Journées scientifiques 15/16 mars 2016 URSI-France ÉNERGIE ET RADIOSCIENCES Transfert d’énergie électromagnétique en énergie mécanique, via le moment angulaire orbital d’une onde en bande UHF ________________________________________________________________________________ O. Emile*, C. Brousseau**, W.L. Wei***, and K. Mahdjoubi**** LPL – Laboratoire de Physique des Lasers, Université de Rennes 1, [email protected] IETR, Université de Rennes 1, [email protected] *** IETR, Université de Rennes 1, [email protected] **** IETR, Université de Rennes 1, [email protected] * ** Mots clés : Moment angulaire orbital; transfert mécanique; UHF Keywords: Orbital angular momentum; mechanical transfer; UHF Introduction Une onde électromagnétique (EM) est définie par son amplitude, son vecteur d’onde, sa fréquence et son moment angulaire. Ce dernier peut être décomposé en deux parties distinctes [1] : le moment angulaire de spin qui correspond à la polarisation de l’onde, et le moment angulaire orbital (OAM) qui est associé à la distribution spatiale (amplitude et phase) du champ électrique. Ainsi, une onde EM portant de l’OAM est caractérisée par une dépendance azimutale de sa phase notée e-jlθ, avec l, un entier appelé « charge topologique » et correspondant au nombre de rotation de la phase par longueur d’onde, et θ, l’angle de roulis. Un tel faisceau a nécessairement une amplitude nulle suivant l’axe de propagation car l’axe correspond à un point singulier de la distribution de phase. Une onde électromagnétique peut échanger des quantités mécaniques avec l’extérieur, comme par exemple de la quantité de mouvement via la pression de radiation. Elle peut également échanger du moment angulaire. Ce phénomène a déjà été observé, dans le cas du moment angulaire de spin, que ce soit à l’échelle macroscopique en optique [2,3] et en microondes [4], ou à l’échelle microscopique, en optique uniquement [5]. Dans le cas de l’OAM, cet échange n’a été jusqu’à présent mis en évidence qu’en optique, et à l’échelle microscopique [6]. Nous avons récemment mis en évidence la rotation d’un objet macroscopique avec des micro-ondes, à la fréquence f = 870 MHz [7]. Le but de cette présentation est de revenir sur les mécanismes de transfert. 1. Dispositif expérimental La source est une antenne dite « tourniquet » constituée de deux dipôles croisés et déphasés de +π/2 ou -π/2. Le récepteur est un anneau de cuivre suspendu, comme illustré sur la Figure 1. Une telle antenne est en général utilisée pour sa polarisation circulaire dans le plan perpendiculaire à l’antenne, suivant la direction de propagation. Nous nous intéressons ici au champ EM rayonné dans le plan de l’antenne. Le champ électrique s’écrit en champ lointain : E e j .l . L 1 . .I 0 .e j .t kr , 4. 0 .c. r (1) avec L, la longueur du dipôle, ε0, la constante diélectrique, c, la vitesse de la lumière, ω, la pulsation de l’onde, λ, la longueur d’onde, I0, l’amplitude, (r ; θ), les coordonnées polaires, k, le nombre d’onde, et l, l’ordre du moment angulaire orbital. Le moment angulaire orbital transporté par le champ électrique dans le plan de l’antenne est alors de ħ par photon. Il correspond à la présence d’un terme en e-j.l.θ dans l’équation (1), avec l = 1. Il a été vérifié numériquement que cela reste vrai dans les conditions de l’expérience, au niveau de l’anneau de cuivre, à la fois par le calcul et grâce au logiciel de simulation numérique CST (voir figure 2). 73 URSI-France Journées scientifiques 15/16 mars 2016 2. Résultats expérimentaux L’antenne est alimentée avec un signal sinusoïdal de puissance variable. Entre chaque expérience, l’anneau revient à l’équilibre comme le montrent les Figures 2a et 2b, le mouvement observé est une rotation uniformément accélérée. Il s’agit de la première observation directe d’un transfert d’OAM à un objet macroscopique en radiofréquence. De plus, l’accélération angulaire varie linéairement avec la puissance, sur plus d’un ordre de grandeur, de 1,5 W à 25 W, comme attendu. Dans un second temps, le signe du déphasage entre les deux composantes de l’antenne a été inversé. Cela correspond à inverser le signe du moment angulaire (l = -1) et donc à enlever le signe moins devant θ dans l’équation (1). L’OAM porté par un photon passe de ħ à –ħ. Comme attendu, le sens de rotation est lui aussi inversé. De plus, pour une puissance donnée, la symétrie entre les deux sens de rotation est quasi-parfaite. Finalement, lorsque les deux composantes sont en phase, aucune rotation n’est observée, ce qui confirme que les effets parasites sont négligeables dans les conditions de l’expérimentation. 3. Mécanisme de transfert Tout d’abord, on peut noter un paradoxe. Au niveau de l’antenne, le champ lointain est tangentiel, donc le vecteur de Poynting est radial. Il ne peut induire de couple suivant l’axe z. Nous avons vérifié par le calcul que ce sont les composantes de champ proche, même en champ lointain qui sont responsables de l’OAM. L’onde électromagnétique incidente se réfléchit sur l’anneau, induisant dans l’anneau des courants. Ces courants entrainent la mise en rotation de l’anneau. D’un point de vue de la conservation du moment angulaire, la réflexion des photons correspond à un transfert de 2ħ par photon. Ce champ réfléchi interfère constructivement avec l’onde incidente. 4. Conclusion Le transfert de moment angulaire orbital d’une onde électromagnétique à un objet macroscopique a pu être observé dans les bandes radiofréquences. L’accélération de l’anneau et la direction de la rotation sont contrôlées, respectivement par la puissance du signal transmis aux antennes et le signe du déphasage entre les deux composantes de l’antenne. Ces accélération et direction mettent en évidence l’existence d’un moment angulaire orbital respectivement d’ordre l = +1 et -1. Enfin, par la détermination des courants induits et la détermination du nombre de photons réfléchis, il est possible d’expliquer le mécanisme de transfert du moment angulaire orbital à un objet macroscopique, en utilisant des ondes radiofréquences. Nous remercions l’Université de Rennes 1, la Direction Générale de l’Armement (DGA) et la Région Bretagne pour leur soutien. Références bibliographiques [1] J.D. Jackson, Classical Electrodynamics, New York: Wiley, 1998. [2] R.A. Beth, « Mechanical detection and measurement of the angular momentum of light, » Phys. Rev., Vol. 50, 115– 125, 1936. [3] G. Delannoy, O. Emile et A. Le Floch, « Direct observation of a photon spin-induced constant acceleration in macroscopic systems, » Appl. Phys. Lett., Vol. 86, 1064-1076, 2005. [4] N. Carrara, « Torque and angular momentum of centimeter electromagnetic waves, » Nature, Vol. 164, 882-884, 1949. [5] M.E.J. Friese, T.A. Nieminen, N.R. Heckenberg et H. Rubinsztein-Dunlop, « Optical alignment and spinning of lasertrapped microscopic particles, » Nature, Vol. 394, 348-350, 1998. [6] H. He, M.E.J. Friese, N.R. Heckenberg et H. Rubinsztein-Dunlop, « Direct observation of transfer of angular momentum to absorptive particles from a laser beam with a phase singularity, » Phys. Rev. Lett., Vol 75, 826-829, 1995. [7] O. Emile, C. Brousseau, J. Emile, R. Niemiec, K. Madhjoubi, and B. Thidé, « Electromagnetically induced torque on a large ring in the microwave range ». Phys. Rev. Lett. Vol 112 053902, 1995. 74 Journées scientifiques 15/16 mars 2016 URSI-France Figure 1 : Montage expérimental. L’anneau de cuivre récepteur est placé dans le plan des antennes et est suspendu par huit fils de coton. a) Amplitude b) Phase Figure 2 : Variation de l’amplitude (a) et de la phase (b) du champ électrique dans le plan des antennes. (b) (a) Figure 3 : Rotation de l’anneau. (a) : Rotation angulaire en fonction du temps (b) : Accélération en fonction de la puissance d’alimentation des antennes. 75