Remarques diverses sur lever

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[14 juin 2007 ; P. Jalenques]
Remarques diverses sur lever
J’étais censé parler de lever la main, mais je n’ai pas été très inspiré. J’ai la désagréable
sensation de ne pas voir ce qui est à voir. En particulier, tout ce qui émerge de mes intuitions
me semble concerner main et non pas lever (par exemple le fait que quand on lève la main,
c’est soit pour se signaler (demander la parole) soit pour agir sur autrui (l’orateur qui demande
le silence à la foule), soit on est un gymnaste / karatéka). De même, quand on lève la main sur
qqn, on n’est pas très bienveillant ; mais quand on a la main lourde non plus.
Je parlerai donc de ce qui m’a davantage inspiré :
- l’emploi intransitif (la pâte lève)
- le fait que lever soit en relation de synonymie avec ses dérivés préfixés.
- une ébauche de forme schématique pour lever
1. L’emploi intransitif
Mon propos ici est à la fois une réaction au texte de Rémi et une tentative d’explicitation
de la méthodologie d’analyse que j’utilise en général.
Rémi distingue trois cas ; je ne réagirai qu’au deuxième (la pâte lève), car le troisième (son
ventre lève) ne fait pas partie de mon idiolecte et je n’ai pas eu le temps de me pencher sur le
premier (le blé lève).
Le premier point qui frappe est le caractère extrêmement contraint du C0. A première vue,
intuitivement, à part pâte, je ne vois pas bien quel autre nom serait possible ici.
Mon objectif est alors d’essayer de cerner au plus près cette contrainte sur le nom. De ce
point de vue, comme je l’avais défendu dans une précédente séance, toutes les données
inattestables ne me semblent pas présenter un égal intérêt. En l’occurrence, la situation définie
par cet emploi de lever me semble emblématique ; il ne me semble pas très intéressant de
prendre les 40 000 et quelques noms du français pour ensuite s’interroger sur tous les
inattestables générés en emploi intransitif (la table lève / la voiture lève / le courage lève).
Pour cerner au plus près les contraintes sur cet emploi, je cherche des noms qui a priori
peuvent mettre en jeu une valeur référentielle comparable à celle mise en jeu dans la pâte
lève. Comme il y a en jeu une idée de gonflement, j’ai pensé au mot ballon, mais la séquence
le ballon lève n’est pas terrible. Cela pourrait être dû au fait qu’ici il manque le deuxième
élément qu’on a dans la pâte lève, à savoir un principe actif, un ferment, qui fait justement
que la pâte lève ; mais pourquoi l’air insufflé par la pompe dans le ballon ne peut pas
correspondre à ce principe actif ?
Il me semble qu’il y a un autre point important : la pâte lève sans intervention extérieure,
elle lève précisément parce qu’on n’agit pas dessus, qu’on la laisse, ce qui expliquerait le
blocage de le ballon lève. J’ai alors pensé à un petit bateau auto gonflable. Mais une séquence
comme le bateau auto gonflable lève peu à peu n’est pas terrible non plus.
1
Dans l’emploi intransitif, lever ne contraint pas seulement l’événement en jeu ; il contraint
directement l’objet de cet événement. Il faut que, d’une façon ou d’une autre, le C0 désigne de
la pâte (quand ce n’est pas une plante ou un ventre). Qu’est-ce que de la pâte ? C’est là que je
suis fragile dans ma démarche. Je fais semblant que je sais ce qu’est de la pâte pour pouvoir
continuer mon raisonnement. Je dirais donc que c’est une substance déformable (pas comme
un liquide, ni comme un solide) et continue (on ne distingue pas des parties à l’intérieur de la
pâte).
Il me semble qu’il manque encore un aspect important dans la description : le gonflement
n’est pas quelconque, il se fait vers le haut ; ou en tout cas, il se manifeste vers le haut ce qui
pourrait aussi expliquer la gêne avec ballon (qui se gonfle dans toutes les directions).
A propos d’une substance déformable qui manifeste une augmentation de volume vers le
haut (qui se dilate), on peut penser au mercure du thermomètre ; or, le mercure lève ne va pas,
alors que le mercure monte marche bien. On peut aussi penser à la rivière ou à la marée. Mais
là encore, si la rivière / la marée monte marche, par contre la rivière / la marée lève bloque
complètement. Pourtant ces termes désignent une substance continue déformable. Est-ce
seulement une histoire de consistance (liquide versus pâteux) ? Je fais l’hypothèse que ce qui
manque au mercure ou à la rivière, c’est surtout l’idée du ferment, du principe actif, qui serait
donc un élément important.
Rémi propose un élément supplémentaire dans la description de cet emploi : il envisage
que [les effets du] principe actif (le ferment de la pâte) est « sollicité, attendu par un agent ».
Cela rejoint l’hypothèse de Franckel d’une téléonomie mise en jeu par lever. Je ne suis pas
entièrement convaincu par cette hypothèse, en tout cas je ne crois pas que ce soit ce qui
explique le blocage de la marée lève. Car, il me semble la marée monte est tout autant
associable à une téléonomie que le soleil se lève ou le vent se lève. Par contre, il est vrai que,
lorsque X est inanimé, X monte renvoie plutôt à du détrimental (l’eau monte) alors que X se
lève renvoie plutôt à du souhaitable (le soleil se lève).
Lorsque Y renvoie plutôt à du détrimental, alors il s’en va (le brouillard / l’interdiction) ;
lorsqu’il émerge, alors c’est du souhaitable (pour X) : l’impôt, une armée, etc.
Prenons au sérieux l’histoire de la consistance pâteuse :
- le pâteux a une forme de stabilité que le liquide n’a pas : je veux dire, une fois que la
pâte lève, elle reste levée, ce n’est pas a priori réversible ; en tout cas, c’est représenté
comme l’atteinte d’un résultat ; une fois levée, la pâte acquiert une stabilité. Alors que
lorsqu’un liquide augmente de volume (par exemple en étant chauffé), ensuite le résultat
n’est pas stable ;
- en même temps, quand la pâte a levé, le résultat est lui-même pâteux (quand elle lève, la
pâte ne change pas de consistance) ; de plus, quand la pâte lève, elle est crue ; le résultat est
donc qualitativement stable mais pas définitif : ensuite, il y a la cuisson.
Cette histoire de stable mais pas définitif fait penser à l’idée d’une situation transitoire,
ce que l’on retrouve au moins avec l’ensemble des emplois où le complément est une partie
du corps (lever les yeux, la main, le doigt, etc.) où avec les objets (lever une pierre, le pied
de la table, etc.).
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En résumé, les éléments décrivant cet emploi sont :
- une augmentation de volume vers le haut
- une source de cette augmentation (le ferment / ?? le soleil et l’eau pour les plantes)
- l’entité est livrée à elle-même
- la pâte est crue / la plante est jeune et sort de terre
- le résultat atteint est perçu comme transitoire, devant être suivi par un autre processus
(la cuisson pour la pâte / le passage à la taille adulte pour la plante)
A priori, une séquence comme les blancs lèvent n’est pas terrible car on pense à la situation
où on monte les blancs. Cependant, j’en ai trouvé une occurrence sur internet qui correspond
précisément au cahier des charges ci-dessus :
Dacquoise chocolat citron [sorte de meringue à base de noisettes]
[…]
Allumer
le
four
160°
Dans un robot mixer finement les noisettes, le zeste et le sucre.
Monter
les
blancs
en
neige
et
les
serrer
avec
le
sucre.
Incorporer doucement les blancs au mélange noisettes - citron - sucre
Ajouter
le
chocolat.
Disposer dans un moule préalablement chemisé de papier cuisson (ou comme j'ai
fait,
dans
des
petits
moules
individuels).
Mettre au four pendant 20 mn à 160° (le temps que les blancs lèvent)
Baisser la température (110°) et achevez la cuisson ( 40 à 50 mn selon la taille des
moules).
Attendre le refroidissement complet pour démouler.
Il ne s’agit pas d’une situation où on monte les blancs mais bien d’une situation où les
blancs sont livrés à eux-mêmes et augmentent peu à peu de volume vers le haut. C’est donc un
aspect important.
Désolé de terminer cette partie en queue de poisson mais le temps me manque.
2. Les relations entre lever et ses dérivés préfixés
Je voudrais revenir ici sur le fait global d’une synonymie prégnante entre lever et ses
dérivés préfixés. On en a tiré des conséquences méthodologiques (travailler de façon
contrastive sur lever / soulever ou sur lever / relever). Je défends qu’on peut et doit aussi en
tirer des hypothèses sur la forme schématique de lever.
Tout d’abord j’essaie de cerner la singularité éventuelle de cette situation de synonymie sur
le plan quantitatif ; ensuite j’essaie d’en tirer des conséquences en reprenant une hypothèse sur
la relation préfixe-base dans ma thèse sur RE.
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2.1. Données quantitatives
Le fait qu’un verbe soit localement synonyme de certains de ses dérivés préfixés n’a rien de
spécifique à lever. C’est un fait que l’on observe avec de nombreux verbes :
mettons que tu aies raison
admettons que tu aies raison
veuillez poser votre arme sur la table
veuillez déposer votre arme sur la table
j’ai du mal à couper ce morceau
j’ai du mal à découper ce morceau
on vous conseille de grouper vos demandes de candidature
on vous conseille de regrouper vos demandes de candidature
la chaîne Z a transmis le match en direct
la chaîne Z a retransmis le match en direct
Paul a copié sur son agenda l'adresse de Marie
Paul a recopié sur son agenda l'adresse de Marie
dupliquer / rédupliquer
ce salaud de Paul m’a filé tous ses microbes
ce salaud de Paul m’a refilé tous ses microbes
à travers la vitre, le paysage filait à toute vitesse
à travers la vitre, le paysage défilait à toute vitesse
ce vieux bavard m’a tenu pendant plus d’une heure (dictionnaire Lexis)
ce vieux bavard m’a retenu pendant plus d’une heure
il s’est tenu à la branche pour ne pas tomber
il s’est retenu à la branche pour ne pas tomber
Je ne suis nullement heideggérien, mais je tiens que la thèse peut être détachée de
l'ensemble de la philosophie heideggérienne. (J.-C. Milner)
Je ne suis nullement heideggérien, mais je soutiens que la thèse peut être détachée de
l'ensemble de la philosophie heideggérienne.
Il fouilla dans sa poche et en tira trois billets de mille francs (Sartre)
Il fouilla dans sa poche et en retira trois billets de mille francs
attends-moi, il faut que j’aille tirer de l’argent
attends-moi, il faut que j’aille retirer de l’argent
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Parfois, la proximité sémantique s’observe dans des cotextes et contextes différents :
bon allez, on se tire !
vous pouvez vous retirez
j’me suis fait tirer mon portable
ils lui ont soutiré de l’argent
Ceci dit, ces relations de synonymie peuvent se manifester à différents degrés. Ainsi :
a) un verbe peut être synonyme d’un seul de ses dérivés préfixés ou bien de plusieurs
d’entre eux ou de tous ;
b) un verbe peut être synonyme d’un de ses dérivés préfixés de façon très marginale ou
au contraire de façon prégnante (la synonymie se manifeste dans un seul cotexte ou au
contraire dans plusieurs / de nombreux cotextes).
Pour essayer de quantifier ces deux aspects, j’ai consulté le dictionnaire informatisé des
synonymes, du laboratoire Crisco. Ce dictionnaire résulte d’une compilation (enrichie) des
différents dictionnaires de synonymes du commerce.
J’ai examiné les verbes suivants : baisser, monter, dresser, descendre, tendre, tenir, tirer,
mettre, passer, prendre, garder, faire, tourner, trouver, donner, battre, jouer, dire, montrer,
jeter, lancer, porter, poser, placer, venir, toucher, gagner, filer. Ces verbes sont pour la
plupart très polysémiques et admettent chacun plusieurs dérivés préfixés.
Du point de vue a), c'est-à-dire du nombre de dérivés préfixés concernés par la synonymie,
seul tirer rejoint lever dans la mesure où tous leurs dérivés préfixés peuvent leur être
localement synonymes :
- lever peut être localement synonyme de élever, enlever, prélever, relever, soulever
- tirer peut être localement synonyme de attirer, détirer , étirer, retirer, soutirer
1
2
Du point de vue b), c'est-à-dire la prégnance de ces relations de synonymies , seul tenir se
rapproche de lever ; pour tirer, les relations de synonymies semblent moins prégnantes :
- parmi les six premiers synonymes de lever (sur 56 synonymes recensés), quatre
correspondent à des dérivés préfixés du verbe : en première position soulever, en troisième
enlever, en quatrième élever, en sixième relever ;
- parmi les six premiers synonymes de tenir (sur 109 synonymes recensés), deux
correspondent à des dérivés préfixés du verbe : en première position retenir, en troisième
contenir , (soutenir apparaît en douzième position).
3
4
1
On trouve aussi en ancien français le verbe deslever, dont le sens donné par le dictionnaire de Godefroy est
« faire sortir, tirer », c'est-à-dire là encore une proximité sémantique avec lever.
2 T.L.F. : « Tirer dans tous les sens pour défriper ». Détirer des dentelles, du linge. Ayant redressé son faux-col,
ajusté ses lunettes, détiré son habit, il s'avança (REIDER, Mlle Vallantin, 1862, p. 63).
3 Pour chacun de ces verbes, le dictionnaire du Crisco identifie plusieurs dizaines d’emplois, de nuances
sémantiques ; chacune est caractérisée par une liste de synonymes appelée clique ; par exemple l’emploi lever
une armée sera caractérisé par la clique suivante : « enrôler, lever, mobiliser, recruter ». Plus un verbe apparaît
dans de nombreuses cliques, plus il est synonyme pour un nombre important d’emplois du verbe considéré. Par
exemple, soulever apparaît dans douze cliques ; il est ainsi classé comme premier synonyme de lever.
4 En sixième position, on trouve maintenir, mais je ne l’ai pas considéré comme un dérivé préfixé (main + tenir).
5
- parmi les six premiers synonymes de tirer (sur 96 synonymes recensés), un seul
correspond à un dérivé préfixé du verbe : retirer en deuxième position (soutirer apparaît en
dixième position).
En résumé, sur les 28 verbes parmi les plus polysémiques du français que j’ai examiné,
lever est le seul pour lequel à la fois la relation de synonymie concerne tous les dérivés
préfixés et cette relation de synonymie est prégnante pour chacun des dérivés préfixés (sauf
prélever ). En particulier, le premier synonyme de lever est son dérivé soulever. J’y reviendrai
plus bas.
5
Néanmoins, la situation de tirer et tenir se rapproche de celle de lever. Ces trois verbes se
rejoignent notamment sur un autre point qui est une conséquence des deux premiers : il
apparaît que leur dérivés préfixés peuvent eux-mêmes être localement synonymes entre eux,
soit dans le même cotexte soit dans des cotextes différents :
il a voulu relever ma jupe !
il a voulu soulever ma jupe !
elle a eu du mal à se contenir / à contenir ses larmes
elle a eu du mal à se retenir / à retenir ses larmes
La partie claire de la chaudière [le jus de canne] est soutirée et le dépôt du fond est
envoyé aux filtres-presses (exemple tiré du TLF)
La partie claire de la chaudière [le jus de canne] est retirée et le dépôt du fond est
envoyé aux filtres-presses
Dernière spécificité, importante de ces trois verbes : tous les dérivés préfixés de ces verbes
correspondent à des emplois idiomatiques du préfixe, je veux dire que le rôle sémantique du
préfixe y est opaque (on n’est pas dans le cas de reprendre du gâteau / défaire les lacets /
sous-payer où la compositionnalité du sens est perceptible entre le préfixe et la base verbale).
En résumé, nous avons la situation suivante :
a) tous les dérivés préfixés de lever / tirer peuvent être synonyme local de lever / tirer
b) ces dérivés préfixés font partie des principaux synonymes de lever / tenir ;
c) pour tous les dérivés synonymes, il semble y avoir une intrication forte entre le préfixe et
la base (ils correspondent à des emplois « opaques » des préfixes) ;
d) pour lever et tenir les dérivés préfixés sont eux-mêmes synonymes localement entre eux
Sur les 28 verbes examinés, lever est le seul à présenter conjointement ces quatre
caractéristiques. Donc, en effet, ce phénomène de synonymie générale entre le verbe et ses
dérivés préfixés semble très spécifique à lever (sous réserve bien sûr d’autres verbes éventuels
que je n’ai pas examinés).
La question suivante est : comment interpréter cette singularité ?
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Alors que nous avons vu que soulever, enlever, élever et relever font partie des six premiers synonymes de
lever, le verbe prélever n’apparaît qu’en 28e position. De plus, contrairement au quatre autres dérivés qui sont
attestés dès le début de l’ancien français, prélever est un emprunt tardif au latin (17e siècle).
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2.2. Hypothèse sur la synonymie entre le verbe et ses dérivés préfixés
Notation :
- selon l’usage, j’appelle simplex le verbe non préfixé correspondant à un verbe préfixé ; par exemple, pour
relever le simplex est lever (noté V);
- je note le verbe préfixé « Préf-V ».
Il y a deux possibilités :
a) ces relations de synonymies sont purement contingentes, résultant des hasards de
l’évolution diachronique de ces verbes et alors il n’y a rien à en déduire pour lever ;
b) cette synonymie n’est pas contingente et alors on doit en tirer quelque chose sur lever.
Au moment de ma thèse sur RE, tous les auteurs que j’avais pu lire sur le sujet (donc info
peut être périmée) considéraient ce phénomène de synonymie comme purement contingent en
conséquence de quoi il n’y avait rien à en déduire en synchronie. L’exemple emblématique
était le verbe rentrer pour lequel ils défendaient que le préfixe RE aurait subit une sorte
d’affadissement sémantique progressif jusqu’à se vider de tout contenu sémantique, d’où la
synonymie avec entrer. Donc, au départ, rentrer n’aurait pas été synonyme de entrer puis il le
serait devenu peu à peu.
Le problème est que je n’ai trouvé aucune trace de ce soi-disant affadissement ni dans les
différents dictionnaires des différentes époques du français ni dans les corpus d’ancien, de
moyen français et de français classique. J’ai répété ces observations pour les deux cent et
quelques verbes en RE concernés par cette situation et la conclusion a toujours été la même :
on observe à chaque fois que le verbe en RE est synonyme de sa base dès les premières
attestations écrites.
Ces observations (combinées à d’autres) m’avaient donc amené à conclure que la relation
de synonymie entre un verbe en RE et son simplex n’est pas contingente. Je propose de
généraliser cette hypothèse aux autres préfixes et de considérer que la synonymie entre un
verbe préfixé et son simplex ne résulte pas d’une évolution diachronique. Elle doit donc
pouvoir s’expliquer à partir des spécificités sémantiques du simplex lui-même, en synchronie.
En fait, avec les verbes en RE, j’avais abordé cette question à partir d’un autre problème :
celui constitué par les verbes en RE que j’appelle idiomatiques, c'est-à-dire les verbes où la
compositionnalité du sens entre le préfixe et la base est opaque comme dans rejoindre,
rassembler, ressentir, renier, rassurer, réveiller, redouter, remarquer, reconnaître, regarder,
etc.
Pour les deux cent et quelques verbes concernés par cette situation, j’avais constaté qu’à
chaque fois ils ont été (et sont encore pour certains) dans une relation de synonymie avec le
simplex. Par exemple, en ancien français, des énoncés avec connaître pouvaient signifier
reconnaître ; des énoncés avec douter pouvait signifier redouter. Ces deux cent et quelques
verbes sont les mêmes que les deux cent et quelques verbes dont j’ai parlé juste avant. Voilà
donc une première corrélation entre synonymie et idiomaticité.
Par ailleurs, puisque la relation de synonymie entre Préf-V et V ne pouvait pas s’expliquer
par une évolution diachronique, j’avais regardé les propriétés sémantiques de chaque V
concerné. Or, à chaque fois, le V exprime soit une répétition (cf. dupliquer, copier), soit une
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idée de rétablissement (éveiller signifiait en ancien français « ramener à l'état de veille ») soit
une réaction à un premier événement (je simplifie). Autrement dit, à chaque fois, le simplex
est synonyme d’une des valeurs du préfixe lui-même. J’avais aussi regardé les verbes
préfixés en dé- ainsi que les verbes latins préfixés en cum-. Ce préfixe exprime en gros l’idée
de « réunir, mettre ensemble ». Or, là encore, les relations de synonymie entre Préf-V et V
s’observent dans des cas où V est synonyme du préfixe lui-même :
- conjugare : signifie "unir". Ce verbe est construit à partir de jugare signifiant "attacher
ensemble, joindre, unir à" (cf. le français conjuguer)
- conjungere : signifie "joindre, lier ensemble, unir". Ce verbe est construit à partir de
jungere signifiant également "joindre, lier, unir" (cf. le français conjoindre)
- colligare : signifie "lier ensemble, attacher ensemble". Ce verbe est construit à partir de
ligare qui signifie également "attacher, lier, assembler"
- conectere : signifie "attacher (lier) ensemble". Ce verbe est construit à partir de nectere
signifiant "lier, attacher, nouer"
En résumé, on observe qu’il y a une relation de synonymie entre Préf-V et V, corrélée à
une idiomaticité de Préf-V, lorsque le sémantisme de V entre en résonance avec le
sémantisme du préfixe lui-même.
Cette hypothèse de la résonance que je défends pour les relations sémantiques idiomatiques
à l’intérieur des mots, entre préfixe et base, rejoint une hypothèse générale qu’Evelyne
Saunier avait développé au niveau syntagmatique pour rendre compte des spécificités des
expressions idiomatiques. Alors qu’on défend généralement que dans de telles expressions,
les mots ont perdu leur individualité / identité sémantique, elle défend au contraire que le
sémantisme des mots y jouent à plein : « nous faisons l’hypothèse que le « précipité
sémantique » et le figement syntaxique caractéristiques de cette forme de cristallisation qu’est
le locutionnel résultent d’un phénomène de captation réciproque, dû au fait que les propriétés
de ces éléments entre mutuellement en résonance ». Evelyne a développé cette hypothèse dans
l’analyse de la locution tenir bon .
6
Cependant, les enjeux empiriques sont en partie différents : dans le locutionnel, il faut
rendre compte d’un phénomène de figement (à côté de tenir bon on n’a pas tenir très bon,
alors qu’on a il fait bon et il fait très bon) ; alors qu’en morphologie dérivationnelle, il s’agit
de rendre compte d’un phénomène de synonymie. Revenons au préfixe RE.
En très gros, pour les emplois non idiomatiques, je disais que la relation exprimée par RE
s’ajoute à la relation exprimée par V ; pour le type d’emplois idiomatiques qui nous intéresse
ici, je disais que la relation exprimée par RE se superpose à la relation exprimée par V (cf. la
greffe). Or, pour que ces deux relations puissent se superposer, je fais l’hypothèse qu’il
faut que leurs structures générales se ressemblent minimalement. C’est en ce sens que je
parle de résonance entre le préfixe et le simplex (même si on peut greffer un abricotier sur un
prunier, je ne suis pas sûr que l’on puisse y greffer un platane ou un sapin et encore moins un
rosier ou une tulipe). Bref, pour que la greffe puisse prendre, il faut que des conditions
minimales de compatibilités soient remplies (on peut aussi filer la métaphore de la greffe en
médecine).
6
Saunier Evelyne (2000) : « Défense et illustration de « l’hypercompositionnalité » de certains locutions :
l’exemple de tenir bon », dans Actes du XXIIe Congrès international de Linguistique et Philologie Romane,
Bruxelles, 23-29 juillet 1998.
8
Si l’on est d’accord avec cette hypothèse de la résonance, alors on doit admettre que
l’ « histoire » que raconte lever à une forme minimalement comparable, ou plutôt compatible,
à celle que racontent ses préfixes.
2.4. Hypothèse sur la forme schématique des préfixes
Sous réserve que mes lectures ne soient pas périmées, D. Paillard, notamment dans son
article de Langue française (2002), défend l’hypothèse générale qu’un préfixe est un relateur
de la forme X R Y. Je voudrais apporter deux précisions.
Le premier point est que cette hypothèse ne me semble pas assez contraignante. En effet,
Franckel et Paillard défendent par ailleurs que les prépositions sont aussi des relateurs de la
forme X R Y. Dès lors, on ne dit pas en quoi un préfixe se distingue d’une préposition.
En ce qui concerne le préfixe RE, il était apparu comme fondamental que les termes de la
relation exprimée par RE étaient d’une nature bien précise : il s’agissait d’occurrences (au
sens où on l’entend dans la théorie des domaines notionnels).
A titre d’hypothèse de travail, je propose d’étendre cette idée à l’ensemble des préfixes
verbaux ; du moins à ceux qui nous intéressent ici : la forme schématique de ces préfixes met
en jeu une relation entre des occurrences (notées O1 et O2). Ainsi, lorsqu’il fonctionne comme
préfixe, sou- met en jeu des occurrences, ce qui n’est pas forcément le cas lorsqu’il fonctionne
comme préposition. On aurait donc :
O1 R O2
Le deuxième point est peut être anecdotique au sens où il reflète peut être un simple mal
entendu : la notation X R Y me gêne doublement : d’une part, elle pourrait laisser penser que
X et Y ont une existence indépendamment de R ce qui n’est pas le cas selon moi ; d’autre
part, cette notation semble postuler dans notre métalangage une dualité ontologique entre d’un
côté des relateurs et de l’autre les termes mis en relation par ces relateurs. Or, justement, en
raisonnant en termes de formes (schématiques), il me semble qu’un des intérêts est justement
de se situer en deçà de la dualité opérateur / opérande. Bref, je soutiens que, dans le cas des
préfixes, il n’y a pas d’un côté R et de l’autre X et Y ; il y a R tout court. L’existence même
des termes de la relation est déduite de l’existence de la relation elle-même. Dans le cas de
RE, je ne disais pas qu’il y avait deux occurrences entre lesquelles RE exprimait une relation ;
je disais que RE exprimait une relation et que le prédicat était pris dans cette relation ; d’où le
fait que ce prédicat avait une histoire d’où l’idée qu’il y avait une première occurrence. Le
préfixe RE n’exprime pas un lien avec cette première occurrence, il construit l’existence
même de cette première occurrence. C’est la relation exprimée par RE qui fait exister les
entités qu’elle met en relation (bien sûr, quand je parle d’existence, je me situe au niveau des
représentations).
Du coup, je ne sais plus comment noter les choses : peut être RO1-O2.
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Ces hypothèses sur les préfixes, combinées à l’hypothèse de la résonance entre le préfixe et
le verbe amènent à postuler que dans la forme schématique de lever il y aurait quelque chose
de la forme RO1-O2 ; qu’en tout cas lever construirait une dualité concernant des occurrences.
Ceci étant dit, il reste à tirer partie du fait que lever entre en résonance non pas avec un seul
mais avec quatre préfixes (je me pré- de côté) et que parmi ces différents préfixes, lever a une
affinité particulière avec le préfixe sou(s)-.
2.5. Hypothèse sur l’affinité de lever avec les préfixes sou(s)- en-, é- et RE.
Il y a deux hypothèses possibles :
a) soit lever peut résonner avec ces quatre préfixes parce que ces quatre préfixes partagent
des caractéristiques communes au-delà du seul fait d’être des préfixes ;
b) soit lever fonctionne comme une sorte d’élément arithmétiquement neutre pour les
préfixes en général (comme par exemple, le chiffre 0 fournit des résultats équivalents pour
l’addition et la soustraction : 2 + 0 = 2 - 0).
Mais dans cette seconde hypothèse, on ne voit pas bien pourquoi lever ne serait compatible
qu’avec ces quatre préfixes. Pourquoi n’aurait-on pas alever, entrelever, pourlever, surlever,
etc. ? Je vais donc explorer la première hypothèse.
En ce qui concerne sou(s)-, Paillard (2002 : 94) l’associe donc au schéma X R Y, en
proposant les ingrédients suivants (je ne reprends pas tous les éléments) :
- Y est la frontière d’un domaine
- X relève de E [l’extérieur] sur le domaine structuré par Y
- en tant que relevant de E, X occupe une position décentrée sur le domaine.
En ce qui concerne relever, le préfixe RE marque que l'actualisation d’un procès P2 vient
modifier la situation résultant de l'actualisation d'un premier procès P1. Plus précisément,
l’occurrence de procès P2 est localisée par rapport à cette situation résultante issue de P1. A
ce titre, P2 relève de l’extérieur de P1.
Pour les deux autres préfixes, je me fonde sur le dictionnaire historique de la langue
française du Robert. Certes, on est bien loin d’une forme schématique, mais il me semble que
les éléments en jeu sont suffisamment nets pour pouvoir être considérés comme pertinents.
En ce qui concerne élever, l’élément é- est issu du préfixe latin ex- « exprimant l’idée de
« sortir » et celle « d’absence », de « privation » (cf. effeuiller, évacuer, expatrier, exproprier).
On constate que ce préfixe met en jeu une extériorité par rapport à un domaine.
En ce qui concerne enlever, on sait que le préfixe en- a deux origines étymologiques selon
les verbes. Or, dans enlever, l’élément en- est issu de l’élément adverbial latin inde « à partir
de là, de ce moment ». On retrouve cet élément dans les verbes emmener et emporter. On
retrouve une problématique d’extériorité sur un domaine.
Bref, ces quatre préfixes racontent, chacun à leur manière, la mise en jeu d’une extériorité
sur un domaine ; cette extériorité concerne le mode de présence d’une occurrence (si on admet
mon hypothèse en 2.4.).
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2..6. Résonance particulière entre sou(s)- et lever
Ce préfixe se présente sous deux formes :
- sou- : soulever, souligner, soumettre, soupeser, soutenir, soutirer + soulager
- sous :
- sans trait d’union : souscrire, soussigner, soustraire
- avec trait d’union : sous-alimenter, sous-entendre, sous-estimer, sousévaluer, sous-exposer, sous-louer, sous-tendre, sous-titrer, sous-traiter,
sous-affermer, sous-affréter, sous-amender, sous-caver (cf. excaver), sousdiviser, sous-employer, sous-inféoder, sous-investir, (se) sous-venter, sousexploiter, sous-payer, sous-rémunérer, sous-utiliser, sous-soler, sous-virer
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Il semble que cette différence orthographique corresponde assez bien à la répartition entre
les emplois idiomatiques (sou-) et non idiomatiques (sous-), à part soustraire, sous-entendre
et sous-tendre que l’on peut a priori ranger du côté des idiomatiques.
Intéressons-nous aux emplois idiomatiques. L’affinité particulière entre sou- et lever me
semble se manifester dans le fait que les verbes en sou-, à première vue, se répartissent eux
aussi selon les deux problématiques qui rappellent celles de lever : l’apparition et la
disparition.
« marquer / renforcer / appuyer / accéder
à la présence, la visibilité de Y »
soulever (un problème, la poussière,
l’enthousiasme)
souligner (un mot, l’importance d’un fait)
soumettre (une proposition)
souscrire (à une idée)
soutenir (qqn, une poutre)
soutirer (des aveux)
soupeser (des arguments)
« enlever, atténuer, masquer la présence de Y
(le terme en gras)
soulager (qqn de son portefeuille)
soumettre (des rebelles)
soustraire (qqch à la vue)
soutirer (de l’argent à Z)
sous-entendre (qu’il y a un problème)
Pour sous-tendre, je vois moins bien la problématique d’apparition ou disparition.
Le point commun à tous ces verbes est que d’une façon ou d’une autre, ils altèrent le mode
de présence de Y. Ce point me semble crucial pour lever.
Une cerise sur le gâteau ? pour l’étymologie de soustraire, issu de subtrahere, le dictionnaire historique du
Robert signale que sub marque « le mouvement de bas en haut ». Dans le dictionnaire de latin de Gaffiot, pour
sub- en tant que préfixe, on a également, comme deuxième valeur, « de bas en haut ».
3. Hypothèses sur lever
A l’issu de ce parcours, il apparaît donc une triple résonance :
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Ce verbe est issu du latin populaire °subleviare, issu du lat. class. sublevare « soulever », construit sur levare
« lever ».
8 Ce verbe est issu du latin subtrahere, construit sur trahere « tirer, traîner ».
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a) résonance de lever avec la forme schématique des préfixes ;
b) résonance particulière de lever avec les préfixes mettant en jeu une problématique
d’extériorité d’une occurrence sur un domaine ;
c) résonance spécifique de lever avec le façon dont le préfixe sou- met en jeu cette
extériorité
Tout ceci nous donne un cahier des charges pour la forme schématique de lever. Bien sûr,
celle-ci ne se réduit pas à ce cahier des charges, puisque lever n’est pas un préfixe et que
soulever le couvercle ne raconte que partiellement la même histoire que lever le couvercle.
De a), je tire l’hypothèse que lever met en jeu une relation qui construit la représentation de
deux occurrences, notées O1 et O2.
De b), je tire l’hypothèse que O2 est située à l’extérieur d’un domaine, relativement à O1
De c), je devrais tirer que O1, correspond au Y de Paillard, à la frontière du domaine,
permettant de structurer ce domaine en I(ntérieur) et E(xtérieur) ; cela ne me parle pas ; en
l’occurrence, dans l’analyse de souligner un mot, Paillard ne dit pas que le mot est à la
frontière du domaine ; il ne mobilise pas un autre terme qui serait à la frontière du domaine ; il
dit que l’espace du mot-forme graphique fonde l’intérieur du domaine par rapport auquel le
trait qui souligne est situé à l’extérieur. Je dirai donc que O1 relève de l’intérieur du domaine
et non de sa frontière. La frontière est déduite de O1.
Par contre, ce qui me semble crucial est la nature de la relation entre le trait et le mot :
« le trait [que l’on trace sous le mot] est dans l’espace du mot, mais, en tant que relevant de E,
il est décentré par rapport au mot-forme graphique. La présence d’un trait dans l’espace du
mot signifie que le mot est distingué dans la suite des mots » Paillard (2002 : 96).
L’actualisation du trait dans la zone extérieure au mot forme-graphique altère / a un effet sur
le mode de présence du mot-forme graphique. Ce trait extérieur « travaille » le mode de
présence du mot.
Cet aspect me semble également crucial pour lever. Rappelons-nous que dans le blé lève,
la pâte lève, il y a une altération du mode de présence de C0.
Une différence entre sou- et lever : avec le verbe, c’est l’actualisation de O2 définie comme
situé à l’extérieur du domaine, qui en retour structure le domaine et amène à interpréter O1
comme relevant de l’intérieur du domaine. C’est parce que O2 s’interprète comme fondant
l’extérieur du domaine que rétrospectivement, O1 s’interprète comme relevant d’un intérieur.
Dans cette hypothèse, le domaine serait structuré à partir de son extérieur (et non à partir de
son intérieur comme pour sou-).
A ce stade, je dirais donc que la forme schématique de lever contient au moins les
ingrédients suivants :
- actualisation d’une occurrence O2 relativement à une occurrence O1
- O2 relève de l’extérieur d’un domaine D,
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- l’actualisation de O2 sur E(D) structure le domaine de telle sorte que O1 s’interprète
comme relevant de I (D) ;
- ce qui se traduit par le fait que l’actualisation de O 2 modifie / altère le mode de
présence de O1 OU BIEN altère le domaine lui-même (j’hésite)
Dire que l’actualisation de O2 structure le domaine suppose que l’on parte d’une situation
où le domaine n’est pas structuré en I/E ; c’est donc un ouvert et les occurrences sont
indifférenciées. Il me semble que ça ouvre un plan de variation :
- soit O2 est préconstruit, et dans ce cas, lever s’interprétera comme marquant son passage à
l’extérieur du domaine ; c’est la problématique de la disparition : O2 sort du domaine (lever
une interdiction, lever le pied, lever le voile) ;
- soit O2 est construit par lever et dans ce cas, lever s’interprètera comme marquant
l’existence d’un état de chose, issu d’un domaine ; O2 est construit en E ; c’est la
problématique de l’apparition (lever une armée, lever une difficulté).
Quelques exemples pour identifier O1 et O2 :
- lever le rideau : rideau correspond à O2 et le spectacle correspond à O1 ; la levée du
rideau altère le mode de présence de O1, en l’occurrence ici sa visibilité.
- lever une interdiction : interdiction correspond à O2, et le procès que l’interdiction
bloquait correspond à O1. On retire l’interdiction de la situation par rapport à laquelle elle
s’appliquait ; le passage de interdiction en E altère le mode de présence de O1.
- le soleil se lève : O1 correspond à la position du soleil sous l’horizon (il fait nuit) et O 2
correspond au passage du soleil à l’extérieur de ce domaine, d’où son apparition. Le passage
en E altère son mode de présence.
- la pâte lève : si on admet l’hypothèse de Culioli que dans la construction intransitive, il y
a un bouclage de la relation sur le C0, alors pâte correspond à la fois à O1 et O2. En quelques
sortes, la pâte acquiert une extériorité vis-à-vis d’elle-même. Le volume qu’elle acquiert en se
gonflant vers le haut est extérieur au volume qu’elle définissait au départ . La pâte sort du
volume qu’elle définit elle-même d’où l’idée de gonflement. Le passage de O2 en E altère là
encore le mode de présence de O1, mais ici de façon bouclée.
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La continuité en jeu ici (la pâte définie un espace continu) est une conséquence locale de la
combinaison de lever avec la construction intransitive. Il me semble qu’elle n’est pas
intrinsèque au fonctionnement de lever.
A priori, il manque l’idée de la téléonomie proposée par Franckel. Mais je pense qu’on
peut la récupérer indirectement à partir du fait que O1 relève de l’intérieur du domaine, et donc
est associable à du souhaitable, visé, espéré, etc. A contrario, O2, associé à l’extérieur du
domaine aura des affinités avec le détrimental, avec l’idée que ça gêne, que ça empêche. De
plus, je n’en ai pas besoin pour rendre compte de la variation apparition / disparition (cf. son
texte du 12 juin, page 1, en bas).
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Ce serait peut être une piste pour articuler la problématique de l’extériorité du domaine avec la valeur spatiale
« vers le haut ».
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Par rapport aux ingrédients proposés par Planchon, je ne suis pas du tout convaincu par
l’histoire de l’inertie (je pense que c’est une propriété locale à certains emplois influencée par
la comparaison avec relever) ; par contre, l’idée que X contrarie Y me semble fructueuse, car
si on lève une interdiction / un blocus / un embargo, on lève plus difficilement une
autorisation. Si on peut lever une difficulté, un problème, on lève plus difficilement une
solution, une réponse. Mais, je ne sais pas comment l’intégrer dans la forme schématique.
Peut être est-ce récupérable à partir de l’idée que l’actualisation de O2 en E altère le mode de
présence de O1.
Malheureusement, je n’ai rien de convaincant à dire sur les emplois spatiaux et mon
ébauche de forme schématique ne rend pas compte de cette histoire du « bas vers le haut ».
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