Affaire de l`hormone de croissance : cassation de l

publicité
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
Affaire de l’hormone de croissance : cassation de
l’arrêt de relaxe
le 13 janvier 2014
CIVIL | Responsabilité
PÉNAL | Atteinte à la personne | Santé publique
La chambre criminelle casse l’arrêt d’appel ayant relaxé les prévenus et débouté les parties civiles
de leurs demandes en indemnisation, en affirmant que l’extraction et la purification de l’hormone
de croissance entraient dans la préparation du produit administré à l’homme, et relevaient en
conséquence du monopole pharmaceutique. Crim. 7 janv. 2014, FS-P+B+I, n° 11-84.456
La Cour de cassation, dans l’affaire médiatique de l’hormone de croissance, a cassé l’arrêt d’appel
qui avait relaxé les prévenus des délits d’homicide involontaire et de tromperie aggravée et qui
avait débouté les parties civiles de leurs demandes en indemnisation. Pour écarter les qualifications
en cause, la cour d’appel avait, notamment, estimé que l’extraction de l’hormone de croissance ne
constituait pas la préparation d’un médicament qui aurait dû relever du monopole pharmaceutique.
La chambre criminelle, au visa des anciens articles L. 511 et L. 512 du code de la santé publique,
rappelle par un attendu de principe que « relève du monopole pharmaceutique la préparation des
médicaments destinés à l’usage de la médecine humaine, notamment de tout produit pouvant être
administré à l’homme en vue de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions organiques ». Elle
rappelle par cette formule à la fois la notion de médicament contenue dans l’ancien article L. 511
du code de la santé publique (devenu l’art. L. 5111-1) et le monopole pharmaceutique dans la
préparation des médicaments, prévu par l’ancien article L. 512 du même code (devenu l’art. L.
4211-1). C’est ainsi sur la notion de préparation de médicaments, que la Cour va fonder la
cassation de l’arrêt d’appel. Elle va affirmer, contrairement à la cour d’appel, que « l’extraction et
la purification de l’hormone de croissance d’origine humaine entraient dans la préparation du
produit pouvant être administré à l’homme et relevaient en conséquence du monopole
pharmaceutique ».
Les deux seuls prévenus encore en cause étaient responsables, pour l’une, de la collecte des
hypophyses et pour l’autre de son extraction et de sa purification en vue de son utilisation
médicamenteuse. La qualification de préparation d’un médicament, si elle n’était pas nécessaire
pour retenir les infractions d’homicide involontaire et de tromperie aggravée, a joué pour la cour
d’appel un rôle essentiel dans la relaxe et dans le refus d’octroyer une réparation sur le fondement
des règles de la responsabilité civile. La cour d’appel avait, en effet, considéré qu’aucune faute
n’avait été commise, en se fondant sur l’absence de violation des prescriptions de l’ancien article L.
512 du code de la santé publique, ce qui excluait l’homicide involontaire et l’octroi d’une
indemnisation. Elle a, également, rejeté sur ce fondement la tromperie aggravée et la complicité de
tromperie aggravée, en affirmant que l’extraction et la purification de l’hormone de croissance ne
constituant pas la préparation d’un médicament, le prévenu n’avait pas à se soumettre aux règles
contraignantes du code de la santé publique en la matière. Selon la cour d’appel, il n’avait donc pas
trompé les patients en réalisant ces opérations dans un laboratoire de recherche.
La notion de médicament contenue dans l’article L 5111-1 du code de la santé publique est issue
de la directive n° 65/65/CEE du 26 janvier 1965 du Conseil concernant le rapprochement des
dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités
pharmaceutiques. S’il ne fait aucun doute que le produit final administré aux patients constitue
selon cette définition un médicament, la question qui se posait était de savoir si l’extraction et la
purification de l’hormone de croissance constituaient, au sens de l’ancien article L. 512, devenu
l’article L. 4211-1, 1°, du code de la santé publique, « la préparation » d’un médicament. Bien que
cet article ne contienne pas plus de précisions sur ce qui doit être entendu comme constituant la
préparation d’un médicament, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que cette
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
définition n’était pas contraire au principe de légalité, dès lors qu’elle est claire et prévisible (CEDH
15 nov. 1996, Cantoni c. France, aff. n° 17862/91, D. 1997. 202 , obs. C. Henry ; RSC 1997. 462,
obs. R. Koering-Joulin ; ibid. 646, obs. J.-P. Delmas Saint-Hilaire ; JCP 1997. II. 22836, note
Fouassier et Vion ; LPA 28 févr. 1997, p. 19, note Viala et Lambert ; ibid. 9 mai 1997, p. 7, note
Clément). De surcroît, la motivation de la cour d’appel, pour affirmer que l’extraction et la
purification de la poudre d’hypophyse ne constituaient pas la préparation d’un médicament, est
pour le moins curieuse, car ces opérations n’avaient d’autre objectif que d’utiliser la substance
obtenue, associée à d’autres substances, comme médicament. S’il est certain que l’extraction et la
purification ne constituaient pas à elles seules le produit final, il est tout aussi certain que cette
opération était nécessaire à l’obtention du produit final.
À défaut d’appel du ministère public, la cour d’appel de renvoi ne sera saisie que des intérêts civils.
Mais elle aura à dire si les infractions d’homicide involontaire et de tromperie aggravée sont
constituées pour accorder, le cas échéant, sur ce fondement, une indemnisation aux parties civiles.
Mais surtout, à supposer que la cour d’appel se conforme à la décision rendue par la chambre
criminelle, cela ne signifie pas nécessairement que ces infractions seront retenues. Il faudrait
qualifier le non-respect de l’article L. 512 de « violation manifestement délibérée d’une obligation
particulière de prudence ou de sécurité » (C. pén., art. 121-3, al. 4) pour que l’homicide involontaire
puisse être retenu. Quant à la tromperie aggravée, la motivation de la cour d’appel, qui n’est pas
contestée par la Cour de cassation, se fonde également sur l’absence d’élément moral. Le respect
de la solution rendue par la chambre criminelle devrait cependant, tout au moins, conduire à
l’octroi d’une indemnisation fondée sur les règles de la responsabilité délictuelle, le non-respect des
prescriptions légales relatives au monopole pharmaceutique constituant une faute ayant entraîné le
dommage invoqué par les victimes.
En somme, la cassation de l’arrêt d’appel est très limitée. Il est particulièrement regrettable que la
chambre criminelle ne se soit fondée que sur la notion de préparation d’un médicament pour casser
l’arrêt de la cour d’appel. La motivation de cette dernière s’agissant du rejet de toute faute
qualifiée en matière d’homicide involontaire, de toute faute en matière de responsabilité civile et
de toute intention concernant la tromperie aggravée paraît pourtant manquer cruellement de base
légale quant aux conséquences juridiques qu’elle tire des faits qu’elle a constatés, ce dont la
chambre criminelle ne souffle mot.
Site de la Cour de cassation
par Sébastien Fucini
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017
Téléchargement