dogme et système de pensée (24/06/11)

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 Tout dogme est constitutif d’un système de pensée. Toute pensée cohérente est un système, mais tout système de pensée n’est pas nécessairement dogmatique. (Même si ce risque est fréquent.) Le problème du système de pensée dogmatique est, d’une part, qu’il n’est pas un système ouvert et qu’il n’est pas une pensée libre ; d’autre part, il est fragile et peu sûr, alors qu’il se croit puissant et incontestable. Ce sont ces quelques remarques que je vais développer. Il y a des systèmes de pensée individuels, donc autant de systèmes que d’individus et des systèmes de pensée collectifs. Le système de pensée individuel s’agrège à des systèmes de pensée collectifs, dans la mesure où il y a compatibilité. La compatibilité n’existe pas toujours. Précisément, l’un des problèmes de la pensée systémique est qu’elle exclut autant qu’elle inclut. L’un des intervenants a fait une analogie avec la boite noire. L’analogie est pertinente. La boite noir est un système. Plus précisément, elle est un système de traitement de l’information. Elle est conçue (formatée) pour recevoir un certain type d’informations en entrée et, après traitement, livrer d’autres informations en sortie. Sauf pour les experts qui la fabriquent, la boite noire est mystérieuse. Mais ce que tout le monde doit savoir, c’est qu’elle n’acceptera pas tout types d’informations en entrée et que, à partir de celles qui seront acceptées, on ne peut trouver qu’un certain autre type d’informations en sortie. Le mécanisme interne, pour être mystérieux aux yeux du profane, n’en est pas moins rationnel aux yeux des experts. Il consiste en l’interaction d’un certain nombre d’éléments disposés ensemble suivant un principe de finalité. Le pilotage automatique, par exemple. Tous les éléments constitutifs ne sont pas de la même importance. Nos systèmes de pensée sont des boites noires. Je disais, précédemment, que la pensée systémique n’est pas nécessairement dogmatique. En effet, le dogme n’est pas nécessairement un élément constitutif du système. Mais le système doit avoir des éléments constitutifs divers et variés, dont des éléments directeurs au cœur desquels quelque chose doit exister qui n’est pas très éloigné du dogme. Disons, un principe de décision, qui n’est pas sans rapport avec un principe de vérité, on pourrait dire aussi, un principe de pertinence. Le dogme et le système sont des notions complexes. Ce sont des notions qui ne fonctionnent pas isolément mais qui sont corrélées à d’autres. On ne peut examiner l’une en profondeur sans la réunir aux autres. J’ai fait intervenir précédemment la notion de paradigme (à réunir à système) et celle de credo (à réunir à dogme). En fait, le « credo » est une notion religieuse. Mais on la retrouve en science : c’est l’axiome, ou le postulat (qui ne sont pas exactement équivalents, mais très proches). L’axiome et le postulat sont des vérités indémontrables, mais qui servent à démontrer la vérité ou la fausseté de tout le reste. Or, si axiome et postulat sont presque identiques, il existe une grande différence entre axiome et postulat, d’une part ; d’autre part dogme, au sens moderne. J’ai dit aussi que, dans l’antiquité, le dogme est une doctrine reconnue, admise, établie et fondatrice dans une école de pensée, c’est-­‐à-­‐dire dans un système de pensée. Par exemple, il y a le dogme platonicien, le dogme stoïcien, le dogme épicurien, etc. Ces dogmes sont concurrents et non équivalents, mais ils ne s’excluent pas au nom d’une vérité supérieure et ultime. Ils résultent d’un libre choix et de la liberté individuelle de conduire son propre raisonnement. Là se situe la différence qu’introduit le christianisme en faisant passer le dogme du domaine de la philosophie à celui de la religion. Le christianisme est la vérité ultime. Le dogme chrétien est la vérité ultime. Le juste raisonnement est celui que mène l’Eglise qui, avec l’aide de l’Esprit Sait, est capable de déchiffrer le plan de Dieu et d’informer l’humanité sur la conduite qu’elle a à tenir pour s’y conformer. Par conséquent, la nature même de la vérité a changé avec l’apparition du dogme chrétien. Dans la perspective de la philosophie antique, le dogme est une vérité ; c’est une vérité reconnue, une vérité établie ; mais c’est une vérité relative, laissant place à d’autres vérités. C’est, en outre, une vérité évolutive. A titre d’exemple, le platonisme du IVème siècle après Jésus-­‐Christ, qu’on appelle le néo-­‐platonisme, est assez éloigné du platonisme de Platon, quatre siècles avant Jésus-­‐Christ. Le dogme chrétien est immuable et absolu. Les deux qualités sont inséparables. Il est absolu parce qu’il est immuable et réciproquement ; s’il n’était pas immuable, il pourrait changer ; pour qu’il change, il faudrait qu’il acquière quelque chose qu’il n’avait pas avant. Or, depuis toujours, il a tout. Le dogme chrétien est un totalitarisme. Avant d’en venir au dogme et à la pensée systémique en politique, je voudrais terminer en disant que, sur la base de cette vérité absolue et immuable, ou son contraire, la vérité relative et évolutive, nous avons toujours aujourd’hui cette distinction en philosophie. Par exemple, l’hégélianisme est une philosophie dogmatique, donc, in fine, une philosophie totalitaire ; le marxisme (qui en découle), aussi. La phénoménologie (et l’existentialisme qui en découle) est une philosophie non-­‐dogmatique, donc, in fine, libérale. Le nietzschéisme me semble être une philosophie non dogmatique et libérale ; mais d’autres pensent le contraire. . (à suivre). . jpylg 
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