PLASTICITÉ DE L`INNERVATION GABAergique DANS LE

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PLASTICITÉ DE L’INNERVATION GABAergique
DANS LE TRONC CÉRÉBRAL CHEZ LE COBAYE
APRÈS DÉSAFFÉRENTATIONS PÉRIPHÉRIQUES
COCHLEO-VESTIBULAIRES
J. Dupont, J.-M. Aran
To cite this version:
J. Dupont, J.-M. Aran. PLASTICITÉ DE L’INNERVATION GABAergique DANS LE TRONC
CÉRÉBRAL CHEZ LE COBAYE APRÈS DÉSAFFÉRENTATIONS PÉRIPHÉRIQUES
COCHLEO-VESTIBULAIRES. Journal de Physique Colloques, 1990, 51 (C2), pp.C2-123-C2126. <10.1051/jphyscol:1990229>. <jpa-00230623>
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COLLOQUE DE PHYSIQUE
Colloque C2, supplément au n02, Tome 51, Février 1990
ler Congrès Français d'Acoustique 1990
PLASTICITÉ DE L'INNERVATION GABAergique DANS LE TRONC CÉRÉBRAL CHEZ LE
COBAYE APRÈS DÉSAFFÉRENTATIONS PÉRIPHÉRIQUES COCHLEO-VESTIBULAIRES
J. DUPONT et 3.-M.
ARAN
Unité INSERM 229. Audiologie ExpBrimentale, Hôpital Pellegrin, F-33076
Bordeaux, France
Résumé - La plasticité de l'innervation GABAergique dans le système nerveux central auditif a été
étudiée chez le cobaye après désafférentations cochléo-vestibulaires unilatérales ou bilatérales. La corrélation
des études qualitatives et quantitatives, au niveau de la microscopie optique, indique que dans le cas des
désafférentations unilatérales, l'innervation GABAergique est considérablement réduite dans l'Olive Supérieure
Latérale (OSL) ipsilatérale et dans le Colliculus Inférieur (CI) contralatéral, 10 jours après la destruction
péripherique. Par la suite, cette différence n'est plus observée après 25 jours de désafférentation. Dans les
destructions bilatérales de l'oreille interne une diminution (bilatérale) est observée à 10 jours, suivie d'une
récupération et parfois même une "hyperinnervation"
25 et 150 jours. Ces résultats indiquent que les
structures centrales auditives, et plus précisément I'OSL et le CI, semble posséder la propriété intrinse::ue de se
remanier anatomiquement, en ce qui concerne leur innervation GABAergique, après désaffeltantations
périphériques.
Abstract - GABAergic innervation plasticity in the auditory central nervous system has been studied in
guinea pigs after uni- or bi-lateral deafferentation. Correlations betwren qualitative and quantitative studies,
at the optical levet, indicate that in the case of unilateral peripheral deafferentations. the GABAergic
innervation is significantly reduced in the ipsilateral Lateral Superior Olive (LSO) and in the contralateral
Inferior Colliculus (IC), 10 days after the peripheral destruction. However this difference is no longer observed
at 25 days. In the bilateral destructions of the inner ear a decrease (bilateral) is observed at 10 days followed
by a recuperation, eved an "overshoot" at 25 and 150 days. These results indicate that the auditory central
structures, particulariy the LSO and IC, seem to present the intrinsic property of remodeling, for their
GABAergic innervation, after peripheral deafferentations.
1. INTRODUCTION
Dans le cas des atteintes périphériques, partielles ou totales, la réhabilitation d u surdités pose le problème du
traitement par le système nerveux central des informations réduites qui peuvent lui être transmises. En effet,
chez le sujet atteint d'une surdité totale d'origine périphérique, les centres nerveux sont privés de l'information
normalement fournie par la cochlée. On peut alors se demander si les noyaux auditifs du tronc cérébral restent
potentiellement fonctionnels ou s'ils font l'objet de remaniements, et dans quelle mesure peuvent-ils être alors
réactivés. De nombreux travaux se sont déjà intéressés aux conséquences centrales des désafférentations
périphériques, cependant la plupart se limitent aux aspects purement neuroanatomiques.
Ainsi dès 1949 LEVI-MONTALCINI (1) observait chez le poulet, après destruction d'un otocyste (oreille
interne), une nette diminution de la surface des noyaux équivalents au complexe cochléaire des mammifères,
du coté ipsilatéral la destruction. Chez la souris, TRUNE (2) a mis en évidence une diminution de la taille
et de la densité neuronale du complexe cochléaire ipsilatéral la destruction de la cochlée et du ganglion
spiral. Au niveau ultrastructural, SOTELO a mis en évidence des modifications pré et postsynaptiques dans le
noyau cochléaire ventral chez le rat, après destruction de la cochlée et du ganglion spiral. D'autres études plus
récentes se sont attachées a des aspects plus fonctibnnels de cette plasticité neuronale. C'est le cas de MOORE
et IRVINE (3) qui ont nanlysés en électrophysiologie la plasticité de l'interaction binaurale dans le CI de la
souris, ainsi qu'une autre étude (4) montrant des variations de l'activité métabolique mesurée dans le C1 et
I'OSL par la technique du 2-déoxyglucose, après désafférentation périphérique unilatérale.
C'est dans ce contexte, où la plasticité du système auditif central est encore peu documentée, que nous avons
alors réalisé une analyse temporelle et comparative, à la fois qualitative et quantitative, de I'lnnervation
GABAergique du tronc cérébral chez le cobaye après désafférentations cochléo-vestibulaires unilatérales ou
bilatérales. Nous nous sommes intéressés au devenir du neurotransmetteur inhibiteur qu'est le GABA, parce
qu'on connait aujourd'hui l'importance du rble qu'il joue dans le système audio-vestibulaire, ainsi que sa
localisation neuroanatomique bien définie (5) dans le tronc cérébral. Enfin, cet article montre par l'utilisation
d'une technique morphofonctionnelle classique que le système nerveux central auditif du cobaye possède la
propriété intrinsèque de récupérer. au moins sur le plan morphologique, son innervation GABAergique dans
certain noyaux auditifs centraux désafférentés.
II. METHODES EXPERIMENTALES,
Le modèle expérimen,tal nécessaire pour notre étude est un animal sourd pour une cause périphérique. Nous
avons alors injecté localement à travers la fenetre ronde, chez l'animal anesthésié, une dose de sisomicine
(antibiotique ototoxique) entraînant une destruction totale et irréversible de toutes cellules sensorielles de la
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphyscol:1990229
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cochlee et des différents organes vestibulaires, ce que l'on a vérifié par une étude en microscopie électronique
à balayage. Dès 5 jours après l'application de cet antibiotique, on observe une très importante altération der
cils des cellules sensorielles cochléaires et vestibulaires, qui 10 jours après la désafférentation disparraissent
presque totalement. Après 15 jours de désafférentation on observe une destmction quasi totale de l'épithélium
sensoriel de l'organe de Corti et des différents organes vestibulaires.
2) Détection immunohistochimiaue de l'innervation GABAereiau~
Les cobayes désafférentés unilatéralement ou bilatéralement sont sacrifiés à des temps différents par perfusion
intracardiaque d'un fixateur adapté la détection immunohistochimique du GABA. La partie du tronc cérébral
est alors extraite puis postfixée pendant 2 heures dans le meme fixateur. Des coupes frontales d'une épaisseur
de 50 um sont obtenues au vibratome sur lesquelles on réalise une procédure immunohistochimique classique
dite de préinclusion, utilisant un antiserum specifique antiGABA et le complexe de révélation : PéroxidaseAnti-Péroxidase (PAP), suivi d'une intensification par des sels lourds de Nickel du produit de la réaction.
Ainsi, nous avons pu observer les changements qualitatifs de l'innervation GABAergique dans les noyaux
auditifs du tronc cérébral chez le cobaye.
3. Analvse auantitative de l'innervation GABAergiaue,
Après avoir repéré les noyaux auditifs du tronc cérébral où des changements qualitatifs de I'innervation
GABAergique peuvent être observés, nous avons entrepris une étude quantitative au sein de ces structures
grilce à l'utilisation des techniques d'analyse d'images.
Ainsi dans le cas du Colliculus Inferieur (CI) nous avons dénombré pour un même champ d'analyse les corps
cellulaires immunoréactifs (GABAergiques) de chaque côté du tronc cérébral et dans les parties antérieure,
médiane et postérieure de ce noyau. Une étude strictement identique a été réalisée pour l'Olive Supérieure
Latérale (OSL).
III, RESULTATS,
1. Cas des désafférentations unilatérales.
I.'étude qualitative montre que 5 jours après désafférentation unilatérale aucune différence évidente ne peut
être observée à travers l'ensemble des noyaux du tronc cérébral du côté désafférenté par rapport au cdté
normal. C'est ce que l'on peut observer sur la figure 1 représentant un champ identique des deux côtés pour le
CI et I'OSL. Par contre, 10 jours après la désafférentation une diminution très nette du nombre de neurones
GABAergiques est mise en évidence dans le CI contralatéral à l'oreille détruite et dans I'OSL ipsilatérale à la
destruction. Enfin, après 25 jours de désafférentation unilatérale, cette différence dans le marquage des
neurones GABAergiques n'est plus retrouvée.
norma 1
désaf.
normal
désaf.
CI
OSL
L'étude quantitative portant sur un champ d'analyse beaucoup plus important (environ la moitié de la surface
totale du noyau en coupe frontale) permet quant à elle d'affiner ces résultats qualitatifs. On observe alors
(Figure 2) qu'en ce qui concerne le CI les 3 parties du noyau évoluent différemment dans le temps. Cependant
on observe, dans chacun des cas, une diminution très nette du nombre de neurones GABAergiques (d'environ
50% par rapport aux cogpOles) du côté contralatéral à la destruction dès 5 jours après la désafférentation et se
poursuivant jusqu'au 151eme jour. Dans ce même labs de temps, oq.observe du côté détruit une augmentation
très importante du nombre de cellules marquées. Par contre, au 251eme jour de désafférentation, on assiste à
une inversion complète et systèmatique dans les 3 parties du novau. où le nombre de coros cellulaires
GABAergiques du coté normal devient plus important que du coté désafférenté. Cette observation est
confirmée après 150 jours de désafférentation. En ce qui concerne I'OSL, les 3 parties antérieure, médiane et
postérieure du noyau présentent la même évolution temporelle de 1'inner.vation GABAergique : c'est & dire une
diminution progressive du nombre de .oeurones marqués jusqu'au 10leme jour, mais dans ce cas, du côté
ipsilatéral à la destruction. Dès le 15Ieme jour on observe une réaugmentation progressive de ces corps
cellulaires GABAergiques, qui se poursuit à 25 jours, et devient m&meplus important que du c6té normal 150
jours après la désafférentation cochléo-vestibulaire.
DESAFFERENTATION UNILATERALE
olive siiperieiire laterale
NOMBRE OE
CELLULrs
MAIOUSE5
[COTE NORMAL
COTE DESAFFERENTE
anlrrietlr
iiiediai!
colliculus
WYBllE DE
CELLULES
poslerieiir
C = CONTROLE
inlerieur
-
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Flmn 2
coma C0lliLt.r CABA.nlniu, dam u i
c h p d'iulyu iU1M1i6 dm C I et de
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puitr
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posterieur
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patMnn 6. m 1 nomci.
2. Cas des désafférentations bilatérales,
L'étude qualitative (Figure 3) montre que 5 jours après désafférentation bilatérale, l'innervation GABAergique
dans le CI et 1'OSL ne semble pas être modifiée comparativement aux animaux témoins. Cependant 10 jours
après la destruction on peut observer une diminution très nette de l'innervation GABAergique dans ces 2
noyaux auditifs centraux, des 2 côtés du tronc cérébral. Après 25 jours de désafférentation bilatérale, on
observe une récupération bilatérale au moins morphologique des neurones GABAergiques au sein des 2 noyaux
étudiés.
C1
OSL
Ces résultats qualitatifs sont confirmés sur le plan quantitatif (Figure 4), où une analyse d'images semblable à
celle réalisée dans le cas des désafférentations unilatérales, a montré que les parties antérieure, médiane et
postérieure du CI et de I'OSL présentent une diminution bilatérale du nombre de coms cellulaires
jour on
GABAergiques, d'environ 50% comparée aux contrôles, 10 jours après désafférentation. Dès le
observe une récuvération vartielle de l'innervation GABAer~iquequi se poursuit 25 jours après la destruction,
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où elle retrouve son taux normal équivalent aux animaux contrôles, et même dans certains cas (parties
antérieure et médiane du CI et partie postérieure de I'OSL) un nombre plus important.
@ E S A r r E I l E N I A I 1014 BILAI EIIAI F
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I'OSL. co losctlon d n temps de
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putits
ut6rieire.
médiine
et
postérieure de c n noysux.
IV. DISCUSSION.
La corrélation des observations qualitatives et quantitatives montrent donc l'existence de phénomènes de
dégénérescence puis régénérescence de l'innervation GABAergique du CI et de I'OSL après désafférentation
unilatérale cochléo-vestibulaire. De plus, de part les relations neuronales centrales, on comprend aisément que
ces phénomènes plastiques soient observés ipsilatéralement à la destruction pour I'OSL où les informations en
provenance de la périphérie ne croisent pas; et contralatéralement pour le CI où une décussassion des fibres
nerveuses prend place entre le complexe olivaire et ce noyau.
Afin de tester l'hypothèse selon laquelle la récupération morphologique de l'innervation GABAergique dans le
Cl et I'OSL après 25 jours de désafférentation, pourrait être le résultat d'une influence des informations audiovestibulaires contralatérales provenant de l'oreille intacte; nous avons donc réalisé des désafférentations
bilatérales totales cochléo-vestibulaires. Dans ce modèle expérimental, les résultats de l'analyse quantitative sont
en bonne corrélation avec l'observation qualitative, et montrent que des phénomènes de plasticité neuronale de
l'innervation GABAergique dans le CI et I'OSL peuvent là encore être observés, mais dans ce cas de façon
bilatérale. Or dans les destructions bilatérales les noyaux auditifs et vestibulaires centraux sont totalement
privés des informations normalement transmises par les 2 oreilles internes, et I'on peut alors penser que
Vinnervation GABAergique du système nerveux central auditif possède la propriété intrinseque de se remanier
morphologiquement après désafférentations périphériques.
La question reste alors de savoir si ces noyaux auditifs du tronc cérébral restent potentiellement fonctionnels,
ceci dans la perspective d'une réactivation des voies audio-vestibulaires. Cependant l'approche
électrophysiologique de ce thème se heurte au problème du mode de stimulation à utiliser chez un animal
sourd total, dans le but de recueillir les potentiels évoqués des noyaux auditifs du tronc cérébral qui pourraient
ainsi être réactivés.
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