Patient 2.0 : un changement profond de la relation médecin

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Patient 2.0 : un changement profond de la relation médecin‐
patient ayant un impact sur le secteur de la santé FRANCE ‐ La révolution numérique touche la santé au même titre que les autres pans de notre vie personnelle et professionnelle. Les internautes sont de plus en plus prompts à s'autodiagnostiquer et à s'automédicamenter par l'intermédiaire du web, où savoirs experts et profanes se mêlent. Christine Balagué 01net. le 18/06/12 à 12h10 La révolution numérique est à l’origine d’une véritable métamorphose de notre société. Tous les jours, chacun d’entre nous vit à l’heure du numérique. Pour se déplacer, on regarde le plan du métro ou d’un quartier sur une application sur le smartphone. On se connecte à ses amis ou à ses followers sur les réseaux sociaux pour partager avec eux des photos, des textes, des vidéos. L’entreprise, la ville, la maison sont devenus des espaces numériques. Ces bouleversements ont été depuis plusieurs années décrits, commentés, analysés, dans des articles de presse ou des ouvrages dédiés. Mais il reste un secteur dans lequel le numérique est moins déchiffré, celui de la santé. Le passage au e‐patient La première mutation majeure provient d’un changement de comportement des patients, qui sont devenus des e‐patients. De 30 % à 60 % des Français (Baromètre Orange, février 2011) ont recherché de l’information de santé sur le web. Et la santé est leur septième raison de fréquenter le web (Ipsos Public Affairs, 2010). 89 % des individus cherchant de l’information de santé sur le web sont responsables des achats de médicaments pour leur foyer (GFK, Juin 2010), et un quart environ souffrent d’une maladie chronique. Le e‐patient ne cherche pas que des informations sur une maladie, des médicaments ou des techniques pour rester en bonne santé, il est aussi en demande de dialogue plus approfondi avec son médecin. Ainsi, 17 % des internautes recherchant de l’information de santé veulent être capables de poser des questions précises à leur médecin avant d’aller le voir. On constate un changement de comportement depuis deux ans. En 2010, les internautes recherchaient des informations de santé sur le web sans aucun lien avec une visite médicale, alors qu’en janvier 2012 (Viavoice pour Pasteur Mutuelle), 50 % le font après avoir consulté un professionnel de santé, et 40 % avant de le consulter. Les conséquences sur les consultations ne sont pas neutres. 25 % des individus affirment ne pas avoir demandé l’avis d’un professionnel de santé parce que l’information trouvée sur internet leur était suffisante. Cela révèle un phénomène croissant d’autodiagnostic via le web, et cela va même plus loin. 14 % des internautes (Baromètre Orange Terrafemina vague 5, 2011) affirment aller chercher des informations sur internet pour choisir médicaments et traitements sans avis médical, signifiant ainsi leur aptitude à l’automédication. Enfin, le web 2.0 est aussi devenu un lieu d’échange sur les questions de santé. Selon une étude de GfK (2010), quatre qualités sont reconnues aux réseaux sociaux par les internautes en quête d’information de santé : ils sont anonymes et faciles d’accès ; ils constituent un supplément d’information, celle‐ci étant à la fois utile, complète, efficace et adaptée ; ils ont de plus une fonction d’accompagnement et créent un lien plus régulier que la seule visite ponctuelle chez un médecin ; enfin, l’information sur les réseaux sociaux est considérée comme actualisée, fiable et provenant de sources auxquelles on peut faire confiance. Qu’en disent les sociologues ? Dans un rapport remis au Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET), à la demande du ministère de la Santé, et intitulé « Les conditions de création de valeur des logiciels sociaux en santé et autonomie », les sociologues Gérard Dubey et Sylvie Craipeau analysent la valeur potentielle des réseaux sociaux dans le secteur de la santé. D’emblée, ceux‐ci précisent que l’enjeu est majeur : « Il est crucial de s’intéresser aux modalités de développement de ces pratiques ainsi qu’à leurs conséquences, afin, notamment, de se poser la question de l’opportunité d’une modération et/ou d’une régulation de ces activités par la puissance publique, les professionnels, les intéressés. » Les deux sociologues auteurs du rapport soulignent les informations anxiogènes et les propos parfois violents circulant sur internet sur la santé, sans aucune modération. Ils mettent en avant deux types de savoirs sur le sujet. Les savoirs « experts », généralement médicaux, fournissent des informations scientifiques sur les maladies et leurs traitements. Ils se propagent de plus en plus sur internet et modifient le rôle du médecin qui était jusqu’à présent le seul à détenir de telles connaissances. Parallèlement, un savoir « profane » se construit, pratique et complémentaire du savoir « expert » des médecins. Il se développe sur les forums, les réseaux sociaux et les communautés d’associations de patients. Il est constitué d’expériences vécues de patients atteints de maladie, et les internautes s’échangent alors des bonnes pratiques, des conseils, trouvent un accompagnement sur la durée, parfois traitent de sujets plus intimes. Le rapport de Gérard Dubey et Sylvie Craipeau défend la nécessaire convergence des savoirs experts des médecins et des savoirs profanes des patients, dans un système régulé. Un double savoir « profane » et « expert » qui pose aussi problème aux entreprises En conclusion, cette évolution vers le patient 2.0 donne un éclairage intéressant à de nombreux marchés, organisations ou entreprises. Dans bien des cas autres que la santé, on constate une croissance du contenu d’internautes (les fameux « User Generated Content ») et une confiance plus importante des consommateurs envers un contenu sur le web fourni par d’autres consommateurs qu’envers un autre créé par des entreprises, parfois plus techniques ou commerciales dans leur approche. Aujourd’hui, le web est donc un mélange de ces savoirs, qu’on peut aussi qualifier de profanes, et de contenus officiels d’organisations et d’entreprises. Le problème est qu’on fait de plus en plus confiance aux premiers, et de moins en moins aux seconds. Un rapprochement de ces savoirs pourrait être la solution à cette perte de confiance, et certaines organisations l’ont déjà bien compris. L’objectif est de coconstruire du contenu, constitué d’une part par des entreprises, des organisations, des experts, et d’autre part par le grand public. Mais une question demeure : comment réguler un tel système d’information ? Christine Balagué Enseignante‐chercheur en sciences de gestion et titulaire de la chaire de recherche sur les réseaux sociaux à l’Institut Télécom‐Télécom Ecole de management. Elle est aussi présidente du think tank de l’internet citoyen Renaissance numérique. Elle a publié trois ouvrages aux éditions Pearson, Facebook, Twitter et les autres, comment intégrer les réseaux sociaux dans une stratégie d’entreprise, en 2010 ; Le Marketing en ligne : boostez votre activité avec les sites web, les réseaux sociaux, les blogs et les podcasts, en 2011 ; Réseaux sociaux et entreprise : les bonnes pratiques, en 2011. 
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