Les ronces... quelques éléments de réflexion Prés d'un siècle que les ronces ne sont quasiment plus étudiées en France !!! Un groupe, sans mauvais jeu de mots, si épineux que les botanistes l'évitent et quelque part à juste titre car il n'existe aucun élément récent sur lequel se baser. Les botanistes contemporains, sous la houlette de David Mercier, tentant d'étudier ce groupe, sont bien trop peu nombreux (moins d'une dizaine pour le territoire!!!). Dans le Massif Central, au 19ème et début du 20ème siècles Genévier, Sudre, Boreau, Le Gendre ou Héribaud ont étudié les ronces de cette région, en partie, avec parfois des avis contradictoires. Au milieu du siècle passé, Robert Lugagne, en se basant sur les écrits de ces auteurs anciens tenta de cerner les ronces du Limousin, mais là aussi avec des déterminations parfois bien douteuses. On peut retrouver dans l'ancienne littérature plus de 220 noms d'espèces pour Auvergne et Limousin ! Actuellement, suivant les travaux des « rubologues » allemands, il est retenu comme principe que l'on ne peut parler d'espèce que si l'on retrouve cette même plante sur une distance (en continu ou en populations séparées) d'au moins 50 km... Toute autre plante à répartition inférieure à cette distance est considérée comme biotype, une « micro-espèce » sans valeur taxonomique ! Il est également retenu que l'on ne doit pas « s'attarder » sur les ronces poussant en situation ombragée de sous bois car cela modifierait trop leur véritable aspect (?). Ces deux affirmations réduisent de beaucoup la biodiversité de ce groupe. D'ailleurs, à l'époque des Sudre, Boreau et autres, cette affirmation des 50km n'existait pas, de fait il n'est pas à douter qu'un certain nombre d'espèces décrites à cette époque ne devaient être que des biotypes qui ne retiendraient donc pas l'attention des rubologues modernes …. Alors que faire ? Il faut toutefois retenir qu'un nombre non négligeable d'espèces peut se retrouver à notre époque. On peut « dégrossir » ce groupe en essayant de rattacher les plantes rencontrées aux différentes sections, séries, morphotypes connus... chose pas toujours aisée et même parfois impossible, et même si certains spécialistes rechignent à utiliser ce principe. Il est également utile de rejoindre ce groupe de discussion : Atelier rubus sur Tela botanica L'étude des ronces demande patience et méthode. Il faut pratiquement toujours étudier toutes les parties de la plante. En présence d'un buisson, il faut impérativement être sûr de prendre en considération un turion de l'année bien en rapport avec les tiges fleuries, ce qui n'est pas toujours simple lorsque plusieurs espèces sont entremêlées. Une loupe de terrain est utile pour bien visualiser les plus petits indices (pilosité des carpelles, réceptacle ou anthères). Ne tenir compte que des plantes correctement développées : attention au gyrobroyage des haies et talus qui dégradent les ronces. Si l'on a un bon appareil photo il faut faire à minima les clichés suivants les plus nets possibles : – macro d'environ 5cm de turion (primocanne) au niveau moyen de la tige – quelques feuilles dans leur ensemble, macro du pétiole de dessus, macro d'une feuille repliée pour apprécier la pilosité de dessus et de dessous, images du foliole terminal dessus et dessous – inflorescence dans son ensemble, image de profil d'une fleur (permet d'apprécier le rapport longueur étamines/pistil), macro des sépales – macro des carpelles (fruits encore verts) Si l'on préfère l'herbier, on doit pouvoir conserver tous ces éléments, donc à minima 5-6cm de turion, quelques feuilles, une inflorescence... et surtout bien noter les éléments de terrain. Que faut-il regarder pour cerner une ronce 1- le turion ou plutôt la primocanne : c'est une tige de l'année qui ne porte pas de fleurs ou de fruits. On étudiera la partie médiane de cette tige, et l'on notera sa forme (ronde, anguleuse, canaliculée) la présence ou non de poils et leur densité, la présence ou non de glandes stipitées et leur densité par cm de face, le nombre par centimètre, la couleur et la forme des aiguillons, la couleur pruineuse éventuelle.... Turions qualifiés d'homolacanthes : les aiguillons sont sensiblement de la même taille. Ils sont tous les deux sans glande stipitée. Le turion du haut est glabre (sans aucun poils), celui du bas est velu Turion dit hétéracanthe : les aiguillons sont très nettement de tailles diverses ; il comporte aussi de nombreuses glandes stipitées = petits aiguillons faibles terminés par une petite glande (renflée en boule) Turion homolacanthe, glabre mais à glandes stipitées. Le Turion peut être anguleux à faces planes ou convexes, anguleux à faces canaliculées ou rond. Glandes stipitées : micro-aiguillons souples terminés par une petite boule 2- Les feuilles : Il faut noter le nombre de folioles (3, 4, 5 et parfois plus), le mode de jonction des pétiolules des folioles : digités quand ils s'insèrent tous au même endroit, ou pédalés lorsque les pétiolules des folioles inférieurs s'insèrent sur les pétiolules des folioles latéraux, et aussi quasi sessiles (surtout section corylifolii). La présence totale ou partielle, ou l'absence d'un canalicule sur la face supérieure du pétiole Le rapport longueur pétiole / longueur foliole terminal est aussi un élément utile. La couleur du revers des feuilles qui va du vert, vert tomenteux au gris-blanc velouté suivant le développement plus ou moins important de poils étoilés en tomentum. ATTENTION : parfois l'exposition de la plante (trop ombragée) peut faire varier l'intensité du tomentum. Ci-contre x20 Tomentum = enchevêtrement feutré de poils étoilés De haut en bas et de gauche à droite : - dessous vert type séries Sylvatici ou Pallidi - dessous vert tomenteux type séries Rhamnifoli ou Radula - dessous blanc tomenteux type série Discolores ou section Canescentes On doit aussi apprécier la pilosité des faces inférieure et supérieure en passant doucement le doigt dessus pour la percevoir et en repliant la feuille pour la visualiser (densité au cm² de face). La forme du foliole terminal, la denture périphérique de ce foliole plus ou moins profonde et régulière, l'aspect et la longueur de l'apex, la forme de la base du foliole sont à remarquer aussi (quelques exemples). 3- Inflorescence et fleurs : la forme générale du panicule floral plus ou moins élancé ou compact, plus ou moins dense, et plus ou moins feuillé (présence de bractée dans l’inflorescence = feuille simple). En général les dernières feuilles avant les fleurs sont tri-foliolées. La présence/absence de glandes stipitées et petits aiguillons. La couleur des fleurs varie du blanc, au rose et rose vif. La couleur, la pilosité, la présence ou non de micro-aiguillons et/ou de micro glandes stipitées sur les sépales. Sépales verts type section Nessensis ou sub-section Rubus Sépales tomenteux et/ou à glandes stipitées type section Hiemales La taille des étamines par rapport au pistil (< ou = ou >), vérifier aussi la pilosité ou non des anthères, des carpelles et du réceptacle. 4 - Fruits = mûres : la couleur varie du rouge au noir, parfois pruineux ; la régularité ou non des drupéoles, les sépales rabattus sur les fruits ou réfléchis sont à noter . De haut en bas, et de gauche à droite : mûre à drupéoles avortées (section corylifolii) ; mûres rouge clair (section idaeobatus) ; mûres à drupéoles pruineuses (section caesii) ; mûres à drupéoles nombreuses et régulières (section rubus) ; sépales dressés sur le fruit ; sépales réfléchis sous le fruit. Clef des sous genres, sections, sub-sections et séries /morphotypes (clef inspirée des travaux des allemands et anglais, de David Mercier) Il n'est pas toujours facile de rapporter une ronce dans ce schéma ; toutefois toujours tenter de choisir la solution la plus proche en cas de situation intermédiaire... si possible ! A – Plante basse, à tige herbacée non pruineuse, mûres rouge vif à moins de 8 drupéoles, stipules très minces implantées sur la tige et non le pétiole des feuilles ; 1 seule espèce ….................................. sous-genre Cylactis A' – Plante +/- élevée, à tige ligneuse (rarement herbacée mais pruineuse), mûres à + de 8 drupéoles en général, stipules +/- larges toujours implantées à la base du pétiole …............................................................................. B Turion pruineux (teinte vert glauque) : section Caesii Stipules : petites « feuilles » à la base du pétiole B – Fruits mûrs rouge clair (framboise), feuille à 5 folioles pennés (2 paires et un foliole terminal), à dessous blanc tomenteux, pétales très courts < sépales ; 1 seule espèce ….................................... sous-genre Idaeobatus B' – Fruits mûrs rouge foncé à noir, feuilles à 3-5 folioles digités ou pédalés, pétales bien développés > sépales ….............................................................................................................................................. sous-genre Rubus Feuille pennée Feuille digitée Sous-genre Cylactis Petite ronce chétive, à tige grêle herbacée disparaissant l'hiver, feuille à 3 folioles, mûres à 1 à 8 drupéoles rouge vif sur un réceptacle plat, pétiole canaliculé sur toute la longueur ............................................................................ Rubus saxatilis Sous-genre Idaeobatus Ronce à tige dressée, ligneuse, à petits aiguillons fins, pourpres, +/- nombreux, feuille à 5 folioles pennés, fruit rouge clair se détachant facilement du réceptacle en cône, pétiole canaliculé sur toute la longueur ….............. …................................................................................................................................(Framboisier) Rubus idaeus Sous-genre Rubus 1 – Fruits noirs pruineux bleutés à maturité à < 15 drupéoles; turion cylindrique pruineux, glabre à sub glabre, glandes stipitées présentes ; feuilles trifoliolées (rarement celles de la base des turions avec 4-5 folioles) ; fleurs à pétales blancs larges ; anthères, carpelles et réceptacles glabres ….................................................................................................................................. section Caesii 1’ – Fruits non pruineux à maturité ; turion anguleux, rarement pruineux ; glabre à fortement poilu ; avec ou sans glandes stipitées ; feuilles toutes avec 3 à 5 folioles ; pétales blancs à roses ; anthères, carpelles, réceptacle : au moins un des 3 poilus …................ 2 2 – Fruits rouge foncé à maturité, à parfum rappelant la framboise ; feuilles digitées à 5 folioles ; turion peu anguleux à faces convexes, glabre et sans glande stipitée, à aiguillons entièrement violet foncé ; pétiole à face supérieure canaliculée sur toute la longueur …............................................................................................................................................................... section Nessensis 2’ – Fruits noirs à maturité, pas à goût de framboise ; feuilles à 3 à 5 folioles ; turion de formes diverses ; pétiole à face supérieure canaliculée seulement dans le bas ou sur toute la longueur …......................................................................................................... 3 3 – Fruits noir luisant à maturité; pétioles (toutes ou la plupart des feuilles bien développées et régulières) à face supérieure sans canalicule ou canaliculée sur moins de la moitié de la longueur …........................................................................ section Fruticosus 3' – Fruits noir mat à maturité (parfois avortés) ; pétioles (de toutes les feuilles) à face supérieure canaliculée sur toute la longueur …......................................................................................................................................................................................................... 4 4 – Fruits à drupéoles généralement toutes développées ; feuilles régulièrement à 5 folioles tous pétiolulés, à face inférieure blanc tomenteux, dessus tomenteux velouté au toucher ; foliole terminal sans apex distinct, ou très court, à dents profondes ; turion à aiguillons assez faibles (<6mm) ; sépales réfléchis ; pétales blancs à blanc- jaunâtre ; anthères et carpelles tous glabres …................................................................................................................................................... Section Canescentes 4' – fruits à drupéoles assez bien développées; feuilles régulièrement à 5 folioles tous pétiolulés; pétiole +/- canaliculé sur toute la longueur; dessus des feuilles tomento-velouté au toucher, dessous blanc tomenteux; turion à aiguillons +/puissants, à pilosité toujours présente +/- fournie (section créée par David MERCIER) ................................ Section Collinus 4'' – Fruits à drupéoles généralement en partie avortées ; feuilles à face inférieure non ou à peine tomenteuse et/ou à poils allongés non ou à peine perceptible au toucher ; foliole terminal à apex net ; feuilles irrégulières en nombre de folioles, imbriqués, sessiles ou à pétiolules courts ; inflorescence brève et à peu de fleurs, pétales blancs à roses ; anthères et/ou carpelles tous ou au moins pour certains poilus …....................................................................................... Section Corylifolii Section Caesii Une seule espèce dans nos régions : ronce +/- rampante à turion arrondi, pruineux, à aiguillons courts et fins, glandes stipitées éparses ; feuilles tri-foliolées (parfois à 4 ou 5 folioles à la base de la plante) ; inflorescence assez courte à fleurs assez larges ; mûres à drupéoles peu nombreuses, +/- irrégulières et pruineuses ….............................................................................................. Rubus caesius Section Nessensis Une seule espèce (?) dans nos régions : ronce à turion très droit (pouvant atteindre 2,5m de hauteur), vert clair, un peu anguleux à face planes ou bombées, glabre, sans glande, à jolis aiguillons coniques, courts, pourpres, parfois très épars sur la tige ; fleurs blanches à sépales verts ; mûres à petites drupéoles rouge foncé au goût de framboise acidulée …................................................ Rubus nessensis Section Canescentes Une seule espèce (?) dans nos régions, mais très variable, souvent +/- hybridée (section collinus) : turion à faces canaliculées, vert à pourpre ; mûres à drupéoles généralement toutes développées ; feuilles à face inférieure densément blanche-tomenteuse et à poils simples nettement perceptibles au toucher, dessus en général poilu donnant un aspect vert cendré et velouté au toucher; foliole terminal généralement sans apex distinct, à dents marginales profondes ; sépales réfléchis ; inflorescence allongée à fleurs odorantes, pétales blancs(-jaunâtres) ; anthères et carpelles tous glabres ….................................................................................. Rubus canescens Section Collinus Section hybride entre Rubus canescens et les ronces de la section Fruticosus (selon David MERCIER) : hybrides très variables, mais à inflorescence spiciforme allongée (comme canescens), feuilles toujours blanches tomenteuses dessous, et veloutées (poils étoilés) dessus ; turion à pilosité toujours présente, +/- fournie. Groupe surtout présent en France, encore peu connu et instable (?). Section Corylifolii Cette section regroupe un nombre conséquent d'hybrides entre Rubus caesius et les ronces de la section Fruticosus. D'une grande variabilité, ces ronces sont souvent mal développées, peinant parfois à fleurir, bien souvent très localisées (la barre fatidique des 50km ne doit être que bien rarement atteinte !)... Il apparaît bien difficile de les cerner, voir même utopique (avis personnel) !? Section Fruticosus A - Turion glabre à sub-glabre (<15 poils par cm de face) ; feuilles caduques ; sépales verts à face externe non tomenteuse (sauf sur la marge) ; pas de glandes stipitées ….................................................. subsect. Rubus A'- Turion glabre à très poilu (>200 poils par cm de face) ; feuilles persistantes ; sépales à face externe +/entièrement tomenteux et/ou glandes stipitées …............................................................... subsect. Hiemales B - Turion sans glande stipitée (rarement 1 ou 2 isolées /cm de face), pédicelle à moins de 5 glandes stipitées 1- Folioles à face inférieure blanche tomenteuse ; aiguillons en général puissants ; aucune glande stipitée dans l'inflorescence …...................................................................................................... série Discolores 1'- Folioles à face inférieure gris-vert tomenteux (jamais blanc tomenteux) ; turion à faces +/canaliculées, très peu poilu ; aiguillons peu puissants (entre 6 et 10mm) ; face supérieure des feuilles glabres à sub-glabres (<2poils/cm²) ; glandes stipitées dans l'inflorescence ................. série Rhamnifoli 1''- Folioles à face inférieure verte, jamais de tomentum turion à faces planes ou convexes, +/nettement poilu (en général >15 poils/cm), à aiguillons médiocres ( < 6 mm) ; folioles à face supérieure toujours velue (> 2 poils/cm²) ; glandes stipitées dans l'inflorescence ….............................série Sylvatici B' – Turion présentant toujours des glandes stipitées (parfois rares et cachées dans la pilosité) ; plus de 5 glandes stipitées sur les pédicelles 2- turion à aiguillons homolacanthes : c'est à dire à taille presque égale, pilosité +/- dense 3- turion poilu de manière assez dense (en général >70 poils/cm de face), glandes stipitées rares et plus courtes que les poils (donc peu visibles) ; face inférieure des folioles à pilosité épaisse nettement perceptible au toucher ......................................….............................................série Vestiti 3'- turion à pilosité peu dense (en général bien <70 poils/cm) 4- toujours plus de 15 glandes stipitées par cm de turion 5 - dessous des feuilles vert sans aucun tomentum, quasi concolore à la face supérieure …..................................................................................................................... série Pallidi 5' - dessous des feuilles vert gris-blanc (léger tomentum), discolore à la face supérieure ….…............................................................................................................... série Radula 4' – moins de 15 glandes stipitées par cm de turion …......................................... série Micantes 2'- turion à aiguillons hétéracanthes : c'est à dire à taille disparate, inégale ; pilosité peu dense 3 - turion avec les plus gros aiguillons assez robustes, à base nettement élargie, longueur >5mm et/ ou largeur >5mm …......................................................................................................... série Hystrix 3'- Turion avec les plus gros aiguillons minces <5mm de long et de large, à base à peine élargie, micro-aiguillons et glandes stipitées très abondants …............................................série Glandulosi Turion à aiguillons très fins, peu distincts des nombreuses glandes stipitées et micro-aiguillons : série Glandulosi