32 Signatures Tribune de Genève | Jeudi 3 novembre 2016 Rencontre avec Sévane Garibian Guidée par le droit et la danse Encre Bleue O Une cliente d’exception Sophie Roselli n pensait la rencontrer dans son bureau à l’Université de Genève. Elle nous invite dans un de ses lieux de prédilection: la Maison des arts du Grütli. Sévane Garibian, un esprit scientifique exigeant dans un corps de danseuse, aime brouiller les pistes avec malice. Rencontre avec une femme lumineuse qui consacre sa vie à une thématique sombre. Professeure boursière du Fonds national suisse au Département de droit pénal de la Faculté de droit de Genève, Sévane Garibian est spécialiste de la justice pénale internationale, de la philosophie du droit et des droits humains, si chers à son premier mentor, le Pr Robert Roth. Elle vient de publier un ouvrage collectif consacré à «La mort du bourreau». Cette réflexion sur le cadavre des criminels de masse, c’est «parler du tabou dans le tabou», relève-t-elle. «Comment sont-ils morts? Que faire de leur dépouille? Que faire de la mémoire de leurs crimes et de leurs victimes? Des experts apportent dans leur domaine – le droit, l’histoire, l’anthropologie, la sociologie, la littérature et la psychologie – une réponse à ces questions à travers des cas symptomatiques», explique la pédagogue. Tels que ceux d’Oussama ben Laden, du colonel Kadhafi, de Slobodan Milosevic ou encore de Talaat Pacha, principal responsable du génocide des Arméniens, que Sévane Garibian a choisi pour sa part de passer au crible. Génocide arménien Ce projet résonnerait-il avec son histoire personnelle? «A votre avis? sourit-elle. Ma famille a directement été touchée par le génocide arménien. En fait, je m’appuie sur mon histoire pour la dépasser et enrichir mon travail de chercheuse et d’enseignante en droit.» Dans sa famille, c’est elle qui récolte les archives, les photos, pour préserver la mémoire. Mais de cet «espace privé», elle préfère ne pas trop parler. Née à Genève, d’un père industriel et d’une mère pianiste, la binationale suisse et égyptienne grandit au Caire, bénéficiant d’une éducation «fondée sur le travail et la créativité», dans un esprit multiculturel. De sa grand-mère maternelle, elle garde une grande admiration. Rescapée du génocide arménien, elle a étudié la philosophie à la Sorbonne dans les années 20 et a travaillé toute sa vie en élevant seule ses cinq enfants. «On m’a tou- La culture et l’art occupent une place importante dans la vie de la professeure de droit Sévane Garibian, ici au Grütli. O. VOGELSANG Bio express 17 octobre 1973 Naissance à Genève. Juin 1991 Bac au Lycée français du Caire. Décembre 2007 Doctorat à Paris. Février 2012 Retour à Genève après ses recherches postdoctorales à Buenos Aires et Barcelone, lauréate du programme «Boursières d’excellence» de l’UNIGE. Mars 2016 Dirige au sein de la Faculté de droit de Genève une équipe de recherche dans le cadre de son projet «Right to Truth, Truth(s) through Rights: Mass Crimes Impunity and Transitional Justice». Novembre 2016 Publie «La mort du bourreau», Editions Petra, Paris. Le dessin par Herrmann jours transmis qu’une femme était l’égal de l’homme et pouvait tout faire, exprime Sévane Garibian. On m’a transmis le fait que la vie est un miracle. J’aime profondément la vie! Vous savez, il faut être très équilibrée dans sa tête pour traiter de sujets aussi lourds.» Danseuse semi-professionnelle Dans sa tête et dans son corps. Si la quadragénaire – «jeune», rit-elle – aux solides racines enchaîne facilement plus de douze heures de travail par jour, par habitude, pas par servitude, sa vie s’enrichit d’une autre sève. Durant ses études à Paris, où elle a obtenu son doctorat, la sylphide a dansé à un niveau semi-professionnel, notamment à l’Olympia. Voilà qui nous ramène au Grütli, où elle a suivi les cours de la danseuse contemporaine Noemi Lapzeson, de la tanguera Mariela Casabonne, avant de se concentrer sur le flamenco. Le cinéma est son autre moteur. Tentée par la réalisation, elle intègre pour le moment l’image dans ses cours de droit, comme outil pédagogique, dans un souci de «décloisonner l’université», détaille la volubile, dont on devine qu’elle détonne dans le milieu universitaire. Elle collabore aussi à des festivals de films, notamment celui des droits humains (FIFDH) à Genève, en tant que membre du conseil scientifique. Faire circuler le savoir, transmettre, construire des ponts, créer, viser l’excellence. Ces mots-clés guident cette passionnée, en couple avec un historien et chercheur, lui aussi. C’est clair, pour Sévane Garibian, «la vie est trop courte»! Il fut un temps où les poètes avaient toujours raison. Aujourd’hui, c’est l’informatique qui détient ce privilège. La preuve? Elle sait mieux que vous le jour et l’année de votre naissance… L’histoire ne date pas d’hier, mais rien que d’y penser, Fanny en rit encore. Allez, je vous la raconte. Pour renouveler son abonnement demi-tarif CFF, chose qu’elle ne fait pas chaque année, elle doit remplir de la paperasse pour s’identifier. Ce qu’elle fait. Elle reçoit quelques jours plus tard un courrier étonnant. On ne peut pas lui refaire son abonnement car il y a erreur dans les données transmises. Bizarre, dit Fanny. Où est le problème? Eh bien, lui écrit-on en retour, votre date de naissance est fausse. Tiens donc! s’exclame la dame. Je ne suis pas folle au point d’ignorer quand j’ai vu le jour. Elle vérifie la date qu’elle a donnée. C’est la bonne. Non, lui réplique-t-on aux CFF. Chez nous, vous êtes née le 1er janvier 1860… Au secours!!! répond la quinquagénaire dans le courriel suivant. Ça ne vous a pas traversé l’esprit qu’à 144 ans, l’âge que j’ai selon vous, je ne serais plus en état de prendre le train? Ou alors, ce serait le scoop du siècle! Ben non, ça ne leur a pas fait tilt, aux CFF. Pire. Ils n’ont pas voulu corriger la faute enregistrée dans la machine sans preuve à l’appui. Le doute, toujours. La cliente a donc dû photocopier sa carte d’identité pour prouver ses dires. «Tout de même, vu l’âge exceptionnel que vous me prêtez, vous pourriez m’offrir l’abonnement.» Dans ses rêves! Fanny a enfin reçu son demi-tarif. Mais avec la facture… Les CFF ont toujours raison! Retrouvez les chroniques de Julie sur encrebleue.blog.tdg.ch ou écrivez à [email protected] Genève au fil du temps Boissonnas Genève (IV/V) En 1958, Paul Boissonnas transfère l’atelier de photographie dans son appartement du 24, rue de Candolle. Il y reste jusqu’en 1969, date à laquelle son gendre, Gad Borel, reprend la direction des affaires. Celui-ci s’installe d’abord au boulevard des Philosophes puis à la rue Saint-Léger, où il ouvre en 1971 la Galerie des Philosophes, que l’on voit ici. Il y expose des photographies en parallèle avec d’autres formes d’art, telle la peinture. Dès 1975, l’espace est renommé Canon Photo Gallery. CENTRE D’ICONOGRAPHIE DE LA BIBLIOTHÈQUE DE GENÈVE (BOREL, v. 1971) Les images du Centre d’iconographie de la Bibliothèque de Genève sur www.fildutemps.tdg.ch Contrôle qualité