Meylan Quand dire c`est faire.pptx

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Quand dire c'est faire
Le sacrifice humain et son utilité
en Scandinavie médiévale
Nicolas Meylan
Quel rapport entre religion et violence?
!  Causal?
! 
16 Mais
dans les villes de ces peuples dont l'Éternel, ton Dieu, te donne le
pays pour héritage, tu ne laisseras la vie à rien de ce qui respire. 17 Car tu
dévoueras ces peuples par interdit, … comme l'Éternel, ton Dieu, te l'a
ordonné, 18 afin qu'ils ne vous apprennent pas à imiter toutes les
abominations qu'ils font pour leurs dieux, et que vous ne péchiez point
contre l'Éternel, votre Dieu.
!  Discursif?
!  Rapport complexe construit ponctuellement dans une interaction entre le
contenu, une personne qui l’énonce et une audience
!  Dans une telle perspective il est erroné de parler de religions violentes
comme de religions pacifiques
Des sacrifices humains en Scandinavie
!  Sources:
!  Adam de Brême (XIe siècle)
!  Tous les neuf ans, se tient à Uppsala une fête commune à toutes
les provinces de Suède … Le sacrifice se déroule ainsi : on
choisit dans chaque espèce vivante neuf créatures de sexe
masculin, et la coutume est d’apaiser les dieux par leur sang.
Les dépouilles sont pendues dans un bois, situé près du temple.
Le lieu est, pour ces païens, si sacré que chacun des arbres leur
semble tirer un pouvoir divin de la mort et de la décomposition
des victimes offertes. On voit là, pendus, des chiens et des
chevaux aussi bien que des hommes, et l’un des chrétiens m’a
raconté qu’il avait compté jusqu’à 72 cadavres. (Brunet-Jailly,
1998, 216-7)
L’homme de Tollund, victime d’un
sacrifice?
!  Sacrifice humain ou exécution judiciaire ou …?
!  P.V. Glob se prononce pour la première alternative
!  Parce qu’il a lu diverses sources évoquant ce type de pratiques,
dont Tacite:
!  Les plus anciens et les plus nobles des Semnons ; une pratique
religieuse confirme ce qu’on croit de leur antiquité. A une époque
déterminée, les peuples de ce nom et de ce sang se rassemblent par
députation dans une forêt ; les augures des pères, l’effroi des vieux
âges l’ont rendue sacrée ; et c’est en immolant officiellement un
homme qu’ils célèbrent les horribles prémices de rites barbares. Il est
encore, en rapport avec ce bois, une autre manifestation de respect
sacré : nul n’y entre sans être attaché par un lien … (39,1-3)
!  Pourtant, entre Tollund et Tacite il y a plus de 500 ans et 1400 ans
entre Tollund et Adam
Pendaison rituelle dans la Gautreks
saga (XIIIe siècle)
!  Il y avait un pin non loin flanqué d’une haute souche. Le pin avait
une fine branche proche du sol, mais elle remontait dans le
feuillage. Les serviteurs étaient alors occupés à préparer le repas.
Un veau avait été abattu et on en avait retiré les entrailles. Starkaðr
demanda les entrailles de l’animal puis se hissa sur la souche, tira à
lui la branche et y attacha les entrailles. Puis Starkaðr dit au roi :
« Votre gibet est prêt, ô roi, et il ne me semble pas trop
dangereux. Venez ici et je vous passerai la corde au cou. » …
Après cela, le roi monta sur la souche. Starkaðr lui passa la corde
au cou et descendit. Puis il frappa le roi d’une baguette de roseau.
“Maintenant je te donne à Odin”, dit-il. Starkaðr lâcha alors la
branche, le roseau se transforma en lance perçant le roi, la souche
se déroba sous ses pieds, les entrailles se transformèrent en un
nœud solide, la branche se redressa et emporta le roi dans le
feuillage où il mourut.
Bruce Lincoln et l’analyse de discours
!  Les mêmes questions déstabilisantes et irrévérencieuses que l’on
peut poser à n’importe quel discours ou énoncé peuvent
également être posées au discours religieux. La première de ces
questions est : « Qui parle ? », c’est-à-dire quelle personne,
groupe, ou institution est à l’origine d’un texte, quel que soit
l’auteur supposé ou avéré dont le texte se revendique. Puis : « À
quel public s’adresse-t-il ? Dans quel contexte immédiat ? À
travers quels supports ou médias ? Avec quels intérêts ? » Mais
encore : « De quoi le(s) locuteur(s) cherche(nt)-t-il(s) à
convaincre l’audience ? Quelles seraient les conséquences, s’il(s)
devai(en)t réussir ? Qui gagne quoi, et combien ? Inversement, qui
perd ? » (Bruce Lincoln, « Theses on Method », MTSR, 8 (1996),
225-27)
Sacrifice humain et altérité
!  Qui pratique le sacrifice humain?
!  Jamais «je»
!  Le rite participe de l’altérité
!  Ethnique (ce sont les barbares germaniques et non les Romains
pour Tacite)
!  Temporelle (on faisait cela dans la nuit des temps mais pas
aujourd’hui)
!  Religieuse (ce sont les païens qui le font pas les chrétiens)
Snorri Sturluson (1178-1241)
Chef laïc islandais et poète.
“Auteur” des sagas du roi Olaf
Tryggvason et du roi Hakon le bon
Ces sagas font partie de la
collection intitulée Heimskringla
(c.1230).
Illus. De Christian KROGH inSnorre
Sturluson, Heimskringla, 1899.
Le roi Olaf, sacrificateur d’êtres
humains
!  Le roi Olaf était avec ses bateaux dans la rivière Nið (sur le site de l’actuelle
Trondheim), il avait trente navires et une belle et grande troupe […] le roi Olaf
organisa un grand banquet à Hlaðir et envoya des invitations vers Strind, par le
Gaulardalr ainsi que l’Orkadalr et y invita des chefs et d’autres paysans importants.
[…] Le premier soir il y eu une belle et très généreuse fête. Les gens étaient très
soûls. Tous y dormirent en paix cette nuit. Le lendemain matin, lorsque le roi fut
habillé, il fit chanter les heures et lorsque la messe fut finie, le roi fit convoquer
une assemblée. Tous ses hommes débarquèrent et s’y rendirent. Lorsque
l’assemblée fut ouverte, le roi se leva et prit la parole : « Nous avons tenu une
assemblée à Frosta. J’y invitais alors les paysans à accepter le baptême, mais ils me
demandèrent en retour de me tourner vers les sacrifices comme l’avait fait le roi
Hakon le bon. Nous nous sommes mis d’accord de nous retrouver dans le More
(une région au sud de Trondheim) et y accomplir un grand sacrifice. Mais si je dois
me tourner vers les sacrifices avec vous, alors je veux accomplir le plus grand
sacrifice que l’on connaisse et sacrifier des hommes. Mais je ne veux pas choisir
pour ce faire des esclaves ou des criminels ». [Il nomme à cet effet les chefs qu’il a
invité] et dit qu’il voulait sacrifier ces hommes afin de s’assurer de bonnes récoltes
et de la paix et les fit immédiatement saisir
Une autre version de la saga
!  1190, le moine islandais Odd Snorrason rédige sa propre
version de ces événements
!  Offre une comparaison intéressante avec la version de Snorri
puisqu’ils sont en désaccord sur un certain nombre de points
!  Par ailleurs il est presque certain que Snorri a la version de
son prédécesseur devant les yeux lorsqu’il écrit la sienne
La saga d’Olaf Tryggvason par Odd
Snorrason (ch. 54)
!  Le roi n’avait avec lui qu’un seul navire, il s’agissait du Long Serpent.
[Les païens] avaient préparé un sacrifice humain lorsque le roi se
joignit à eux, et ils avaient prévu de forcer le roi à se joindre à eux. Il
y avait beaucoup de monde là. Lorsque le roi arriva il demanda à
entrer [dans le temple] pour voir ce qu’il s’y faisait. Il entra, une
hache à large lame dans la main. Leur évêque sacrificiel
l’accompagnait. Lorsqu’ils pénétrèrent à l’intérieur, l’évêque lui dit
où était chacun de leurs dieux. Thor était au milieu du bâtiment et
recevait le plus d’honneur. Le roi Olaf alla devant Thor. Le roi
brandit la hache et l’enfonça dans l’oreille de Thor, de sorte qu’il
tomba à terre. Après cela, le roi sortit. Et alors qu’il sortait [le chef
des païens] fut tué dehors à côté du temple alors qu’il se tenait au
milieu des hommes du roi. Alors Olaf prit la parole : « Allons les
gars, rappelons-nous que nous augmentons les sacrifices; ne
sacrifions pas des esclaves et des vieux de piètre valeur, mais prenez
vos femmes et chefs et envoyez les aux dieux. »
Deux différences importantes
!  Qui initie le sacrifice humain?
!  Rapport de force
!  Ces différences ont un effet sur l’interprétation du passage et
de la figure du roi
Une brève chronologie
995-1000, Olaf Tryggvason règne en Norvège
1075, Adam de Brême accuse Olaf de pratiquer la magie
noire
1130, Ari Thorgilsson attribue la conversion de l’Icelande
à Olaf.
1190, Odd Snorrason writes his pro-Olaf saga.
1198, Thorlak Thorhalsson devient le premier saint
islandais
1217, Hákon Hákonarson devient roi de Norvège
1220, Suite à une querelle entre Islandais et marchands
norvégiens Hákon menace d’envahir l’Islande
1230, Snorri écrit la Heimskringla
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