6.4. Les clés de la réussite – Gestion des projets : ce qu

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6.4. Les clés de la réussite – Gestion des projets : ce qu’il faut et
ne faut pas faire
Les entreprises sont généralement structurées en divisions fonctionnelles. Elles mettent
de vastes procédures en œuvre pour leurs activités quotidiennes. Mais elles doivent aussi
réagir aux évolutions du marché et innover. Innover signifie sortir des chemins battus et
élaborer des projets. Par Alfons Calders
Les projets sont souvent conduits avec amateurisme. Ce qui crée parfois des situations chaotiques.
Il arrive même que des entreprises dont l'activité est centrée sur les projets ne disposent pas d'une
politique systématique pour les réaliser, les évaluer quand ils sont terminés et corriger leur
méthodologie. Les projets ont donc tendance à dériver, à dépasser les budgets et à ne pas générer
le résultat escompté. On accuse alors la loi de Murphy. si une chose peut mal tourner, elle va
infailliblement mal tourner. En fait, ce qui est en cause, c'est l'absence d'approche non structurée:
on ne prépare pas le projet et on n'effectue pas d'analyse des risques. Autrement dit, il n'y a pas de
gestion coordonnée du projet pendant son exécution.
On peut donc se demander comment mettre en place une gestion de projets structurée pour
devenir plus compétitif et pour mieux réagir aux évolutions du marché. Comment passer d'un
fonctionnement classique à une exploitation planifiée? Industrie Technique & Management s'est
entretenu de la professionnalisation de la conduite des projets avec Bart Niemegeers, directeur
général de Pro Head et consultant spécialisé depuis plus de 15 ans dans l'organisation et la gestion
de projets d'ingénierie et industriels. À l'avenir, il souhaite s'orienter vers le coaching d'entreprises
pour les aider à créer une approche structurée en la matière.
PROJET CONTRE PROCÉDÉ
Commençons par une bonne définition. Cela peut sembler logique, mais un projet est une
commande avec un point de départ, un point d'arrivée et un objectif donnés. En théorie, on
démarre d'un cahier des charges, parfois celui du client. Ce qui est spécifique, c'est qu'on ne peut
pas suivre une trajectoire prédéfinie à 100%. Le succès - le résultat et donc la satisfaction du client
- dépend donc en grande partie de la planification et du suivi du projet. Disposer d'un bon chef de
projet ne suffit pas, il faut aussi une bonne équipe et un itinéraire avec des règles du jeu et des
objectifs clairs, le fonctionnement de l'équipe étant déterminant pour le résultat. Nous parlons ici
d'équipes autogérées. Pour les mettre en place, il faut une approche correcte, de la communication
et.. être capable de gérer un projet. La boucle est bouclée.
Cette autogestion structurée est contraire à l'organisation classique centrée sur les flux, qui répartit
les tâches entre les divisions et les départements spécialisés, ceux-ci reprenant chacun à leur
compte un élément du flux d'exploitation. Des tâches sont convenues, par division et par fonction,
des procédures de travail sont mises en place selon le flux entre les divisions. Ces systèmes sont
aussi mis en œuvre par le management pour l'organisation du contrôle. Cette conception a bien
fonctionné par le passé et s'avère utile quand l'activité essentielle est stable, identique, en
cherchant la rentabilité la plus élevée possible.
Mais il y a le risque que ces systèmes de flux créent des cloisonnements. chaque manager rapporte
vers le haut, dans une structure où il n'ya pas de communication entre les divisions mais
uniquement entre les responsables des divisions.
En cette période où chacun tire la couverture à soi, ces systèmes créent souvent chez les salariés
une mentalité égoïste: « ce n'est pas repris dans la description de mon job » ou « je ne suis pas
évalué pour cela, je n'ai donc pas à le faire » La direction réagit en prévoyant plus de procédures,
en écartant les individus qui travaillent selon leur bon vouloir, en allégeant les organisations qui
deviennent alors des structures offrant peu de possibilités et une flexibilité zéro. Pas évident de
permettre à des activités non liées à des processus, comme des projets, de s'épanouir dans ce
contexte. Le problème, c'est que les marchés sont turbulents et que la technologie évolue vite Pour
pouvoir suivre les opportunités et exploiter de nouveaux créneaux, le travail organisé en fonction
des processus va de plus en plus être perturbé par des tâches qui sortent de l'ordinaire. La solution
consiste à passer d'une organisation basée sur les flux à une organisation (liée ou non à des
processus normaux) qui va structurer et gérer les activités liées aux projets.
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LA BASE D'UN TRAVAIL PROFESSIONNEL POUR LES PROJETS
Pour avoir une chance de les réaliser selon les objectifs et les délais établis, il faut professionnaliser
la gestion des projets. Cette approche repose sur quatre piliers: l'organisation du projet, la gestion
des processus, la gestion du projet et la gestion des individus.
En premier lieu - et c'est systématiquement oublié bien que ce soit élémentaire dans certains
processus -l'organisation, dirigée par le haut, doit soutenir la gestion de projets. Si les procédures
de l'entreprise sont établies de manière telle qu'elles entrent en conflit avec le travail par projets,
ceux-ci seront systématiquement contrariés. L'organisation en divisions, classique pour le
fonctionnement normal d'une entreprise, génère en soi des barrières qui entravent le travail des
équipes fonctionnelles. Il faut donc prévoir, au-dessus de la structure des divisions, une description
des processus qui rende possible une gestion professionnelle des projets La méthode à mettre en
œuvre doit s'inspirer de la nature et de la culture de l'organisation ainsi que de ses activités
essentielles.
Le troisième point, essentiel, est la gestion de projet proprement dite. Car un très bon manager de
projet qui travaille dans un environnement défavorable a peu de chance de faire aboutir un projet.
Les projets sont donc des environnements idéaux pour l'application de la roue de Deming. un cycle
permanent de planifications, de développements, de contrôles et d'ajustements. La gestion du
personnel est la pièce maîtresse de tout projet: il faut laisser une marge de manœuvre suffisante
aux individus pour qu'ils puissent réaliser le travail que j'on attend d'eux dans le projet. S'occuper
d'un projet en plus de sa charge de travail normale est généralement désastreux. Le leader du
projet doit avoir les compétences suffisantes pour maintenir le rythme au sein de l'équipe Et chaque
membre de l'équipe doit avoir la discipline de s'en tenir aux accords convenus et d'organiser une
planification des tâches qui corresponde à celle du projet Un bon projet repose sur une équipe
autogérée et sur une très grande indépendance de la part de chaque membre. Si ce n'est pas le
cas, le management de projet doit alors prévoir - de concert avec les responsables des divisions les
coachs nécessaires pour les membres de l'équipe qui n'ont pas suffisamment de connaissances ou
ne démontrent pas assez d'indépendance. Ce qui est essentiel, c'est qu'il y ait un système
d'évaluation et de rétribution pour les collaborateurs, y compris pour les résultats obtenus dans le
cadre du projet.
NORMES ET POINTS IMPORTANTS
La norme de gestion de projet ANSI (Project Management Body of Knowledge - PMBoK en abrégé)
constitue un bon fil conducteur Elle a été développée en 1987 par le Project Management Institute
(PMI) américain et est parue en 1996 sous forme de livre L'objectif est de décrire l'information et
les méthodologies de travail et de les standardiser Cette norme sert couramment de base pour
développer une méthode spécifique à l'entreprise. Son avantage est qu'elle décrit des techniques
que l'on peut appliquer séparément.
PMBoK établit 9 grands points importants pour une gestion professionnelle des projets. Les voici.
(1) La gestion intégrale des projets et tous ses aspects: le principe est de pouvoir déterminer, dès
le départ, l'objectif, les moyens (équipe, logistique, achats des pièces) et le planning, mais aussi
d'établir au préalable des critères pour la maîtrise du planning et des délais, jusqu'à la
détermination des détails comme le contenu des réunions (le suivi des résultats), la description des
tâches secondaires, l'établissement de rapports d'états d'avancement, la communication des
résultats intermédiaires et la méthode d'avertissement concernant les risques, les ajustements et
les obligations des initiateurs à cet égard Et pendant le projet, ce plan doit être suivi intégralement
et géré.
(2) La gestion de l'objectif du projet: à partir de l'objectif, fixé dans le plan, il faut contrôler que les
actions s'inscrivent dans la mission initiale, que l'on obtient les résultats attendus et que l'on
continue de respecter les KPI (les indicateurs-clés de performance) pendant la réalisation.
(3) La gestion du temps: pendant tout le déroulement du projet, il faut rester attentif à
l'avancement du projet, de manière à ce qu'il soit bouclé dans les délais convenus.
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Il convient de veiller à mettre en place un système qui permette de tenir à jour les plannings de
toutes les parties intéressées. Pensez à ce propos aux diagrammes de Gantt (présentation visuelle
de l'avancement d'un projet).
(4) La gestion des coûts: contrôler et gérer pour que le projet soit finalisé dans les limites
budgétaires.
(5) La gestion de la qualité vérifier que le projet réponde à toutes les exigences établies
contractuellement par le donneur d'ordre. Ce point doit bien être préparé au préalable. quelle est la
définition de la qualité (qui doit être atteinte, qu'il est essentiel d'atteindre, qu'il n'est pas
nécessaire d'atteindre .. ), quels sont les points de mesure cruciaux, les critères, les fréquences des
mesures, les rapports de résultats et de traçabilité pendant les différentes phases du processus?
Ensuite, pendant tout le processus, la qualité doit être répertoriée et documentée de manière
rigoureuse. Très important: lorsque le projet est finalisé, une évaluation à posteriori de la qualité de
l'itinéraire du projet doit être prévue ainsi que les corrections apportées afin d'éviter des écueils lors
du prochain projet.
(6) La gestion des risques: il est très important, dès le départ, d'estimer les risques à intervalles
réguliers pendant le déroulement du projet. Par ailleurs, dès le démarrage et chaque fois que de
nouveaux risques sont détectés, il faut mettre des opérations sur pied pour maintenir sous contrôle
les déraillements potentiels. Cette analyse des risques évolutive est souvent négligée, alors que ce
sont les anomalies non prévues qui provoquent les retards et les dépassements de budget. En
d'autres termes, ce sont elles qui font que les projets ne conduisent pas au résultat souhaité.
(7) La gestion du personnel. il est logique, lors de la composition de l'équipe, que toutes les
compétences soient réunies au sein de l'équipe de projet ou que l'on puisse y faire appel au
moment opportun. Mais pendant le projet, cette disponibilité doit rester activée et il faut donc y
prêter attention Parfois, on oublie d'étudier au préalable comment évaluer les personnes, comment
acquérir les compétences utiles via le coaching, la formation complémentaire ou des renforts. De
nombreux projets trébuchent sur une sous-estimation ou une estimation erronée des compétences.
(8) La gestion de la communication: communication sur les accords, installation des lignes de
reporting.
(9) La gestion des achats: contrôler si ce qui est nécessaire est commandé à temps et disponible.
MATURITÉ DU PROJET: LA MESURE ZÉRO
Il faut donc contrôler de nombreux éléments - même avant le démarrage - pour que le projet
réussisse. Tant au niveau de l'organisation de l'entreprise que des aspects spécifiques liés au projet
et à l'équipe. Le concept de maturité renvoie à la capacité d'une entreprise de mener à bien des
projets. Il est donc utile de vérifier où elle se situe en la matière. Ceci peut se faire en réalisant une
mesure zéro des quatre domaines cités plus haut.
Cette mesure zéro - qui est généralement réalisée par un consultant spécialisé en gestion de projets
- consiste à analyser la manière dont le projet est documenté au départ, le poids de l'équipe du
projet, le sérieux de la gestion des risques et la pertinence des outils mis en œuvre. S'y ajoutent
une évaluation des méthodologies et un contrôle de la relation entre le processus des projets et les
processus de l'entreprise.
La mesure zéro indique où on se situe dans chacun des composants qui contribuent à une
gestion professionnelle des projets Grosso modo, la maturité de chaque domaine doit se situer à un
niveau similaire. Ainsi, cela ne fonctionne pas si les chefs de projet doivent travailler selon une
méthode certifiée alors que dans le cadre de l'organisation des projets, aucune gestion n'est prévue
pour le planning des ressources. Ou si le donneur d'ordre ne tient pas son rôle, ou encore si le
management prend la place du chef de projet, etc. Il faut un équilibre. La mesure zéro radiographie
la situation de l'organisation et peut être un point de départ pour faire évoluer l'organisation à un
niveau supérieur.
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D'UNE STRUCTURE PAR DIVISION À UNE STRUCTURE PAR PROJET
Tout ceci peut sembler lourd et conduire à penser que le jeu n'en vaut pas la chandelle pour de
petits projets. On veut raccourcir le délai de mise sur le marché et réaliser des améliorations le plus
rapidement possible On économise donc sur la gestion de projets Pour les grands projets, on s'est
généralement tellement battu pour atteindre les objectifs et respecter les délais que souvent, il n'y
a pas de réflexion après coup Conséquence de nombreuses entreprises obtiennent un résultat
(souvent négatif), mais elles ne se rendent pas compte des économies qu'elles auraient pu réaliser
grâce à un gestionnaire professionnel de projets. Problème supplémentaire, qui n'est souvent même
pas perçu il est impossible dans ces conditions d'élaborer un programme d'amélioration.
Mais pour les entreprises, une vraie culture de projets devient de plus en plus importante. Elles
doivent s'adapter de plus en plus vite aux évolutions des marchés. Et ces adaptations réclament des
progrès uniques, discontinus. Des projets donc. On parle toujours d'innovation, d'évolutions rapides
de produits et des marchés, mais on oublie que la réussite dépend entièrement de la manière dont
une entreprise est structurée. il faut ainsi passer d'un fonctionnement orienté vers les divisions à un
fonctionnement orienté vers les projets. En d'autres termes, il faut disposer d'une organisation
capable de prendre en charge des projets (qui se déploie parallèlement à la structure de division),
d'une méthodologie adaptée et d'un personnel qui peut penser et travailler en fonction des projets à
terme, une entreprise - qui dispose aujourd'hui d'un responsable de l'environnement, d'un manager
de la qualité, d'un chef de la production et d'un directeur général - aura aussi dans son équipe de
direction un directeur de projet professionnel, qui se chargera du PMO - Project Management Office.
Un PMO ne dirige pas les projets mais gère le cadre. Il déploie la méthode de gestion des projets,
développe les méthodes standards et les modèles et s'implique dans le développement des chefs de
projets par le coaching et la formation. En outre, le PMO peut se charger des rapports de gestion
pour que tout soit clair.
Bart Niemegeers résume ce passage d'une organisation structurée par divisions vers une
organisation orientée vers les projets comme ceci: « Une entreprise doit se défaire des procédures
rigides et passer à une structure de projet systématique. Travailler par projet peut (et doit) être
structuré. Travailler par projet doit devenir une nouvelle manière de vivre, une nouvelle philosophie
qui supplantera la philosophie hiérarchique obsolète. Les entreprises qui ne feront pas la transition
rateront le positionnement de leurs produits et de leurs prix dans le marché. »
www.industrie.be
INDUSTRIE TECHNIQUE & MANAGEMENT – Mars 2013
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