Communiqué de presse CNRS Les sédiments marins archivent les crises du champ magnétique terrestre Paris, 23 novembre 2016 Les variations passées de l'intensité du champ magnétique terrestre sont reflétées par la production d'isotopes dans l'atmosphère. Des chercheurs du CNRS, d'Aix Marseille Université et du CEA ont ainsi utilisé un isotope tiré des sédiments marins pour retrouver ces crises géomagnétiques sur une durée particulièrement longue. Le béryllium 10 livre ici une frise qui s'étend sur les 850 000 dernières années, au cours desquelles sa concentration fluctue en fonction de l'intensité du champ magnétique terrestre. Ces travaux, publiés dans la revue Journal of Geophysical, Research: Solid Earth, fournissent un nouvel outil pour étudier les variations passées du champ magnétique terrestre et son comportement à venir. L'isotope de béryllium 10Be se forme dans l'atmosphère sous l'action des rayonnements cosmiques, que le champ magnétique terrestre dévie en partie. Son intensité influe donc sur la production de 10Be. L'isotope est lessivé par la pluie peu de temps après sa formation et adhère aux grains minéraux qui décantent vers le fond de l'océan. Trois carottes sédimentaires ont été extraites du fond des océans Indien et Pacifique et analysées afin de comparer les concentrations en 10Be à celles de 9Be, issu de la croûte terrestre. Ce rapport a permis d'évaluer le taux de production atmosphérique du 10Be sur 850 000 ans, millénaire par millénaire. Son évolution suit bel et bien les variations du champ magnétique, déjà connues par les méthodes paléomagnétiques dont la fiabilité méritait d'être éprouvée. Les épisodes de surproduction de 10Be correspondent à des effondrements du champ magnétique terrestre, y compris ceux associés à sa dernière inversion connue : celle de Brunhes-Matuyama il y a 770 000 ans. Les chutes d'intensité du champ coïncident aussi avec les excursions, des inversions ratées où les pôles reprennent finalement leur place initiale. Ces phénomènes se produisent tous les 20 000 à 50 000 ans, la dernière remonte à 41 500 ans. Après plusieurs tentatives d'inversion, le champ magnétique terrestre pourrait donc être amené à reprendre ce comportement. Les mesures directes du champ magnétique mettent d'ailleurs en évidence une chute rapide du champ, amorcée il y a 2 500 ans. Si elle se poursuit dans le futur, elle pourrait engendrer des conditions favorables à une nouvelle excursion, voire à une inversion, dans deux à trois milliers d'années. Les financements de cette étude proviennent de l'ANR (Programme Magorb) et de l'European Research Council (Edifice). Les chercheurs qui ont participé à cette étude sont membres du Centre de recherche et d'enseignement de géosciences de l'environnement (CNRS/Aix-Marseille Université/IRD/Collège de France), de l'Institut de physique du globe de Paris (CNRS/IPGP/Université Paris Diderot) et du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (CNRS/UVSQ/CEA). © Simon et al. 2016 Frise de la production atmosphérique de 10Be. Les pics de surproduction correspondent à des évènements d'instabilité du champ magnétique terrestre. Télécharger le communiqué de presse : Références : Authigenic 10Be/9Be ratio signatures of the cosmogenic nuclide production linked to geomagnetic dipole moment variation since the Brunhes/Matuyama boundary. Simon, Q., Thouveny, N., Bourlès, D.L., Valet, J.P., Bassinot, F., Ménabréaz, L., Guillou, V., Choy, S., Beaufort, L. (in press). Journal of Geophysical Research Solid Earth: 121, doi:10.1002/2016JB013335. Publié le 14 novembre 2016. Contacts : Professeur Aix-Marseille Université l Nicolas Thouveny l T 04 42 97 15 01 l [email protected] CNRS l Jean-Pierre Valet l T 01 83 95 75 03 l [email protected] Presse CNRS l Martin Koppe l T 01 44 96 43 09 l [email protected] A lire sur le site du CNRS : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/4787.htm Chicxulub : un cratère unique pour mieux comprendre les surfaces planétaires Paris, 18 novembre 2016 Il y a 66 millions d'années, la chute d'un astéroïde dans la péninsule du Yucatán (Mexique) aurait mis fin au règne des dinosaures. Elle créait aussi le cratère d'impact de Chicxulub, le seul cratère connu sur Terre à posséder encore un anneau central, alors que ce type de structure est fréquent à la surface de nombreux objets du Système solaire. Pour ces différentes raisons, et bien que le cratère soit enfoui sous plusieurs centaines de mètres de sédiments, les scientifiques du monde entier sont prêts à tout pour percer ses secrets. L'expédition IODP/ICDP 364, réalisée par une collaboration internationale1 impliquant des chercheurs du CNRS, d'AixMarseille Université et de l'Université de Bourgogne, publie ses premières analyses dans la revue Science du 18 novembre 2016 : les 835 mètres de carottes récupérées permettent pour la première fois de retracer l'histoire des roches lors de la formation de ce type de cratère. L'expédition IODP/ICDP 364 a débuté par deux mois de forage en mer, d'avril à mai 2016, à bord du L/B Myrtle. Cette première phase de la mission a permis, grâce à un forage en eaux peu profondes, de récupérer 303 carottes de grande qualité (de sédiments et d'impactites2) et près de 6 km de données de puits cumulées. Ces données ont été analysées par une équipe internationale d'une trentaine de scientifiques, dont quatre provenant des laboratoires français : les premiers à pouvoir découvrir les roches formant l'anneau central d'un cratère d'impact. C'est en effet la première fois qu'un forage est réalisé dans l'anneau central (ou « peak ring ») d'un cratère d'impact météoritique. Le peak ring est une structure circulaire constituée de monts souvent discontinus, localisés à l'intérieur de grands cratères. Fréquemment observées à la surface des corps silicatés du Système solaire tels que la Lune, Mercure ou Vénus, ces structures topographiques sont le sujet de nombreux débats quant à leur formation et n'avaient, jusqu'à présent, jamais été échantillonnées. Les chercheurs ont notamment découvert que l'anneau central est majoritairement constitué de roches granitiques, mélangées à de la roche fondue, qui ont été non seulement choquées mais aussi déplacées de plusieurs kilomètres vers la surface lors de l'impact. Ces roches sont également traversées par des zones de cisaillement. Leur analyse montre que le choc a généré des flux verticaux et réduit la densité dans la croûte terrestre. La nature des roches qui forment l'anneau central du cratère de Chicxulub et leurs caractéristiques physiques permettent ainsi de confirmer l'un des modèles de formation de ces structures dit « par soulèvement dynamique suivi d'un effondrement ». Ces résultats sont les premiers d'une longue série qui lèveront une partie du mystère de ce type de cratère, depuis leur rôle dans la géologie des planètes jusqu'à leur impact sur le climat. Les chercheurs espèrent par ailleurs déterminer si une vie microbienne, ancienne ou moderne, a pu se développer dans les roches du peak ring. La collaboration IODP/ICDP rassemble 60 scientifiques, ingénieurs, personnels logistiques parmi lesquels plusieurs chercheurs français, localisés en France et à l'étranger : - Elise Chenot (sédimentologie) du laboratoire Biogéosciences (CNRS/Université de Bourgogne), - Ludovic Ferrière (minéralogie et effets de chocs) du Muséum d'histoire naturelle de Vienne, Autriche, - Erwan Le Ber (pétrophysique) de l'Université de Leicester (UK) et membre de l'European Petrophysics Consortium, - Johanna Lofi (géophysique en forages et pétrophysique) du laboratoire Géosciences Montpellier (CNRS/Université de Montpellier/Université des Antilles) et membre de l' European Petrophysics Consortium, - Rubén Ocampo-Torres (géochimie organique) de l'Institut de chimie et procédés pour l'énergie, l'environnement et la santé (CNRS/Université de Strasbourg), - William Zylberman (géophysique et paléomagnétisme des cratères d'impact) du Centre européen de recherche et d'enseignement de géosciences de l'environnement (CNRS/AMU/IRD/Collège de France) et du Center for Planetary Science and Exploration à l'Université de Western Ontario (Canada). L'acquisition de données de géophysique en forage a été réalisée dans le cadre d'EPC par des ingénieurs du CNRS : Laurent Brun, Gilles Henry, Jehanne Paris. © LeBer@ECORD_IODP. Plateforme de forage L/B Myrtle. © PérezCruz@ECORD_IODP. Plateforme de forage L/B Myrtle. © wzylberman@ECORD_IODP. Description pétrographique des carottes au centre de recherche marine de Marum (Brême, Allemagne). © lofi@ECORD_IODP. Vue des carottes prélevées lors de l'expédition. Télécharger le communiqué de presse : Notes : 1 L'« expédition 364 » a été réalisée dans le cadre des programmes internationaux IODP (International Ocean Discovery Program), fortement soutenu par le CNRS, ICDP (International Continental Scientific Drilling Program) et programmée par ECORD (European Consortium for Ocean Research Drilling). Elle a rassemblé plus de 60 scientifiques, ingénieurs et personnels logistiques notamment du British Geological Survey, de l'European Petrophysics Consortium (EPC - Université de Leicester, Université de Montpellier, Université d'Aachen) et du MARUM (Universität Bremen). 2 Les impactites sont des roches nouvellement formées ou qui ont été modifiées suite à un impact météoritique. Ces roches, uniques en leur genre, contiennent des minéraux choqués et/ou des éléments fondus suite aux hautes pressions et températures générées par l'impact. Références : The formation of peak rings in large impact craters. Joanna Morgan, Sean Gulick, Timothy Bralower, Elise Chenot, Gail Christeson, Philippe Claeys, Charles Cockell, Gareth S. Collins, Marco J. L. Coolen, Ludovic Ferrière, Catalina Gebhardt, Kazuhisa Goto, Heather Jones, David A. Kring, Erwan Le Ber, Johanna Lofi, Xiao Long, Christopher Lowery, Claire Mellett, Rubén Ocampo-Torres, Gordon R. Osinski, Ligia Perez-Cruz, Annemarie Pickersgill, Michael Pölchau, Auriol Rae, Cornelia Rasmussen, Mario Rebolledo-Vieyra, Ulrich Riller, Honami Sato, Douglas R. Schmitt, Jan Smit, Sonia Tikoo, Naotaka Tomioka, Jaime Urrutia-Fucugauchi, Michael Whalen, Axel Wittmann, Kosei Yamaguchi, William Zylberman.Science, le 18 novembre 2016. DOI: 10.1126/science.aah6561 Consulter le site web Contacts : Contacts chercheurs : AMU l William Zylberman (géophysique des cratères) l [email protected] CNRS l Johanna Lofi (géophysique, pétrophysique) l T 04 67 14 93 09 l [email protected] CNRS l Rubén Ocampo-Torres (géochimie organique) l T 03 68 85 05 36 l [email protected] Université de Bourgogne l Elise Chenot (sédimentologie) l [email protected] Contact presse : CNRS l Alexiane Agullo l T 01 44 96 43 90 l [email protected] A lire sur le site du CNRS : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/4781.htm Il y a 14 600 ans, la mer est montée très rapidement lors d'une période de réchauffement Paris, 28 mars 2012 Il y a 14 600 ans, le niveau marin a connu une hausse brutale de presque 14 mètres en seulement 350 ans. Cette élévation impressionnante coïncide avec le début de la première période chaude qui marqua la fin de la dernière glaciation. De plus, la contribution de la calotte antarctique à cette élévation a été significative. Tels sont les résultats mis en évidence par une équipe du CEREGE 1 (Aix-Marseille Université/CNRS/IRD/Collège de France), en collaboration avec des collègues anglais et japonais. Publiés le 29 mars 2012 dans la revue Nature, ces travaux confirment l'existence d'une accélération majeure de la remontée du niveau marin entre 14 650 et -14 300 : il s'agit d'un des événements climatiques les plus marquants des derniers 20 000 ans. Les coraux édificateurs de récifs sont des organismes qui vivent exclusivement dans les eaux tropicales. Très sensibles à la luminosité et la température, ils croissent à fleur d'eau, dans un intervalle de profondeur très restreint, ce qui en fait de bons marqueurs du niveau de la mer. L'étude de ces coraux fossiles, qui se sont formés au cours des dernières centaines de milliers d'années, permet donc de reconstituer les variations du niveau marin et les changements environnementaux passés. Ces archives fournissent ainsi des informations précieuses sur la dynamique et le comportement des calottes de glace du passé. Mieux appréhender cette dynamique permettra d'améliorer à terme la modélisation et la prévision des variations futures du niveau marin. Dans le cadre d'une campagne de forages internationale effectuée en 20052 sur les pentes des récifs actuels de Tahiti, les chercheurs du Centre européen de recherche et d'enseignement en géosciences de l'environnement (Aix-Marseille Université/CNRS/IRD/Collège de France) ont carotté trois sites situés dans des récifs coralliens, au large de l'île de Tahiti. En datant ces archives, ils ont pu reconstituer les variations du niveau marin sur les derniers 16 000 ans3. Ces datations mettent en évidence une remontée extrêmement rapide du niveau de la mer au cours de la dernière déglaciation qui s'est déroulée entre -21 000 et -11 000 environ. Au cours de cette transition entre une dernière période glaciaire et le climat chaud que connaît actuellement la Terre, le niveau marin global est remonté d'environ 120-130 mètres sur presque 15 000 ans. Il était déjà acquis que cette augmentation n'avait pas été constante, mais qu'elle avait été ponctuée par des élévations rapides du niveau marin associées à des débâcles massives des calottes de glace. La plus importante de ces hausses, appelée Melt-Water Pulse 1A (MWP-1A), restait cependant par bien des aspects énigmatique. Ces nouveaux travaux ont permis de confirmer l'existence de cet événement climatique majeur, tout en révélant pour la première fois son amplitude, sa chronologie et sa durée. Le début du MWP-1A a été daté à 14 650 ans, ce qui fait coïncider cet évènement avec le début de la première phase chaude qui marqua la fin de la glaciation dans l'hémisphère Nord. Cette période, appelée Bølling4, s'est étalée sur un peu moins de deux mille ans et a vu la température de l'hémisphère Nord augmenter de près de 5°C en quelques années. Selon les chercheurs du CEREGE, la remontée du niveau global des océans au cours du MWP-1A aurait été de presque 14 mètres en seulement 350 ans. La vitesse de la remontée du niveau marin aurait été au minimum de 40 mm/an, vitesse qu'il faut comparer au taux moyen de 10 mm/an estimé pour la dernière déglaciation ou à celui de 3 mm/an observé aujourd'hui par satellite. En s'appuyant sur des simulations de modèles géophysiques, les chercheurs ont aussi établi que la calotte antarctique avait contribué très significativement, probablement pour moitié, au MWP-1A. Ces travaux illustrent l'instabilité des calottes glaciaires, en particulier de la calotte antarctique, à une perturbation climatique majeure et imposent un regard nouveau sur la contribution future de la calotte antarctique à la remontée du niveau des mers dans le contexte actuel de réchauffement climatique. © ESO "DP Hunter", le bateau de forage utilisé pour carotter le récif corallien au large de l'île de Tahiti © ECORD/IODP Des membres de l'équipe devant des échantillons de coraux Ces travaux ont notamment bénéficié du soutien de la Fondation Comer (USA), la Fondation européenne de la Science (ESF-EuroMARC), la Communauté européenne (Projet Past4Future), le Collège de France, le CNRS et l'IRD. Notes : (1) Centre européen de recherche et d'enseignement en géosciences de l'environnement (2) Cette campagne a été mise en œuvre grâce au programme international IODP (Integrated Ocean Drilling Program) au sein duquel la France est fortement impliquée, via le consortium européen ECORD, aux côtés de 17 autres pays. (3) La précision des datations obtenues par la méthode U/Th au CEREGE est de l'ordre d'une trentaine d'années pour de tels échantillons. (4) Au cours de cette première phase de réchauffement des peuples de l'âge de pierre ont pu s'installer en Europe du Nord et jusqu'en Scandinavie avant que les températures ne redeviennent glaciales il y a 12 900 ans. Références : Ice sheet collapse and sea-level rise at the Bølling warming 14,600 yr ago. Pierre Deschamps, Nicolas Durand, Edouard Bard, Bruno Hamelin, Gilbert Camoin, Alexander Thomas, Gideon Henderson, Jun'ichi Okuno, Yusuke Yokoyama, Nature, 29 mars 2012. Contacts : Chercheur IRD l Pierre Deschamps l T 04 42 97 15 11 l [email protected] Collège de France l Edouard Bard l [email protected] - AMU l Bruno Hamelin l [email protected] CNRS l Gilbert Camoin l [email protected] Presse CNRS l Priscilla Dacher l T 01 44 96 46 06 l [email protected] A lire sur le site du CNRS : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/2535.htm Les microalgues calcaires, témoins de l'acidification des océans Paris, 04 août 2011 Le phytoplancton calcaire, maillon important du cycle du carbone océanique, apparaît très sensible à l'acidification océanique. Une étude internationale impliquant notamment des chercheurs du CNRS(1) montre que la sécrétion du squelette calcaire d'une espèce de microalgues : les coccolithophores, diminue quand les eaux marines deviennent plus acides, mais certaines souches hyper-calcifiées se sont adaptées aux milieux les plus corrosifs. Leurs résultats sont publiés le 4 août 2011 dans la revue Nature. Un tiers du dioxyde de carbone atmosphérique qui est absorbé par les océans se transforme en ions acidifiant les eaux marines. Des milliards de cellules microscopiques calcifient à la surface de l'océan et régulent ainsi les flux de carbone dans les grands cycles biogéochimiques. Parmi les plus abondantes, les coccolithophores produisent une grande part de la masse sédimentaire marine due à l'accumulation post-mortem de leur micro-squelette composée de petites plaques calcaires, appelées coccolithes. La réaction des coccolithophores à l'acidification n'avait jamais été étudiée dans leur élément naturel à l'échelle planétaire. Une nouvelle approche permet de comprendre la manière dont ces organismes réagissent à l'acidification de l'océan à partir d'observations océaniques. Pour la première fois, l'équipe internationale de chercheurs a étudié ce comportement en milieu naturel sur la base d'une large collection d'échantillons de coccolithes et d'eau de mer provenant de différents océans et de sédiments permettant de documenter les changements de calcification au cours des derniers 40 000 ans. Grâce à des techniques originales de reconnaissance automatique d'espèces en microscopie et de morphométrie(2) développées au CEREGE(1), le poids (quelques picogrammes, soit un millième de milliardième de gramme) de chacune du demi-million de plaques calcaires mesurées dans cette étude, a été mis en relation avec la chimie de l'eau par l'équipe du LOCEAN(1) à Paris et de l'université de Perpignan. Les résultats montrent qu'en général les coccolithophores calcifient moins quand les eaux sont pauvres en carbonates (et donc plus acides). Cette étude tend donc à démontrer que comme les coraux, le phytoplancton calcaire pourrait subir de forts changements dans les prochaines décennies si l'acidification des océans s'accélère. Toutefois, cette étude a aussi permis d'observer une exception importante dans les zones côtières au large du Chili : là, dans les eaux les plus « acides » de l'océan actuel (pH de 7,6 à 7,9), des coccolithes très calcifiés ont été observés contrairement à la tendance générale. Les analyses génétiques menées à la Station Biologique de Roscoff(1), montrent que les souches de coccolithophores de cette région, sont différentes de celles observées dans d'autres secteurs océaniques. Il semble donc que des coccolithes ont réussi à s'adapter naturellement à un environnement peu favorable à leur calcification. La capacité d'adaptation de ce groupe au large du Chili dans des eaux acidifiées reste encore inconnue. Cela ne préjuge pas d'une adaptation des autres groupes de coccolithophores à l'acidification des océans dans le contexte d'un accroissement futur de CO2 atmosphérique et océanique. © Beaufort CNRS/CEREGE Cinq coccolithophoridés vus au microscope électronique à balayage montrant les différences de calcification existant au sein de la même espèce, ici Emiliania huxleyi. Notes : (1)Les laboratoires impliqués sont : -Le Centre européen de recherche et d'enseignement des géosciences de l'environnement (CEREGE, CNRS/Université Paul Cézanne-Aix Marseille 3/Université de Provence-Aix Marseille 1/IRD/Collège de France) -Le Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (LOCEAN, CNRS/UPMC/IRD/MNHN) -La station biologique de Roscoff (CNRS/UPMC) Ainsi que l'université de Perpignan (2)La morphométrie est l'étude et l'analyse de la géométrie d'objets Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet Européen EPOCA (European Project on OCean Acidification). Références : Sensitivity of coccolithophores to carbonate chemistry and ocean acidification, L. Beaufort, I. Probert, T. de Garidel-Thoron, E. M. Bendif, D. Ruiz-Pino, N. Metzl, C. Goyet, N. Buchet, P. Coupel, M. Grelaud, B. Rost, R. E. M. Rickaby et C. de Vargas, Nature, 04 août 2011. Contacts : Chercheur CNRS l Luc Beaufort l T 06 10 96 93 95 l [email protected] Presse CNRS l Laure Mégas l T 01 44 96 51 51 l [email protected] A lire sur le site du CNRS : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/2243.htm Paris, 21 mai 2007 Découverte du tombolo d'Alexandre le Grand à Tyr En 332 avant J.-C., Alexandre le Grand ordonna la construction d'une chaussée de 1000 m de long afin de conquérir l'île de Tyr au Liban, assiégée depuis plus de 7 mois par l'armée grecque. Comment Alexandre a-t-il pu entreprendre un tel aménagement ? Cette question a longtemps suscité l'intérêt des archéologues et des historiens. De nouvelles recherches menées par Nick Marriner et Christophe Morhange du CEREGE(1) CNRS à Aix-enProvence démontrent que les ingénieurs d'Alexandre ont dû exploiter un isthme sableux sublittoral (appelé tombolo) afin de vaincre la cité. Ces travaux sont publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences du 14 mai 2007 (Early Edition). Comme beaucoup d'autres endroits du Levant, la région de Tyr est caractérisée par des grès quaternaires, disposés en rides parallèles au trait de côte actuel. Ce modelé a influencé l'évolution de la cité antique. Le littoral de Tyr a été inondé par la montée du niveau marin post-glaciaire il y a environ 8000 ans. Une des rides gréseuses n'a été que partiellement submergée formant une île d'environ 6 km de long. Il y a 6000 ans, la montée du niveau de la mer a raccourci les dimensions de l'île de 6 à 4 km. Cette île, occupée dès l'âge du Bronze, a néanmoins servi de barrière naturelle contre les vagues, créant un abri côtier. Cette zone est caractérisée par des sédiments fins entre l'île et le continent. 3000 ans plus tard, la vitesse de sédimentation s'est accélérée (>0.3 cm/an). D'après les scientifiques, ce phénomène témoigne d'une érosion des bassins versants issue de l'activité humaine (mise en culture des versants, déforestation), à l'origine de flux sédimentaires plus élevés. La zone abritée est caractérisée par la présence d'un tombolo, 1 à 2 m sous le niveau de la mer à l'époque d'Alexandre le Grand. Cet isthme sableux a pu être exploité par les ingénieurs d'Alexandre afin de construire une chaussée et conquérir l'île et la ville. Après 332 avant J.-C., cet aménagement a totalement métamorphosé le littoral de Tyr. Les archives sédimentaires attestent d'une accumulation sédimentaire rapide du tombolo, caractérisée par l'avancée du trait de côte. Comme à Alexandrie en Egypte, ces dépôts ont engendré une rupture de la dérive littorale et créé deux baies différentes de part et d'autre de la nouvelle chaussée-tombolo. Le littoral de Tyr atteste donc d'une longue histoire de l'occupation humaine. Les Phéniciens, les Perses, les Grecs, les Romains puis les Byzantins ont considérablement modifié la côte. Cette étude pluridisciplinaire illustre l'apport de la sédimentologie et de la géomorphologie venant au secours des archéologues. Ces recherches ont été effectuées dans le cadre du programme ECLIPSE du CNRS-INSU, avec des financements supplémentaires de l'AIST (l'Association Internationale pour la Sauvegarde de Tyr), la CPM de l'UNESCO et le Leverhulme Trust. Les chercheurs ont mis en évidence la présence de ce tombolo pré-hellénistique grâce à des archives sédimentaires, des modèles numériques (en collaboration avec Samuel Meulé, CEREGE) et des analyses sédimentologiques et paléontologiques. © PNAS, Marriner et al., 2007 (cette image est disponible auprès de la photothèque du CNRS, [email protected]) Figure 1 Reconstitution du littoral tyrien vers 330 av. J.-C. © DigitalGlobe 2006 Figure 2 - Le tombolo de Tyr aujourd'hui Notes : 1) Centre européen de recherche et d'enseignement de géosciences de l'environnement Références : Holocene morphogenesis of Alexander the Great's isthmus in Tyre, Proceedings of the National Academy of Sciences, 14 mai 2007 Contacts : Chercheurs : Christophe Morhange T 0 4 42 97 15 84 – 06 83 75 30 83 [email protected] Nick Marriner T 04 42 97 15 00 [email protected] Presse : Cécile Pérol T 01 44 96 43 09 [email protected] A lire sur le site du CNRS : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/1101.htm Un climat subtropical au pôle Nord, il y a 55 millions d'années. Paris, 9 septembre 2004 Les premiers résultats de la mission de forage arctique ACEX [1] (Arctic Coring Expedition) indiquent que le pôle Nord a connu dans le passé un climat subtropical. La mission ACEX du programme IODP [2] est financée par le consortium européen ECORD [3], dont l'administrateur est l'INSU [4]CNRS. Grâce à l'analyse de carottes de sédiments forées jusqu'à 400m de profondeur sous le plancher océanique, les chercheurs vont pouvoir réévaluer l'histoire de la formation du bassin arctique. Le pôle nord, synonyme de glace et de froid, a connu un climat subtropical il y a 55 millions d'années. C'est ce que révèlent les premières analyses des carottes de glaces récoltées par la mission ACEX. L'équipe de cette mission, qui comprend des scientifiques de 8 pays, vient de forer jusqu'à 400 m de profondeur sous le plancher océanique, sous une profondeur d'eau de 1300 m. Les forages les plus profonds obtenus à ce jour dans cette région n'étaient que de 16m. Selon Jan Backman, de l'Université de Stockholm, l'un des deux chefs de la mission, « ces carottes remontent à une époque où il n'y avait pas de glace sur la planète. Elles vont nous apporter une énorme quantité d'informations sur le climat de l'Arctique. Elles vont nous dire comment le climat a changé, et peutêtre pourquoi ». Les premières analyses, réalisées en cours de mission, indiquent que les carottes contiennent des microfossiles de plantes et d'animaux caractéristiques d'un climat subtropical et d'un environnement de mer peu profonde. Ces algues fossiles révèlent que les eaux de l'océan Arctique étaient à cette époque beaucoup plus chaudes (environ 20°C). La température actuelle est de l'ordre de -1,5°C. Ces fossiles datent d'une période connue comme le maximum thermique du Paléocène-Eocène, brève période datée d'environ 55 millions d'années, au cours de laquelle un épisode de climat très chaud a créé un effet de serre naturel provoquant un apport massif de carbone dans les eaux marines et dans l'atmosphère. La quantité de carbone atmosphérique aurait alors été de 2 à 3000 ppm contre 380 ppm aujourd'hui. Le professeur Backman ajoute « nous avons été également très surpris de trouver des conditions d'eau douce pendant cet épisode de réchauffement extrême. C'est l'indice des conditions environnementales beaucoup plus instables que ce qui était initialement envisagé. Nous avons maintenant un échantillonnage de sédiments qui remontent jusqu'à 56 millions d'années, déposés sur un socle daté de 80 millions d'années ». Partie de Tromsö (Norvège) le 8 août 2004, l'expédition se terminera le 14 septembre. C'est la première fois qu'un forage du plancher océanique est réalisé dans cet environnement englacé, si hostile. L'expédition a d'ailleurs été menacée par des blocs de banquise atteignant jusqu'à 10 m d'épaisseur qui ont dû être fragmentés, et par des ours trop curieux. En novembre, une équipe élargie de scientifiques se retrouvera à l'Université de Brême, en Allemagne pour décrire et échantillonner les carottes récoltées. Des travaux en laboratoire seront nécessaires pour mieux comprendre ces changements radicaux du climat de l'Arctique. Deux équipes du CNRS sont impliquées dans ces études : le CEREGE [5] à l'Université d'Aix Marseille III, et le laboratoire EPOC [6] à l'Université de Bordeaux I. L'expédition en Arctique est conduite dans le cadre du programme international de forages océaniques IODP. Les opérations, dont le coût s'élève à 12,5 millions de dollars, ont été financées par un consortium de partenaires européens, ECORD (European Consortium for Ocean Research Drilling), dont la gestion est assurée par l'INSU du CNRS. Un groupement d'institutions européennes, ESO [7] (ECORD Science Operator) est responsable de l'organisation des navires, de la surveillance de la glace et des opérations scientifiques. Vous trouverez le carnet de bord de la campagne ACEX et des photos de l'expédition sur le site de l'IODP (www.iodp.de). © M. Jakobsson (C) IODP Représentation 3D du point de forage sur la ride océanique Lomonossov. Le bateau de forage Vidar Viking © M. Jakobsson (C) IODP Notes : [1] Voir communiqué du 27 juillet 2004 : Consulter le site web [2] Le programme internationale IODP (Integrated Ocean Drilling Program) a pour mission de forer le plancher océanique à des fins de recherche dans les domaines suivants : histoire des bassins océaniques, nature du changement climatique, composition et structure de la croûte océanique, la vie sous le plancher océanique. IODP procède aussi à des avancées technologiques pour mener à bien des campagnes de forages dans des regions inaccessibles par n'importe quelle autre technologie. Pour plus d'informations: Consulter le site web [3] ECORD (European Consortium for Ocean Research Drilling) représente et finance les forages océaniques à un niveau européen. Consulter le site web [4] Institut national des sciences de l'univers [5] Centre Européen de Recherche et d'Enseignement des Géosciences de l'Environnement [6] Environnements et Paléoenvironnements OCéaniques [7] ESO (ECORD Science Operator) est un groupe d'institutions scientifiques qui conduisent des opérations de forage pour ECORD. Coordonné par le British Geological Survey, ECORD inclut l'Université de Brême, le Consortium de Pétrophysique européen (composé par les Universités de Leicester, Montpellier, Aix-la-Chapelle et Amsterdam) et le Secrétariat de Recherche Polaire Suédois. Contacts : Chercheur: Catherine Mével, Laboratoire de Géosciences Marines, IPGP 01 44 27 51 93 – mobile 06 75 66 20 95 – [email protected] Département INSU : Christiane Grappin, 01 44 96 43 37, [email protected] Bureau de presse : Isabelle Tratner, 01 44 96 49 88, [email protected] A lire sur le site du CNRS : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/538.htm