales. - Montrer la relation qui existe entre les fascismes et la deuxième guerre mondiale. INTRODUCTION La crise de 1929 a engendré de profonds bouleversements sociaux et politiques qui ont favorisé l’arrivée au pouvoir en Europe de partis fascistes, lesquels ont mené des politiques expansionnistes, cause de la deuxième guerre mondiale. De leur côté, les grandes démocraties ont les moyens de se montrer fermes à l’égard des dictatures. Cependant, elles manquent de la clairvoyance et surtout de la volonté nécessaires pour utiliser leurs moyens à temps. La crise les pousse à replier sur elles-mêmes, donnant la latitude aux fascistes de poursuivre leurs actions belliqueuses. I- LA CRISE DE 1929 : UN DES FACTEURS DE LA MONTEE DES FASCISMES ET DE L’ETABLISSEMENT DES REGIMES FASCISTES À l’origine, le fascisme est un mouvement révolutionnaire qui a vu le jour en 1919 en Italie. Son origine vient de la fondation après la Première Guerre mondiale, par Benito Mussolini, d'un groupuscule appelé Fasci di combattimento (faisceaux de combat). Le mot fasci luimême est une référence à la Rome Antique où les faisceaux étaient le symbole de pouvoir. En 1921, le fascisme est devenu parti politique et c’est ce nom que porte le régime politique au pouvoir en Italie d’octobre 1922 à juillet 1943.Par extension, le mot «fascisme» a fini par désigner toute forme de dictature nationaliste à prétention totalitaire. Les régimes fascistes sont donc nationalistes et totalitaires. Les États totalitaires se caractérisent par une emprise totale du pouvoir politique sur tous les aspects de la vie d'une société. Ce sont des régimes dictatoriaux à parti unique où toute opposition est interdite et durement réprimée, le plus souvent par une police politique toutepuissante. Les libertés individuelles sont supprimées et la population est tenue sous contrôle non seulement par la terreur mais également par la censure et la propagande. L'économie, la culture, les loisirs sont également contrôlés par l'État, et son chef charismatique fait le plus souvent l'objet d'un culte de la personnalité. Ces États développent tous un projet de société autour d'une idéologie forte qui les pousse également à l'impérialisme (volonté de s'étendre par la conquête ou les alliances et de constituer un empire). A- En Italie 1- Les causes de la montée du fascisme italien : les frustrations et les troubles agraires et industriels a) Au sortir de la guerre, l’Italie souffre d’abord d’une profonde crise morale et nationale. Les principes wilsoniens du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes aboutissent à priver l’Italie de la Dalmatie, de peuplement slave. Les traités de paix violent ainsi la promesse faite à l’Italie en 1915 pour l’inciter à entrer en guerre. L’Italie ne reçoit que 10% des réparations, n’a aucun mandat sur les ex-colonies allemandes ou turques et son gouvernement se voit contraint de faire évacuer Fiume, occupée par les volontaires dirigés par d’Annunzio. La propagande nationaliste dénonce la « victoire mutilée ». b) Les troubles agraires. Les campagnes connaissent un problème agraire aigu : la terre demeure aussi inégalement répartie qu’avant 1914. Or, 59% de la population active vivent en campagne où 4,5 millions de micro-propriétaires doivent se contenter de 3 millions d’hectares, moins de 10% de la surface. L’essentiel de la terre est accaparée par 500 000 propriétaires dont quelques milliers de latifundiaires dans le sud. Le sous-emploi endémique réapparaît, et beaucoup de métayers ou d’ouvriers agricoles s’exaspèrent de constater que le gouvernement paraît oublier les promesses de partage des terres faites pendant le conflit. Les paysans pauvres se regroupent spontanément en ligues agraires ; drapeau rouge en tête, ils occupent les terres non cultivées. Les « conseils de fermes » qu’ils forment dès 1919 s’inspirent des soviets de Russie. Violence et pillages accompagnent ces démonstrations qui, nées dans le Sud, gagnent progressivement le centre et le nord. c) Les troubles dans l’industrie. L’échec des négociations salariales dans la métallurgie milanaise, puis le lock-out patronal en réponse à une grève générale de protestation, amènent les ouvriers d’Afa Roméo à occuper leur usine le 28 août 1920. Rapidement, le mouvement s’tend à tout le « triangle industriel » : Milan, Turin, Gênes. Les grévistes créent des « conseils d’usine » qui gèrent la grève et prétendent se substituer au patronat. 2- Création du mouvement des « faisceaux de combat » et prise du pouvoir par le parti fasciste Benito Mussolini avait animé la campagne interventionniste de l’Italie à l’hiver 1914-1919 pour pousser l’Italie à entrer en guerre. Ayant récupéré toutes les frustrations italiennes, il quitte le parti socialiste et crée en mars 1919 le mouvement des « faisceaux de combat » qui n’a qu’un succès modeste. Les militants « fascistes » ne tardent pas à adopter la chemise noire des « arditi » : ils portent le deuil des espérances de l’Italie. Après avoir tiré les leçons de ses premiers échecs1 , Mussolini se rapproche de la « confindunstria », l’organisation patronale italienne qui accepte de financer les « squadri », c’est-à-dire les milices fascistes dès lors que celles-ci se spécialisent dans la répression ouvrière. Auréolés par leur fonction de protecteurs musclés de l’ordre, les fascistes progressent rapidement au cours de l’année 1921 et fondent en novembre la « parti national fasciste ». Celui-ci se dote d’un nouveau programme qui écarte les aspects gauchistes et pacifiques adoptés en 1919 (désarmement général, suppression des sociétés anonymes…) et qui se veut 1 Quelques milliers d’adhérents en 1920 et aucun député avant 1921. nationaliste et expansionniste2 . Porté par la peur des possédants, le mouvement de Mussolini est devenu au début de 1922 un parti e masse comptant 300 000 adhérents. La grève générale de protestation contre les violences, lancée par les socialistes le 1 er août 1922 est brisée par les fascistes. Fort de cette démonstration et assuré de l’appui de la droite et des industriels, Mussolini réclame le pouvoir et menace de marcher sur Rome si satisfaction ne lui est pas donnée. Son ultimatum amène la démission du gouvernement. Le 29 août le roi Victor Emmanuel III fait appel à Mussolini pour former le gouvernement. 3- L’instauration du totalitarisme en Italie Mussolini obtient les pleins pouvoirs de l'Assemblée en novembre 1922 puis la majorité absolue aux élections d'avril 1924 en créant un climat de violence par les Chemises Noires. Mussolini durcit sa dictature après la montée de l'opposition suscitée par l'assassinat du député socialiste Matteotti qui avait dénoncé les fraudes et la violence fasciste. En 1925-26, les lois fascistissimes abolissent la démocratie et le pouvoir appartient alors au Duce. Un lien étroit existe alors entre le Parti fasciste qui devient le parti unique et dont les responsables sont rassemblés au Grand Conseil et l'Etat : l'administration est épurée et une police politique, l'OVRA (organisation de vigilance et de répression de l'antifascisme) est créée. Les opposants sont pourchassés et déportés aux îles Lipari. En 1926, le gouvernement lance plusieurs grandes batailles économiques : celles du blé, de l'acier, pour l'assèchement des marécages ou pour une monnaie forte. L'Etat crée l'IRI, l'Institut pour la reconstruction industrielle, qui permet de sauver les entreprises industrielles par le rachat des actions. La voie autarcique est choisie pour sortir de la crise. La grève est interdite et un seul syndicat est autorisé alors que les relations entre ouvriers et patrons sont réglementées par la Charte du travail qui instaure le corporatisme. L'Etat fasciste lance une politique nataliste. La population est étroitement surveillée et soumise à la propagande. Elle est encadrée par des organisations dépendantes du Parti fasciste dès son plus jeune âge (balila, avanguardista) dans le cadre des loisirs et du travail. B- En Allemagne 1- La montée d’organisations nationalistes Elle est essentiellement provoquée par deux facteurs : D’une part les révoltes ouvrières. D’abord, celle du 4 janvier 1919 à Berlin. Elle est écrasée par l’armée à l’appel du parti socialiste au pouvoir. D’autres insurrections provoquées par les difficultés économiques éclatent par la suite à la Ruhr, la Hesse, la Bavière. Elles sont écrasées l’une après l’autre par l’armée jusqu’en 1923. D’autre part, les conditions du traité de Versailles que les Allemands considèrent comme un « diktat ». 2 « L’Italie doit réaffirmer son droit à réaliser sa pleine unité historique et géographique, même là où elle ne l’a pas encore réalisée […] Elle doit imposer de façon solide et stable l’empire de la loi sur les peuples de nationalité différente annexés à l’Italie. » Il y a donc fleurissement des organisations d’extrême-droite qui sont portées à la fois par le ressentiment nationaliste et l’inquiétude que suscite la poussée d’extrême gauche. Celles-ci, aidées par l’armée, répriment s insurrections ouvrières. Parmi ces organisations, émerge le « Parti national-socialiste des Travailleurs allemands » (NSDAP) en abrégé « nazi », fondé en 1919 par un ouvrier, Anton Drexler ; mais très vite Hitler e est devenu le principal dirigeant. En mai 1921, les vainqueurs réclament 132 milliards de marks-or au titre des réparations à l’Allemagne. En janvier 1923, la Ruhr est occupée par la France pour contraindre l’Allemagne à reprendre le versement des réparations. La même année, Hitler envisage une marche sur Berlin pour déloger le gouvernement socio-démocrate à l’imitation de la marche sur Rome des fascistes de Mussolini en 1922. Les sections d’assaut (SA), groupe paramilitaire du parti nazi, renversent le gouvernement bavarois. Mais, armée et police réprimèrent le putsch ; Hitler et ses amis sont arrêtés et emprisonnés. A partir de 1924, la crise est résolue avec les prêts bancaires américains et la stabilité retrouvée ne sera remise à mal qu’en 1929. 2- L’arrivée au pouvoir du parti nazi Elle est rendue possible par plusieurs évènements : - Le vacillement (décadence) de toute l’économie à la suite de la crise de 1929 L’instabilité gouvernementale, qui est, en plus, incapable de résoudre la crise économique. Cette crise va donc favoriser tous les extrémismes. Déçue, désorientée, l’opinion reporte ses espoirs sur les communistes et les nazis. Aux élections de 1930, le parti nazi recueille 6 400 000 voix, soit huit fois le chiffre obtenu deux ans plus tôt ; passant de 12 à 107 députés. En 1932, le nombre de députés nazis passe de 107 à 203. Mais, le pari nazi perd deux millions de voix aux élections anticipées de novembre 1932. Ce sont les socialistes qui en triomphent. Le président Hindenburg et son entourage sont alors hantés par une subversion sociale provoquée par l’extrême gauche. Le 30 janvier 1933, il nomme Hitler chancelier et le charge de former le nouveau gouvernement du Reich. 3- L’instauration du totalitarisme en Allemagne Hitler devenu chancelier dissout le Reichstag afin d'obtenir la majorité lors de nouvelles élections. Le 27 février 1933, l'incendie du Reichstag, mis au compte des communistes, sert de prétexte à l'interdiction du Parti communiste et à la suspension des libertés individuelles. Les nazis obtiennent 44% des voix aux élections et Hitler se fait voter les pleins pouvoirs. Les partis politiques, les syndicats sont interdits ; les opposants sont envoyés dans des camps de concentration ; les SA de Röhm, aile gauche du Parti nazi, sont éliminés par les SS lors de la Nuit des longs couteaux le 30 juin 1934. Hitler et ses compagnons prennent le contrôle de l'Etat et le 2 août 1934, à la mort d'Hindenburg, Hitler se fait proclamer président du Reich (décision plébiscitée à 90% par les Allemands). L'idéologie repose sur " Ein Volk, ein Reich, ein Führer ". Le principe ein Volk, un seul peuple s'appuie sur une prétendue supériorité de la race aryenne, sur l'antisémitisme. Les Juifs sont persécutés : boycott des magasins juifs dès 1933, lois de Nuremberg en 1935, Nuit de Cristal le 9 novembre 1938. Ein Reich, un seul Etat s'appuie sur le pangermanisme du XIXème siècle. Hitler veut réunir à l'Allemagne toutes les populations de langue et de sang allemands. Il veut aussi étendre le territoire vers l'est : le Drang nach Osten. Le Reich est centralisé et l'administration est épurée. La terreur est maintenue par les SS et la Gestapo. Ein Führer, un seul chef dispose de tous les pouvoirs. Les fonctionnaires et les militaires doivent prêter serment de fidélité au Führer et la population lui doit obéissance. Pour lutter contre le chômage très élevé, le ministre de l'économie, Schacht, lance une politique de grands travaux (construction d'autoroutes, de logements sociaux). L'Allemagne remet en route l'industrie d'armement en 1936. Elle opte comme l'Italie pour l'autarcie. L'adhésion au parti nazi augmente fortement entre 1933 et 1939 : on passe de 850 000 à 5, 3 millions de membres. Enfants et jeunes sont embrigadés par l'école, les loisirs et le sport et beaucoup de jeunes appartiennent à la Hitlerjungend. La propagande menée par Goebbels est omniprésente. Face à la suppression des libertés, des intellectuels, des scientifiques juifs ou non quittent l'Allemagne. II- L’APPLICATION DES POLITIQUES EXPANSIONNISTES DES REGIMES FASCISTES CONDUISENT AUX ACTES D’AGRESSION La crise a frappé de plein fouet les économies italienne, allemande et japonaise. Pour ces pays, trois questions cruciales3 se posent. Comment se procurer à l’étranger les matières premières, sans devises pour les payer ? Comment donner du travail aux millions de chômeurs sans se préoccuper de l’écoulement des marchandises produites ? Comment financer la politique de relance sans entraîner une hausse des prix dont les Allemands, en particulier, gardaient un souvenir terrifié ? Le réarmement et la conquête d’un espace vital furent trouvés comme solutions. A- LES VERTUS DU RéARMEMENT OU LE DéVELOPPEMENT D’UNE éCONOMIE DE guerre4 en temps de paix Pour résorber le chômage massif, les gouvernements totalitaires se sont lancés tout d’abord dans une politique de grands travaux : constructions d’autoroutes, drainage des régions marécageuses, défrichements. Mais, c’est le réarmement qui assure à ces pays la reprise de leur activité industrielle. La production d’armements, l’orientation des biens de consommation vers l’armée, la constitution des stocks de vêtements, de chaussures, d’aliments, de conserves permettent en effet de résoudre une des contradictions fondamentales manifestées alors par le système 3 Déterminant au plus haut point Synonyme: décisif Synonyme: capital Qui renvoie aux stratégies internes utilisées par les nations engagées pour financer l’effort de guerre, assurer la bonne marche des industries –voire leur reconversion- promouvoir le ravitaillement, mobiliser le corps social, etc. 4 capitaliste, à savoir le déséquilibre entre la production et le marché. Pour faire accepter les sacrifices provoqués par le réarmement, la dénonciation d’ennemis à l’extérieur est indispensable, ce qui ouvre la perspective, un jour, d’utiliser la matériel de guerre. En Italie, de nombreux militaires et colons sont mobilisés. Pour cela, la natalité est encouragée ; l’émigration interdite dès 1926. Le 16 mars 1935, Hitler annonce brutalement le rétablissement du service militaire obligatoire de deux ans en Allemagne et la création d’une aviation militaire, le Luftwaffe, confiée à Goering. L’effectif de l’armée, désormais appelée Wehrmacht, est fixé à 36 divisions en temps de paix. C’est une violation évidente du traité de Versailles. De même, Hitler remilitarise la Rhénanie. Le traité de Versailles avait prévu la démilitarisation définitive de la rive gauche du Rhin et d’une bande profonde de 50 km sur la rive droite. Les Allemands ne peuvent y tenir garnison, ni y élever des fortifications, ce qui permet à l’armée française, malgré sa structure défensive, d’envisager de porter éventuellement secours aux puissances d’Europe centrale. Hitler entend se délivrer de cette menace. La ratification par le parlement français du traité franco-soviétique, conclu un an plus tôt (2 mai 1935), lui sert de prétexte : selon lui, ce traité viole le pacte de Locarno 5 . Hitler dénonce, le 7 mars 1936, ce pacte ; aussitôt, 30 000 soldats allemands pénètrent dans la zone démilitarisée. Lors du plébiscite du 29 mars, 99% des Allemands approuvent leur Führer. B- LA CONQUêTE D’UN ESPACE VITAL Enfin, comment se procurer les matières premières nécessaires au réarmement sans devises et sans aucun crédit ? En commerçant tout d’abord avec des pays qui se trouvent dans une situation financière identique. Ainsi, l’Allemagne développe-t-elle ses échanges avec la zone danubienne et balkanique : l’Allemagne paie ses importations de blé ou de pétrole par des exportations de machines, et cela, sans sortie de devises. Pour se procurer du minerai de fer en France, l’Allemagne lui livre du charbon et des machines-outils. Ce minerai de fer, fourni en quantités suffisantes par la France, facilite le réarmement de l’Allemagne. 5 Accords de Locarno : série de sept accords destinés à garantir les frontières établies à l'issue de la Première Guerre mondiale par le traité de Versailles et à assurer la sécurité de l'Europe occidentale, ainsi nommés du nom de la ville de Suisse où ils ont été signés. Ces accords sont signés par des représentants de la Belgique, de la Tchécoslovaquie, de la France, de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de l'Italie et de la Pologne, le 16 octobre 1925. Signé par le Français Aristide Briand, l’Allemand Gustav Stresemann et le Belge Émile Vandervelde, le principal accord de Locarno garantit les frontières communes de la France, de l'Allemagne et de la Belgique. La Rhénanie, région frontalière de la Belgique, de la France et de l'Allemagne, est déclarée zone démilitarisée en confirmatio n des articles 42 et 43 du traité de Versailles. Le recours aux armes est prévu en cas d'invasion de la région par l'Allemagne. Les Britanniques et les Italiens garantissent cet accord, sans avoir toutefois l'obligation militaire de le faire respecter. Bien que la France signe des traités de sécurité avec la Pologne et la Tchécoslovaquie, ces traités n'offrent pas les mêmes garanties quant à la reconnaissance de leurs frontières avec l'Allemagne. Celle -ci, en effet, quoique prenant l'engagement de ne pas violer les frontières tchèques et polonaises, ne les reconnaît pas. Des accords sont néanmoins signés pour prévoir l'arbitrage des conflits entre l'Allemagne et ses voisins belges, français, tchèques et polonais. Ils doivent être respectés dans le cadre de la Société des Nations (SDN), que l'Allemagne rejoint en 1926. Mais, en fait, cette stratégie commerciale débouche inévitablement sur l’expansion, sur la recherche d’un espace vital et donc sur la guerre. La mise sous tutelle économique des pays fournisseurs de matières premières prépare à terme leur annexion. Mussolini revendique pour l’Italie des colonies de peuplement, capables d’accueillir ses enfants en surnombre. Il entend ensuite que son peuple, héritier des Romains, joue un rôle prépondérant en Méditerranée, la Marée Nostrum. Il considère enfin les régions danubiennes comme l « hinterland européen de l’Italie ». En octobre 1935, il entame la conquête de l’Ethiopie sous le prétexte d’un incident en Ogaden, à la frontière entre la Somalie italienne et l’Ethiopie. Sa condamnation par la SDN, la pousse à se tourner vers l’Allemagne. Les deux pays veulent donc désormais remettre en cause la domination franco-anglaise en Europe et en Afrique. Dans Mein Kampf (19129), Hitler avait clairement tracé les axes de la future expansion allemande : d’abord regrouper dans un « Grand Reich » toutes les populations de langue allemande ; ensuite engager la conquête du Lebensraum, l’espace vital, qui procurera à la race des seigneurs les vivres, les matières premières, les terres et les esclaves nécessaires à son destin d’exception. Pour y parvenir, il est indispensable d’écraser la France, l’ « ennemi héréditaire ». Le 13 mars 1938, Hitler annexe l’Autriche et l « Anschluss » est plébiscitée par 97% des Allemands et des Autrichiens. En septembre 1938, Hitler se tourne vers la région tchécoslovaque des Sudètes et déclare le 12 qu’il ne peut plus tolérer les « tortures » que subissent les Sudètes. Il invoque donc le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Le 30 septembre 1938, l’annexion des Sudètes est entérinée à la conférence de Munich. Désireux de mettre la main sur le précieux pétrole roumain, Hitler fait rentrer ses troupes le 15 mars 1939 dans ce qui restait de la Tchécoslovaquie déjà démantelée. Ce fut le début de la conquête du Lebensraum. Le 1er septembre, Hitler lance son armée sur la Pologne après la signature du pacte de non-agression avec l’URSS. Le 3 septembre, la Grande-Bretagne réagissait en déclarant la guerre à l’Allemagne. On n’en serait peut-être pas arrivé là si les démocraties, poussées par la crise économique, n’avaient pas fait preuve de faiblesse à l’égard d’Hitler. III- LA CRISE DE 1929 ENTRAINE L’AFFAIBLISSEMENT DES DEMOCRATIES LIBERALES L'expression "démocratie libérale" a été utilisée pendant la Guerre froide par opposition à celle de "démocratie populaire" pour désigner le système politique des démocraties occidentales en associant les idées de démocratie et de libéralisme. Le but était de mettre l'accent sur un système politique garant des libertés individuelles, pluraliste et basé sur le suffrage universel. Une démocratie libérale est aussi caractérisée par une économie capitaliste régie par la loi du marché. La légitimité de la démocratie libérale repose sur le peuple souverain, selon l'idéal démocratique, avec une séparation et une limitation des pouvoirs selon l'idéal libéral. Une démocratie libérale est une démocratie représentative dans laquelle la capacité des élus à exercer un pouvoir de décision est soumise à la règle de droit, et est généralement encadrée par une constitution qui met l'accent sur la protection des droits et libertés des individus, posant ainsi un cadre contraignant aux dirigeants. L'idée de démocratie libérale n'implique pas une forme de régime représentatif particulier, celui-ci pouvant donc être parlementaire, présidentiel ou mixte comme en France. De même, elle n'implique pas un régime représentatif au sens strict, mais peut aussi qualifier un régime semi-direct (telle la Suisse) ou participatif. Ainsi, sont généralement associés à la démocratie libérale un certain nombre de principes et de valeurs, qui se rapportent soit aux principes de la représentation démocratique, soit aux principes du libéralisme (y compris du libéralisme économique), parmi lesquels : l'existence d'un état de Droit ; l'élection des représentants, aujourd'hui le plus souvent par le suffrage universel direct, avec le principe : un citoyen = une voix (égalité politique) ; la recherche de l'intérêt général et le respect de la volonté générale (ceux-ci étant néanmoins généralement définis par les dirigeants eux-mêmes; de plus, volonté et intérêt général, en plus d'être des notions abstraites, peuvent apparaître comme possiblement conflictuelles) ; l'égalité des droits (ou égalité face à la loi) ; la garantie des libertés fondamentales, soit, généralement, le respect des droits de l'homme; notamment la liberté de conscience et de culte, la liberté d'expression et de la presse, la liberté de réunion, d'association (celle-ci impliquant le multipartisme, et de circulation, ou encore le droit de propriété et, pour ce qui est des démocraties libérales contemporaines, la liberté de commerce (libre-échange) etc. Cela dit, la crise de 1929 a profondément affecté les régimes de démocratie libérale. D’une part, elle a entraîné une perte de confiance des classes moyennes envers eux ; d’autre part, pour résoudre la crise, les régimes de démocratie libérale ont opté pour le repli sur soi. A- La crise entraine le désarroi 6 et la perte de confiance des classes moyennes envers les régimes de démocratie libérale La crise de 1929 fait vaciller7 les régimes politiques libéraux mis en place depuis le XIXe siècle. Elle frappe durement toutes les catégories sociales et prolétarise une partie des classes moyennes, support traditionnel des démocraties parlementaires. Lors des crises précédentes, seuls les ouvriers avaient fait les frais des fluctuations cycliques. Cette fois, le chômage et la baisse du revenu atteignent aussi les employés, les petits entrepreneurs, les professions libérales, les petits commerçants qui avaient prospéré au cours des années 20. 6 7 Sentiment de détresse [Remarque d'usage: employé le plus souvent au singulier] Synonyme: égarement Manquer de stabilité Synonyme: chanceler Les couches moyennes perdent rapidement confiance dans un régime libéral qui n’agit pas ou se contente de prôner l’austérité. Elles sont alors tentées par les solutions extrêmes et forment un millier de mécontents où les agitateurs trouvent des échos de plus en plus favorables. Leurs arguments simplistes8 se révèlent mobilisateurs et efficaces. Ils présentent la crise comme le fruit d’une trahison où les partis politiques, les communistes, les juifs sont invoqués pêle-mêle comme bouc émissaires9 . Les thèmes de « l’ordre nouveau », du « gouvernement propre », du « réveil national » sont accueillis avec ferveur. L’arrivée d’Hitler au pouvoir, la montée de l’extrême droite en France, en Belgique, au Royaume-Uni, le soulèvement militaire franquiste ou le renforcement des régimes dictatoriaux en Europe centrale et dans les Balkans ; tout cela s’inscrit dans la logique de la crise de 1929. B- Le repli sur soi des démocraties consécutif à la crise de 1929 1- Le renforcement du sentiment isolationniste10 des Etats-Unis par la crise Aux Etats-Unis, la crise qui a porté Roosevelt ç la présidence en mars 1933 a puissamment renforcé l’ancien sentiment isolationniste, encore accentué par la décision unilatérale des démocraties européennes de ne plus honorer leurs dettes de guerre. Une commission sénatoriale enquête en 1934 sur l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1917 : elle conclut de façon simpliste à la responsabilité des banques qui, créancières des Alliés, avaient le plus grand intérêt à leur victoire et engagèrent, en pesant sur l’exécutif, la nation dans le conflit. Les milieux pacifistes qui jouissent d’une audience immense, estiment donc que pour préserver l’Amérique de la guerre, il convient d’éviter que tels liens financiers ne se nouent entre elles et l’Europe. L’administration démocrate refuse désormais de fournir une aide financière à tout pays qui n’a pas réglé ses dettes de guerre. Le Congrès vote, en août 1935, une loi de neutralité, renouvelée en février 1936 et mai 1937, qui établit un embargo en cas de conflit sur les armes et les munitions à destination de l’agresseur et de sa victime. 2- Le repli de la Grande-Bretagne sur son empire colonial du fait de la crise La politique étrangère britannique est dominée par les questions impériales depuis qu’en 1932, l’Angleterre, en proie à la crise, a renoncé au libre-échange et resserré ses liens économiques avec le Commonwealth. Sous l’influence accrue des dominions, elle a moins que jamais l’intention de se laisser entraîner dans des complications en Europe pouvant déboucher sur une nouvelle guerre. Les conservateurs, au pouvoir de 1931 à 1940, croient d’ailleurs pouvoir éviter le conflit en Europe par des concessions à Allemagne. D’ailleurs, Londres conclut avec elle un accord naval l’autorisant à se doter d’une marine de guerre égale à 35% de la flotte britannique et comportant des sous-marins. 8 Qui dénote une tendance à simplifier exagérément jusqu'à donner une vision fausse (de la réalité) (péjoratif) Personne injustement et délibérément accusée des fautes d'autrui 10 Isolationnisme : doctrine de non-intervention en matière de politique étrangère 9 3- L’instabilité de l’exécutif en France du fait de la crise La crise frappe durement la France. De 150 000 chômeurs en 1931, on passe environ à 1000 000 en 1935. L’instabilité ministérielle et l’incapacité des gouvernements à résoudre la crise sont dénoncées par les ligues d’extrême droite et la démocratie populaire est mise à mal lors de l’affaire Stavisky11 , en 1934. Le 6 février 1934, les ligues d’extrême droite manifestent devant la Chambre des députés. Celle-ci vote la confiance à Daladier, nouveau président du conseil qui a promis de dissoudre les ligues. La manifestation dégénère en émeutes et fait 15 morts et 1500 blessés. Daladier démissionne. La politique ne se fait plus dans l’assemblée mais dans la rue. Inquiets de cette poussée du fascisme, les syndicats et les partis de gauche appellent à la grève générale le 12 février 1934. Ils manifestent encore ensemble le 14 juillet 1935 et décident de se présenter unis aux élections législatives de 1936. Cette alliance électorale des trois partis de gauche s’appelle le Front Populaire et le programme électoral, « Pour le pain, Pour la paix, Pour la liberté », propose des mesures contre la crise économique et la misère, et pour la défense de la paix et de la liberté de chacun. Le Front Populaire remporte une victoire écrasante en mai 1936 et Léon Blum, le nouveau président du conseil, forme un gouvernement composé de ministres radicaux et socialistes (les communistes se contentent d’un soutien au gouvernement). L’exécutif, issu de la crise, est cependant incapable, face à l’Allemagne, de dégager une ligne diplomatique cohérente : la droite voudrait ménager les dictatures et croit possible une alliance avec Mussolini ; les radicaux et les socialistes prônent la non-intervention et militent pour la sécurité collective ; pour les communistes, point de salut hors de l’alliance soviétique. Tous cependant jugent la France trop faible pour mener une politique indépendante des Britanniques. CONCLUSION La crise de 1929 a créé les conditions de la seconde guerre mondiale : elle a poussé les démocraties libérales à se replier sur elles-mêmes en même temps qu’elle a favorisé 11 Scandale politique et financier qui ébranla la IIIe République, en 1933-1934. Le 24 décembre 1933, la police arrêta le directeur du Crédit municipal de Bayonne : il avait émis pour deux cent millions de faux bons de caisse, dont il avait fait bénéficier en tre autres un parlementaire, le radical Garat, qui avait cautionné l'opération. Remontant à la source, la police découvrit que le Crédit municipal de Bayonne avait été créé par Alexandre Stavisky, homme d'affaires déjà plusieurs fois mêlé à des escroquerie s. Pour fonder en 1931 cette entreprise, il avait obtenu l'appui de plusieurs parlementaires souvent radicaux comme Dalimier, Bonnaure ou Renault. La police retrouva Stavisky mystérieusement « suicidé » (le doute subsiste encore à ce sujet) à Chamonix. Le scandale fut immense : la presse de droite s'en empara contre les radicaux, développant le thème du « tous pourris », cependant que l'Action française dénonçait la « république de voleurs et d'assassins » : ce climat fut celui dans lequel se déroula la manifestation du 6 février 1934. L'affaire Stavisky avait en effet révélé des collusions entre les milieux politiques les plus anciennement installés au pouvoir, ceux du radicalisme ; les milieux du « tout Paris » que fréquentait assidûment Stavisky ; le « milieu », enfin, de la pègre. Cette affaire constitua un argument majeur dans la campagne antiparlementaire, nationaliste et antisémite (Stavisky était un juif d'origine russe) menée par la presse des ligues et de la droite nationaliste. Elle montrait avec évidence l'usure d'un système miné par la crise économique et incapable de résister fermement aux entreprises de déstabilisation internes et externes. l’établissement des régimes fascistes dans certains pays. Ce sont les actes d’agression de ces derniers, accomplis dans le cadre de la résolution de la crise, qui ont fini par entraîner le monde dans une seconde guerre. BIBLIOGRAPHIE - Armelle Bonin Kerdon et al. Histoire, d’une guerre à une autre (1914-1939), Hachette, Paris, 1982. Sylvie Borelly et al. Histoire, Géographie, Education civique. Formule brevet, Ed. Vuibert, Paris, 2004. Par SANGO MATHIAS AMOS, http://georepere.e-monsite.com georepere