VOTRE LABORATOIRE DE BIOLOGIE MÉDICALE Votre bulletin d’information sur la biologie médicale Bilharzioses autochtones ÉDITORIAL Chickungunya, dengue, bilharziose… ces pathologies doivent-elles désormais faire l’objet d’un nouveau classement, de tropical à endémique? Certes, cela reste anecdotique mais quand le moustique tigre rôde aux portes de Paris, il faut réviser nos classiques en infectiologie tropicale. Encore un effet du réchauffement climatique ! À ce titre, l’épidémie de bilharziose dans la modeste rivière Cavu, en Corse, est un cas d’école qui a pour le moins servi à occuper ministères, ARS et parasitologues. Quitte, accessoirement, à saturer nos confrères corses et à paniquer touristes et populations locales. Le laboratoire vous rappelle comment il peut vous être utile. Document édité par SAS LABSTER. 335, rue du Chêne Vert - 31670 Labège Tél. : 05 61 55 91 08 - Fax : 05 61 00 17 99 Société fondée par R. Fabre, J. Canarelli, J-F. Roubache, B. Rousset-Rouvière et B. Sébé. Directeur de la publication : R. Fabre. Comité de rédaction : A. Leriche, A. Millaret, F. Pfaff, J. Peretti, D. Taourel, P. de Welle. Imprimé par l’imprimerie Ménard 2721 La Lauragaise 31670 Labège • Parution Février 2015 Numéro ISSN : 2104 - 2136 LABINFO | N°29 N°29 DÉPISTER POUR TRAITER AU BON MOMENT DES CAS RÉCENTS EN FRANCE La maladie a été signalée en Corse au printemps 2014. Après investigation, 90 cas d’infection par S. haematobium ont été recensés (chiffre 26/11/2014) dans 15 régions françaises. Toutes les personnes concernées ont fréquenté les eaux de la rivière Cavu en Corse durant l’été 2013 (deux cas possibles en été 2011). La moitié d’entre elles a moins de 16 ans. Vingt-quatre personnes présentent des signes d’atteinte des voies urinaires (hématurie) compatibles avec une bilharziose. Jusqu’ici les bilharzioses sévissaient principalement dans les zones tropicales et subtropicales d’Afrique (90 % des cas) et, dans une moindre mesure, au Brésil, au Moyen-Orient et en Extrême-Orient. INFECTION EN EAUX DOUCES Les bilharzioses, ou schistosomiases, sont des maladies parasitaires dues à des vers plats, les schistosomes. La présence d’œufs dans les urines ou les fèces assurent la dissémination dans l’environnement. S. haematobium est le seul parasite strictement humain. Le cycle de vie de S. haematobium fait intervenir successivement un mollusque d’eau douce (le bulin) puis l’homme. La contamination humaine se produit par voie transcutanée après contact avec de l’eau douce infestée. Lors de la reproduction, les femelles produisent des œufs qui s’embolisent et forment des granulomes dans les tissus, responsables des symptômes et des complications de la maladie. Il n’existe pas de transmission interhumaine du parasite. Les formes asymptomatiques sont fréquentes (un cas sur trois) et les parasites adultes peuvent persister 5 à 8 ans dans l’organisme. FORMES CLINIQUES Trois phases cliniques correspondent aux différents stades évolutifs du parasite chez l’homme. STADE INFECTION DISSÉMINATION LARVAIRE Durée En quelques minutes Pendant plusieurs semaines Signes cliniques évocateurs - Asymptomatique le plus Démangeaison dermatite des nageurs souvent - Symptomatique : maux de tête, fatigue, douleurs musculaires et articulaires, toux, fièvre PHASE D’ÉTAT Après 2-3 mois Forme urogénitale : - Hématurie terminale - Hémospermie - Pollakiuries - Cystites à répétition - Coliques néphrétiques Il existe d’autres formes de bilharzioses provoquées par d’autres schistosomes : intestinales, rectales, hépatiques. Des manifestations cardio-pulmonaires, neurologiques et cutanées peuvent également survenir selon le territoire de ponte du ver. FICHE PRATIQUE LA SÉROLOGIE AU CŒUR DU DIAGNOSTIC Bien que facilité par la notion de voyage en zone endémique par un bain exposant, le diagnostic ne peut être posé sur les seuls arguments cliniques, les formes asymptomatiques étant fréquentes. La sérologie permet le dépistage de la bilharziose urogénitale. Elle doit associer en dépistage deux techniques (ELISA et hémagglutination) et si possible avec deux antigènes parasitaires de stades différents (œuf et parasite adulte). Le Western Blot est la technique de confirmation utilisée en cas de résultats discordants des techniques de dépistage. La sérologie doit être complétée par la recherche d’œufs dans les urines du matin ou dans une urine après une marche forcée pour poser le diagnostic final. Le traitement repose sur la prise de praziquantel pendant la phase d’état, à raison d’une dose de 40 mg/kg en une ou deux prises le même jour. Le traitement est inactif pendant la phase de dissémination larvaire. La réinfection reste possible après traitement. Pour l’heure, aucun vaccin n’est disponible. LA PRÉVENTION EXPLIQUÉE Compte-tenu de l’importante de la transmission de la maladie, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) recommande de s’abstenir de tout contact avec de l’eau douce dans les zones à risque (la rivière Cavu en Corse-du-Sud). Les baignades en eau chlorée ou en eau de mer sont quant à elles sans risque. En France, le dépistage est indiqué pour toute personne ayant été en contact cutané, même bref, avec l’eau de la rivière Cavu à partir de l’été 2011, du 30 juin au 1er septembre. Pour interrompre la transmission du parasite, il est nécessaire de traiter toute personne infectée, même en l’absence de symptômes, et d’éviter d’uriner dans les eaux douces. RECHERCHE ET PRISE EN CHARGE D’UNE BILHARZIOSE UROGÉNITALE Bain exposant en zone à risque et/ou signes cliniques évocant une bilharziose urogénitale au stade chronique => dépistage d’une infection à S. haematobium Anomalie des cellules glandulaires Double sérologie bilharziose ELISA + hémagglutination (confirmation par WB si discordance) recherche d’œufs dans les urines – + Bilharziose confirmée Absence de bilharziose Bilan complémentaire Traitement Si < 8 semaines depuis 1er contact contaminant Différer le traitement * La déxaméthasone diminue la concentration plasmatique du praziquantel. Si > 8 semaines depuis 1er contact contaminant => patient sous déxaméthasone * ? Non => praziquantel 1 dose 40mg/kg en 1 ou 2 prises dans la journée Oui => arrêt + 8 jours => praziquantel 1 dose 40mg/kg en 1 ou 2 prises dans la journée Créatinémie, échographie rénale et EPU, NFS selon contexte Suivi => examen clinique, bandelette urinaire, éosinophilie, recherche de parasites dans les urines Si échec => demander avis spécialisé + nouveau traitement après 6 mois RÉFÉRENCES > « La surveillance de la bilharziose urinaire autochtone en France », Institut de Veille Sanitaire, juin 2014 > Avis relatif au dépistage et au traitement des infections à Schistonoma haematobium, HCSP, 23 mai 2014 > Schistosomoses ou bilharzioses, Actualités 2014, Pr Pierre Aubry – www.medecinetropicale.free.fr > Prise en charge des personnes potentiellement exposées à la bilharziose en Corse à la suite d’un contact avec l’eau de la rivière Cavu, DGS, juin 2014 > Schistosomiasis haematobium, Corsica, France. Berry A et al. Emerg Infect Dis. 2014 sep; 20(9):1595-7. LABINFO | N°29