Dysthyroïdies du sujet âgé Dr E. Proust-Lemoine Dr M. Ladsous Vieillissement thyroïdien Modifications histologiques Modifications fonctionnelles Hyperthyroïdie du sujet âgé Hypothyroïdie du sujet âgé Nodules, goitres et cancers I Vieillissement thyroïdien Vieillissement physiologique Permet un niveau de fonctionnement adéquat Mais certaines altérations physiologiques peuvent expliquer les modifications d’expression des pathologies thyroïdiennes avec l’âge Modifications histologiques Macroscopiques : Taille et forme conservées Mais augmentation de la nodularité avec l’âge: 85% après 60 ans 100% après 90 ans F>H Modifications histologiques • Microscopiques – Macrofollicules : • Dilatation des follicules en kystes colloïdes • 50% F, 40% H : kystes – Microfollicules : • Monoclonaux, +/- colloïde • 75% F, 50% H après 60 ans – Infiltrats lymphoïdes • Foyers lymphocytaires • 50% F, 35% H après 60 ans Conséquences Hétérogénéité de la glande Nodularité Tendance à l’autonomisation Auto-immunité thyroïdienne Destruction progressive de la glande Hypothyroïdie Modifications fonctionnelles Métabolisme de l’iode ↓ captation de l’iode Hormones thyroïdiennes T4 ↓ : surtout chez l’H et après 90 ans, mais reste dans les normes T3 ↓ : par ↓ de l’action de la désiodase de type 1, peut être diminuée (surtout après 100 ans) ↑TBG Physiologie Mariotti S. et al JCEM 1993; 77: 1130-1134 Modifications fonctionnelles Sensibilité des tissus périphériques ↓ nombre et affinité des récepteurs nucléaires de T3 : ↓ T3 nucléaire T4 nucléaire conservée Régulation hypothalamo-hypophysaire Résultats controversés TSH N ou ↓ chez l’H / N ou ↑ chez la F II Hyperthyroïdies • Prévalence après 60 ans – Patente : 0,5 à 4% – Fruste : 1 à 5% – En institution gériatrique : 1.3% • 35% des HT surviennent après 60 ans • Prédominance féminine : 70-80% F Hyperthyroïdies : étiologies • Maladie de Basedow – Plus rare – Moins évolutive • Goitre multi-hétéro-nodulaire – Nodules hétérogènes +/- fonctionnels – Parfois GMN basedowifié – Installation lente de l’HT, évolution irrégulière • Hyperthyroïdies iatrogènes – Contamination iodée, surtout si carence Hyperthyroïdies : signes cliniques • Diagnostic souvent difficile car formes frustes et mono- ou pauci-symptomatiques • Triade suggestive : asthénie + amaigrissement + tachycardie • 2 symptômes ont une fréquence ↑ avec l’âge: – AMAIGRISSEMENT : 50 à 80% cas +/- anorexie dans 20 à 40% cas – ACFA et autres manifestations cardiaques : tachycardie, palpitations, dyspnée TA STH C EN H TR IE YC EM AR B LE DIE M EN N TS TH ER ER VO SI M TE O PH PO O LY BIE PH AG IE A Hyperthyroïdie 100 80 60 40 20 0 < 50 ans > 70 ans Formes cliniques Formes cardiaques ACFA Permanente et rebelle au traitement Chez 25% des HT Dans les HT frustes +++ IC Fréquente, surtout si tb du rythme Congestive, D ou globale, tachycardie inconstante Fonction diastolique altérée Accidents vasculaires emboliques 13% si ACFA, 3% si sinusal Formes cliniques • Formes digestives – Amaigrissement, anorexie, diarrhée, voire malabsorption • Formes psychiatriques – Confusion, surtout si hypercalcémie associée – Dépression, psychose, état maniaque • Formes neurologiques – Aggravation de la symptomatologie d’un Parkinson – Syndrome pyramidal? Formes musculaires myopathie parfois localisée (ptosis) Formes apathiques « affalées » Adynamie, inertie Amyotrophie ceintures, +/- distale (main) Asthénie physique et psychique majeure (DTS, troubles mnésiques…) Amaigrissement +++, tachycardie Formes graves : crise aigüe thyrotoxique Début brutal Troubles cardiaques et psychiques Défaillance polyviscérale 4% mortalité Formes chroniques Evolution irrégulière des GMN, avec rémissions et rechutes Lenteur de la désaturation de la glande après surcharge en iode Paraclinique Biologie : TSH basse +++ (rechercher: CTC, dopamine, bromocriptine, sérotonine, vérapamil, affection sévère) fT4 élevée, fT3 élevée ou N TBii Echographie thyroïdienne : nodules, vascularisation Scintigraphie à l’iode 123 (ou Tc99m) Etude de la fixation avant IRAthérapie Recherche d’une nodule chaud ou d’un GMN toxique Cas particulier Hyperthyroïdie fruste TSH basse isolément Répercussions : Cardiaques : ACFA Osseuses : ostéoporose, fractures Psychiques CAT: discutée Surveillance si asymptomatique Traitement sinon Traitement de l’hyperthyroïdie Toute hyperthyroïdie patente du sujet âgé doit être traitée, si possible par traitement définitif Iode radioactif (I131) = traitement de choix +++ Traitement définitif, évite risques de la chirurgie Indications : GMNT, NT Basedow (+/- préparation par ATS) Non indication : surcharge iodée, thyroïdite Contre indication : incontinence, dépendance Règles de radio-protection +++ Evolution après I131 Euthyroïdie, hypothyroïdie, persistance de l’hyperthyroïdie Réduction de l’hyperthyroïdie peut prendre qq semaines à qq mois Risque de recrudescence transitoire thyrotoxicose (J5-J6), ↑ compression réduction préalable de la thyrotoxicose par ATS +/- corticoïdes Hypothyroïdie : dans les mois ou les années suivant le traitement Traitement chirurgical Indiqué +++ si : Signes de compresion : Dysphonie, fausses routes (paralysie récurentielle) Dyspnée inspiratoire, positionnelle : compression trachéale, avec réduction du calibre Dysphagie : rare, compression oesophagienne, si prolongement postérieur Compression veineuse : circulation veineuse collatérale, manœuvre de Pemberton, syndrome cave supérieur Signes de malignité : ATCD fam ou perso, évolutivité, caractéristiques cliniques, échographiques, cytologiques Traitement chirurgical Complications de la thyroïdectomie totale : Anesthésiques Infectieuses, hémorragiques Paralysie récurentielle, transitoire ou définitive (dysphonie, asphyxie si paralysie bilatérale et CV en adduction) Hypoparathyroïdie, transitoire ou définitive hypocalcémie difficile à substituer Thyroïdectomie totale : faible morbidité et mortalité chez > 75 ans (Passler C, Arch Surg 2002) Traitement chirurgical Préparation médicale par ATS +++ : opérer en euthyroïdie Thyroïdectomie totale si pathologie bilatérale ou suspicion de malignité Lobo-isthmectomie à discuter si pathologie strictement unilatérale (nodule toxique) Traitement médical de l’hyperthyroïdie Inconvénients : Risque de rechute à l’arrêt, Problème de compliance volume du goitre par effet trophique de l’ de la TSH Traitement symptomatique : bêta-bloquants, anxiolytiques Néomercazole, PTU, Basdène NFS tous les 10 jours pendant 2 mois ou en cas de fièvre (risque agranulocytose, leuconeutropénie) Dose d’attaque si maladie de Basedow, puis progressive ou introduction de Lévothyrox, durée minimale 18 mois Doses plus faibles si GMNT ou NT Traitement Indications : Basedow : ATS, I 131, chirurgie NT et GMNT : I 131, chirurgie Hyperthyroïdie par surcharge iodée : Corticoïdes si thyroïdite iodée ATS si hyperfonctionnement d’un nodule pré-existant III Hypothyroïdie Prévalence augmente avec l’âge Enquête de Whickham (1977) : F 7,5 %; H 2,8 % F > 75 ans : 17,4 % (Robuschi 1987) Semble ↓ après 80 ans Femme âgée : ↑ Fréquence de positivité Ac antithyroïdiens : pic à 60 ans (15 %) Hypothyroïdie Diagnostic clinique Hypothyroïdie Formes trompeuses Hypothyroïdie Diagnostic étiologique Thyroïdite auto-immune +++ À forme atrophiante +++ (post-ménopausique ou myxoedème idiopathique)) Thyroïdite de Hashimoto : goitre associé Iatrogène Traitement par iode radioactif Thyroïdectomie totale Surcharge iodée (4 à 20 % sous amiodarone) Lithium Irradiation cervicale externe Hypothyroïdie Diagnostic biologique Hypothyroïdie patente TSH élevée T4 libre basse ou normale basse Hypothyroïdie fruste TSH élevée < 10 μU/ ml T4L normale Eliminer autres causes de TSH élevée : Théophilline, spironolactone, sulfonamide, antagonistes dopaminergiques Hypothyroïdie Explorations complémentaires Anticorps anti-TPO (Iodurie sur urines des 24h ou sur échantillon couplée à créat U) Échographie thyroïdienne (goitre) Scintigraphie inutile Hypothyroïdie fruste Théoriquement asymptomatique Mais troubles neuro-psychiatriques: ↑Troubles de la mémoire Pas de corrélation établie avec état démentiel ↑ États dépressifs Hypothyroïdie fruste Hypothyroïdie fruste Hypothyroïdie Traitement L-Thyroxine ↑ posologie d’autant plus prudente qu’hypothyroïdie est profonde et ancienne Paliers de 12,5 à 25 μg Surveillance cardiologique Définitif TSH 6 semaines après avoir atteint palier puis 1/an Posologie : 1.6μg/kg/j Patient coronarien : débuter à 12,5 μg/j, ↑ prudente Traitement Cas particuliers Hypothyroïdie et surcharge iodée Favorisée par pathologie thyroïdienne sous-jacente Pas nécessaire d’interrompre l’amiodarone Supplémentation par L-Thyroxine Surveillance traitement par amiodarone : TSH systématique avant la prescription puis / 6 mois Traitement Cas particuliers Hypothyroïdie fruste Indications Goitre Ac anti-TPO à titre élevé Défaillance d’organe ou des fonctions supérieures potentiellement aggravée par hypothyroïdie : cardiopathie avec risque d’insuffisance cardiaque, cardiopathie ischémique, HTA, état dépressif, altération des fonctions supérieures Dyslipidémie ? Hypothyroïdie fruste Intérêt du traitement IV Nodules, goitres et cancers thyroïdiens Nodule thyroïdien Epidémiologie : très fréquent cliniquement palpables : 4 à 5 % augmentent avec l’âge, femmes > hommes infracliniques échographiques : 10 % par dizaine d’âge Problématique : dépister et traiter les cancer thyroïdiens ( < 10 % des nodules isolés sont des cancers) PREVALENCE DES NODULES THYROÏDIENS DANS LA POPULATION GENERALE 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 Mazzaferri et al. NEJM, 1993 Nodule thyroïdien Exploration Interrogatoire : sexe, ATCD d’irradiation cervicale, ATCD familial de cancer thyroïdien Clinique : nodule induré, adhérent, signes compressifs, adénopathies, signes généraux de cancer médullaire (diarrhées, flush) Dosage de TSH : nodules toxiques ou prétoxiques Dosage de calcitonine, ATPO Echographie thyroïdienne Ponction cytologique à l’aiguille fine Scintigraphie à l’iode 123 : si TSH basse Cellules thyroïdiennes normales Carcinome papillaire Lésion folliculaire suspecte Carcinome médullaire Goitre Physiopathologie du goitre simple : Facteurs nutritionnels : carence iodée Facteurs génétiques : caractère familial Facteurs hormonaux : prépondérance féminine (1/6), rôle de la grossesse Tabac Goitre Evolution : Apparition à l’adolescence, diffus, homogène Evolution vers régression, stabilisation ou progression +/- remaniement (goitre multinodulaire) Complications : Goitre multinodulaire toxique Goitre compressif Carcinome Histoire naturelle des goitres - Latence - Symptômes - Déformation cervicale - Complications Goitre > 50 ans : goitre devient nodulaire dans 50 % des cas GMN chez patients > 60 ans : hyperthyroïdie fruste ou patente chez 60 % Goitre Prise en charge : Supplémentation en iode ttt hormonal freinateur à éviter : peu efficace sur GMN, risque de complications hyperthyroïdie fruste Traitement chirurgical si volumineux, plongeant ou compliqué (compression, hyperthyroïdie, élément morphologique suspect) Iode radioactif : si hyperfonctionnel. Normofonctionnel : volume de 30 % Cancer thyroïdien Cancer rare : Femme : 5,57/100 000/an Homme : 1,67/100 000/an Mode de révélation Nodule cervical palpable Modification d’un goitre pré-existant Adénopathie cervicale Métastase Infra-clinique par l’échographie, écho-doppler Cancer papillaire : Sujets jeunes Diffusion par vois lymphatique Évolution locorégionale 70 % Cancer vésiculaire : Diffusion par vois sanguine Possibilité de métastases 20 % Cancer médullaire : 7% Sporadique (70 %) ou familial (NEM 2) Cancer anaplasique <1 % Personnes âgées, extension locale+++ Cancer thyroïdien Autres tumeurs malignes localisées à la thyroïde Lymphomes Fibrosarcome Tératome Métastases intrathyroïdiennes (rein, sein, poumon, mélanome…) Cancer anaplasique de la thyroïde 1 des cancers humains les plus agressifs Souvent stade terminal de la dédifférenciation d’un cancer papillaire ou vésiculaire Rare : 1,5 à 14 % des cancers thyroïdiens Touche patients âgés : pic d’incidence = 7è décennie Ratio ♂ / ♀ = 1 / 1,5 1 / 3 patients : histoire de goitre ancien Cancer anaplasique de la thyroïde Présentation clinique Masse cervicale rapidement de volume, dure, fixée Signes compressifs : dysphonie, dyspnée, toux, dysphagie, douleurs cervicales Adénopathies 20 à 50 % métastases à distance au diagnostic Cancer anaplasique de la thyroïde Diagnostic : biopsie chirurgicale Évolution : médiane de survie 2 à 6 mois, rarement plus de 12 mois Décès par envahissement tumoral local Cancer anaplasique de la thyroïde Traitement Chirurgie ou radiothérapie ou chimiothérapie seule : pas d’amélioration de survie Combinaison chimiothérapie (doxorubicine +/- cisplatine) + radiothérapie +/- chirurgie : permet contrôle local transitoire, pas d’action sur métastases Protocole IGR : 19 patients, contrôle local chez 9, survie > 2 ans chez 6 Traitement prévient risque de décès par étouffement lié à la progression locale Intérêt d’une prise en charge précoce Conclusion Diagnostic de dysthyroïdie difficile chez le sujet âgé Penser au dosage de la TSH Iatrogénicité importante Traiter pour prévenir les complications, en particulier cardio-vasculaires Prise en charge précoce des dystrophies compliquées ou suspectes