Massage et cancer : toucher l`essentiel!

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Par Alain Beauregard
es personnes atteintes du cancer passent par
toute une gamme d’émotions : la tristesse, la
colère, le déni, la révolte, la culpabilité, l’angoisse, la peur de la mort... Ces émotions sont
normales et il est très important de ne pas les
minimiser. Nous pouvons certes tenter d’apaiser la
douleur psychologique que vit la personne atteinte
du cancer, mais il ne sert à rien de tasser sous le
tapis, des émotions qui peuvent nous paraître vives
à première vue. Des études suggèrent que certaines
techniques de relaxation, comme la massothérapie,
incluses dans les protocoles de traitement, peuvent
améliorer la qualité de vie des patients. La massothérapie est intégrée dans plusieurs centres de
traitement du cancer, à travers le monde 1.
>
1. Béliveau, Richard. 2011. « La massothérapie, un baume pour les patients atteints de cancer ». Le Journal de Montréal (lundi 30 mai 2011), p. 40.
LE MASSAGER MAI 2013
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La formation
L’accompagnement par le massage auprès des personnes atteintes
de cancer nécessite une présence qui
demande du jugement et une connaissance de plusieurs variables.
Comme le mentionnent Chantal Turgeon et Martine Rancourt, toutes les
deux massothérapeutes agréées md qui
travaillent auprès de cette clientèle
depuis quelques années, le développement d’un cancer a des conséquences
catastrophiques sur le corps humain et
il n’y a pas de place pour l’improvisation avec cette clientèle !
Martine Rancourt est massothérapeute agréée md depuis huit ans. Dès le
départ, elle a été attirée par l’idée d’accompagner les gens atteints de cancer.
Pour elle, la formation est primordiale.
« Ça te procure des compétences vraiment distinctes reliées aux conditions
des gens vivant avec le cancer. D’une
part, on nous enseigne à adapter nos
gestes aux gens atteints de cancer,
mais ça nous procure aussi une compétence pour interagir avec le personnel médical. D’ailleurs, la plupart des
établissements de santé où j’ai travaillé
exigeaient que les massothérapeutes
aient suivi la formation. Il y a aussi les
stages qui te préparent de manière très
concrète à intervenir auprès de cette
clientèle. Mais je pense que le plus
important, c’est toute la préparation
du point de vue de la psychologie, le
savoir-être avec des gens souffrant et
en crise. Dans ce travail, nous sommes
appelés à faire beaucoup de relation
d’aide et ça nécessite de faire un travail profond sur soi-même, c’est très
important ! Par exemple, j’ai souvent
massé des enfants, qui avaient parfois
le même âge que mes enfants, et ce
n’est pas facile. Il faut être capable de
prendre ses distances pour se protéger
soi-même ».
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LE MASSAGER MAI 2013
Chantal Turgeon est massothéramd
peute agréée depuis 2004, après
sa formation en suédois, elle est allée
travailler dans les spas. Deux ans plus
tard, elle s’inscrit à la formation en
oncomassothérapie. « J’avais accompagné ma mère qui est décédée d’un
cancer, mais la formation m’a permis
de développer mes connaissances
médicales notamment par rapport aux
traitements de chimiothérapie et de radiothérapie que doivent subir les personnes malades. Nous apprenons aussi
les effets secondaires liés à la médication, mais aussi sur les conséquences
post-chirurgicales. La formation m’a
aussi aidé beaucoup à me positionner face à la maladie, à me donner des
outils pour mieux répondre aux gens
que je masse. Nous travaillons beaucoup sur le deuil. Il est essentiel d’être
formé pour être empathique envers
les gens et non pas sympathique. Il ne
faut pas se mettre dans leur peau, mais
vraiment les accueillir sinon, nous devenons comme des éponges et ça peut
devenir très difficile pour soi-même.
La formation permet également de
relativiser ce qui appartient à l’autre ».
Les qualités requises
« Il ne faut pas juger, c’est quelque
chose que la formation nous apprend,
même si comme humain nous sommes
portés à juger tout le temps ! Je ne suis
pas là pour avoir une opinion et personne ne sait comment il réagirait dans
la même situation. Nous devons aussi
développer la capacité de voir la personne au-delà du corps. Les gens très
malades sont souvent très maigres, ils
ont parfois de l’œdème ou ils sont très
enflés. Certains ont subi des chirurgies,
parfois ils ont été amputés. Il faut être
capable de voir la personne au-delà de
la maladie », raconte Martine Rancourt.
« Les gens vivent le cancer complètement différemment d’une personne
à une autre, même avec les mêmes
traitements. Certaines personnes sont
plus résilientes et ils demeurent positifs quoiqu’il arrive tandis que d’autres
sont en colère, et parfois mêmes suicidaires. Moi, quand je vais au travail,
je ne pense plus à mes affaires. De
toute manière, tu ne peux pas, il faut
être présent à l’autre complètement »
de conclure la massothérapeute.
Chantal Turgeon précise, quant
à elle, que le moment de massage est
propice à la confidence pour les personnes malades, mais il est important
de les ramener au massage : « Nous ne
sommes pas des psychologues, nous
pouvons accueillir, mais la meilleure
façon de ramener une personne à ellemême, c’est par le toucher. Dans les
autres cas, il faut savoir référer à d’autres professionnels de la santé ». Parmi
les autres qualités d’un bon massothérapeute qui accompagne les gens
atteints de cancer, les deux femmes
s’entendent. « Il faut être très présent, il
faut être attentif, il faut être doté d’une
faculté d’adaptation et de création, il
faut avoir de l’empathie, il ne faut pas
avoir de jugement. Je pense aussi qu’il
est très important de se tenir à jour
dans les différents types de traitements
et de médicaments » précise Chantal.
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Les bienfaits que procure le massage à une
personne atteinte de cancer sont nombreux :
• Diminution du sentiment d’insécurité permettant de reprendre
possession de son corps et de le réhabiliter.
• Augmentation de la conscience corporelle.
• Amélioration de la qualité et de la quantité du sommeil.
• Aisance respiratoire.
• Sensation de souplesse et d’aisance dans les mouvements.
• Hydratation de la peau.
• Réduction significative au niveau de la perception de la douleur
ainsi que de l’anxiété.
• Augmentation du sentiment de bien-être et de relaxation.
• Dans certaines études, les mesures subjectives ont été
corroborées par des mesures physiologiques montrant une
tendance à la baisse du pouls, de la fréquence respiratoire,
de la pression artérielle.
• Augmentation du niveau d’activité du système immunitaire et
diminution du nombre des cellules T.
• Augmentation de la coopération dans les plans de soins.
• Augmentation de la confiance personnelle.
• Augmentation du sentiment d’être en contact avec son
potentiel de vie et de participer activement à son
processus de guérison.
• Diminution du sentiment d’isolement.
La récompense
Marika Audet-Lapointe, psychologue en oncologie suggère aux
massothérapeutes de penser à eux.
Ils doivent trouver des outils comme
danser, faire de l’activité physique,
profiter de la nature, bref, trouver des
ressources pour garder une belle énergie à l’intérieur afin de ne pas, tout le
temps, être dans l’énergie du cancer.
Mais à travers toutes les souffrances qu’occasionnent la maladie, nos
massothérapeutes s’entendent pour
dire que de travailler auprès des ces
personnes apportent énormément.
Martine se souvient encore de cette
femme, mère d’un bébé qui souffrait
d’un cancer. Après un massage, elle
avait confié que ce qu’elle avait aimé,
c’est que pendant une heure, le massage lui avait permis de s’arrêter et de
mettre de l’ordre dans sa tête. Dans
la même semaine, Martine a reçu le
père d’une autre petite fille, elle aussi
atteinte de cancer, qui lui avait confié
que le massage lui avait permis de ne
penser à rien pendant une heure. Le
même massage, mais avec des résultats
différents !
Après un massage, la plupart des
gens sont reposés, ils se sentent bien,
plus fort, ils ont plus d’énergie, ils
prennent conscience que ce corps qui
leur procure énormément de souffrance peut aussi faire du bien et les
ramener à eux-mêmes et à quelque
chose de positif.
Chantal se souviendra toujours
du commentaire de cette dame qui
était à la fin de sa vie et qui recevait un
massage : « J’ai l’impression d’être au
paradis, je veux bien mourir ainsi, ça
fait tellement de bien, la belle musique,
le toucher aimant, j’aimerais tellement
partir dans cet état. Ça me résonne encore dans la tête ! » de conclure la massothérapeute. M
2. Lussier, Lyse. 2001. « Les bienfaits du toucher, intervenir auprès des personnes atteintes de cancer ».
Le Massager, vol. 18, no 3 (novembre 2001), p. 14-17.
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