Place de la biologie dans la prise en charge du cancer colo

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A.S. Gauchez, F.X. Brand
Place de la biologie dans la prise en charge du cancer colo-rectal (CCR).
1
1, 2
1
A.S. Gauchez , F.X. Brand
Département de Biologie Intégrée
CHU A. Michallon - Grenoble
2
INSERM E 03-40 Radiopharmaceutiques Biocliniques
Université J Fourier Faculté de Médecine - La Tronche
Résumé
Le cancer colo-rectal est la tumeur la plus fréquente des deux sexes. C’est le cancer dont
les progrès thérapeutiques sont les plus remarquables. L’opportunité d’un dépistage permet de
diagnostiquer et de prendre en charge très précocément les tumeurs à un stade curable. La prise
en charge biologique de ces cancers a fait l’objet de plusieurs textes de recomandations (ASCO,
ANAES et SOR).
Cancer colo-rectal / Marqueurs tumoraux sériques / Recommandations / Facteurs pronostiques
Facteurs diagnostiques, métastases
INTRODUCTION
!Le cancer colo-rectal est un problème de santé publique qui concerne 37000 nouveaux cas en 2000
en France, avec une mortalité encore
proche de 40%. C’est pourtant le can-
cer dont les progrès thérapeutiques
sont les plus remarquables. Les avancées concernent toutes les situations,
métastatiques et adjuvantes. Ces résultats sont dus aux nouvelles chimiothérapies, au progrès de la chirurgie, à l’affinement des stratégies thérapeutiques et aux progrès de la biologie.
EPIDÉMIOLOGIE
!Les cancers colo-rectaux représentent 15% des cancers, le taux de mortalité est de 18.5/100 000 habitants.
C’est la tumeur maligne la plus fréquente des 2 sexes. Les cancers du
colon sont essentiellement des adé-
Correspondance : Anne-Sophie Gauchez
Département de Biologie Intégrée - CHU A. Michallon - 38043 Grenoble
Tél. : 04-76-76-56-07 - E'mail :[email protected]
Médecine Nucléaire -
Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°2
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Place de la biologie dans la prise en charge du cancer colo-rectal (CCR)
nocarcinomes qui dérivent dans 80%
des cas de l’évolution d’un polype
adénomateux. Dans 20 % des cas environ, ils s’observent dans le cadre
d’une prédisposition familiale et dans
2 à 3 % dans celui d’une authentique
forme familiale. Il s’agit d’un cancer
des sujets âgés : moins de 5% des
cancers du colon et du rectum surviennent avant 40 ans et 40% après
70 ans.
FACTEURS DE RISQUE
!De nombreux facteurs environnementaux, en particulier alimentaires, semblent favoriser la survenue
de cancer colique :
- les régimes alimentaires pauvres en
fibres,
- les régimes riches en graisse,
- la suralimentation et l’obésité,
- la sédentarité,
- l’alcool.
Certains facteurs, le tabac notamment,
favoriseraient le développement de
l’adénome. D’autres, comme l’alcool,
accèlèreraient sa transformation en
tumeur maligne.
Plus récemment, lors des XXèmes
journées de la Société Française de
Chirurgie Digestive qui se sont déroulées à Nantes, l’équipe du Dr BUC
du CHU de Clermond Ferrand a précisé le rôle joué par le tabac dans le
développement du cancer colo-rectal. Il a fait état d’une étude prospective multicentrique portant sur 852
patients qui a montré que les fumeurs
développaient en moyenne 6 ans plus
tôt un cancer colo-rectal que les non
fumeurs.
DÉPISTAGE DANS LA POPULATION
GÉNÉRALE
!La mise en place d’un dépistage
n’est réalisable qu’à condition de répondre à trois exigences :
- La prévalence de la maladie qui doit
80
être suffisante, comme nous l’avons
vu précédemment.
- L’aspect technique de la méthode
de dépistage utilisée qui doit être sensible et spécifique aux stades précoces de la maladie puisque l’outil n’est
utile dans le dépistage que s’il permet de détecter la maladie à un stade
curable chez les sujets asymptomatiques
- La possibilité d’un traitement efficace.
Et bien sûr, le coût doit être supportable : il doit y avoir un équilibre entre les bénéfices attendus et les risques inhérents à la technique et aux
résultats.
Le dépistage des cancers colo-rectaux modifie le taux de mortalité, car
il permet de faire passer le nombre
de tumeurs de stade A, considérées
comme guérissables, de 20 à 50%.
Aucun des marqueurs tumoraux
circulants classiques ne répond aux
exigences du dépistage. C’est donc
une autre approche qui a été considérée, basée sur la recherche de saignements occultes dans les selles par
le test Hemoccult II® (cf article J.P.
Arpurt dans ce numéro).
D’autres types de tests sont également
en cours d’évaluation : recherche
dans les selles de produits de dégradation cellulaire telle que la
calprotectine, et également des recherches d’altérations de l’ADN (mutations, instabilités…)
LES DIFFÉRENTS MARQUEURS
SÉRIQUES DU CANCER
COLO-RECTAL [1]
!La prise en charge des cancers du
côlon a fait l’objet de plusieurs textes de recommandations :
- Recommandations internationales :
de la part de l’American Society of
Clinical Oncology (ASCO)
Evaluation en Santé (ANAES), de Références Médicales Opposables
(RMO), des Standards, Options et Recommandations (SOR) de la Fédération Nationale des Centres de Lutte
Contre le Cancer (FNCLCC).
En dépit de ces recommandations,
les pratiques restent diverses.
Les dosages des marqueurs tumoraux
circulants les plus souvent cités,
Antigène Carcino-Embr yonnaire
(ACE) et Antigène Carbohydrate 19.9
(CA 19.9), sont intégrés à des niveaux
variables selon les équipes, dans la
prise en charge des cancers colo-rectaux. On les retrouve dans le bilan
préthérapeutique, l’évaluation de l’efficacité et le suivi du traitement.
Les progrès réalisés dans les techniques de dosage, le recours aux analyses multivariées pour évaluer l’indépendance des facteurs pronostiques,
l’interprétation des résultats fondée
sur une cinétique plutôt que sur la
confrontation à une valeur seuil, constituent les bases modernes d’une utilisation rationnelle des marqueurs tumoraux en pratique clinique courante. En outre, l’analyse génomique,
la biologie moléculaire et la biologie
cellulaire permettent de comprendre
que les marqueurs tumoraux ne sont
pas seulement des témoins sériques
de la présence du cancer mais qu’ils
jouent un rôle actif dans le processus de dissémination métastatique.
Ces données ne peuvent, en l’état
actuel, être intégrées dans la pratique
clinique mais ouvrent de nouvelles
perspectives pour l’utilisation des
marqueurs tumoraux.
L’intérêt d’un marqueur pour le diagnostic et l’évaluation de l’efficacité
thérapeutique est fonction de sa sensibilité, de sa spécificité, de sa valeur
prédictive négative (VPN) et de sa
valeur prédictive positive (VPP). S’il
y a un intérêt potentiel démontré pour
l’un de ces marqueurs, ses valeurs
sont alors comparées à celles des références en clinique et en imagerie
jusque-là retenues.
- Recommandations nationales : de
l’Agence Nationale d’Accréditation et
Médecine Nucléaire -
Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°2
A.S. Gauchez, F.X. Brand
Antigène carcinoembryonnaire (ACE) [2]
!L’ACE a été identifié en 1965 par
Gold et Freedman dans des tissus
digestifs fœtaux (foie, pancréas, intestin) où il apparaît dès la neuvième
semaine de la gestation et reste présent jusqu’au 6ème mois de gestation .
On le retrouve également dans les
cancers du pancréas, du foie et du
côlon. C’est une glycoprotéine
monocaténaire de la surface cellulaire
exprimée normalement uniquement
au pôle apical de la cellule différenciée. Il ne s’agit donc pas d’une
oncoprotéine comme décrit initialement, mais d’un antigène de différenciation. Chez l’adulte, l’ACE est synthétisé principalement dans certaines
portions du tube digestif : langue,
œsophage distal, estomac, intestin
grêle, côlon et rectum.
- Str
uctur
e:
Structur
ucture
C’est une protéine hyperglycosylée
dont le poids molécualire est d’environ 150 kDa composée en moyenne
de 45% de protéines et de 55% d’hydrates de carbone : 28 sites de Nglycosylation sur des résidus asparagine sont présents dans le domaine
extra-cellulaire de la molécule. Il
existe de ce fait une hétérogénéïté
antigènique importante selon les préparations d’ACE due aux glucides.
L’ACE appartient à la superfamille des
immunoglobulines dont plusieurs
membres sont impliqués dans les
processus d’adhérence et de reconnaissance intercellulaire (Ig, récepteurs des lymphocytes T, récepteurs
des facteurs de croissance, molécules d’adhésion intercellulaire telles
que les N-CAM). L’ACE, dont le gène
CEACAM5 est connu en détail, est le
chef de file d’une famille de glycoprotéines issues, chez l’homme et
chez les primates, de la transcription
de 29 gènes apparentés provenant
d’épissage différentiels d’ARMm localisés sur le bras long du chromosome 19 dans la région 19q13.119q13.3. L’ACE est composé de macromolécules étroitement voisines ayant
un haut degré d’immunoréactivité
croisée. Les anticorps monoclonaux
ont permis de mieux individualiser
Médecine Nucléaire -
l’ACE au sein de sa famille hétérogène
de glycoprotéines membranaires. On
décrit jusqu’à six antigènes proches
de l’ACE : le groupe des NCA (nonspecific cross-reacting antigen), l’ACEM, variant membranaire de l’ACE, de
bas poids moléculaire, la BGIP (biliary
glycoprotein I) et la NFA1 (normal
fœtal antigen I). Ces protéines, très
proches structurellement de l’ACE,
présentent la même distribution
fœtale, tissulaire, physiologique ou
oncologique que l’ACE.
- Rôle :
Des anomalies de l’expression de
l’ACE ont été mis en évidence dans
les cancers digestifs et ont permis de
préciser certaines de ses fonctions.
L’ACE joue un rôle dans les interactions intercellulaires, l’adhésion à la
matrice extracellulaire, la régulation
de la croissance cellulaire et l’acquisition du phénotype métastatique. Par
ailleurs, existent des données expérimentales qui montrent que l’ACE est
un immunodépresseur, se liant en
particulier aux lymphocytes LAK
(lymphocytes cytotoxiques). L’ACE
est une molécule dotée de propriétés adhésives : elle est capable d’adhésion homotypique (ACE-ACE) ou
hétérotypique (ACE-NCA) avec
d’autres membres de la famille des
antigènes carcino-embryonnaires. Il
jouerait un rôle dans la différenciation cellulaire au cours de l’embryogenèse et dans la reconnaissance et
la régulation de la flore bactérienne
du côlon normal. La participation active de l’ACE dans la cancérogenèse
et la dissémination métastatique est
actuellement clairement établie. Le
dérèglement de l’expression de plusieurs membres de la famille des ACE
est un événement précoce dans la
cancérogenèse colique. L’hyper-expression de l’ACE et du NCA est en
partie responsable de la résistance
aux chimiothérapies. L’ACE peut également interférer avec l’immunité
cellulaire anti-tumorale en protégeant
les cellules tumorales qui l’expriment de la lyse par les LAK (lymphocyte-activated killer). La transfection
par de l’ADNc d’ACE diminue la sensibilité des cellules à l’adriamycine.
Dans les cellules MCF-7, le phénotype
multidrug resistant (mdr) sans
hyperexpression de la P-glycopro-
Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°2
téine ou de la mrp (multidrug
resistance protein) a pu être rattaché
à la protéine p95 qui a été identifiée
comme étant le NCA.
- Demi-vie :
La clairance de l’ACE est essentiellement hépatique. Sa demi-vie est de 2.8
jours avec des extrêmes allant de 0.8
jours à 10 jours.
- Tec
hniques de dosa
ge :
echniques
dosag
Les différentes techniques de dosage
de l’ACE présentes sur le marché sont
des techniques immunométriques
avec traceur (radioactif, chimiluminescent, fluorescent ou enzymatique).
Du fait de la multiplicité des anticorps
monoclonaux, on observe des variations entre les différentes techniques
de dosage dues aux variants de
glycosylation des formes circulantes
et aux différences d’affinité et de spécificité des anticorps utilisés. Les contrôles de qualité interlaboratoires font
état d’une variabilité interlaboratoire
qui peut atteindre 50%. C’est la raison pour laquelle il est recommandé
qu’un patient soit suivi dans le même
système de mesure et le même laboratoire.
- Valeur
ence et spécif
icité :
aleurss de référ
référence
spécificité
Les valeurs de référence admises se
situent entre 2.5 et 5 ng/mL, avec une
élévation de 1.6 à 1.7 fois la valeur
normale chez les fumeurs. L’ACE est
très ubiquitaire et une élévation de
ses taux peut être observée dans de
nombreuses situations. L’ACE existe
à l’état circulant en faibles concentrations chez les individus normaux,
il n’est donc pas spécifique de cancer. L’interprétation des concentrations sériques doit être très prudente
en cas d’insuffisance rénale chronique et d’hémodialyse, situations au
cours desquelles le taux d’ACE est
anormal dans environ la moitié des
cas et où des concentrations sériques
cinq fois supérieures à la normale ont
pu être observées.
- Var
iations ph
ysiolog
iques :
ariations
physiolog
ysiologiques
Des variations physiologiques sont
observées avec l’âge, la grossesse et
le sexe. L’ACE est en moyenne plus
élevé chez les hommes, les sujets
âgés et au cours des deux premiers
trimestres de la grossesse.
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Place de la biologie dans la prise en charge du cancer colo-rectal (CCR)
- Var
iations patholog
iques :
ariations
pathologiques
On retrouve des variations pathologiques chez les sujets alcooliques et
chez les porteurs de lésions bénignes
inflammatoires hépatiques, digestives
ou pulmonaires. De nombreux cancers peuvent être à l’origine d’une
élévation du taux d’ACE, en premier
lieu ceux du tractus digestif mais
aussi du sein, de l’ovaire, du poumon,
de l’utérus, de la thyroïde, du lymphome, du mélanome et des tumeurs
neuro-endocrines.
Antigène carbohydrate 19.9
(CA 19.9)
!L’intérêt porté au CA 19.9 est justifié par sa nature biochimique différente de celle de l’ACE, ce qui en fait
un marqueur potentiellement complémentaire.
- Str
uctur
e, synthèse et rôle :
Structur
ucture,
L’antigène CA 19.9 (aussi appelé GICA
pour Gastro Intestinal Carbohydrate
Antigen) a été décrit en 1979 par
Kaprowski. Il est défini par sa reconnaissance par l’anticorps 1116-NS-19.9
obtenu à partir d’une lignée cellulaire
provenant d’un carcinome colo-rectal humain. C’est un antigène polysaccharidique présent sur des
mucines de haut poids moléculaire
(200 à 800 kDa). L’épitope répétitif
reconnu par l’anticorps est un dérivé
sialylé, lacto-N-fucopentanose II, d’un
pentasaccharide associé au groupe
sanguin Lewis A. Le CA 19.9 est codé
au moins par les gènes MUC-1 et
MUC-7.
Le CA 19.9 est un ligand pour la molécule endothéliale d’adhésion leucocytaire (ELAM-1, E-sélectine), molécule présente sur les cellules endothéliales activées par les cytokines. Le
CA 19.9 permet l’adhésion des cellules malignes à l’endothélium vasculaire et la dissémination hématogène
des cancers exprimant cet antigène.
Il a été montré une corrélation entre
l’intensité de son expression et la
gravité du pronostic des cancers
colo-rectaux.
- Tec
hniques de dosa
ge :
echniques
dosag
Il existe de nombreuses méthodes de
dosage immunométrique avec tra-
82
ceur radioactif ou non. Le dosage du
CA 19.9 est difficile. La variabilité des
résultats obtenus oscille aux alentours de 25%, due en grande partie à
des variations d’accessibilité des
épitopes par les anticorps monoclonaux utilisés, à leur spécificité, à l’effet matrice, au polymorphisme des
formes moléculaires reconnues…Ce
qui justifie un suivi par la même technique de dosage.
- Temps de demi-vie :
L'élimination du CA 19.9 se fait selon un mode biphasique, avec une
demi-vie de 0.5 jour pour la première
phase et de 4.3 jours pour la seconde.
- Valeur
ence :
aleurss de référ
référence
La valeur de référence pour une population normale, déterminée par
méthode immunoradiométrique est
de 37 kU/L. Les concentrations sériques de CA 19.9 sont sous la dépendance des gènes Lewis (Le) et sécréteur (Se) et, en toute rigueur, une valeur de référence devrait être établie
pour chaque personne en fonction
de son génotype. Les individus Lewis
(a-b-) qui représentent 5 à 6 % de la
population, n’expriment pas le CA
19.9.
- Pr
incipales causes d’élév
ation du
Principales
d’élévation
CA 19.9 :
Les maladies bénignes pulmonaires
et digestives (mucoviscidose, lithiase
biliaire, pancréatite aiguë et chronique, cirrhoses) peuvent augmenter le
CA 19.9 mais avec des concentrations rarement supérieures à trois fois
la valeur normale sauf en cas d’ictère
où elles peuvent atteindre plusieurs
centaines de kU/L. Plus que l’ictère,
ce sont les situations d’infection biliaire qui sont habituellement responsables des augmentations importantes. D’autres maladies bénignes peuvent être responsables d’une élévation isolée et modérée du CA 19.9 :
l’hémochromatose et le diabète décompensé. Les polypes rectaux et les
maladies inflammatoires de l’intestin
augmentent exceptionnellement le
CA 19.9.
- Var
iations dans les patholog
ies tuariations
pathologies
morales :
En cancérologie, on peut retrouver
une augmentation du CA 19.9 dans
Médecine Nucléaire -
les adénocarcinomes. C’est le marqueur privilégié des cancers digestifs :
cancers du pancréas avec une sensibilité de 70 à 90% et des voies biliaires en l’absence de cholestase ou
d’angiocholite. Il est utilisé dans la
cancer de l’estomac avec une sensibilité de 30 à 60%. Au cours des cancers colo-rectaux, gastrique et hépatique, le fréquence de positivité est
plus faible qu’au cours des cancers
pancréatiques et la fréquence de
positivité augmente avec le stade de
l’évolution et la présence de métastases. En dehors des cancers digestifs, le CA 19.9 est rarement augmenté
à des concentrations supérieures à 3
fois la normale, à l’exception des tumeurs mucineuses de l’ovaire et des
adénocarcinomes du poumon.
Les autres marqueurs
!D’autres marqueurs sont proposés.
Malgrè leur intérêt potentiel aux différentes phases de la maladie, le nombre insuffisant d’études à ce jour ne
permet pas encore de préciser leur
place en pratique clinique courante.
ydr
ate CA 50 :
- Antigène carboh
carbohydr
ydrate
Le CA 50 reconnaît à la fois le déterminant antigénique du CA 19.9
(sialosyl-fucosyl-lactotétraose) et le
résidu non fucosylé sialosyllactotétraose. De ce fait les individus
Lewis (a-b-) incapables de synthétiser
le CA 19.9 peuvent synthétiser le CA
50 et être ainsi suivis par ce marqueur.
C’est un marqueur de la sphère digestive de même que le CA 542, en
particulier du cancer du pancréas. En
pratique, les résultats fournis par le
dosage du CA 19.9 et du CA 50 sont
largement superposables.
- Antigène carboh
ydr
ate CA 72-4 ou
carbohydr
ydrate
TA G - 7 2
(tumor
associated
glycoprotein 72) :
Le CA 72.4 fait partie du groupe des
antigènes "pan-carcinomateux" de
type Thomsen-Friedenreich. Il est reconnu par l’anticorps B72.3 utilisé
dans l’immunoscintigraphie des cancers digestifs et ovariens et correspond à une structure sialyl-Tn (STn).
Cette structure STn provient de la
Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°2
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déglycosylation anormale d’une
mucine lors du processus de cancérisation. Cet antigène est présent dans
les adénocarcinomes du côlon, du
rectum, de l’estomac, du pancréas, du
sein, de l’ovaire et de l’endomètre. Sa
sensibilité dans le cancer du côlon,
sa valeur pronostique sur la survie
des patients opérés et sa valeur prédictive en cas de rechute sont comparables à celles de l’ACE.
’antigène pol
ypeptidique de tissu
- LL’antigène
polypeptidique
(TP
A) et son analogue l’antigène
(TPA)
polypeptidique spécifique (TPS)
Le TPA et le TPS sont présentés
comme des marqueurs non spécifiques de la prolifération cellulaire. Ils
ont été proposés comme paramètres
pronostiques sur la survie et pour
mesurer l’efficacité de la chimiothérapie.
- Métalloprotéases de la matrice
(MMP) et inhibiteurs tissulaires des
métallopr
otéases (TIMP1 et TIMP2)
métalloprotéases
[3].
Ils sembleraient impliqués dans la
maladie métastatique et pourraient
être utilisés dans les programmes de
prévention et le monitoring clinique
du cancer colo-rectal. La mesure du
taux sérique de TIMP1 associé à celui de l’ACE pourraient être utilisés
comme outil pronostique et/ou diagnostique de la maladie métastatique
[4].
- cerb-B2 / Her2-neu [5]
L’oncogène cerb-B2 code pour une
protéine de 185 kDa (p185) qui appartient à la famille des récepteurs à
l’EGF. Cette protéine p185 ou HER2/
neu comprend un domaine cytoplasmique à activité tyrosine-kinase, un
domaine transmembranaire et un
domaine extracellulaire (ECD). De
nombreuses études ont montré que
l’ECD est une glycoprotéine de poids
moléculaire compris entre 97 et 115
kDa. C’est ce domaine qui peut être
quantifié par technique ELISA grâce à
des anticorps monoclonaux dirigés
contre les épitopes externes de la
protéine. Son taux serait corrélé à
l’avancement du stade et à la présence de métastases hépatiques [6].
Médecine Nucléaire -
- La clusterine
La clusterine est une glycoprotéine
dont les fonctions cellulaires restent
mal connues. Elle pourrait servir au
diagnostic précoce du cancer du colon. En effet, on retrouve une élévation de son niveau d’expression dès
le stade de polype adénomateux [7]
UTILISATION CLINIQUE DES
MARQUEURS TUMORAUX DANS
LES CANCERS COLO-RECTAUX
!L’utilisation clinique des marqueurs
tumoraux nécessite le respect de trois
règles rappelées dans le document de
l’ANAES de 1997 [8] : l’utilisation clinique de l’ACE et du CA 19.9 impose
que pour un patient les dosages soient
effectués dans un même laboratoire
et avec la même technique. Une première valeur supérieure aux valeurs
usuelles doit être vérifiée sur un autre
prélèvement. Le résultat d’un dosage
de marqueur sérique doit être interprété en fonction du contexte clinique et des résultats des autres examens".
D’après les Standards, Options, et Recommandations publiées par la
FNCLCC en 2001, les marqueurs tumoraux sériques dont nous disposons dans le cancer colo-rectal ne
sont ni spécifiques d’organes, ni spécifiques de cancers.
- Standard : le marqueur tumoral de
référence dans le cancer du côlon est
l’ACE. Les résultats sont dépendants
de la technique de dosage utilisée. Il
faut donc lors d’une surveillance que
les dosages soient réalisés dans le
même laboratoire, avec la même technique.
- Option : le CA 19.9, éventuellement
le CA 50, sont des marqueurs potentiellement utilisables
- Recommandations : les autres marqueurs évalués n’ont pas montré à ce
jour un intérêt supplémentaire par
rapport à l’ACE.
Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°2
ACE - CA 19.9 : dépistage
et diagnostic précoce
des cancers colo-rectaux
!Ni le dosage de l’ACE, ni celui du
CA 19.9 n’ont leur place dans le dépistage et le diagnostic précoce des
cancers colo-rectaux, même en présence de symptômes digestifs.
Intérêt d’un dosage biologique
au moment du bilan initial
!La sensibilité et les variations des
concentrations sériques de l’ACE et
du CA 19.9 augmentent en fonction
des stades d’extension sans toutefois
pouvoir différencier ces stades. Au
moment du bilan initial, la sensibilité
de l’ACE est élevée pour les stades D.
Une valeur élevée d’ACE lors du bilan initial d’extension peut donc conduire à pratiquer des examens complémentaires. Sa concentration initiale
est un facteur de pronostic défavorable qui peut être utile pour distinguer
parmi les patients sans envahissement
ganglionnaire, ceux qui sont à haut
risque de récidive. L’ACE est le marqueur tumoral circulant le plus sensible pour la détection des métastases hépatiques des cancers colo-rectaux. Dans le bilan biologique standard il est associé aux γ GT et aux
phosphatases alcalines (PA). Une
échographie hépatique normale associée à une concentration sérique pathologique de l’ACE sont une indication pour des investigations complémentaires. Les trois paramètres biologiques associés à une échographie
permettent 100% de détection des
métastases hépatiques. Le taux initial
d’ACE présente donc un très fort intérêt.
ACE - CA 19.9 indicateurs
d’efficacité du traitement
d’une maladie localisée et de
récidive loco-régionale
!L’ACE est le marqueur de choix
83
Place de la biologie dans la prise en charge du cancer colo-rectal (CCR)
pour surveiller les patients atteints de
cancer colo-rectal. C’est le premier indicateur de récidive dans 65% des cas.
Il est exceptionnel que des cancers à
concentration sérique initiale d’ACE
élevée rechutent sans augmentation
du marqueur. Si l’on observe la persistance de taux élévés d’ACE et /ou
de CA 19.9 au-delà de 6 semaines
après la chirurgie, ceci conforte la
suspicion de reliquats tumoraux. Il
est à noter que certaines tumeurs non
sécrétantes initialement peuvent être
associées à une élévation de l’ACE au
moment de la récidive. Un taux initial normal ne doit donc pas exclure
de principe le dosage du marqueur
des paramètres de surveillance ultérieure. L’élévation du taux d’ACE et/
ou de CA 19.9 en cours de chimiothérapie, en dehors de la phase d’initiation où on peut observer une élévation paradoxale dûe à la lyse tumorale, est un témoin de la progression
de la maladie [9]. L’ACE est un outil
complémentaire de la clinique et de
l’imagerie en cas de maladie non
mesurable.
ACE - CA 19.9 surveillance
et intérêt du diagnostic
et du traitement précoce
des métastases
!Une surveillance biologique soutenue incluant le dosage de l’ACE permet de prédire la survenue de la récidive avec une avance de quelques
semaines à quelques mois sur le diagnostic clinique ou radiologique.
Dans 65% des cas, l’ACE est le premier indicateur même si la tumeur
initiale est non sécrétante. La notion
de cinétique des marqueurs tumoraux prend toute sa place dans ce
contexte. Cependant, il n’existe pas à
l’heure actuelle de bénéfice démontré en terme de survie. Des méta-analyses doivent être réalisées pour valider l’intérêt du diagnostic infraclinique de la récidive sur l’ "opérabilité"
des métastases et le gain en terme de
survie. En attendant, il est conseillé
de ne pas réaliser ce type de suivi en
dehors d’essais thérapeutiques.
Cette stratégie sera à réévaluer avec
les nouveaux outils d’imagerie précoce mis à notre disposition telle que
la tomographie par émission de po-
sitons utilisant le 18 fluorodéoxy-glucose (18FDG) technique plus précoce
que l’imagerie conventionnelle dans
la détection des foyers hypermétaboliques.
CONCLUSION
! Une surveillance biologique incluant notamment le dosage de l’ACE
permet de prédire la survenue de récidive avec une avance de quelques
semaines à quelques mois sur le diagnostic clinique ou radiologique conventionnel. Cependant, il n’a pas encore pu être démontré de bénéfice
en terme de survie de cette avance
au diagnostic. La réévaluation de cette
stratégie doit bénéficier des avancées
de l’imagerie (TEP et scanner hélicoïdal), des avancées des techniques
chirurgicales (traitement percutané
des métastases) et des thérapeutiques
systèmiques des cancers qui ont gagné en efficacité.
Il faut noter également que de nombreux travaux sont règulièrement
publiés sur la pharmacogénomique
des cancers. Ces outils biologiques
feront certainement bientôt parti des
éléments de prise en charge des patients atteints d’un cancer colorectal.
The place of biology in the management of the colorectal cancer
Colorectal cancer is a common disease in developed nations. Thus, is the second most
common malignancy in men and third most common in women. The prognosis of this cancer is
influenced by a variety of features present at the time of initial diagnosis. Screening has been
shown to reduce mortality. Guidelines are intended for use of tumor markers.
Colorectal cancer / Tumor markers / Guidelines / Clinical practice
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