M1-2006 Géométrie différentielle 2 Notes de cours J.-P. Labesse I. Préliminaires algébriques Dans tout ce qui suit le corps de base k de tous les espaces vectoriels sera R ou C. Soit V un espace vectoriel de dimension finie n on note V ∗ son dual. On désignera par f (v) ou bien < f | v > l’évaluation d’une forme linéaire f ∈ V ∗ sur un vecteur v ∈ V . I.1 – Algèbres. On dit qu’un espace vectoriel A est muni d’une structure d’algèbre si on s’est donné une application bilinéaire A × A → A (a, b) 7→ a ∗ b . On dit que c’est une algèbre associative si la loi de produit ∗ est associative. I.2 – Algèbres de Lie. On dit qu’une algèbre (A, ∗) est une algèbre de Lie si la loi est anti-symétrique a∗a=0 et vérifie l’identité de Jacobi (a ∗ b) ∗ c + (b ∗ c) ∗ a + (c ∗ a) ∗ b = 0 . Il est usuel de noter par un crochet [a, b] plutot que a ∗ b le produit dans une algèbre de Lie. Si A est une algèbre associative pour un produit noté ◦ on définit sur A une structure d’algèbre de Lie en posant [a, b] = a ◦ b − b ◦ a. I.3 – Dérivations d’une algèbre. On appelle dérivation d’une algèbre (A, ∗) la donnée d’une application linéaire D :A→A Fichier Geodiff-2-05, compilation le 17-2-2006– 475 2 J.-P. Labesse qui vérifie l’identité de Leibnitz : D(a ∗ b) = (Da) ∗ b + a ∗ (Db) . L’ensemble Der(A) des dérivations de A est de façon naturelle un espace vectoriel. Le composé D1 ◦ D2 de deux dérivations n’en est pas une en général. On laisse au lecteur le soin de vérifier que le crochet de deux dérivations [D1 , D2 ] = D1 ◦ D2 − D2 ◦ D1 en est une. L’ensemble Der(A) des dérivations d’une algèbre est ainsi muni d’une structure d’algèbre de Lie. Dans une algèbre de Lie A l’identité de Jacobi peut être vue comme exprimant le fait que l’application Da : x 7→ [a, x] est une dérivation de A ; elle montre aussi que a 7→ Da est un homomorphisme d’algèbre de Lie de A dans Der(A). I.4 – Modules. Soit A une algebre associative ; un A-module est un espace vectoriel M muni d’une application bilinéaire A×M →M (f, s) 7→ f s et telle que de plus on ait une relation d’associativité : f (gs) = (f g)s pour tous f et g dans A et s ∈ M . Il est dit de type fini si il admet un ensemble fini générateur : c’est un quotient de An avec n entier. Un module est dit libre de type fini si il est isomorphe à An . On appelle dérivation d’un module M sur une algèbre A la donnée d’une dérivation D de A et d’une application linéaire D̃ : M → M qui vérifie l’identité de Leibnitz : D̃(f s) = (Df )s + a(D̃s) . Produit tensoriel. Soient V et W deux espaces vectoriels de dimension finie. Le produit tensoriel de V ∗ et W ∗ est un espace vectoriel noté V ∗ ⊗W ∗ : c’est l’espace des applications Géométrie différentielle 2 3 bilinéaires de V × W dans le corps de base k. Il est muni d’une application bilinéaire canonique b : V ∗ × W ∗ → V ∗ ⊗ W ∗ : (f, g) 7→ f ⊗ g en posant (f ⊗ g)(v, w) = f (v)g(w) . Le produit tensoriel a la propriété caractéristique suivante : toute application bilinéaire φ : V ∗ × W∗ → E de V ∗ × W ∗ dans un espace vectoriel E se factorise de manière unique, par V ∗ ⊗ W ∗ c’est-à-dire qu’il existe une unique application linéaire φ̃ : V ∗ ⊗ W ∗ → E telle que φ = b ◦ φ̃ La vérification de ce fait est laissé en exercice. Algèbre tensorielle. Soit V un vectoriel de dimension finie. la construction précédente peut s’itérer et on obtient une algèbre graduée associative, non commutative si dim(V ) > 1, appelée algèbre tensorielle de V ∗ T (V ∗ ) = k ⊕ V ∗ ⊕ (V ∗ ⊗ V ∗ ) ⊕ (V ∗ ⊗ V ∗ ⊗ V ∗ ) ⊕ . . . L’algèbre tensorielle T (V ∗ ) admet deux quotients remarquables : l’algèbre symétrique et l’algèbre extérieure. L’algèbre symétrique S(V ∗ ) est l’algèbre des fonctions polynomiales sur V , c’est-à-dire l’algèbre des fonctions sur V engendré par les formes linéaires. C’est le quotient de T (V ∗ ) par l’idéal bilatère engendré par les tenseurs x ⊗ y − y ⊗ x. I.5 – Algèbre extérieure. On note ∧p V ∗ (ou Ap (V )) l’espace vectoriel des formes p-linéaires alternées sur V ; c’est un espace de dimension (np ). On dispose d’une application p-linéaire alternée de V ∗ ×. . . V ∗ dans ∧p V ∗ notée (f1 , . . . , fp ) 7→ f1 ∧ f2 ∧ . . . ∧ fp où ω = f1 ∧ f2 ∧ . . . ∧ fp est l’application p-linéaire alternée sur V p définie par ω(v1 , . . . , vp ) = det < fi | vj > . 4 J.-P. Labesse On définit une application bilinéaire de ∧p V ∗ × ∧q V ∗ dans ∧r V ∗ avec r = p + q : si ω et η sont des formes p et q linéaires alternées respectivement, on définit une forme r-linéaire alternée ω ∧ η en posant (ω ∧ η)(v1 , . . . , vr ) = X ω(vσ(1) , . . . , vσ(p) )η(vσ(p+1) , . . . , vσ(r) ) σ∈(Sp ×Sq )\Sr où Sr est le groupe des permutations de r lettres. La somme directe ^ ∗ V = i=n M ∧p V ∗ i=0 est ainsi munie d’une structure d’algèbre graduée associative, que l’on appelle algèbre extérieure de V ∗ . C’est le quotient de T (V ∗ ) par l’idéal bilatère engendré par les tenseurs x ⊗ x. La sous-algèbre des sommes d’éléments de degré pair est commutative. I.6 – Espace euclidien. On appelle espace euclidien (de dimension finie) la donnée d’un vectoriel réel de dimension finie E muni d’un d’un produit scalaire. On notera g la forme bilinéaire symétrique non dégenérée qui définit le produit scalaire. Le produit scalaire permet d’identifier E et son dual E∗ : à v ∈ E on associe la forme linéaire w 7→ g(v, w) et on pose g(v, w) =< v | w > . Réciproquement on peut voir un espace euclidien comme un espace vectoriel E muni d’un isomorphisme avec son dual : E → E∗ tel qu’avec cet isomorphisme la forme quadratique v 7→< v | v > soit définie positive. Compte tenu de l’identification entre E et E∗ on dispose donc des espaces E⊗E, ∧p E etc... Les formes bilinéaires symétriques déduites de g sur les diverses puissances tensorielles de E, sur l’algèbre symétrique etc, seront le plus souvent encore notées g. Par exemple sur la puissance extérieure p-ième de E on a le produit scalaire suivant : g(v1 ∧ . . . ∧ vp , w1 ∧ . . . ∧ wp ) = det (g(vi , wj )) Géométrie différentielle 2 5 Remarque – On prendra soin de distinguer le produit exterieur (associatif) du “produit vectoriel”. Ce dernier est défini seulement pour un espace euclidien E orienté de dimenion 3. Il n’est pas associatif mais il vérifie l’identité de Jacobi. Rappelons que le produit vectoriel peut être défini comme suit : à deux vecteurs v et w on associe le vecteur de v × w ∈ E tel que u ∧ v ∧ w =< v × w | u > (e1 ∧ e2 ∧ e3 ) les ei étant une base orthonormale directe. Le scalaire < v × w | u > est aussi appelé le produit mixte ; ce n’est autre que la valeur du déterminant des trois vecteurs u, v et w exprimés dans une base orthonormée directe. On peut montrer que l’espace euclidien E orienté de dimension 3, est naturellement isomorphe à l’algèbre de Lie du groupe orthogonal en dimension 3 et qu’avec cette identification le produit vectoriel n’est autre que le crochet de l’algèbre de Lie du groupe orthogonal en dimension 3. 6 J.-P. Labesse II. Géométrie différentielle locale Nous allons définir ou redéfinir des notions de géométrie différentielle pour des ouverts d’un vectoriel de dimension finie, en donnant chaque fois que possible des définitions intrinsèques i.e. sans usage de coordonnées et meme sans réference à l’espace vectoriel mais simplement par le biais d’opérations sur l’anneau des fonctions “lisses” sur l’ouvert ; ceci ouvrira la voie à la géométrie différentielle globale, c’est-à-dire à la théorie des variétés différentiables. II.1 – Fonctions lisses Soit U un ouvert d’un espace vectoriel réel V de dimension finie n. Soit W un espace vectoriel de dimension finie ou plus généralement un vectoriel normé complet (espace de Banach). On note C ∞ (U, W ) l’espace vectoriel des fonction indéfiniment différentiables sur l’ouvert U à valeurs dans W . On omettra W dans la notation et on parlera simplement de fonctions si W est le corps des scalaires ; dans ce cas C ∞ (U) est une algèbre. Les anglo-saxons désignent ces fonctions sous le nom de “smooth functions” ; il est désormais classique de traduire cela en français par “fonctions lisses”. Soit U un ouvert d’un espace vectoriel réel V de dimension finie n. Soit f une fonction lisse à valeurs dans W sur U et soit x ∈ U. La différentielle f 0 (x) ou dérivée (également notée dfx ) de f au point x est une application linéaire de V dans W ; si W est le corps des scalaires f 0 (x) est un élément de V ∗ le dual de V . On notera < f 0 | v > l’évaluation de l’application linéaire f 0 sur un vecteur v Proposition II.1.1. – Toute fonction lisse f à valeurs dans W définie sur un voisinage étoilé de a peut s’écrire f (x) = f (a)+ < f 0 (a) | x − a > + < ε(x) | x − a > où f 0 (a) est la différentielle de f au point a et ε est une fonction lisse sur un voisinage de a à valeurs dans Hom(V, W ) et telle que ε(a) = 0. Preuve : On observe que : 1 Z < f 0 (a + t(x − a)) | x − a > dt f (x) = f (a) + 0 et par dérivation sous le signe somme, on voit que la fonction Z x 7→ ε(x) = 1 ( f 0 (a + t(x − a)) − f 0 (a) ) dt 0 est lisse. Géométrie différentielle 2 7 II.2 – Vecteurs tangents. On appelle germe de fonction lisse au voisinage de a une classe d’équivalence pour la relation suivante : deux fonction f1 et f2 définies sur des voisinages ouverts Ui de a sont dites équivalentes (et donc définissent le même germe au voisinage de a) si elles coı̈ncident sur un ouvert V ⊂ U1 ∩ U2 contenant a. Les germes forment une algèbre. Nous allons définir la notion de vecteur tangent au moyen de dérivations de l’algèbre des germes de fonctions lisses au voisinage d’un point. Définition II.2.1. – Un vecteur tangent au point a ∈ U est une forme linéaire ξa sur l’algèbre des germes de fonctions lisses au voisinage de a, vérifiant l’identité de Leibnitz au point a : ξa (f g) = (ξa f )g(a) + f (a)(ξa g). On a les propriétés suivantes : Lemme II.2.2. – Soit c une constante alors ξa c = 0. Preuve : Par linéarité il suffit de montrer que ξa 1 = 0. Mais d’après l’identité de Leibnitz appliquée à 1.1 = 1 on a ξa 1 = (ξa 1)1 + 1.ξa 1 = 2ξa 1 et donc ξa 1 = 0. Lemme II.2.3. – Soit U un ouvert de V et soit w ∈ V ∗ . Notons gw la fonction définie par gw (x) =< w | x − a >. Il existe v ∈ V tel que pour tout w ∈ V ∗ on a ξa gw =< w | v > Preuve : Ceci résulte de la linéarité de l’application à valeurs scalaires w 7→ ξa gw et de ce que V est de dimension finie et donc isomorphe à son bidual. Les vecteurs tangents au point a forment un espace vectoriel noté Ta . Soit a ∈ U ⊂ V et v ∈ V ; on associe au couple (a, v) un vecteur tangent en a en posant Da,v f = d f (a + tv)|t=0 =< f 0 (a) | v > . dt Proposition II.2.4. – L’espace tangent Ta est canoniquement isomorphe à V . Preuve : L’application v 7→ Da,v 8 J.-P. Labesse est une application linéaire de V dans Ta . Montrons qu’elle est bijective. Tout d’abord v 7→ Da,v est injective ; il suffit de le tester sur les formes linéaires. Mais, si f est une forme linéaire sur V on a Da,v (f ) = f (v) et l’injectivité en résulte. Pour montrer la surjectivité on observe que, compte tenu de la proposition II.1.1, si ξa est un vecteur tangent en a on a ξa (f ) = ξa (f (a)) + ξa < f 0 (a) | x − a > +ξa < ε(x) | x − a > mais f (a) est une constante et donc ξa (f (a)) = 0 d’après II.2.2. Maintenant, d’après II.2.3, il existe v avec ξa < f 0 (a) | x − a >=< f 0 (a) | v >. Enfin il résulte de l’identité de Leibnitz que ξa < ε(x) | x − a >= 0 comme somme de produits de fonction nulles en x = a. En résumé on a ξa = Da,v . Si V = Rn on dispose d’une base canonique de Tx : tout vecteur tangent ξx peut s’écrire, de façon unique comme combinaison linéaire des dérivées partielles ξx f = X ai ∂f ; ∂xi ξx = X ai ∂ . ∂xi ce qu’on écrit encore Cette notation, quoique classique et fort suggestive, est dangereuse car le vecteur tangent ∂/∂xi n’est pas déterminé par la fonction xi seule mais depend de toutes les autres fonctions coordonnées xj ; cependant les autres coordonnées ne figurent pas dans la notation. La notation ∂i ou ∂ei est aussi utilisée ; elle est moins dangereuse et même correcte si elle est interprétée ainsi : d ∂i f (x) = f (x + tei )|t=0 dt où ei est le i-ième vecteur de la base canonique. En effet ∂i ne dépend que du vecteur ei . II.3 – Changements de coodonnées. Soit φ :U →V une application lisse. Si y = φ(x) et si ξx = X ai ∂ . ∂xi alors l’image de ξx par φ est le vecteur tangent ηy au point y défini par ηy = X bj ∂ . ∂yj 9 Géométrie différentielle 2 avec X bj (y) X ∂f ∂(f ◦ φ) (y) = ai (x) (x) ; ∂yj ∂xi et donc bj = X ai ∂yj ∂xi ce qui s’écrit matriciellement ∂y1 b1 ∂x1 ∂y2 b2 ∂x1 = ... ... ∂y n bn ∂x 1 ∂y1 ∂x2 ∂y2 ∂x2 ... ... ∂yn ∂x2 ... ... ∂y1 ∂xn ∂y2 ∂xn a1 a2 ... ... ∂yn an ∂x n ou encore b = φ0 a où a et b sont les vecteurs colonnes des ai et bj et φ0 la matrice jacobienne, c’est-à-dire la matrice des dérivées partielles. II.4 – Champs de vecteurs. La variante à paramètres de la notion de vecteur tangent est celle de champs de vecteurs. Définition II.4.1. – . On appelle champ de vecteurs sur un ouvert U de V une dérivation de l’algèbre C ∞ (U) des fonctions lisses sur U : c’est donc une application linéaire ξ : C ∞ (U) → C ∞ (U) telle que de plus ξ(f g) = (ξf )g + f (ξg). Le composé d’un champ de vecteurs et de l’évaluation en un point x : ξx : f 7→ (ξf )(x) définit un vecteur tangent en x. Réciproquement, une application lisse x 7→ vx de U à valeur dans V définit un champ de vecteurs sur U : (ξf )(x) = d f (x + tvx )|t=0 . dt 10 J.-P. Labesse Dans un système de coordonnées on a vx = X (ξf )(x) = X ai (x) ei où les fonctions ai sont lisses et On écrira aussi X ξ= ai ai (x) ∂f (x) . ∂xi X ∂ = ai ∂i . ∂xi Les champs de vecteurs sur U forment un module noté T (U) sur l’algèbre C ∞ (U) des fonctions lisses sur U. Ce module est libre avec pour base les ∂i . L’ensemble des champs de vecteurs sur U est de plus muni d’une structure d’algèbre de Lie par le crochet des dérivations : [ξ, η]f = ξ(ηf ) − η(ξf ) Dans des coordonnées, si ξ = P ∂ et η = ai ∂x i [ξ, η] = X i,j P ∂ bi ∂x le crochet est donné par i ∂bi ∂ai aj − bj ∂xj ∂xj ∂ . ∂xi On prendra garde que le crochet est bilinéaire pour la structure d’espace vectoriel sur le corps des constantes mais n’est pas bilinéaire pour la structure de module sur l’algèbre des fonctions lisses ; en effet on a : [ξ, f η] = f [ξ, η] + (ξf )η Exercice Vérifier directement par le calcul l’invariance du crochet par changement de coordonnées. Si y = φ(x) on veut prouver que [φ0 ξ, φ0 η] = φ0 [ξ, η] On pose φ0 ξ = X i On a φ0 ci ∂ ∂yi , φ0 η = X i X ∂yk ∂ ∂ = ∂xi ∂xi ∂yk k di ∂ ∂yi 11 Géométrie différentielle 2 et ck = X ai ∂yk ∂xi et dk = X bi ∂yk ∂xi On doit exprimer 0 0 [φ ξ, φ η] = X i,j ∂di ∂ci cj − dj ∂yj ∂yj ∂ ∂yi en terme de a et b : 0 0 [φ ξ, φ η] = X i,j,k,l ∂yj ∂ ∂yi ∂ ak ( bl ) − · · · ∂xk ∂yj ∂xl ∂yi où les termes · · · sont obtenus en échangeant le rôle de a et b ; soit encore X ∂bl X ∂yj ∂yi ∂ ∂yj ∂ ∂yi ∂ 0 0 [φ ξ, φ η] = ak − ··· + ak bl ( ) − ··· ∂yj ∂xk ∂xl ∂yi ∂xk ∂yj ∂xl ∂yi i,j,k,l i,j,k,l Par ailleurs 0 φ [ξ, η] = X i,j,k soit encore 0 φ [ξ, η] = X i,j,k,l ∂ai ∂bi − bj aj ∂xj ∂xj ∂yk ∂ ∂xi ∂yk ∂yl ∂yk ∂ ∂bi aj − ··· . ∂yl ∂xj ∂xi ∂yk On obtient donc 0 0 0 [φ ξ, φ η] − φ [ξ, η] = X i,j,k,l X ∂ ∂yj ∂ ∂yi ∂ 2 yi ∂ ak bl ( ) − ··· = (ak bl − al bk ) ∂xk ∂yj ∂xl ∂yi ∂xk ∂xl ∂yi i,j,k,l mais cette dernière somme est nulle d’après Schwartz. II.5 – Le Théorème de Frobenius L’ensemble des champs de vecteurs sur un ouvert U est un module sur l’anneau des fonctions lisses. On dit qu’un sous-module F du module T (U) est localement libre de rang p si pour tout point x ∈ U il existe p champs de vecteurs ξ1 , . . . , ξp dans F et un voisinage V de x tels que la restriction η|V à V de tout champ η ∈ F s’écrit de façon unique comme combinaison linéaire à coefficients dans l’anneau C ∞ (V) des restrictions des ξi à V : X ηy = ai (y)ξi,y pour tout y ∈ V. On dit qu’un sous-module F du module T (U) est le module des sections d’un sous-fibré de rang p si pour tout point x ∈ U il existe p champs de vecteurs ξ1 , . . . , ξp dans F et un voisinage V de x tels que : 12 J.-P. Labesse 1 - les vecteurs ξi,x sont linéairement independants 2 - la restriction η|V à V de tout champ η ∈ F s’écrit comme combinaison linéaire à coefficients dans l’anneau C ∞ (V) des restrictions des ξi à V : ηy = X ai (y)ξi,y pour tout y ∈ V. Quitte à restreindre encore le voisinage on peut supposer que la condition 1 a lieu sur tout le voisinage et dans ce cas la condition 2 se réalise de façon unique. Un sous-fibré définit donc un sous-module localement libre de rang p. On prendra garde que cependant la condition 2 même avec unicité n’implique pas la condition 1 : par exemple le sousmodule engendré par une section non identiquement nulle, mais qui s’annule en un point, ne définit pas un sous-fibré. Un sous-fibré est défini par une fonction P sur U lisse à valeur dans End (V ) et telle que pour chaque x ∈ U l’opérateur Px soit un projecteur dans V ; son rang est localement constant. On dit qu’un sous-fibré F du fibré tangent est involutif si pour tout couple ξ et η de champs de vecteurs de F le crochet [ξ, η] est encore dans F autrement dit F est une sous-algèbre de Lie de T (U). On dit qu’un sous-fibré F du fibré tangent est associé à un feuilletage de dimension p de U si tout x ∈ U possède un voisinage V et un système de coordonnées locales x1 , . . . , xn ∂ pour 0 ≤ i ≤ p. tel que le sous-fibré a pour base les ∂i = ∂x i Théorème II.5.1. – . Un sous-fibré de rang p de T (U) est involutif si et seulement si il associé à un feuilletage. Preuve : L’assertion directe est triviale car le module associé à un feuilletage a pour base ∂ localement les ∂i = ∂x pour 0 ≤ i ≤ p et les ∂i commutent i.e. [∂i , ∂j ] = 0. On démontre i la réciproque par récurrence sur le rang de F . C’est un problème local on peut donc se restreindre à considérer le cas d’un voisinage ouvert V assez petit d’un point a pour lequel en particulier F est un C ∞ (V)-module libre. Soit ξ1 , . . . , ξp une base de ce module. Soit φ(t ; x) le flot du champ de vecteurs ξ1 c’est-à-dire : ∂ φ(t ; x) = ξ1 (φ(t ; x)) ∂t et φ(0, x) = x qui est défini pour x ∈ V et |t| < ε avec V et ε assez petits. L’application (t, x) 7→ φ(t ; x) est de rang n au voisinage de (0, a) (puisqu’en t = 0 on a φ(0 ; x) = x). Choisissons 13 Géométrie différentielle 2 des coordonnées dans V avec a = (0, .., 0) ; quitte à changer l’ordre des variables et à restreindre encore V on peut supposer que φ(t ; 0, y2 , . . . , yn ) = (x1 , x2 , . . . , xn ) est un difféomorphisme entre deux ouverts de Rn . Dans les coordonnées (t, y2 , . . . , yn ) le champ ξ1 est le champ ∂/∂t, et il est facile de compléter la base de F |V par des champs ξ20 , . . . , ξp0 dont l’expression dans les coordonnées (t, y2 , . . . , yn ) ne contient pas ∂/∂t : ξi0 = j=n X aij (t ; y2 , . . . , yn ) j=2 ∂ ∂yj autrement dit on a ∂ ⊕ F1 ∂t où F1 est le sous-fibré de F engendré par les champs de vecteurs dont l’expression dans les coordonnées (t, y2 , . . . , yn ) ne contient pas ∂/∂t et comme F est involutif il en résulte que F1 l’est aussi et que k=p X ∂ 0 Ajk ξk0 [ , ξj ] = ∂t F ' C ∞ (V ) k=2 ou encore en notations matricielle [ ∂ 0 , ξ ] = Aξ 0 ∂t Nous allons exhiber une autre base ξ200 , . . . , ξp00 pour les sections de F1 avec ξi00 = j=n X bij (y2 , . . . , yn ) j=2 ∂ ∂yj autrement dit telles que [ ∂ 00 , ξ ] = 0. ∂t i Pour cela il convient de trouver une matrice inversible M telle que ξ 00 = M ξ 0 et [ ∂ 00 ∂M ,ξ ] = ( + M A)ξ 0 = 0 ∂t ∂t Il suffit donc de résoudre l’équation différentielle linéaire matricielle ∂M + MA = 0 ∂t 14 J.-P. Labesse avec une condition initiale inversible. Maintenant, par hypothèse de récurrence, et quitte a restreindre encore les voisinages, on peut trouver un changement de variables (y2 , . . . , yn ) = ψ(z2 , . . . , zn ) tel que F1 soit le fibré engendré par les champs de vecteurs ∂ ∂ ,..., ∂z2 ∂zp c’est-à-dire ξi00 = j=p X cij (z2 , . . . , zn ) j=2 ∂ ∂zj Le feuilletage est donné dans le voisinage considéré par les équations zk = cte pour k = p + 1, . . . , n. II.6 – Structure riemannienne Soit U un ouvert d’un vectoriel réel V . On appelle structure pseudo-riemannienne sur U la donnée d’un champ g de formes bilinéaires symétriques et non dégénérés i.e. une application lisse de U dans l’espace vectoriel des formes bilinéaires symétriques et dont l’image est dans l’ouvert des formes non dégénérés. La structure est dite riemannienne si g définit en chaque point une forme quadratique définie positive. Choisissons une base P P e1 , . . . , en dans V . Soient ξ = ai ei et η = bj ej deux champs de vecteurs. Il est traditionnel de noter dxi les formes linéaires coordonnées : < dxi | ξ >= ai . Une structure pseudo-riemannienne peut alors s’écrire g(ξ, η) = X gij ai bj = X gij < dxi | ξ >< dxj | η > où gij (x) est une matrice symétrique non dégénérée pour chaque x ∈ U. Ceci s’écrit souvent simplement sous la forme suivante g= X gij dxi .dxj . II.7 – Espace cotangent, Formes différentielles Soit U un ouvert de V et soit x ∈ U. L’espace cotangent au point x est le dual de l’espace tangent en x. La variante à paramètres de la notion de vecteur tangent est la notion de champ de vecteurs. La variante à paramètres de la notion de vecteur cotangent est la 15 Géométrie différentielle 2 notion de champ de covecteurs appelés aussi 1-forme différentielle. Une fonction lisse sur U à valeur dans V ∗ définit une 1-formes différentielle. La différentielle d’une fonction f ∈ C ∞ (U ) est une 1-forme notée df dont la valeur au point x est donnée par par < dfx | ξx >= ξx f si ξx est un vecteur tangent au point x. Les 1-formes sont les combinaisons linéaires de différentielles de fonctions lisses : ω= X αi dfi où les αi et les fi sont des fonctions lisses. En particulier, dans un système de coordonnées, une 1-forme différentielle peut s’écrire ω= i=n X αi dxi . i=1 Considérons un changement de coordonnées y = φ(x) de matrice jacobienne φ0ij = Si ω= i=n X ∂yi . ∂xj αi (x) dxi = φ∗ βj (y) dyj j=n X i=1 j=1 on en déduit que αj (x) = i=n X βi (φ(x)) ( i=1 ∂yi )(x) . ∂xj On voit donc que β = α (φ0 )−1 où α et β sont les matrices ligne des αi et des βj . Rappelons que les coordonnées des vecteurs se transforment par la matrice jacobienne ; nous venons de voir que pour les coordonnées des formes différentielles la matrice de transition est la transposée de l’inverse de la matrice jacobienne. Enfin notons que la “matrice de passage” est donnée par l’inverse de la matrice jacobienne ; pour cette raison les physiciens disent que les 1-formes sont des 1-tenseurs covariants et que les vecteurs sont des 1-tenseurs contravariants. 16 J.-P. Labesse Un méthode pour mémoriser les variances est d’utiliser les notation suggestives et simples suivantes ∂y1 ∂y1 ∂y1 . . . ∂x ∂x ∂x dy1 1 2 n dx1 ∂y2 ∂y2 . . . ∂y2 ∂y .. .. ∂xn dx = , dy = . et = ∂x1 ∂x2 . ∂x . . . . . . ... dxn ∂yn ∂yn dyn . . . ∂yn ∂x1 Considérons ω = a dx = φ∗ (b dy) et comme φ∗ (dy) = ∂x2 ∂xn ∂y dx ∂x on voit que a dx = (b ◦ φ) ∂y dx soit encore ∂x b ◦ φ = a( ∂y −1 ∂x ) = a( ◦ φ) . ∂x ∂y II.8 – Algèbre extérieure des formes différentielles On note ∧p T (U)∗ le C ∞ (U)-module des p-formes linéaires alternées sur le module des champs de vecteurs. Nous adopterons la convention suivante : le produit extérieur ω1 ∧ . . . ∧ ωp de p 1-formes différentielles ω1 , . . . , ωp évalué sur p champs de vecteurs ξ1 , . . . , ξp est la forme p-linéaire alternée < ω1 ∧ . . . ∧ ωp | ξ1 , . . . , ξp >= det (< ωi | ξj >). On prendra garde que certains auteurs (par exemple Helgason) remplacent det par p1 ! det dans cette formule. Sur un ouvert de coordonnées, le module des p-formes différentielles a pour base les dxi1 ∧ . . . ∧ dxip avec i1 < . . . < ip . Si φ est une application lisse d’un ouvert U de V dans un ouvert U 0 de W on peut définir l’image inverse d’une forme différentielle ω sur U 0 ; elle est notée φ∗ ω et est définie comme suit. Si on note φ0 la différentielle de φ on pose < φ∗ ωx | ξ1 , . . . , ξp >=< ωφ(x) | φ0 ξ1 , . . . , φ0 ξp > . Pour une fonction f (forme de degré 0) c’est simplement la composition i.e. φ∗ f = f ◦ φ, et si ω = df alors φ∗ df = d(f ◦ φ). II.9 – La différentielle extérieure C’est l’unique opération d : ∧p T (U)∗ → ∧p+1 T (U)∗ telle que : Géométrie différentielle 2 17 1 – pour une fonction f , df est la différentielle déjà définie, 2 – pour toute p-forme ω et toute q-forme ϕ on a l’identité de Leibnitz graduée : d(ω ∧ ϕ) = dω ∧ ϕ + (−1)p ω ∧ dϕ 3 – d2 = 0. Dans un ouvert de coordonnées considérons X ω= aI dxi1 ∧ . . . ∧ dxip , I où I parcourt l’ensemble des multi-indicse ordonnés I = {i1 < . . . < ip }. Si l’opération d existe on a nécessairement X dω = daI ∧ dxi1 ∧ . . . ∧ dxip ; I on prend cette formule pour définition ; la vérification des axiomes est facile ; ceci démontre l’existence et l’unicité. Si on ne souhaite pas utiliser des coordonnées on peut définir de la différentielle extérieure d’une p-forme par la formule suivante : < dω | ξ0 , ξ1 , . . . , ξp >= i=p X (−1)i ξi < ω | ξ0 , ξ1 , . . . , ξbi , . . . , ξp > i=0 + X (−1)i+j < ω | [ξi , ξj ], ξ0 , ξ1 , . . . , ξbi , . . . , ξbj , . . . , ξp > . i<j (on note par un b les vecteurs que l’on omet) et vérifier les axiomes. Si ω est une 1-forme on a simplemement : < dω | ξ, η >= ξ < ω | η > −η < ω | ξ > − < ω | [ξ, η] > . Outre le fait que d soit de carré nul la propriété essentielle de la différentielle extérieure est qu’elle commute à l’image inverse par les applications : si φ est une application lisse d’un ouvert de V dans un ouvert de W on a φ∗ d = d φ∗ . On l’a déjà vérifié pour les 1-formes et le cas général en résulte immédiatement. On dispose d’autres opérations : soit ξ un champ de vecteurs et ω une p + 1-forme on définit le produit intérieur comme la p-forme i(ξ)ω définie par : < i(ξ)ω | η1 , . . . , ηp >=< ω | ξ, η1 , . . . , ηp > . 18 J.-P. Labesse L’opération θ(ξ) appelée dérivee de Lie (notée aussi par de nombreux auteurs Lξ ) est définie comme suit : < θ(ξ)ω | η1 , . . . , ηp >= ξ < ω | η1 , . . . , ηp > − X < ω | η1 , . . . , [ξ, ηi ], . . . , ηp > ; La dérivée de Lie vérifie : θ(ξ)(f ω) = (ξf )ω + f θ(ξ)ω . C’est même une dérivation de l’algèbre extérieure : θ(ξ)(ω ∧ ϕ) = θ(ξ)ω ∧ ϕ + ω ∧ θ(ξ)ϕ. on prendra garde qu’en géneral θ(f ξ) 6= f θ(ξ). On vérifie que θ(ξ) = d i(ξ) + i(ξ) d . Nous allons donner une application typique de cette formule en prouvant lemme de Poincaré ci dessous. II.10 – Cohomologie de de Rham d’un ouvert étoilé de Rn . On dit qu’une forme différentielle ω est exacte si il existe ϕ avec dϕ = ω ; on dit qu’elle est fermée si dω = 0. Une forme exacte est fermée puisque d2 = 0, mais la réciproque n’est pas toujours vraie ; toutefois on a le Lemme II.10.1. – [Lemme de Poincaré]. Dans un ouvert étoilé (par rapport à l’un de ses points) toute forme fermée de degré ≥ 1 est exacte. Preuve : Soit U un ouvert d’un espace vectoriel, étoilé par rapport à 0. Soit ω une (p + 1)forme fermée et soit x un point de l’ouvert U. On note r le champ de vecteurs radial : c’est le champ de vecteurs qui vaut x au point x θ(r)f (x) = rf (x) = d d f (x + λx)|λ=0 = f (tx)|t=1 dλ dt On observe que θ(r)f (tx) = t df (tx) dt Par ailleurs, si u est un champ de vecteurs constant on a [r, u] = −u. Maintenant si u1 , · · · , up sont des champs de vecteurs constants sur U on considère f (x) = ωx (u1 , · · · , up ) Géométrie différentielle 2 19 et compte tenu des remarques ci-dessus on obtient θ(r)ωtx = t d ωtx + (p + 1)ωtx dt soit encore d p+1 (t ωtx ) dt Tout le segment tx avec 0 ≤ t ≤ 1 est dans U par hypothèse. Considérons la forme tp θ(r)ωtx = Z 1 tp i(r)ωtx dt ϕx = 0 nous allons montrer que ω = dϕ. Comme dω = 0 on a di(r)ω = θ(r)ω et donc Z dϕx = 1 1 Z p t θ(r)ωtx dt = 0 0 d p+1 (t ωtx )dt = ωx dt II.11 – Mesures associée à une forme différentielle Soit U un ouvert de Rn . Soit ω une forme de degré n ; notons xi les coordonnées. La forme ω peut s’écrire ω = a(x) dx1 ∧ . . . ∧ dxn On peut lui associer une mesure positive |ω| sur U en posant pour toute fonction continue à support compact dans U Z Z Z Z f |ω| = ... f (x) |a(x)| dx1 . . . dxn . U U Soit φ : U → V un difféomorphisme. La formule du changement de variable montre que : Z Z Z Z Z Z ... g(y) |b(y)| dy1 . . . dyn = ... g(φ(x)) |b(φ(x))| | det(φ0x )| dx1 . . . dxn . V U Si on suppose que f = φ∗ g = g ◦ φ et ω = φ∗ η on a η = b(y) dy1 ∧ . . . ∧ dyn avec a(x) = b(φ(x)) det(φ0x ) , et donc Z Z f |ω| = U g|η| . V 20 J.-P. Labesse On peut résumer ce qui précède en disant que la mesure |ω| est indépendante du choix des coordonnées. Si on tient compte de l’orientation naturelle de Rn on peut définir une autre mesure en posant Z Z Z Z fω= ... U f (x) a(x) dx1 . . . dxn . U On a encore une invariance par changement de variable s’il préserve l’orientation i.e. si det φ0 > 0 . Diverses autres variantes de ce qui précède sont utiles, par exemple, au lieu de supposer f à support compact, on peut supposer que c’est ω qui l’est. Le résultat suivant est la clef de la formule de Stokes. Considérons une forme ϕ de degré n − 1 , à support compact. On peut écrire ϕ sous la forme X ci ∧ . . . ∧ dxn ϕ= ai dx1 ∧ . . . ∧ dx i et dϕ = X (−1)i−1 i Mais +∞ Z −∞ ∂ai dx1 ∧ . . . ∧ dxn . ∂xi ∂ai dxi = 0 ∂xi et donc si i 6= 1 on a Z Z Z ... x1 <0 ∂ai dx1 . . . dxn = 0 ∂xi et la forme différentielle ci ∧ . . . ∧ dxn ai dx1 ∧ . . . ∧ dx induit la forme nulle sur le sous-espace x1 = 0. Par ailleurs Z Z Z Z Z ∂a1 ... dx1 dx2 . . . dxn = . . . a1 dx2 . . . dxn . x1 =0 x1 <0 ∂x1 On a prouvé que Z Z dϕ = x1 <0 ϕ. x1 =0 Ceci peut se reformuler comme suit Z Z dϕ = U ϕ ∂U où U est le demi-espace x1 > 0 et ∂U en est sa frontière : x1 = 0. Les orientations sont importantes à prendre en compte ; sur la frontière on a une orientation induite définie par l’orientation ambiante et la “normale extérieure”. Géométrie différentielle 2 21 III. Variétés différentiables Une variété différentiable est, en gros, la donnée d’un espace topologique séparé sur lequel on sait définir des fonctions lisses ; en langage “savant” c’est un espace topologique muni d’un faisceau de fonctions, localement isomorphe à un ouvert Rn muni du faisceau des fonctions lisses. Il est commode d’ajouter une hypothèse de paracompacité pour pouvoir utiliser des “partitions de l’unité. De façon plus pédestre on appelle variété différentiable la donnée – d’un espace topologique X paracompact ∞ – pour chaque ouvert U de X d’un anneau CX (U) de fonctions sur U avec les propriétés suivantes : – il existe un recouvrement de X par une famille d’ouverts {V α }α∈A : X= [ Vα α∈A ∞ (V α ) tels que et des fonctions ϕ1 , . . . , ϕn dans CX 1 – l’application ϕ : x 7→ (ϕ1 (x), . . . , ϕn (x)) est un homéomorphisme de V α sur un ouvert de Rn . ∞ (U) si et seulement si pour tout 2 – pour tout ouvert U une fonction f appartient à CX α ouvert V du recouvrement, la restriction f |V α ∩U de f à V α ∩ U est de la forme f |V α ∩U = feα ◦ ϕ|V α ∩U où feα est une fonction lisse sur l’ouvert ϕ(V α ∩ U) de Rn , c’est-à-dire f (x) = feα (ϕ1 (x), . . . , ϕn (x)) pour tout x ∈ V α ∩ U. Un couple (V α , ϕ) comme ci-dessus est appelée une carte de dimension n de X. Les fonctions ϕi sont appelées coordonnées locales dans la carte. On peut définir de nouvelles cartes en restreignant l’ouvert de définition. Si on dispose de deux cartes ϕ et ψ d’un même ouvert W, il résulte de l’axiome 2 que ψ = ψ̃ ◦ ϕ et ϕ = ϕ̃ ◦ ψ ; donc ϕ̃ et ψ̃ sont des difféomorphismes entre des ouverts de Rn , inverses l’un de l’autre, appelés applications de changement de carte. En particulier, la dimension des cartes est une fonction localement constante sur X. L’axiome 1 affirme que la topologie de X peut être reconstituée à partir des cartes, par recollement ; l’axiome 2 permet de définir la notion de fonction lisse en précisant les compatibilités entre cartes. 22 J.-P. Labesse ∞ On dit que CX (U) est l’anneau des fonctions lisses (ou indéfiniment différentiables) sur U pour la structure différentiable considérée. On prendra garde qu’il peut exister plusieurs structures différentiables différentes sur un même espace topologique. Les morphismes de variétés sont les applications continues φ :X→Y telles que pour tout ouvert V de Y et toute fonction f ∈ CY∞ (V) la fonction g = φ∗ f ∞ appartient à CX (U) où U = φ−1 (V). Voici maintenant quelques exemples de variétés. Exemple 1 : – Soit X un ouvert de Rn ; les fonctions lisses au sens usuel munissent X d’une structure naturelle de variété. ∞ Exemple 2 : – Soit X = Sn la sphère de rayon 1 dans Rn+1 ; soit U ⊂ Sn on définit CX (U) n+1 comme l’algèbre des restrictions à U des fonctions lisses sur un voisinage de U dans R . Exemple 3 : – Soit X un sous-ensemble localement fermé de Rn défini localement par un système d’équations Fα (x) = 0 les Fα étant différentiables et telles que la matrice des dérivées partielles (∂Fa /∂xi ) soit de rang localement constant ; tout ouvert U ⊂ X est ∞ (U) comme l’algèbre des de la forme U = V ∩ X avec V ouvert dans Rn . on définit CX ∞ n restrictions à U des fonctions C sur V ⊂ R . On dit que X est une sous-variété plongée de Rn . Variantes : Dans tout ce qui précède on peut remplacer différentiable par analytique ( et même holomorphe si tout est complexe) à condition de remplacer les fonctions lisses par les fonctions analytiques (resp holomorphes). La plupart des variétés que l’on rencontre “naturellement” sont des variétés analytiques (par exemple les groupes de Lie) cependant un outil important, à savoir les partitions de l’unité, ne préserve pas la structure analytique. Sur une variété on dispose des analogues globaux des objets locaux définis de manière intrinsèque : champs de vecteurs, formes différentielles, structures riemaniennes etc. On peut recoller des résultats locaux au moyen de partitions de l’unité ; par exemple on a la formule de Stokes, dont nous donnerons deux formes. Théoreme III.0.1. – [Formule de Stokes I]. Soit ψ une forme de degré n − 1 sur une variété X orientée de dimension n. On suppose que ψ est à support compact, alors Z dψ = 0 . X Géométrie différentielle 2 23 P Pour le prouver on utilise une partition de l’unité 1 = α ϕα de sorte que chaque ϕα ait P son support dans un ouvert de coordonnées Uα et posons ψα = ϕα ψ. Comme dψ = α dψα il suffit de prouver que Z dψα = 0 . Uα c’est-à-dire prouver le résultat pour une forme à support dans un ouvert de coordonnées Uα , ce qui a déjà été fait au chapitre précédent. Théoreme III.0.2. – [Formule de Stokes II]. Soit ψ une forme de degré p − 1 sur une variété X. Soit U une pièce compacte de X orientée de dimension p, c’est-à-dire un sousensemble compact dont les modèles locaux sont des ouverts d’un demi espace vectoriel de dimension p plongés dans un espace vectoriel de dimension n. Alors Z Z dϕ = ϕ. U ∂U Comme ci dessus, une partition de l’unité ramène au modèle local déjà traité. On peut aussi traiter le cas de variétés à coins etc. III.1 – Fibrés vectoriels Soit V un R (resp. C) espace vectoriel de dimension p. Un fibré vectoriel F de fibre V au dessus d’une variété X est la donnée d’une variété F , d’un morphisme π : F → X, surjectif, d’un recouvrement ouvert (Uα )α∈I de X et d’isomorphismes φα : π −1 (Uα ) → Uα × V tels que 1 – pr1 ◦ φα est l’identité sur Uα 2 – pour tout x ∈ Uα ∩ Uβ l’application φα,β (x) : v 7→ pr2 ◦ φα ◦ φ−1 β (x, v) est linéaire inversible i.e. φα,β (x) ∈ GL(V ). 3 – pour tout x ∈ Uα ∩ Uβ ∩ Uγ on a φα,β (x) ◦ φβ,γ (x) = φα,γ (x). Pour reconstituer le fibré il suffit de se donner a – le recouvrement ouvert (Uα )α∈I de X b – pour tout couple (α, β) ∈ I 2 les applications de classe C ∞ φα,β : Uα ∩ Uβ → GL(V ) satisfaisant la condition 3. 24 J.-P. Labesse Une section de F au dessus d’un ouvert U est une application s : U → F telle que π ◦ s = idU . Une section s définit pour tout α une application sα = φα ◦ s de U ∩ Uα dans V . Réciproquement la donnée pour tout α d’applications sα : U ∩ Uα → V telles que pour tout couple (α, β) on ait sα (x) = φαβ (x)sβ (x) sur U ∩ Uα ∩ Uβ définit une section. L’ensemble Γ(U, F ) des sections C ∞ de F au dessus de U est un module sur l’algèbre C ∞ (U) ; de plus si U est assez petit ce module est libre de rang p. Réciproquement il est aisé de reconstituer le fibré F à partir de la donnée des C ∞ (U)-modules Γ(U, F ). On peut même reconstituer le fibré F à partir de la seule donnée du C ∞ (X)-module Γ(X, F ). Lorsque X est compact c’est un module “localement libre” de type fini. Exercice : Montrer que si X est compacte Γ(X, F ) est facteur direct d’un C ∞ (X)-module libre de type fini. III.2 – Connexions Soit F un fibré sur X on appelle connexion sur F (ou dérivation covariante) la donnée pour chaque champ de vecteurs ξ au dessus d’un ouvert U d’une dérivation ∇ξ du module Γ(U, F ) : ∇ξ f s = (ξf )s + f ∇ξ s dépendant linéairement de ξ comme module sur les fonctions C ∞ : ∇f ξ s = f ∇ξ s. La connexion ∇ définit une application entre l’espace des sections de F au dessus de U, et l’espace des des 1-formes à valeurs dans F . Notons A le fibré des formes différentielles. On a un prolongement naturel de ∇ comme dérivation graduée du modules des sections de A ⊗ F au dessus de U : soit s une section de F et ω une p-forme, on pose ∇(ω ⊗ s) = (dω) ⊗ s + (−1)p ω ∧ ∇s. Si F est un fibré trivial c’est-à-dire F = X × V , on dispose d’une connexion canonique ∇(0) : la dérivation des coordonnées. Si s est la section s(x) = X ai (x) ei ∇(0) s = X dai ⊗ ei . où ei est une base de V , alors Deux connexions ∇(1) et ∇(2) diffèrent par une 1-forme α à valeurs dans le fibré des endomorphismes de F : ∇(2) = ∇(1) + α Géométrie différentielle 2 25 Si on dispose sur U d’une trivialisation ϕ : F |U → U × V la connexion ∇ diffère de la connexion canonique par une 1-forme α sur U à valeurs dans End (V ) : ∇ = ϕ−1 (d + α)ϕ . On prendra garde que la forme α dépend de la trivialisation choisie ; dans une autre trivialisation, disons ψ on aura ∇ = ψ −1 (d + β)ψ . et si on pose h = φ ◦ ψ −1 on a β = h−1 αh + h−1 dh . III.3 – Courbure et Classes de Chern. La courbure d’une connexion ∇ est la 2-fome à valeurs endomorphismes R∇ (ξ, η) = [∇ξ , ∇η ] − ∇[ξ,η] . Si on dispose d’une trivialisation ϕ : F |U → U × V un calcul facile montre que R∇ (ξ, η)|U = ϕ−1 (dαϕ (ξ, η) + [αϕ (ξ), αϕ (η)])ϕ . Nous allons calculer la courbure d’une autre façon. Plaçons nous au dessus d’un ouvert P muni d’une trivialisation. On peut écrire toute section de A ⊗ F sous la forme ωi ⊗ si où les si forment une base du module des sections de F |U . On a X X X ∇( ωi ⊗ si ) = (dωi + αij ∧ ωj ) ⊗ si i i j où les αij sont des 1-formes. D’où, puisque d2 = 0 X X X ∇2 ( ωi ⊗ si ) = ((dαij + αik ∧ αkj ) ∧ ωj ) ⊗ si i ij k soit encore en notant α la matrice de 1-formes αij ∇2 = ϕ−1 (dα + α ∧ α)ϕ qui est une 2-forme à valeurs endomorphisme et en comparant avec la formule pour R∇ on voit que ∇2 = R ∇ . 26 J.-P. Labesse Comme l’algèbre extérieure en degrés pairs est commutative on peut considérer det(1 − T 1 ∇ R ). 2iπ C’est un polynôme en T à valeurs dans l’algèbre extérieure du fibré cotangent. On montre que c’est une forme fermée et dont la classe modulo les formes exactes est indépendante du choix de la connexion. Les classes de Chern ci (F ) ∈ H 2i (X) sont définies comme les classes de cohomologie des coefficients de T i dans ce polynôme : [det(1 − T X 1 ∇ R )] = T i ci (F ). 2iπ −1 2iπ trace R∇ dans H 2 (X). Par exemple c1 (F ) est la classe de III.4 – Métrique et Connexion affine Soit TX le fibré tangent et ∇ une connexion sur ce fibré. Dans un ouvert de coordonnées on pose ∂ ∂i = ∂xi et on définit les symboles de Christoffel par la relation ∇∂i ∂j = X k Γij ∂k . Soit X une variété pseudo-riemannienne c’est-à-dire munie d’une forme bilinéaire symétrique non dégénérée g sur chaque fibre du fibré tangent. Il existe une unique connexion, appelée connexion de Levi Civita, ∇ sur le fibré tangent avec les deux propriétés suivantes : 1 – La pseudo-métrique g est invariante sous la connexion c’est-à-dire ξ(g(η, ν)) − g(∇ξ η, ν) − g(η, ∇ξ ν) = 0 ce qui peut s’écrire simplement ∇g = 0 (en notant encore ∇ la connexion sur le fibré des formes bilinéaires symétriques qui se déduit naturellemnt de celle donnée sur TX ). 2 – Sa torsion est nulle c’est-à-dire T (ξ, η) = ∇ξ η − ∇η ξ − [ξ, η] = 0. Dans un ouvert de coordonnées, les composantes du tenseur pseudo-métrique sont les gij = g(∂i , ∂j ). La connexion de torsion nulle laissant invariante la pseudo-métrique g a pour symboles de Christoffel les Γij k définis par X k gkl Γij k = 1 (∂i gjl + ∂j gil − ∂l gij ). 2 Géométrie différentielle 2 27 Dans un tel ouvert, les géodésiques avec leur paramétrage intrinsèque, sont les solutions de l’équation différentielle du second ordre : d2 xk X k dxi dxj + Γij = 0. dt2 dt dt i,j Tout couple (ξx , ηx ) de vecteurs tangents non colinéaires en un point x de X définit un plan Px ; on lui associe un nombre (qui ne dépend que de Px ) K(Px ) = g(ξx , R(ξx , ηx )ηx ) ||ξx ∧ ηx ||2 que l’on appelle la courbure sectionnelle au point x dans la direction de plan Px . Les espaces à courbure sectionnelle constante forment une classe très étudiée ; on en obtient en considérant des espace homogènes de groupes de Lie X = G/K où K est compact. III.5 – Cas des surfaces, formule de Gauss-Bonnet Nous allons calculer la connexion de Levi Civita d’une surface riemannienne (X, g) orientée et sa courbure, lorsque l’on dispose d’un champ de repères, c’est-à-dire de deux champs de vecteurs orthogonaux e1 et e2 et de longueur 1, l’ordre définissant l’orientation. On pose κ(ξ, η) = g(e1 , R(ξ, η) e2 ) . La 2-forme κ est indépendante du choix du repère orthonormal direct. Évaluée sur un repère orthonormé direct elle donne la courbure sectionnelle ou courbure de Gauss : κ(e1 , e2 ) = K . Pour une surface plongée dans R3 si l’equation de la surface est donné par z = f (x, y) et supposons qu’au voisinage de (0, 0, 0) on a z' 1 (rx2 + 2sxy + ty 2 ) 2 au troisième ordre près ; on montre qu’à l’origine K = rt − s2 . C’est le produit des courbures principales : 1 K= . R1 R2 On a donc R = κJ 28 J.-P. Labesse où J est la matrice J= 0 −1 1 0 . Notons c la 1-forme différentielle définie par c(ξ) = g(e1 , ∇ξ e2 ) elle dépend du choix du repère orthonormal. Le fait que la connexion soit la connexion de Levi Civita permet de calculer c au moyen du crochet des champs de vecteurs e1 et e2 : on a g(∇ξ ei , ej ) + g(ei , ∇ξ ej ) = 0 et en particulier g(∇ξ ei , ei ) = 0. Comme la connexion est sans torsion on a ∇e1 e2 − ∇e2 e1 = [e1 , e2 ] et donc si ξ = ae1 + be2 on a g(ξ, [e1 , e2 ]) = g(ae1 , ∇e1 e2 ) − g(be2 , ∇e2 e1 ) = g(e1 , ∇ξ e2 ) c’est-à-dire c(ξ) = g(ξ, [e1 , e2 ]) . Le champ de repères fournit une trivialisation du fibré tangent et dans cette trivialisation on a ∇ = d + cJ et donc ∇2 = dcJ soit κ = dc . Théoreme III.5.1. – Sur la sphere S2 il n’existe pas de champ de vecteurs partout non nul. Preuve : Si un tel champ existait on en déduirait un champ de repères et on aurait κ = dc globalement ; donc d’après Stokes I, l’intégrale de κ sur S2 serait nulle. Cependant la sphère a une courbure constante K = 1 et cette intégrale vaut donc 4π, ce qui est contradictoire. Théoreme III.5.2. – [Formule Gauss-Bonnet]. Soit X une surface orientée compacte munie d’une métrique riemannienne. L’intégrale Z 1 κ e(X) = 2π X est la caractéristique d’Euler de X : dans une subdivision en polygones, e(X) = F − A + S Géométrie différentielle 2 29 où F est le nombre de polygones (ou nombre de faces), A le nombre d’arètes et S le nombre de sommets. Preuve : Nous ne donnerons la preuve que dans un cas particulier. Supposons qu’on ait une triangulation ou plus généralement une subdivision en polygones Pα , dont les arètes sont des géodésiques, la subdivision étant assez petite pour que chaque polygone soit muni d’un champ de repères. Sur chaque polygone on a κ = dcα et donc par Stokes : Z Z κ= cα . Pα ∂Pα Le bord est une union d’arcs géodésiques, et on montre que cette intégrale est égale à X 2π − angles extérieurs ou encore, pour un polygone géodésique à k côtés, X (2 − k)π + angles intérieurs . Les angles sont définis en suivant une détermination fournie par le champ de repères. En sommant sur tout les polygones on obtient Z κ = 2π (F − A + S) X où F est le nombre de polygones (ou nombre de faces), A le nombre d’arètes et S le nombre de sommets. III.6 – Cohomologie de de Rham et théorie de Hodge On dit qu’une forme différentielle ω est exacte si il existe ϕ avec dϕ = ω ; on dit qu’elle est fermée si dω = 0. Une forme exacte est fermée puisque d2 = 0, mais la réciproque n’est pas toujours vraie ; la différence est mesurée par les groupes de cohomologie. Soit notons Z p (X) l’espace vectoriel des p-formes sur X fermées et B p (X) l’espace vectoriel des p-formes sur X exactes. Le p-ième espace de cohomologie de de Rham de X est le quotient H p (X) = Z p (X)/B p (X). Si U est un ouvert étoilé le lemme de Poincaré montre que H p (U) = 0 sauf si p = 0 auquel cas il est de dimension 1. Soit (X, g) une variété riemannienne compacte (sans bord) orientée de dimension n. On note Ap le fibré des p-formes différentielles sur X. Il est muni d’une métrique déduite de façon naturelle de celle donnée sur le fibré tangent. Par abus de notation nous noterons g(ω, ϕ) le produit scalaire “ponctuel” de deux p-formes. Soit v ∈ Γ(X, An ) la forme volume 30 J.-P. Labesse normalisée c’est-à-dire la forme de degré maximum telle que g(v, v) ≡ 1, compatible avec l’orientation choisie. L’opération ∗ : Ap → An−p est définie par la relation ω ∧ ∗ϕ = g(ω, ϕ)v. On pose δϕ = (−1)deg(ϕ) ∗−1 d ∗ ϕ On définit un produit scalaire “global” sur Γ(X, Ap ) en posant Z Z < ω, ϕ >= g(ω, ϕ)v = ω ∧ ∗ϕ X X L’opérateur δ : Γ(X, Ap ) → Γ(X, Ap−1 ) est l’adjoint formel de d c’est-à-dire que : < ω, δϕ > =< dω, ϕ >. En effet la formule de Stokes montre que Z Z Z deg(ω) dω ∧ ∗ϕ + (−1) ω∧d∗ϕ= d(ω ∧ ∗ϕ) = 0 X X X et donc < dω, ϕ >= (−1)deg(ω)+1 < ω, ∗−1 d ∗ ϕ >=< ω, δϕ > . Le laplacien est l’opérateur différentiel ∆ = dδ + δd ; il préserve le degré des formes et on a < ∆ω, ϕ >=< dω, dϕ > + < δω, δϕ > . Posons Hp (X) = {ω ∈ Γ(X, Ap )|∆ω = 0} c’est l’espace des formes harmoniques de degré p sur X. Il est clair que ∆ω = 0 équivaut à dω = 0 et δω = 0 ; et donc les formes harmoniques sont les formes fermées et cofermées. Comme les formes cofermées exactes sont nulles on a une injection naturelle Hp (X) ,→ H p (X) . On montre que ce sont des espaces de dimension finie et que cette application est bijective, autrement dit on a le Théoreme III.6.1. – Sur une variété compacte riemannienne, orientée, toute classe de cohomologie contient une forme harmonique et une seule et l’espace des formes harmoniques est de dimension finie. De plus, l’opération de Hodge ∗ induit un isomorphisme entre les espaces des formes harmoniques de degré p et n − p ∗ : Hp (X) → Hn−p (X) . 31 Géométrie différentielle 2 La caractéristique d’Euler-Poincaré de X est le nombre ep (X) = p=n X (−1)p dim H p (X) . p=0 On peut montrer que pour une surface compacte orientée ce nombre ep (X) coı̈ncide avec le nombre e(X) = F − A + S introduit ci dessus. III.7 – Groupes de Lie Un groupe de Lie G est une variété munie d’une sructure de groupe compatible avec la structure de variété c’est-à-dire que (x, y) 7→ xy −1 est un morphisme de variété de G × G dans G. Dans la suite les groupes de Lie que nous rencontrerons seront des sous-groupes fermés G d’un groupe linéaire : G ⊂ GL(E) où E est un espace vectoriel sur R ou C de dimension finie. Ils seront définis comme l’ensemble des solutions d’un nombre fini d’équations algébriques ; par exemple : - le groupe spécial linéaire complexe à n variables SL(n, C) = {x ∈ GL(Cn )| det x = 1} - le groupe spécial unitaire à n variables SU (n) = {x ∈ GL(Cn )| det x = 1, xx∗ = 1} - le groupe orthogonal à n variables SO(n) = {x ∈ GL(Rn )| det x = 1, xt x = 1} - le groupe de Heisenberg à n variables 1 n+2 H(n) = {x ∈ GL(R )| x = 0 0 p 1n 0 z q } 1 où p = (p1 , . . . , pn ) , avec pi ∈ R , q = t (q1 , . . . , qn ) et z ∈ R - le groupe additif des réels est isomorphe au groupe (multiplicatif) des matrices de la forme 1 u x= 0 1 avec u ∈ R. 32 J.-P. Labesse III.8 – Algèbres de Lie Sur l’algèbre des opérateurs dans un espace vectoriel on définit une structure d’algèbre de Lie en posant [X, Y ] = XY − Y X, et par exemple End (E) est ainsi naturellement muni d’une structure d’algèbre de Lie. A tout groupe de Lie on associe l’algèbre de Lie de ses champs de vecteurs tangents invariants à gauche ; l’espace tangent à l’origine du groupe de Lie est naturellement isomorphe à l’espace vectoriel des champs de vecteurs tangents invariants à gauche ; il est ainsi muni d’une structure d’algèbre de Lie que l’on appelle l’algèbre de Lie de G. Par exemple End (E) est l’algèbre de Lie de GL(E). Dans le cas particulier des sous-groupes fermés de GL(E), la relation entre algébre et groupe est facile à exhiber grâce à l’exponentielle des matrices : si G est un sous-groupe fermé de GL(E) l’algèbre de Lie de G est l’ensemble des X ∈ End (E) tels que x(t) = etX ∈ G pour tout t ∈ R. En particulier, si G ⊂ GL(E) est défini par une famille finie d’équations polynomiales (en les coefficients des matrices) les éléments de l’algèbre de Lie de G sont les X ∈ End (E) tels que 1E + εX soit solution de ces équations au second ordre près en ε. On obtient ainsi - l’algèbre de Lie du groupe spécial linéaire complexe à n variables sl(n, C) = {X ∈ End (Cn )| trace X = 0} - l’algèbre de Lie du groupe spécial unitaire à n variables su(n) = {X ∈ End (Cn )| trace X = 0, X + X ∗ = 0} - l’algèbre de Lie du groupe orthogonal à n variables so(n) = {X ∈ End (Rn )| X + t X = 0} - l’algèbre de Lie du groupe de Heisenberg à n variables 0 n+2 h(n) = {X ∈ End (R )| X = 0 0 p 0n 0 z q } 0 - l’algèbre de Lie du groupe additif des réels isomorphe à l’algèbre de Lie des matrices 0 x {X = | x ∈ R} . 0 0 . Remarquez que dans l’espace vectoriel euclidien réel de dimension trois orienté E, le produit vectoriel que nous noterons × munit E d’une structure d’algèbre de Lie isomorphe à so(3).