DESHIMARU T Zen et arts martiaux

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Zazen, la concentration avant l’action
(par Deshimaru Taisen, moine zen, pratiquant de kendo, dans son livre : zen et arts martiaux)
Les Arts Martiaux plus le Zen forment le Budo japonais. Le budo japonais s’est développé en relation directe
avec l’éthique, la philosophie et la religion, et sans aucun rapport avec le sport. Le sport et les arts martiaux sont
différents. Dans le sport, il y a le temps. Dans les arts martiaux, il n’y a que l’instant. Dans le domaine sportif, la
technique (waza) et l’activité (ki) sont très importantes, alors que, dans le véritable budo, l’art de la protection de
soi et l’action passive de « saisir » (saisir le moment) sont les éléments essentiels.
Auparavant, du temps des samouraïs, il y avait le respect de la méditation : avant l’action, on se concentrait en
zazen. Concentration puis action. Pour que l’action soit juste, il faut que la méditation la précède et coexiste à
elle. Alors seulement se dévoile la vraie liberté. Il faut canaliser tension du corps et habilité de la technique dans
l’attention-intuition de l’esprit. L’esprit est alors vide, ku, sans failles. C’est ça le Zen. C’est aussi cela la vraie
voie du Budo. L’intuition et l’action doivent jaillir en même temps. Il ne peut y avoir de pensées dans la pratique
du budo. Il n’y a pas une seule seconde pour penser. Le vrai kendo, le vrai iaido, le vrai zen doivent être au-delà
de la relativité. Cela veut dire cesser de choisir, de sélectionner un côté ou l’autre dans le relatif, prendre une seule
décision.
Tous ceux qui pratiquent à la fois l’expérience des arts martiaux et de zazen en tirent grande sagesse et efficacité.
Le kendo, la Voie du sabre, a toujours été considéré comme la pratique la plus élevée, la plus noble, la plus
proche de l’esprit du Zen. Pourquoi ? Parce que tous les samouraïs et les Maîtres japonais savaient qu’avant d’être
digne de tuer quelqu’un, il leur fallait d’abord savoir se tuer soi-même : avec l’épée, ils apprenaient non
seulement à trancher l’adversaire, mais surtout à trancher leur propre conscience. D’ils ne pouvaient le faire, ils
ne réussissaient pas à gagner. Comment mourir, comment vivre ? La voie du sabre, le kendo, posait sans cesse
cette question : en cela elle se rapprochait de la Voie et retrouvait l’esprit du Zen. Le tir à l’arc, le kyudo, est à ce
titre aussi une pratique d’une haute dimension spirituelle.
Dans les temps anciens, un seul geste juste donnait la mort. D’où la lenteur, la concentration des mouvements
avant l’attaque. Tout se joue en un instant. Dans cet instant-là, l’esprit décide tout, technique et corps suivent.
Aujourd’hui, on devrait donc pratiquer dans chaque kata, chaque combat, comme si sa vie se trouvait engagée,
même avec des sabres en bois. Alors les arts martiaux retrouveraient leur vraie place : la pratique de la Voie.
Sinon ce n’est qu’un jeu. Ainsi la vraie essence des kata se retrouve non dans les gestes eux-mêmes, mais dans la
façon dont l’esprit les rend justes. Vivre le véritable esprit du geste : le kata, par l’entraînement, doit se confondre
avec l’esprit. Plus l’esprit sera fort, plus le kata sera fort. Il faut se concentrer sur un acte, le faire parfaitement.
Car les détails de la technique, les trucs, les passes, sont en fait secondaires par rapport à la concentration. Si l’on
est suffisamment concentré, un geste, un seul suffit.
Portez sans cesse votre concentration sur la respiration, sur votre expiration, qui doit être lente, longue, et
descendre dans le hara. Et de vos yeux, ne lâchez pas l’adversaire : suivez ainsi son mouvement intérieur. Par la
respiration, on développe un ki très fort. Les grands maîtres d’arts martiaux font le moins de gestes possibles ; ils
restent concentrés sur leur expiration dans le hara : tandis que les dan inférieurs s’agitent et dépensent du ki en
pure perte.
Pour apprendre à respirer correctement, il faut prendre la posture de zazen. En zazen, on peut rassembler ses
énergies, laisser passer les pensées comme des nuages dans le ciel, détendre ses tensions nerveuses et
musculaires, se concentrer sur la posture, dos droit, nuque droite, mains jointes, dont les doigts ne font ni
montagne ni vallée, et pratiquer la vraie respiration, fondée sur l’expiration profonde dans le hara, cette zone qui
se situe à deux largeurs de doigts en dessous du nombril.
Le kiaï, ce n’est pas la hauteur de la voix qui fait la puissance du son ! Le son doit partir du hara, pas de la gorge !
En fait, les gens poussent des cris modulés d’après leur personnalité, ils font de la décoration sonore. Rien
d’authentique ni de farouche là-dedans. Aucune force, pas de ki dans leur kiaï, pas d’énergie. Il est inutile de
répéter le kiaï successivement : une fois suffit, mais une vraie fois.
Dans le zen comme dans le budo, la première période est la période d’entraînement par la volonté et l’effort
conscients. La deuxième étape est celle du temps de la concentration sans conscience, le disciple est en paix.
Durant la troisième période, l’esprit atteint la vraie liberté. Ces trois étapes sont identiques dans le zen et le budo.
Saisir l’opportunité
(le judoka et l’ouvrier)
L’histoire est celle d’un combat entre un judoka et un ouvrier.
Le judoka porte un waza (étranglement) à l’ouvrier. Par cette technique, dans un combat officiel, l’ouvrier aurait
été battu. Mais dans la réalité de la vie, l’ouvrier saisit, en les tordant, les testicules du judoka, qui hurla de
douleur. Et, à cet instant, l’ouvrier eu la suprématie du combat.
Dans le domaine sportif, la technique (waza) et l’activité (ki) sont très importantes, alors que, dans le véritable
budo, l’art de la protection de soi et l’action passive de « saisir » (saisir le moment) sont les éléments essentiels.
L’esprit du zen
(par Deshimaru Taisen, moine zen, pratiquant de kendo, dans ses livre sur le zen)
Le Zen n’est ni une éthique, ni une philosophie, ni une religion. Il va au-delà, sans nier l’éthique, la philosophie ni
la religion.
Notre vie est pleine de dangers et elle est impermanente.
Elle est comme un rêve, une bulle. De tout ce que l'on aime, il faut se séparer.
Tout est transitoire.
Si nous comprenons nos doutes, nos souffrances, notre vie, du tréfonds de notre esprit, avec toutes les cellules de
notre corps, cela est satori.
Apprendre la voie du Zen est apprendre à se connaître. Se connaître, connaître l’ego revient à s’oublier.
Oublier l’ego signifie suivre le système cosmique, être en harmonie avec toutes les existences du cosmos à travers
« soi-même ». Non-pensée, hishiryo, cela est, en soi, l’art essentiel de zazen. Bien sûr, une optique particulière est
requise dans les affaires de la vie, la science et la technique. Mais le zen se place à un niveau global, qui n’atteint
pas le raisonnement limité.
Hishiryo est la véritable attitude de l’esprit pendant zazen. Comprendre hishiryo revient à obtenir le satori.
Penser du tréfonds de la non-pensée, au-delà de la pensée, voilà le secret. Mushotoku, hishiryo, si vous
comprenez ces mots, vous connaissez le secret du Zen. Mais votre compréhension doit être autre que celle du sens
commun, ou de l’intellect. Hishiryo est le véritable Bouddha. Lorsque Bouddha, ou Dieu, et l’ego sont en totale
unité, cela est l’esprit de foi (shin jin).
LES 8 PRINCIPES DE L’ESPRIT ZEN
- Etre délivré de toute avidité, n’avoir que peu désirs.
- Etre satisfait de ce que l’on a.
- Mener une vie loin des agitations du monde.
- Pratiquer avec assiduité.
- Préserver la pensée juste sans tomber dans l’illusion.
- Résider dans la Vérité avec un état d’esprit pacifié en prenant conscience de la naissance et du déclin du monde.
- Pratiquer la sagesse suprême en s’observant en permanence.
- S’abstenir de parler à tort et à travers.
« Il n’est pas nécessaire de penser au passé, à l’avenir. Pensez simplement à cet instant du milieu qui est ici et
maintenant. » Ce poème contient la clé de la concentration en zazen, le secret de la Voie du sabre comme aussi la
méthode du comportement dans la vie quotidienne.
Le secret du zen se trouve dans la concentration sur la posture, la respiration, et l’attitude de l’esprit. L’être
humain ne peut devenir Dieu ou Bouddha mais, pratiqué sans but ni esprit de profit, zazen lui-même devient
Dieu ou Bouddha.
L’étude du Zen, par la pratique de la méditation, du zazen, est chose aisée, simple. Dans les livres, elle devient
compliquée et difficile.
Les religions prônent la recherche de la vérité et la lutte contre les illusions. Le Zen est sans but. Il est aussi
inutile de courir après les phénomènes que de vouloir les couper. Il est aussi vain de rechercher la vérité,
l’essence, que de s’efforcer d’y demeurer. L’abandon des illusions doit se faire inconsciemment.
Devenir profond dans une Voie, c’est être profond en tout. Il nous faut persévérer dans la pratique, pas seulement
celle du zazen, mais aussi la pratique de la vie quotidienne (Gyo). La vie quotidienne doit être une totale attention
portée à chaque action, dans la plénitude e l’instant. La concentration dans l’existence de tous les jours est la
continuité de la pratique du zazen.
La parole trouve sa justesse au cœur du silence.
Tragique ou comique, le théâtre humain se termine toujours sur un baisser de rideau. Lorsque nous arrivons au
cercueil, rien ne parait tellement important. Notre vie ne peut voir notre mort et dans le Zen, on réalise la vie
éternelle ici et maintenant.
Vous devez construire un monastère dans votre esprit – et point ailleurs ! Nous pouvons construire un dojo dans
notre propre corps, et y accueillir toutes les existences de l’univers.
Les souillures (vue, audition, odorat, goût, toucher, conscience) ne doivent pas être rejetées. Ces souillures, on ne
les recherches ni ne les fuit, on les accueille et, par la pratique de la méditation, on les transforme en graines de
sagesse. La plupart des religions prônent une attitude morale consistant à s’abstenir des souillures et à couper les
illusions. Le Zen se situe au-delà des catégories, des religions, des philosophies, des sciences. Il n’est ni
mortification ni ascétisme, mais retour à la condition normale, originelle de l’être humain, par la pratique de
zazen.
En zazen, les trois sources du karma : le corps par la posture, la langue avec le silence, et la conscience, en
hishiryo, se purifient et s’harmonisent avec l’ordre et l’énergie universels.
Lorsque l’on s’assied simplement, dans la posture de zazen, l’atmosphère devient calme et paisible, et l’on
retrouve simplicité et unité. Semblable au fil de l’eau, l’esprit est parfois tranquille comme un lac de montagne,
parfois agité comme le torrent dévalant la pente- et l’eau, miroir où vague, toujours la même.
Zazen est ainsi, arrêter le tir, arrêter le combat.
Le doute est le germe de la grande inimité qui déchire l’humanité. Il est ce qui blesse, le coup de sabre mortel que
nous devons parer.
Nous ne devons pas utiliser l’énergie cosmique pour nos fins égoïstes, ni entretenir un esprit de compétition avec
les autres. Eviter les tensions, ne pas penser par la conscience personnelle. La pratique et l’action sont
fondamentales. Trop de pensées, et l’énergie diminue, l’être s’affaiblit.
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