FAIT CLINIQUE IMAGERIE DES LESIONS CEREBRALES LIEES A UNE INTOXICATION MASSIVE A L’ALCOOL FRELATE : A PROPOS DE 3 CAS OBSERVES Anne-Marie N’Goan-Domoua ¹, N’goranKouamé ¹, LacinaSoro ², AlihonouSétchéou, Anhum N. Konan, Roger D. N’gbesso ¹, Abdul K. Kéita ¹. 1. 2. Service de radiologie CHU de Yopougon 21 BP 632 ABIDJAN 21 Service d’anesthésie-réanimation CHU de Yopougon 21 BP 632 ABIDJAN 21 RESUME : Le méthanol encore appelé alcool frelaté, alcool à brûler se retrouve dans les liqueurs objet de trafic ou de production artisanale: pastis; rhum; whisky. Il peut être responsable des intoxications collectives avec atteintes cérébrales graves. Nous rapportons les cas de 3 hommes jeunes admis aux urgences médicales pour des troubles de la conscience survenus 24h après absorption de CALAO (nom commercial de Whisky).La TDM en contraste spontané a mis en évidence une nécrose bilatérale caractéristique des noyaux gris centraux associée à un œdème cérébral diffus responsable d’une disparition quasi-totale des sillons et des ventricules. Mots clés :Cerveau, Scanner, Nécrose, Noyaux gris centraux, Alcool frelaté, Intoxication SUMMARY: Methanol also called adulterated alcohol, methylated spirits is found in the liquor traffic object or artisanal production: pastis, rhum, whiskey. It can be responsible ofgroup intoxication. We report three cases of youn men admitted at the emergency ward following intoxication by methanol, and presenting with neurological disorders occurring 24 hours later. Non contrast CT scan showed characteristic bilateral necrosis of the basal ganglia associated with diffuse cerebral edema responsible for almost total disappearance of sulci and ventricles. Key words: Brain, CT scan, Necrosis, Basal ganglia, Adulterated alcohol, Intoxication Correspondance et tirés à part : N’goan-Domoua Anne-Marie, 21 BP 632 Abidjan 21. +22508675984 Dr Tél : Email :[email protected] INTRODUCTION : J AfrImagMéd 2013; (5),2: 118-122 A M N’goan-Domoua et al Le méthanol encore appelé alcool frelaté ou alcool à brûler se retrouve dans de nombreux produits domestiques [1] et en particulier dans les liqueurs (objet de trafic ou de production artisanale) telles que le Pastis, le Rhum ou le whisky [2]. L’intoxication par le méthanol est rare dans les pays industrialisé [3-5] mais très fréquente en Afrique et particulièrement en Côte d’Ivoire où elle sévit sous forme d’épidémie pendant les périodes de fête. Elle est responsable de complications multiples dont les plus courantes sont oculaires et conduit très souvent à la mort. Son diagnostic est difficile en dehors du contexte épidémique et devant l’absence de laboratoires toxicologiques performants. L’imagerie médicale représentée par l’IRM et la TDM constitue une alternative diagnostique [2, 6]. A l’occasion de 3 cas que nous avons observés, une revue de la littérature nous permet d’attirer l’attention des praticiens sur le rôle de l’imagerie dans le diagnostic et la prise en charge précoce de cette redoutable intoxication chez le sujet jeune sans antécédent particulier. Observation 1: Monsieur K.N. 38 ans, instituteur, a été admis aux urgences médicales pour troubles de la conscience survenu 24h après absorption de Calao (nom commercial de whisky artisanal). Ces troubles de la conscience étaient précédés quelques heures de céphalées nausées et vomissement sporadique et une vision floue. Le patient était admis en même temps que d’autres patients présentant les mêmes signes en dehors des troubles de la conscience. A l’examen physique, son état général conservé. Les constantes vitales étaient les suivantes : TA 14/80, pouls 100b/mn, SpO2 100%, FR 16 c/mn. L’auscultation cardio-pulmonaire était normale. L’examen neurologique a objectivé un coma (GCS 7) avec une contracture en flexion des membres et une absence de déficit moteur. Il existait un œdème papillaire et une mydriase bilatérale aréactive sur le plan ophtalmologique. Le bilan biologique standard (transaminasémie, urémie, créatininémie, glycémie, les Gamma GT et la CRP) était normal. Le scanner crânioencéphalique réalisé à J3 sans et avec injection de PCI a mis en évidence une nécrose ischémique bilatérale des noyaux gris centraux (figure 1 a et b). Un Traitement de l’acidose et une prise en charge non spécifique du coma associé à un traitement étiologique faite d’une alcoolisation par voie orale par la sonde nasogastrique (Whisky) en l’absence d’éthanol par voie injectable. L’évolution était marquée par l’amélioration du Glasgow (GCS 14) avec des lésions oculaires évolutive (cataracte, glaucome et cécité persistante), une contracture persistante et une absence de mouvements sporadique. Au scanner à J30 il existait une persistance de la nécrose, une résorption de l’œdème et une réapparition des ventricules. Observation 2 : Madame K.Y. est une patiente de 30 ans, institutrice dans le même établissement que le 1er patient. Elle a été admise aux urgences médicales pour troubles de la conscience après absorption de whisky artisanal en même temps que le patient 1. Elle présentait avant les troubles de la conscience des céphalées et des troubles digestifs. A l’examen physique on observait de légers troubles de la conscience (GCS 12-13), une contracture en flexion des membres sans déficit moteur. Elle présentait également un œdème papillaire et une mydriase bilatérale aréactive. Le bilan biologique n’a pas été effectué pour problème financiers. La TDM a mis en évidence un œdème cérébral diffus avec une nécrose ischémique putaminale bilatérale. Le même traitement a été mis en route. Il a consisté en la prise en charge du coma et de l’acidose et une alcoolisation par voie orale. L’évolution a été marquée par l’amélioration du Glasgow (GCS J AfrImagMéd 2013; (5),2: 118-122 14) et la cécité. La TDM de contrôle n’a pas été réalisée Observation 3 : Monsieur A.S. est un patient de 25 ans. Il est instituteur dans le même établissement que les deux premiers patients. Il a été admis aux urgences pour troubles de la conscience après absorption de whisky artisanal, en même temps que les patients 1 et 2. A l’examen physique il (A) Fig 1:TDM en contraste spontané présentait d’importants troubles de la conscience (GCS 7-8). Il existait une contracture en flexion des membres, un œdème papillaire et une mydriase bilatérale aréactive. Il n’y avait pas de déficit moteur. Le bilan biologique a mis en évidence une acidose. La TDM a objectivé un œdème cérébral diffus avec une nécrose ischémique putaminale bilatérale. L’évolution s’est fait vers la mort en quelques heures. (B) et après injection de produit de contraste iodé en coupe Surun le contexte plan de d’intoxication l’imagerie médicale, images DISCUSSION : axiale chez un instituteur de 38 ans admis aux urgences dans à l’alcoolles frelaté :Nécrose putaminale bilatérale au méthanol est Le diagnostic d’intoxication sont identiques à un AVC ischémique. L’IRM facile dans le contexte d’une intoxication est l’examen de choix en raison de ses collective. Cette facilité diagnostic est liée à la capacités à révéler très tôt les lésions de communauté des signes tant cliniques, nécrose contrairement au scanner dont les biologiques que radiologiques. Ainsi sur le images seront plus tardives et toujours normale plan clinique, l’intoxication au méthanol est le premier jour [2]. Blanco et al [2] ont caractérisée au début par des céphalées, des objectivé à l’IRM à J3 de vastes œdèmes de la nausées, des vomissements, des douleurs substance blanche et des noyaux gris centraux abdominales, un état d’ébriété et un flou visuel associés à des modifications non voir une cécité. Dans les cas plus graves, hémorragiques bilatérales des putamens. En apparait les troubles neurosensorielle allant de réalité il s’agit d’une nécrose cérébrale directe l’agitation au coma profond hypotonique [7]. sans irritation vasculaire par l’acide formique et Le métabolisme du méthanol explique toutes les formates. Cette irritation se voit en IRM les perturbations biologiques que l’on également au niveau des nerfs optiques et sont observera ainsi la transformation du méthanol responsables des troubles visuels avec la en formol puis en acide formique est possibilité d’atrophie optique expliquant la responsable d’une acidose sévère, d’un trou cécité dans certains cas [7]. Arora et al à 34 h osmolaire et anionique très caractéristique de post-intoxication J AfrImagMéd 2013; (5),2: 118-122mettent en évidence à l’IRM, cette intoxication [2, 8]. des lésions bilatérales putaminales, apparaissant en hyposignal sur les images T1 et J AfrImagMéd 2013; (5), A M N’goan-Domoua et al hyperintense sur les images T2 suggérant nécrose non hémorragique. Aucun signal anormal n’a été identifié au niveau des nerfs optiques. Cet aspect de l’atteinte récurrente plutôt ischémique des putamens est celle que nous avons observée au scanner dans notre étude. Elle est pathognomonique de l’intoxication à l’alcool frelaté et est également décrite dans la littérature [2, 6-7,9]. L’intoxication au méthanol est une extrême urgence thérapeutique en raison des corrélations entre la durée de l’acidose et la gravité des lésions cérébrales. Il faut simultanément corriger l’acidose et administrer l’antidote qui est l’alcoolisation à l’éthanol [4]. L’hémodialyse, si elle est envisagée, doit être précoce avec bain de dialyse enrichi en alcool éthylique pour éviter de baisser le taux des antidotes. Deux antidotes existent : l’éthanol, substrat compétitif de l’alcool déshydrogénase (ADH) ou le 4-méthyl-pyrazole, inhibiteur compétitif de l’ADH [5,10]. À défaut de l’alcool injectable rare chez nous, il faut opter pour l’administration de liqueur (whisky) supposé non trafiqué par sonde nasogastrique jusqu’à une alcoolémie de plus de 1g/l. Seule possibilité pour limiter la nécrose putaminale ou réduire la névrite optique due à l’acide formique [10]. Dans le cas de nos patients la prise en charge a été tardive et la cécité observée risque d’être irréversible dans les cas 1 et 2 avec un décès dans le cas 3. CONCLUSION : L’intoxication par le méthanol est un phénomène de plus en plus récurrent en Afrique subsaharienne du fait du trafic d’alcool frelaté. Elle est dangereuse car pouvant entrainer la mort ou à défaut un handicap neurologique ou la cécité. Son diagnostic clinique n’est pas toujours évident. Elle nécessite une interprétation rigoureuse des données biologiques qui ne sont pas toujours disponibles en Afrique. Pourtant les signes à l’imagerie sont clairs et la nécrose putaminale bilatérale est pathognomonique. Il est capital d’intégrer dans notre pratique quotidienne le scanner ou l’IRM cérébrale dans le diagnostic en urgence des intoxications au méthanol. REFERENCES : 1. LamiableD, Hoizey G, MartyH, VistelleR. Intoxication aiguë au méthanol.Revue Française des Laboratoires2000 ; 323 : 31–4 2. Blanco M, Casado R, Vazquez F, Pumar JM.CT and MR Imaging Findings in Methanol Intoxication. Am J Neuroradiol 2006 ; 27:452– 454 3. Chan CK, Chan YC, Lau FL. A case of methanol poisoning. Hong Kong j. emerg. med. 2007 ; 14(2) : 94-8 4. Kruse JA.Methanol poisoning. Intensive Care Med 1992; 18:391-7 5. Théfenne H, Turc J, Carmoi T, Gardet V, Renard C. Intoxication aiguë au méthanol : réflexion à partir d’un cas. Ann Biol Clin 2005 ; 63 (5) : 556-60 6. Arora V, Nijjar IS, Thukral H, Oopa R. Bilateral Putaminal Necrosis Caused By Methanol Intoxication- A Case Report. Ind J RadiolImag 2005 15:3:341-342 7. J Pelletier, M H Habib, R Khalil,G Salamon, D Bartoli, P Jean.Putaminal necrosis after methanol intoxication. Journal of Neurology Neurosurgery &amp Psychiatry 1992; 55(3):234-5. 8. Lopez-Navidad A, Caballero F, Gonzalez-Segura C, Cabrer C, Frutos MA. Short- and long-term success of organs transplanted from acute methanol poisoned donors. Clin Transplant 2002: 16: 151–162 9. 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