Les états mixtes entre schizophrénie et troubles bipolaires

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L’Encéphale (2013) 39, S127-S128
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
Les états mixtes entre schizophrénie
et troubles bipolaires
Mixed states between schizophrenia and bipolar disorders
J.-M. Azorin*, R. Belzeaux, E. Fakra
SHU psychiatrie adultes, Pavillon Solaris, Hôpital Sainte-Marguerite, 13274 Marseille Cedex 09, France
La complexité de la notion d’état mixte a été réactualisée par la publication récente du DSM 5 [1]. Une telle
complexité n’est cependant pas nouvelle. On peut déjà
chez E. Kraepelin lire : « Certains signes pathologiques de
la phase antérieure disparaissent rapidement, d’autres
plus lentement, et en même temps, telles ou telles manifestations du nouvel état qui est en train de se former
commencent déjà à surgir. Si l’on prête plus attention à
ces périodes de transition, on sera étonné d’y trouver une
multitude de tableaux d’état qui ne semblent plus guère
conciliables avec les accès classiques. Je crois pourtant que
nous pouvons comprendre ces états si nous admettons qu’ils
procèdent d’une mixtion variée des troubles fondamentaux
de la folie maniaco-dépressive » [2].
En écho au DSM 5, la notion de « mixtions partielles » chez
E. Kraepelin fait déjà Àgure de règle plutôt que d’exception
puisque : « l’extension des troubles partiels qui touchent
chacun des domaines de la vie psychique, dont on pourrait
encore allonger considérablement la liste, étant susceptible de
présenter un grand nombre de degrés, les tableaux cliniques
qui peuvent se composer de l’excitation ou de l’inhibition
plus ou moins intense de telle ou telle opération psychique
sont franchement innombrables » [2]. Parmi ces tableaux,
les manifestations psychotiques ne sont pas en reste car :
« la coloration des représentations délirantes entretient une
relation étroite avec l’humeur, puisqu’il semble exister ici
*Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (J.-M. Azorin).
© L’Encéphale, Paris, 2013. Tous droits réservés.
aussi, nous l’avons déjà dit, des contradictions que l’on peut
justement ramener à l’existence de mixtions de l’humeur.
Mais on observe aussi assez souvent une curieuse mixtion
d’idées dépressives et d’idées de grandeur. La dimension des
persécutions auxquelles les malades sont exposés pourrait
déjà être interprétée dans ce sens » [2].
On ne peut s’empêcher de rapprocher ces propos d’un
travail très récent dans lequel une analyse en cluster de
202 états mixtes sévères montre que l’existence de manifestations psychotiques prend part à la délimitation de 3 clusters
sur 4 : les manies mixtes psychotiquess anxieuses ou irritables,
et les dépressions mixtes psychotiques ralenties [3].
Les relations avec la schizophrénie, en particulier à
travers une notion telle que la « folie discordante » [4],
paraissent naturelles si l’on convient avec E. Kraepelin [2]
qu’« aÀn d’expliquer la fréquente apparition des états
mixtes lors de la transition d’une phase pathologique à
une autre, il sufÀt d’admettre que les troubles partiels ne
se transforment pas en même temps en leurs contraires
mais l’un après l’autre. Dans ce cas, un trouble se sera
déjà transformé en son contraire, alors que dans les autres
domaines, l’état antérieur persiste toujours ». Dans la lignée
de ces propos, Berner opérait une distinction entre états
mixtes stables et instables et faisait au sein des seconds,
de l’alternance rapide d’états d’humeur contraires, la base
d’une déstabilisation du sujet dans son ancrage mondain
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et le facteur essentiel d’apparition de l’humeur délirante
dans laquelle prendraient racine les expériences de type
schizophrénique [5]. Nous avons effectivement pu montrer
qu’au sein d’une cohorte de 1 090 patients maniaques, l’existence de caractéristiques psychotiques non congruentes à
l’humeur, recouvrant les symptômes de premier rang de Kurt
Schneider, était fortement corrélée à celle d’une humeur
mixte instable [6]. En revanche, lorsque cette dernière
atteint un degré de sévérité moindre que celle qui apparaît
au sein des états maniaques, elle serait susceptible de
donner lieu à l’émergence de l’humeur anxieuse [5-6].
Ces propos introductifs n’ont pour but que de suggérer
le rôle que pourrait avoir la mixité de l’humeur dans la
genèse d’un certain nombre d’états psychopathologiques, la
schizophrénie n’étant choisie qu’à titre d’exemple. De façon
plus générale, ce « Septième Colloque du Pôle universitaire
de psychiatrie de marseille » se propose d’essayer de faire
le point sur une notion complexe, aux limites mal déÀnies,
dont le traitement reste difÀcile et les recommandations
thérapeutiques peu spéciÀques.
J.-M. Azorin, et al.
Liens d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet
article.
Références
[1]
[2]
[3]
[4]
[5]
[6]
American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders. Fifth Edition. American Psychiatric Association. Washington DC, 2013.
Kraepelin E, La folie maniaco-dépressive. Traduit par Marc
Géraud. Mollat, Bordeaux, 2008.
Perugi G, Medda P, Reis J, Rizzato S, Giorgi Mariani M, Mauri M.
Clinical subtypes of severe bipolar mixed states. J. Affect
Disorders 2013. In press.
P. Chaslin. Éléments de sémiologie et de clinique mentale.
Asselin et Houzeau, Paris, 1912.
Berner P. Psychiatrische Systematik. Dritte AuÁage. Huber,
Bern, 1982.
Azorin JM, Akiskal HS, Hantouche E. The mood-instability hypothesis in the origin of mood-congruent versus mood-incongruent psychotic distinction in mania: validation in a French National Study
of 1090 patients. J Affect Disorders 2006;96:215-23.
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