collectif - baclofène

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Mis à jour Lundi, 24 Mars 2014 15:40
Un point sur le baclofène selon le Centre de Pharmacovigilance
Introduction par Brigitte Bouvier-Poulat,
psychiatre addictologue - ELSA du CH Le Vinatier
Le thème de cette matinée nous ramène au sujet du baclofène, sujet dont nous souhaitions
débattre avec tous les participants réunis ce matin représentant différentes composantes du
soin et de l’accompagnement dans le champ des addictions.
Nous sommes de plus en plus en plus sollicités dans notre pratique clinique quotidienne par
les demandes insistantes de prescription de cette molécule.
L’engouement suscité par la publication du livre d’Olivier Ameizen il y a quelques années, et sa
large médiatisation, relayée régulièrement par des personnalités, a renforcé positivement la
reconnaissance de la maladie en même temps que l’affirmation d’un nouveau traitement de
cette maladie. Sa force de conviction a créé un courant auprès de patients et de certains
praticiens acquis à la cause et diffusant le baclofène.
Pendant un temps, le nom de ces prescripteurs est resté assez confidentiel se délivrant
uniquement de bouche à oreille.
Loin de prendre une position manichéenne, tentons d’éclairer de quelques commentaires les
controverses actuelles.
Quelques constats :
A l’ère de la "médiatorisation", la prudence pharmaceutique s’impose sans preuve d’études
cliniques correctement conduites permettant de définir intérêts et résultats de cette molécule,
notamment le principe de non mal efficience concernant tout médicament avec la garantie d’un
bénéfice supérieur au risque du traitement.
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L'expérimentation personnelle, serait elle même celle d’un médecin n’a pas valeur de preuve
scientifique.
Certes ce traitement est ancien et bien connu en neurologie mais les doses suggérées pour le
traitement de l’alcoolodépendance sont très largement supérieures aux doses préconisées
dans les séquelles de maladies neurologiques.
L’augmentation du dosage se fait par paliers de 10 ou 15mg jusqu’à des doses de plus de 120
mg en général avec apparition d’effets secondaires qui peuvent être très marqués. Un certain
nombre de patients interrompt précocement à cause de ces effets secondaires : sédation ou l’hypotonie handicapante ne permettant pas par exemple de conduire un véhicule. Le
baclofène étant une molécule ancienne, le laboratoire n’a que peu d’intérêt à financer des
études poussées.
Il faut bien reconnaître que nous sommes démunis dans la pharmacopée actuelle disponible,
les molécules spécifiques du traitement du craving sont bien tolérées mais leur efficacité est
très limitée dans le temps, voire peu active sur ce symptôme. Il nous manque des molécules
adaptées au profil des patients.
L’espoir suscité auprès des patients ou familles est tel qu’ils sont prêts à s’en procurer sur un
marché parallèle sans aucune surveillance
Mon expérience de suivi, car je ne suis pas encore prescriptrice, montre que la détermination
des patients mène à des prescriptions sauvages avec certains médecins peu alertés, ou des
démarches par Internet avec dosages inappropriés.
Je connaissais cette molécule prescrite pour des patients porteurs de séquelles neurologiques
que j’avais croisés, cela ne les avais point empêchés de présenter une addiction à l’alcool.
Jusqu’alors je n’ai pas pu observer de résultats tangibles, mon observation est probablement
biaisée par le recrutement de patients souffrant de troubles psychiatriques.
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Je me suis intéressée au protocole d’une équipe du CHRU de Lille regroupée autour du Pr
Cottencin. Leur équipe pluridisciplinaire examine les demandes de prescriptions, il s’agit d’une
collaboration entre psychiatres, pharmacologues, afin d’inclure et d’observer le suivi d’une
prescription toujours conditionnée par l’échec de tentatives de traitements antérieurs et par
l’absence de comorbidités psychiatriques.
Plusieurs problèmes se posent ; il existe une proximité des symptômes du syndrome de
sevrage et du surdosage. Le baclofène est contre indiqué en cas de risque épileptique et de
problèmes psychiatriques. Le traitement ne doit pas comprendre de benzodiazépines qui
accroissent la diminution de vigilance. Il existe des risques de coma et le sevrage de baclofène
peut être sévère.
Les centres de pharmacovigilance recueillent régulièrement les incidents liés à cette molécule
La présentation de ce médicament a laissé place pour certains patients à l’espoir de retrouver
une consommation contrôlée d’alcool tout en supprimant les effets du craving, composante
essentielle de la dépendance neurobiologique.
Les soins des personnes souffrant d’une addiction sévère à l’alcool ne sauraient se résumer à
la seule part pharmacologique, au détriment des autres dimensions de la prise en charge,
approche psycho dynamique, thérapies cognitivo-comportementales et tout l’aspect de
l’accompagnement social et environnemental.
Alexandra Boucher
Pharmacienne - Centre de Pharmacovigilance
Le baclofène : données de toxicologie
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Le baclofène (ou Liorésal®) est commercialisé en France depuis les années 70. Il est indiqué
dans le traitement symptomatique de la spasticité (contractures musculaires) sévère d'origine
médullaire (moelle épinière) ou d'origine cérébrale.
Les doses usuelles dans cette indication sont de l'ordre de 30 à 80 mg par jour, pouvant être
portées à 100 voire 120 mg par jour lors d’un traitement hospitalier.
Son utilisation récente dans le sevrage alcoolique n’est pas validée et repose sur la
médiatisation d’un livre "Le Dernier Verre" relatant l’expérience individuelle du Dr Ameisen et
sur des études cliniques à la méthodologie discutable. Les posologies proposées par voie orale
sont alors nettement plus élevées : au-delà de 100-120 mg par jour voire jusqu'à 270 mg par
jour.
A ce jour, les données sur la sécurité d’emploi du baclofène à des doses aussi élevées, en
association avec l’alcool ou en association avec d’autres médicaments chez les patients
alcoolo-dépendants, sont encore limitées.
Ce médicament n’est pas anodin ni dépourvu de toxicité. Le seuil et l’expression de cette
toxicité sont très probablement fonction du caractère naïf (c'est-à-dire n’ayant jamais pris de
baclofène) ou non des patients. Chez l’adulte non traité, des doses élevées (200 à 300 mg)
peuvent entraîner une phase d’agitation suivie d’un coma parfois émaillé de convulsions,
pouvant s’accompagner de troubles des fonctions vitales (ralentissement de la fréquence
cardiaque et respiratoire, hypotension artérielle...), imposant une prise en charge médicale
rapide et adaptée. Chez le patient traité, les signes d’intoxication aiguë peuvent être plus
limités. En revanche, en cas de traitement prolongé, un syndrome de sevrage peut survenir à
l’arrêt brutal avec apparition d'une agitation, d'un état confus, d'hallucinations voire de
convulsions.
Selon les données de pharmacovigilance, les effets indésirables les plus fréquemment
rapportés aux doses recommandées dans le traitement de la spasticité sont la somnolence,
l’état confusionnel et les nausées. Ils surviennent le plus souvent en début de traitement et
disparaissent après diminution de la posologie ou peuvent être prévenus par une augmentation
très progressive des doses. Signalons ici qu’un suivi national renforcé de pharmacovigilance est
en place depuis mars 2011, incitant les professionnels de santé et les patients à déclarer, au
centre régional de pharmacovigilance dont ils dépendent, les effets indésirables constatés,
particulièrement dans le cadre d’une alcoolodépendance.
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Pour autant, il est nécessaire de prendre en compte également les données des Centres
Antipoison (CAP). Ces derniers ont colligé les cas d'exposition au baclofène répertoriés dans la
base nationale des CAP entre 2003 et 2007. Ils ont ainsi analysé 291 cas, dont 95 où le
baclofène était le seul produit impliqué. Certains points méritent d'être soulignés :
- parmi les circonstances d'exposition, la proportion inhabituellement élevée d'erreurs
thérapeutiques (plus de 46 % des cas) dont 20 % se sont avérées symptomatiques ;
- les tentatives de suicides (22% des cas) étaient quasiment toutes symptomatiques, y
compris quand le baclofène était seul en cause ;
- 38 % des cas où le baclofène était le seul produit impliqué furent symptomatiques : parmi
eux des cas parfois graves avec survenue de coma, de convulsions ou de complications
cardiorespiratoires.
Les principaux risques à craindre en cas d'utilisation du baclofène à une large échelle dans la
prise en charge de l'alcoolodépendance sont de nature variée, par exemple :
- surdosage (après escalade trop rapide des doses ou en cas d’intoxication volontaire) ;
apparition de convulsions (d'autant que la consommation d'alcool est parallèlement
interrompue) ;
- interactions médicamenteuses (en particulier avec les autres médicaments qui altèrent la
vigilance ou certains antidépresseurs) ou encore :
- survenue d'un syndrome de sevrage.
Beaucoup de questions restent donc encore en suspens : que faire en cas de pathologie
psychiatrique associée ou de mauvais suivi (ou observance) du traitement ? Que faire en cas
d'insuffisance rénale voire hépatique (qui peuvent perturber l'élimination du baclofène de
l'organisme) ? Quelle surveillance instaurer ? Etc…
Les données disponibles concernant le baclofène incitent donc à la prudence. Si l’installation
d’une tolérance au cours d’un traitement chronique permet d’envisager une élévation du seuil
exposant à un risque toxique sévère, elle augmente en revanche d’autant le risque de sevrage.
Ces éléments se doivent d’être considérés en cas de prescription chez le patient
alcoolo-dépendant souvent enclin à une mauvaise observance thérapeutique et/ou souffrant de
troubles anxio-dépressifs majorant le risque d’intoxication médicamenteuse volontaire.
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Le débat est toujours de mise et seule la réalisation d’essais cliniques contrôlés pertinents
pourra permettre de valider l’efficacité du baclofène dans l’aide au maintien du sevrage
alcoolique, comme de préciser le profil de sécurité d’emploi du baclofène chez les patients
alcoolo-dépendants et le rapport bénéfice/risque des doses élevées préconisées dans ce
contexte particulier.
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