Quartiers Santé

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Quartiers ~ Santé
Médecine dans la ville ~ Notre santé aujourd’hui et demain
ÉCHANGES de points de vue avec des professionnels sur la médecine de proximité et la continuité des
soins, la prévention et l’accueil ~ ÉCHANGES d’expériences avec les habitants et les usagers de Paris ~
ÉCHANGES pour connaître, réagir et participer aux nouveaux projets de santé
Entretien avec le Dr MARC COHEN, Directeur du Centre Médico-Social de l’OSE, Directeur du Centre de Jour
Edith Kremsdorf, Responsable de l’Action International de l’Association OSE
Centre Médico-Social de l’OSE – 106 rue Vieille du Temple – 01 48 87 87 85
Centre de Jour Edith Kremsdorf – 16 rue du Pont aux Choux – 01 44 59 92 22
Quelles sont les offres de soins du Centre MédicoSocial ?
Ce dispensaire offre toutes les spécialités médicales à
8500 patients par an ; il dispense des soins dans près de
25 spécialités. 70 personnes y sont salariées (15
équivalent temps plein) et sont aidés par de nombreux
bénévoles. En plus de la Planification familiale,
l’accompagnement psychologique des personnes
fragilisées, handicapées ou isolées tient une grande
place dans cet établissement. Le soutien social est une
priorité. L’action la plus remarquable concerne les
personnes âgées auxquelles nous proposons des bilans
des troubles de la mémoire, des ateliers mémoire et
créativité, des évaluations de la maladie d’Alzheimer…
Le Centre de Jour
Edith Kremsdorf accueille les
personnes atteintes de troubles neurodégénératifs ; il est
actuellement ouvert quatre jours par semaine. Très
récemment, la Ville de Paris a décidé de prendre à sa
charge une grande partie du coût journalier de ce type
de centre pour le rendre accessible au plus grand
nombre.
Tout cela est très rassurant…
Vous savez, la santé, c’est tout de même très compliqué
aujourd’hui ! Nous vivons à une époque particulière. Les
gens se portent de mieux en mieux. Nos sociétés ont fait
d'immenses progrès en matière de soins, d'hygiène et de
qualité de vie. La généralisation du chauffage par
exemple. Nous vivons de plus en plus vieux. Cela coûte
cher. Nous, citoyens, avons des exigences qui dépassent
les moyens économiques du pays et c’est là où la
question peut devenir politique…Le système en général
est remis en question. Tous les centres de santé sont
menacés !
Avez-vous une réponse ?
Avant tout la prévention ! Sur le plan national, regardez
les exemples récents et constatez l’efficacité des
mesures prises. Grâce aux modifications des pratiques
alimentaires pour lutter contre le cholestérol depuis les
années 70, les accidents vasculaires, les hémiplégies
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ont considérablement diminué. La limitation de vitesse sur
la route réduit de façon spectaculaire le nombre de morts
et d’accidentés. Les effets de la lutte contre le tabac se
feront sentir dans les années à venir. Les médecins
considèrent la baisse de la consommation du tabac
comme une véritable victoire sociale.
On peut aussi parler du SIDA !
Effectivement. Et si à court terme, la prévention est une
politique coûteuse, elle permet des économies
importantes à long terme. On revient ainsi à définir une
politique de santé publique : c’est l’investissement que la
société accepte de faire pour la prévention.
Alors, dans l’idéal, on ne doit payer son médecin que tant
qu’il nous maintient en bonne santé ?
La prévention, c'est effectivement une révolution à faire
dans l'esprit des patients comme dans celui des
médecins. Ma formation professionnelle m'a appris à
guérir et à faire des interventions spectaculaires pour
traiter le malade. Nous devons aussi apprendre à prévenir
la maladie, à mieux suivre les patients dans la durée et
prendre le temps de les informer.
A ce propos, il existe des pathologies où la mise place de
la prévention est urgente : cancer du colon, de la
prostate, de l’utérus… C'est sur ces maladies qu'il faut
réinvestir immédiatement l'argent économisé par les plans
de prévention déjà en vigueur. De même qu’il faudra
réinvestir sur le plan national en luttant contre la pollution
et ses conséquences : asthmes et allergies.
Vous préconisez donc de revenir à un « médecin de
famille », qui établit avec son patient une relation de
confiance, disparue aujourd’hui ?
Oui, c’est essentiel un médecin qui connaît l’histoire
individuelle et familiale, les antécédents. Il joue un rôle
important dans la prévention. La révolution de la pilule
dans le domaine de la contraception nous a montré
l’exemple : si les femmes ont statistiquement une meilleure
santé que les hommes aujourd’hui, c’est bien parce
qu’elles bénéficient d’un suivi médical. On doit vraiment
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Ce courrier vous est adressé par les Conseils de Quartier de Paris Centre : Saint-Gervais (4°) et Temple (3°). Nous invitons tous les parisiens et
Conseils de Quartier que le sujet intéresse à nous contacter à l’adresse suivante : [email protected] ou au 01 44 54 75 28.
retrouver le temps de parler. Je prends un autre exemple,
celui de la migraine. Le médecin de famille écoute le
patient inquiet qui
veut des réponses rapides. En
l’absence de temps pour l’écoute, le médecin prescrit
souvent des examens coûteux pour rassurer le patient.
C’est une facilité qui coûte à la collectivité !
Si nous retrouvons le temps de parler, la plupart de ces
examens peuvent être évités. Ce temps doit être reconnu
à sa juste valeur, payé. On doit freiner la course actuelle
aux actes et à la rentabilité immédiate.
en 1933 pour rejoindre la Suisse puis la France. Ils fondent
13 centres de santé sous le nom d’O S E (Œuvre de
Secours aux Enfants). Ils entrent dans la Résistance avec
Jean Moulin en 1940, sous la direction de Mr Garel, et
prennent en charge les enfants de familles juives
déportées et les « enfants cachés ».
Ils font passer 9000 enfants en zone libre avec l’aide de
familles françaises catholiques ou protestantes ou encore
laïques. Après la guerre, l‘OSE recueille les orphelins quelle
que soit leur origine, et bénéficie de l’Aide Sociale à
l’Enfance.
Et pour les examens et le recours aux spécialistes, à qui se
fier ?
Dans un premier temps, l’essentiel c’est de faire un bon
diagnostic. Il y a des progrès à faire sur ce sujet, sans
doute en utilisant mieux le dossier médical. C'est aux
médecins de famille d’établir ce diagnostic et ils doivent
être formé en conséquence.
Par ailleurs, il est vrai que les examens complémentaires
d’aujourd’hui donnent accès à une information de
qualité et cela peut être précieux. Entre une palpation de
l’abdomen et une échographie abdominale, il n’y a pas
photo ! Les analyses PSA (Prostate Spécific Antigen) pour
le dépistage du cancer de la prostate peuvent donner
des informations riches.
Enfin, je suis partisan du double avis. Le double avis est à
mes yeux un régulateur qui permet de ne pas
nécessairement recourir aux examens les plus coûteux,
comme l’Imagerie à Résonance Magnétique ou le
scanner. D’une part le médecin essaie de faire des
économies, d’éviter la prescription inutile, d’autre part il
cherche à se couvrir juridiquement. Le double avis donne
à la décision concernant la prescription coûteuse une
meilleure sécurité au patient et favorise la discussion entre
les professionnels.
Et aujourd’hui ?
Nous continuons cette oeuvre en faveur des enfants, en
maison d’enfants, en placement familial ou en milieu
ouvert. Dans le centre de Paris, nous avons aussi un
Centre Médico Psychologique, rue Ferdinand Duval, 4ème.
Nous n’oublions pas les enfants cachés qui ont
maintenant plus de 70 ans… Nous avons créé un café
pour les survivants de la Shoah au 19, rue du Pont-auxChoux dans le 3ème. Notre centre de santé, rue Vieille du
Temple recueille aussi leur mémoire ; le Centre de Jour
Edith Kremsdorf soigne les plus âgés avec troubles
cognitifs. L’OSE a également créé une « maison des
sources », inspirée par la maison verte de Françoise Dolto,
rue Julien Lacroix, dans le 20ème. Depuis la fin de la guerre,
ces centres sont bien sur ouverts à tous sans distinction de
confession.
Le double avis entre qui et qui ?
Entre deux médecins, qu’ils soient généralistes ou
spécialistes. Deux avis deviendraient alors conseillés pour
que l’examen soit pratiqué et remboursé.
Et vous ne craignez pas qu'avec ce suivi médical, on
remette en cause la liberté du choix du médecin ?
On peut le craindre. Mais des choix sont nécessaires si on
veut assurer une bonne qualité pour tous.
Vous savez, pour faire des économies, on a crée le
numerus clausus, destiné à diminuer l'offre de praticiens
dans l'esprit de baisser la consommation. Résultat ? Des
départements entiers sont ainsi privés de neurologue ou
de gynécologue ! Quelle liberté quand on n’a plus de
praticien ?
Toutes ces mesures mettent-elles en danger l'égalité des
soins pour tous ?
En France et jusqu’à présent, tout le monde peut avoir
accès au meilleur des soins. C'est cela notre acquis et
c'est cela qu'il faut défendre !
La prévention, le recours à un médecin traitant, le dossier
médical partagé, le double avis sont à mon
sens des solutions concrètes pour faire les économies là où
elles sont efficaces et possibles. On se redonne ainsi les
moyens économiques des exigences dont nous parlions
au début, et in fine on protège ces acquis.
Racontez-nous l'histoire du Centre OSE.
Initialement, c’est une association fondée en 1913
à St Petersbourg par des médecins juifs et communistes. Ils
se soucient justement d’organiser
la prévention des
fléaux de l’époque : tuberculose, syphilis, malnutrition…
En 1918, ils sont expulsés de Russie et se réfugient en
Autriche et en Allemagne où ils créent une association
juive laïque dont Albert Einstein est le président. Ils fuient
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Avez-vous des projets ?
Nous souhaitons nous adresser à ceux qui ne peuvent plus
se déplacer en adaptant leur environnement à
l’handicap, aider à aménager les appartements
permettant le soutien à domicile, et en évitant tous les
inconvénients de l’hospitalisation.
Nous rêvons de créer un « hôpital de jour pour les troubles
du comportement » pour les arrondissements du centre
de Paris. Nous souhaitons développer le dépistage
précoce de la démence, favoriser le travail de réseau, la
formation informelle des soignant, aidants familiaux et
volontaires.
Et à court terme?
Contre vents et marées, garder un service de prévention
et d'accompagnement pour les personnes fragilisées par
la précarité, la maladie physique ou psychique,
l’isolement, le grand âge.
Développer des lieux d'accueil et de soins pour les
populations plus jeune, marginalisé, non intégrés dans le
tissu social, en particulier les enfants autistes ou
psychotiques.
Rationaliser nos relations avec le dispensaire public de la
rue au Maire, 3ème et proposer des soins complémentaires
aux autres services de soin du secteur, public, associatif
ou libéral.
Dans cette optique, il est indispensable de resserrer les
liens avec les généralistes et médecins traitants du
quartier de façon à utiliser au mieux le plateau technique
offert par le Centre OSE, son service social, son unité de
dépistage et de soins des troubles de la mémoire, de la
maladie d’Alzheimer et affections apparentées.
L‘OSE souhaite préserver ses échanges avec les praticiens
d’autres pays européens confrontés aux mêmes
problèmes, avec Israël où l’expérience des centre de jour
est une des plus riche au monde, ainsi que les soignants
des Pays de l'Est, d’Afrique du Nord, Maroc et Tunisie en
particulier avec lesquels les liens d’amitiés sont anciens et
solides.
Propos recueillis par Richard Toffolet (3ème), Dominique
Brard, Edith David, Jean Rincé (4ème) – Juillet 2004
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Ce courrier vous est adressé par les Conseils de Quartier de Paris Centre : Saint-Gervais (4°) et Temple (3°). Nous invitons tous les parisiens et
Conseils de Quartier que le sujet intéresse à nous contacter à l’adresse suivante : [email protected] ou au 01 44 54 75 28.
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