Les dix ans du tutorat en psychiatrie: quels bilans et perspectives en

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Les dix ans du tutorat en psychiatrie: quels bilans et
perspectives en Auvergne Rhône Alpes pour demain ?
4ème journée régionale du tutorat en psychiatrie
organisée par le Centre Hospitalier de Saint Cyr au Mont d’Or en
collaboration avec le Centre Ressources Métiers et Compétences
et le soutien de l’Agence Régionale de Santé
Auvergne Rhône-Alpes
Jeudi 15 décembre 2016
TABLE DES MATIERES
1
Les mots d’accueil…
1.1
4
Monsieur Jean-Charles FAIVRE-PIERRET, Directeur du centre hospitalier de Saint Cyr au Mont d’Or : 4
1.2
Monsieur Michel NICOLAS, Directeur des soins, Centre Ressource Métiers et Compétences en
psychiatrie.
6
1.3
Madame le Docteur Sylvie YNESTA, Conseiller "psychiatrie et santé mentale- santé des détenus",
Direction de l'offre de soins, Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes.
7
2
Quel bilan du dispositif « tutorat en psychiatrie » en région Auvergne-Rhône-Alpes ? M. NICOLAS –
Directeur des soins – CRMC.
9
3
Tutorés, 10 ans déjà ! Quelle transmission pour demain ? Tuteurs et tutorés – CH de Saint Cyr au Mont
d’Or 16
4
Le tutorat comme élément clé de la gestion de la transition générationnelle des infirmiers de
psychiatrie : présentation des résultats de la recherche action menée dans deux établissements d’Ile de
France. Karine BOITEAU – Infirmière, consultante RH, Docteur en sciences de gestion
25
5
Dynamique managériale au centre hospitalier Sainte Marie de Clermont Ferrand : une contribution
décisive à la transmission des savoirs. Marie LALUQUE – Cadre supérieure de santé – CHSM de ClermontFerrand
33
6
Etre tuteur professionnel, métier ? Peut-être … Travail ? Surement ! Michèle TORTONESE – Infirmière –
Centre hospitalier « Le Vinatier » - BRON
37
7
Infirmière clinicienne et tutrice : un référencement clinique dans et hors l’équipe. Noémie SPERER –
Infirmière clinicienne – Clinique des Vallées - Annemasse
42
8
45
Tutorat : vers une professionnalisation ? Michel NICOLAS – Directeur des soins - CRMC
9
Quel tutorat pour l’ARS ? Dr Sylvie YNESTA, Conseiller "psychiatrie et santé mentale- santé des
détenus" Direction de l'offre de soins, Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes
49
10
51
Eléments de bibliographie
ANNEXE 1 : Programme de la journée
53
ANNEXE 2 : Indicateurs sur la progression des infirmiers à l’issue du tutorat et des formations du corpus
« Consolidation des savoirs ».
54
ANNEXE 3 : Tuteur en psychiatrie, passeur de savoirs
58
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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Le 15 décembre 2016, s’est tenue la quatrième journée régionale du tutorat en psychiatrie organisée
par le Centre Hospitalier de Saint Cyr au Mont d’Or et le Centre Ressource Métiers et Compétences en
psychiatrie.
Cette journée s’est déroulée avec le soutien de l’Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes.
Depuis 2010, le Centre Hospitalier de Saint Cyr organise tous les deux ans cette journée régionale. Les
trois précédentes journées avaient successivement exploré les questions suivantes : « Qu’est-ce que
transmettre ? », « Comment transmettre ? », « Que transmettre ? ». Ces journées riches en échanges
avaient permis de partager les expériences des uns et des autres et de créer une véritable dynamique
régionale.
Pour cette quatrième journée, dresser un bilan de ce dispositif mais aussi dégager des perspectives
pour les années à venir se présentait comme une évidence.
En effet, le dispositif fêtait ses dix ans (la circulaire ayant institué le tutorat date du 16 janvier 20061).
Par ailleurs, l’ « ex-région » Rhône-Alpes a été la seule région sur le territoire national à poursuivre
l’accompagnement financier de ce dispositif dans le cadre du projet régional de santé 2012-20172. Cet
appui a ainsi permis à de nombreux établissements de poursuivre l’accompagnement des nouveaux
arrivants à l’aide de ce dispositif original.
A l’aube de la réécriture du projet régional de santé, mais aussi de la nouvelle configuration régionale,
la question du maintien de ce dispositif devait nécessairement se poser. Ainsi, cette question se devait
d’être explorée à l’occasion de ces 4èmes journées.
Dans cette perspective, le CRMC, dans le cadre de sa mission d’accompagnement des réflexions
régionales sur les métiers et compétences en psychiatrie a réalisé un recueil de données afin de dresser
un bilan de ce dispositif. Il a également accompagné un groupe de travail sur la définition du tutorat
en psychiatrie.
Pour compléter ces éléments, plusieurs intervenants ont pu partager leur expérience de tuteur et de
tutoré quelquefois dans un exercice originale qui invite à penser le tutorat de façon différente.
1
2
Circulaire DHOS n° DHOS/P2/O2DGS/6C/2006/21 du 16 janvier 2006
http://www.prs-rhonealpes.fr/prs-rhone-alpes.html
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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1
LES MOTS D’ACCUEIL…
1.1
MONSIEUR JEAN-CHARLES FAIVRE-PIERRET, DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER
DE SAINT CYR AU MONT D’OR :
Bonjour à toutes et à tous,
Je souhaite à l’occasion de cette journée revenir avec vous sur le rapport de Monsieur LAFORCADE3
diffusé récemment. Nous avions tous eu connaissance, il y a quelques années, du plan psychiatrie
santé mentale. Ce plan était intéressant puisqu’il faisait état des objectifs notamment en matière de
prévention des ruptures dans la prise en charge des patients. Mais celui-ci avait été court, bref, réalisé
avec peu de concertation et surtout il ne faisait état d’aucun objectif en termes de moyens associés.
Peut-être que ce « rapport Laforcade » qui est dense et qui a fait l’objet d’un travail de fond sera la
première pierre d’un plan dans les années qui viennent un peu plus ambitieux que ceux que nous avons
connu. Je retiens dans ce plan un certain nombre de choses et je souhaitais vous les lire ce matin. « Des
innovations remarquables se font jour en psychiatrie en France, souvent depuis plusieurs années, dans
de multiples endroits du territoire national témoignant de l’engagement et de la faculté des
professionnels à se mobiliser ». Nous sommes dans le sujet qui nous concerne aujourd’hui : Une
initiative remarquable d’innovation autour du tutorat. On en parle peu et pas assez en France puisque
ce dispositif au niveau national à la différence de notre région a été abandonné en 2010.
Le rapport Laforcade mentionne aussi « Nous regrettons que les meilleures solutions restent souvent
confidentielles : il s’agira de porter à connaissance ce qui se fait d’exemplaire ».
Je remercie l’Agence Régionale de Santé et le Docteur Ynesta d’être présent ce matin, de co-organiser
cette journée et de nous aider à faire que cela soit une réussite. Cette ARS a été la seule en France à
continuer de porter ce dispositif remarquable et à faire qu’il ne soit pas confidentiel.
« L’enjeu » dit le rapport Laforcade « consiste à passer d’expériences multiples et souvent probantes à
une politique de santé plus homogène ». Et bien, nous espérons aussi qu’en matière de tutorat, nous
reviendrons à des ambitions nationales.
Je finirai sur le rapport Laforcade en citant « Recherche, évaluation et formation sont indissociables.
Malgré les avancées significatives ces dernières années, des comités de recherche et d’élaboration de
recommandations adaptés à la psychiatrie doivent être promus et mise en œuvre ». Il rappelle que la
dépense en recherche, et je parle de l’ensemble de la recherche non limitée à la recherche en soins,
ce n’est que 2% de toute la recherche médicale en France.
Aujourd’hui, nous sommes ici avec le CRMC, la présence de Monsieur Lanquetin et de Monsieur Nicolas
est aussi la preuve que, ici en région Auvergne-Rhône-Alpes, nous faisons des efforts en matière de
3
http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgos_rapport_laforcade_mission_sante_mentale_011016.pdf
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recherche en soins. Monsieur Nicolas présentera tout à l’heure l’étude qu’il a réalisé sur les dix ans du
tutorat et nous sommes reconnaissants aux professionnels qui se mobilisent en matière de recherche
en soins, à l’ARS de nous aider en la matière.
Nous sommes donc là pour les 10 ans de la circulaire de janvier 2006 qui avait instauré le tutorat pour
les nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie. Je vous parlais du plan psychiatrie santé mentale, il
s’agissait de l’avant dernier plan qui avait fait du tutorat une priorité en matière de psychiatrie pour
adapter les compétences, améliorer l’accueil des nouveaux infirmiers, les fidéliser et renforcer
l’attractivité de l’exercice infirmier en psychiatrie.
A Saint Cyr au Mont d’Or, qui est le deuxième établissement public de santé mentale à Lyon, nous
avons mis en place le tutorat dès 2007. Une évaluation régionale avait été conduite en 20094, sous
l’égide de l’ARS qui faisait état de l’intérêt du dispositif et surtout du fait que les professionnels le
plébiscitent. Une nouvelle évaluation était pilotée par la DGOS au niveau national en 20105 qui
montrait, au moment où il était abandonné au niveau national, tout l’intérêt du dispositif et les
différents effets qu’il produit. Au sujet des tuteurs, on rappelait qu’il y avait trois positions majeures :
« celle du précepteur qui sait et transmet les connaissances théoriques, celle du compagnon qui partage
une expérience et permet de conseiller, et celle du superviseur qui investit la question du rapport du
soignant aux acteurs avec lesquels il travaille ».
Nous avons au centre hospitalier de Saint Cyr, organisé tous les deux ans des journées régionales du
tutorat à chaque fois soutenues par l’ARS.
Aujourd’hui ce sont les 10 ans du tutorat et nous allons faire un point sur l’état du tutorat dans notre
région et ses perspectives. Cette journée de travail va tenter de répondre à la question « Qu’en est-il
aujourd’hui du tutorat dans notre région ? ». La présence de nombreux professionnels d’Auvergne et
Rhône-Alpes est une preuve de la vitalité du dispositif.
Je vous souhaite une excellente journée avant de laisser la parole à Michel Nicolas, puis Madame
Ynesta, tout en félicitant encore une fois le CRMC pour le travail important qui a été conduit sur le
tutorat en région.
4
Martine BARTOLETTI/ groupe de travail - « Enquête sur l’impact des actions de formation du plan psychiatrie et
santé mentale » - ARH – Novembre 2009 – 45 pages - http://crmc-psy.fr/metiers-de-psychiatrie-competencesformation-crmc-psychiatrie
5
Judith MATHARAN, Julie MICHEAU, Annick PENSO - « Etude sur le tutorat/compagnonnage des
professionnels infirmiers en psychiatrie– plein Sens – Septembre 2010 -107 pages - http://crmc-psy.fr/metiersde-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie
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1.2
MONSIEUR MICHEL NICOLAS, DIRECTEUR DES SOINS, CENTRE RESSOURCE METIERS
ET COMPETENCES EN PSYCHIATRIE.
Bonjour à toutes et à tous,
Le CRMC est né de la volonté conjointe des directeurs des soins et directeurs d’établissements de santé
mentale pour assurer l’attractivité et la fidélisation dans la discipline psychiatrique.
Ce projet a été soutenu et accompagné par l’ARS. A ce jour, ce sont 26 établissements (Publics, privés,
ESPIC) qui sont adhérents et participent aux travaux initiés par le CRMC.
Le CRMC a pour mission de développer le réseau entre les établissements ayant une activité de
psychiatrie et santé mentale. A travers ce réseau et un travail collaboratif, ce sont les questions des
métiers, compétences mais également pratiques professionnelles qui peuvent être mises en travail et
exploitées dans un espace dédié.
Ainsi, par exemple, sont développées et travaillées au sein du CRMC, la question du référentiel métier
infirmier en psychiatrie (avec pour corollaire le sujet des pratiques avancées), le moindre recours à
l’isolement et à la contention, l’évolution des compétences en lien avec l’évolution des dispositifs
ambulatoires…
Le CRMC, c’est aussi le développement et l’accompagnement de la recherche en soins avec l’initiation
d’une recherche inter-établissement depuis septembre 2016.
Le tutorat s’inscrit naturellement dans ce cadre tant il a à voir avec la question des compétences des
professionnels d’aujourd’hui et de demain en psychiatrie et santé mentale.
C’est pourquoi je suis heureux que cette journée puisse avoir lieu. Je tiens à remercier l’ARS et le centre
hospitalier de Saint Cyr au Mont d’Or pour y avoir associé le CRMC et aussi pour le soutien qu’ils ont
pu apporter à l’organisation de cette journée.
Nous sommes aujourd’hui 130 professionnels, de 28 établissements de santé différents et de deux
instituts de formation. Je remercie de leur présence le Docteur Ynesta et Madame Danielou, directrice
des soins et conseillère technique, de l’ARS. Je voudrai saluer la présence de nos collègues d’Auvergne,
le centre hospitalier Sainte Marie de Clermont Ferrand et le centre hospitalier Henri MONDOR
d’Aurillac mais aussi « nos voisins », le centre hospitalier de Macon et le centre hospitalier de la
Chartreuse de Dijon.
Cet espace qui nous est offert aujourd’hui est un espace de réflexion, de controverses, sur un dispositif
qui reste à mon sens essentiel à notre profession et à la qualité des soins.
Je nous souhaite une bonne journée de travail et vous remercie par avance de votre participation aux
échanges.
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1.3
MADAME LE DOCTEUR SYLVIE YNESTA, CONSEILLER "PSYCHIATRIE ET SANTE
MENTALE- SANTE DES DETENUS", DIRECTION DE L'OFFRE DE SOINS, AGENCE
REGIONALE DE SANTE AUVERGNE-RHONE-ALPES.
Mesdames et Messieurs bonjour,
Madame Vigne, Directrice de l’offre de soins à l’Agence Régionale de Santé me prie de l’excuser auprès
de vous puisqu’elle a eu un impondérable de dernière minute, mais c’est bien volontiers que j’ai pris
le relai pour cette introduction.
En effet, comme on vient de vous le dire l’année 2016 est une année particulièrement importante pour
le tutorat puisqu’elle marque sa dixième année. Et je vous rappelle comme l’a évoqué Monsieur FaivrePierret, les objectifs de ce tutorat était alors bien cadrés. Le tutorat devait permettre d’adapter les
compétences en santé mentale sur la base d’une transmission notamment intergénérationnelle, des
savoirs et des pratiques. Il devait permettre d’améliorer l’accueil des nouveaux infirmiers (et à l’époque
le dispositif était à destination exclusive des infirmiers) et leur adaptation à la spécificité de l’exercice
en psychiatrie. Le dernier objectif que s’était fixé le plan santé mentale était de renforcer l’attractivité
de l’exercice infirmier et de fidéliser les professionnels. A ce jour, nous ne sommes pas arrivés
forcément à démontrer l’atteinte de ce dernier objectif mais c’était un objectif important.
Comme l’a montré l’enquête du CRMC qui va vous être présentée, on voit que ce dispositif a toujours
sa place et qu’il reste essentiel pour la profession particulièrement des infirmiers. Quand on regarde
cette enquête, les tutorés considèrent le tutorat dans leur grande majorité comme nécessaire et utile
à leur construction professionnelle. Le tutorat facilite leur prise de recul dans les situations de soins,
leur permet de mieux comprendre le fonctionnement psychique des patients mais aussi d’améliorer
leurs capacités réflexives face aux situations rencontrées. De plus, le tutorat joue aussi un rôle
important en permettant à ces jeunes professionnels de mieux se positionner auprès des malades,
dans leur propre service mais aussi éventuellement dans leur institution et cela me semble
particulièrement important. Ces constats expliquent en partie pourquoi l’agence régionale de santé a
soutenu financièrement dès le départ ce dispositif et a été la seule région de France à continuer à le
financer alors que les financements nationaux n’avaient plus cours.
Suite à une évaluation que j’avais réalisée en 20136, nous avions étendu le tutorat à d’autres
établissements, les cliniques, dans le cadre du dernier projet régional de santé grâce à des
financements spécifiques (Fonds Inter Régional).
Sur l’année 2015, ce sont près de 970 000 euros qui ont été dévolus au dispositif tutorat, consolidation
des savoirs, formations spécifiques pour les établissements publics et ESPIC et 300 000 euros sur le FIR
pour les établissements privés. L’enveloppe dévolue à ce dispositif était donc supérieure à une million
d’euros, ce qui dans un contexte de contrainte financière est très conséquent.
6
Florence BROSSAT, Karyn LECOMTE, Dr Sylvie YNESTA, Evaluation du volet régional de formation en
psychiatrie et proposition pour sa pérennisation – Juillet 2013 – 18 pages - http://crmc-psy.fr/metiers-depsychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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D’autres éléments vont conduire l’ARS à poursuivre à soutenir le dispositif dans les années qui
viennent. Comme l’a évoqué Monsieur Faivre Pierret, le rapport Laforcade, page 71, dans les
propositions destinées à faire évoluer les pratiques, « conforter le tutorat pour les infirmiers
nouvellement affectés en psychiatrie ». J’espère que d’autres ARS vont continuer à aider ce dispositif.
Un autre rapport est sorti récemment, celui de la Haute Autorité de Santé, dans un guide intitulé
« Mieux prévenir et prendre en charge les moments de violence dans l’évolution clinique des patients
adultes lors des hospitalisations en service de psychiatrie »7. Ce rapport récemment publié rappelle
que les compétences spécifiques des équipes dans la gestion des situations difficiles sont autant
d’éléments qui limitent les risques de violence et leurs conséquences ».
D’autre part, je vous le rappelle, l’article 72 de notre loi de modernisation de notre système de santé
encadre précisément maintenant la contention et l’isolement en psychiatrie en stipulant que ce sont
des pratiques de dernier recours.
Pour que les pratiques changent, pour mieux prévenir la violence dans les établissements
psychiatrique et réduire de façon importante le recours à l’isolement et à la contention, la région a
besoin d’infirmiers compétents, reconnus dans leur rôle propre qui possèdent certains savoirs-faires,
certains savoirs-êtres, que seul le tutorat, mais un tutorat de qualité peut leur apporter.
Dès 2017, l’Agence Régionale de Santé va cependant cibler ses financements pour la formation des
nouveaux arrivants dans la discipline psychiatrique. Nous ne financerons dorénavant plus que le
tutorat. Ainsi, comme dans d’autres régions, les établissements inscriront dans leur plan de formation
les modules de consolidation des savoirs, et les formations continues quel qu’elles soient, spécifiques
ou pas.
Le dispositif de tutorat sera étendu aux établissements de l’ex-région Auvergne qui font partie
maintenant de la même région.
Les financements FIR jusqu’alors destinés aux cliniques seront arrêtés pour l’ensemble de la région.
La journée de travail que vous prévoyez est une journée d’échange qui doit montrer quels sont les
bonnes pratiques et les prérequis indispensables pour que le tutorat réponde au mieux aux attentes
des tutorés, aux attentes des tuteurs, de l’institution qui le porte mais aussi de l’ARS.
Je souhaite rappeler aujourd’hui que le tutorat n’est pas un « simple » compagnonnage. Il doit
réellement permettre d’améliorer les pratiques et il doit permettre d’améliorer la qualité des soins.
L’ARS souhaite qu’ils deviennent un dispositif structuré, harmonisé entre les établissements qui
bénéficient de ces financements.
Nous prévoyons donc qu’à la suite de cette journée, un cahier des charges sur le tutorat soit élaboré
et ce document s’imposera à tous les établissements qui souhaitent être soutenus financièrement par
l’ARS.
Dans ce contexte mais aussi en fonction de ce que j’aurai entendu au cours de la journée, je vous
donnerai en fin de journée un certain nombre d’éléments qui vont faire partie de ce cahier des charges.
Je vous souhaite une bonne journée de travail et avant de terminer, je tiens à remercier le CRMC et le
centre hospitalier de Saint Cyr au Mont d’Or pour avoir organisé cette journée.
7
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1722 310/fr/mieux-prevenir-et-prendre-en-charge-les-moments-deviolence-dans-l-evolution-clinique-des-patients-adultes-lors-des-hospitalisations-en-services-de-psychiatrie
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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2
QUEL BILAN DU DISPOSITIF « TUTORAT EN PSYCHIATRIE » EN REGION AUVERGNERHONE-ALPES ? M. NICOLAS – DIRECTEUR DES SOINS – CRMC.
Ce bilan est issu de l’enquête régionale8 initiée par le CRMC finalisée en juin 2016. Vous pouvez
retrouver l’intégralité de cette enquête sur le site du CRMC9. Les données issues de cette enquête
seront mis en perspective avec :



Les 3 précédentes journées régionales (non publiées - abstracts peuvent être disponibles).
L’enquête sur l’impact des actions de formation du plan psychiatrie et santé mentale - ARH
(2009)10
L’étude sur le tutorat/compagnonnage des professionnels infirmiers en psychiatrie (Plein sens)
DGOS (2010)11
 Quelques données chiffrées sur l’enquête réalisée par le CRMC en 2016 :
28 établissements répondants dont 23 ont mis en place le dispositif (dont 7 ont arrêté) et 5 ne l’ont
jamais mis en place. Ce sont donc 123 questionnaires traités répartis comme suit :
- 27 décrivant le dispositif renseigné par des directeurs de soins ou cadres coordonnant le
dispositif
- 41 renseignés par les tuteurs
- 23 renseignés par les tutorés
- 19 par les cadres de santé et 3 par des médecins. Nous avions souhaité que dans chaque
établissement 2 cadres et deux médecins répondent. Finalement, nous nous apercevons que
les médecins se sont tenus en retrait et nous avons eu du mal à recueillir leur avis sur ce
dispositif.
A noter : 3 établissements ont mis en place le tutorat il y a moins de deux ans et 4 établissements
envisagent de le mettre en place. Ceci confirme l’actualité et la permanence du besoin en matière
d’accompagnement à l’acquisition de compétences spécifiques et sans doute la pertinence de ce
dispositif.
 les aspects organisationnels des dispositifs :
Plus de la moitié des établissements répondants associent un tutorat collectif à l’individuel. Le tutorat
individuel reste le socle commun. En 2010, l’enquête DGOS précisait que lorsqu’il existait, le tutorat
collectif était une des évolutions du dispositif.
La règle majoritaire est que le tuteur et le tutoré n’exercent pas dans la même unité
8
M. NICOLAS – « Enquête sur le tutorat en psychiatrie en région Auvergne-Rhône Alpes » - Juin 2016 – CRMC –
37 pages - http://crmc-psy.fr/metiers-de-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie
9
www.crmc-psy.fr
10
Op. Cit
11
Op. Cit.
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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Pour plus de la moitié des établissements, le tutorat est obligatoire (2 établissements imposent la
première rencontre). Lorsqu’il est facultatif, il est fortement conseillé, avec des efficacités variables
 Les tuteurs et les tutorés :
Pour les tutorés, la durée d’exercice préalable à la mise en place du tutorat est variable (1 à 12 mois).
Ces périodes courtes correspondent souvent pour des établissements privés à la fin de la période
d’essai. En 2010, l’étude diligentée par la DGOS notait que le tutorat démarrait 6 à 12 mois après la
prise de poste. Cela semble une période nécessaire d’immersion pour pouvoir revenir sur sa pratique
avec un peu de distance. Cette même étude précisait qu’il était entendu, et le Docteur YNESTA le
rappelait, que le tutorat ne se substituait pas à l’adaptation au poste qui relève de l’encadrement du
service, voir du compagnonnage dans certains établissements.
La sélection des tuteurs ne reposent pas toujours sur des critères formalisés. Le nombre d’années
d’expérience reste le critère le plus cité. En 2010, le principal critère explicite pour être tuteur est
l’ancienneté. On voit qu’en majorité le seuil de 5 ans (édicté dans la circulaire de 2006) reste la règle.
Cependant un abaissement de ce seuil à trois ans pour certains établissements peut légitimement nous
interroger. En lien avec l’abaissement de ce seuil, la difficulté pour trouver des tuteurs suffisamment
expérimentés est pointée.
La formation des tuteurs est généralisée. Notons au passage que le format trois jours est toujours
d’actualité dans de nombreux établissements. Nous remarquons qu’une instruction DGOS12 du 4
novembre dernier portant sur un cahier des charges de formation au tutorat des stagiaires
paramédicaux préconise pour ces tuteurs d’apprentissage une formation minimale de 4 jours. Cela
peut nous interroger sur comment demain former nos tuteurs en psychiatrie, allons-nous les former
sur une période plus courte que les tuteurs d’apprentissage ?
L’accompagnement repose sur une coordination effectuée par un cadre (8), mais 4 seulement avec
des rencontres et/ou l’analyse des pratiques de tutorat (2). Cette nécessité pour les tuteurs
d’appartenir à un groupe était notée en 2010, avec une plus-value : « en même temps qu’il décloisonne
l’établissement, le groupe des tuteurs peut devenir un lieu particulièrement innovant ». C’est ce dont
on se rend compte dans certains établissements où les tuteurs se sont saisis du dispositif de tutorat et
ce sont eux qui l’ont fait évoluer.
 Les contenus, outils et l’évaluation du dispositif
Sur le contenu du tutorat de manière globale, le choix d’un thème ou d’une situation clinique est soit
apporté par le tuteur, soit par le tutoré.
Quelques établissements ont formalisés des outils (guide du tutorat, charte, évaluation d’acquisition
de compétences….) mais cela ne constitue pas une majorité et pour certains établissements lorsqu’ils
existent sont très peu utilisés.
12
INSTRUCTION N° DGOS/RH1/2016/330 du 4 novembre 2016 relative à la formation des tuteurs de stages
paramédicaux
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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L’évaluation du dispositif est existante mais reste une évaluation quantitative ou de satisfaction.
L’évaluation du dispositif et de son efficacité reste une vraie question aujourd’hui : c’était aussi une
question en 2012 après l’intervention du CHU de Grenoble : « Comment évaluer l’impact du tutorat
sur les jeunes professionnels, sur leur capacité à exercer ? Quels critères et indicateurs ? ».
En 2010 l’enquête DGOS pointait déjà : « L’évaluation est rarement prévue. Il ne s’agit apparemment
pas tant d’une lacune que d’un parti pris : le tutorat est mis à disposition des binômes à qui il revient
d’en faire bon usage ». Je reviendrai sur cette question cet après-midi.
 Les tuteurs répondants : qui sont-ils et qu’est-ce qui les motive ?
On constate que la majorité des tuteurs répondants ont plus de 10 ans d’expérience. On évoquait tout
à l’heure le seuil fixé par les établissements (3 ou 5 ans) mais en pratique nous nous rendons compte
que les tuteurs sont largement plus expérimentés. Ceci était déjà le cas en 2010, ou on retrouvait les
mêmes données. Est-ce un choix des établissements dans le recrutement de leurs tuteurs ou sont-ils
plus à l’aise dans l’exercice lorsqu’ils sont plus expérimenté (donc plus à même de se porter candidats)
?
L’envie associée à la nécessité d’une transmission est moteur dans le choix de devenir tuteur. Mais
on retrouve aussi une volonté de valoriser le métier d’infirmier en psychiatrie et la discipline.
Ce qui se révèle aidant : l’expérience avant toute chose, puis le groupe de pairs et enfin la
structuration institutionnelle du dispositif. En 2010, l’enquête DGOS pointait qu’un des points clé de
la vitalité du dispositif est l’animation et la coordination par un chef projet. On perçoit bien qu’avoir
un dispositif structuré, institutionnalisé, reconnu et porté par la direction et un coordonnateur qui
réunit les tuteurs et qui anime ce groupe, est important. On a en effet cette volonté de bien
accompagner les nouveaux arrivants en proposant un tutorat par exemple, mais il faut que nous
pensions au sein de nos établissement à accompagner les tuteurs. Je pense que cela participe de
l’efficacité du dispositif aussi.
 Les tutorés répondants
Sur les 33 tutorés répondants, 30 ont plus de 12 mois d’expérience. Ils ont accédé au tutorat entre 5
et 14 mois après leur prise de poste, donc lorsqu’ils répondent à ce questionnaire, ils sont à distance
de leur parcours tutoral.
21 n’avaient pas connaissance du dispositif avant leur embauche. Ceci interroge sur notre capacité de
communication au sein des IFSI. Si nous voulons que ce dispositif soit un facteur d’attractivité, il va
falloir que nous renforcions cet aspect-là. Cela n’a constitué un critère de choix de l’établissement pour
4 des 7 qui en avaient connaissance.
 La relation tutorale vu par les uns et les autres
Lorsque nous demandons aux tuteurs et tutorés de qualifier la relation tutorale, les notions
d’accompagnement (tuteurs) ou de soutien (tutorés) arrivent en tête suivies pour les deux groupes
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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de la notion de confiance. Le partage entre pairs est aussi une notion que l’on retrouve dans les deux
groupes. Le constat porte sur la nécessité que le tuteur soit un pair et non pas un professionnel avec
une fonction hiérarchique.
 Entre objectifs et résultats
Nous avons proposé aux deux groupes de prioriser (en termes d’objectifs pour les tuteurs et d’acquis
pour les tutorés) les items parmi les 7 suivants
 Compréhension des processus psychopathologiques
 Positionnement par rapport à l’équipe
 Connaissances cliniques
 Positionnement par rapport au patient
 Des savoirs faire
 Savoirs être dans la relation de soin
 Prise de recul sur les situations de soins
→ En priorité pour les tuteurs Savoir être dans la relation de soin et prise de recul, pour les tutorés,
prise de recul et savoirs faire
En 2010, l’enquête DGOS pointait : « La fonction principale du tuteur serait de re-contextualiser les
situations présentées pour aider le tutoré à se positionner »
Bernadette Saby, infirmière tutrice (2012) remarquait lors de la 2ème journée régionale : « une
ambiance, une respiration, un rythme à l’écart du service de soins pour mettre en marche l’appareil à
penser les pensées ». On retrouve cet aspect « prise de recul », espace dédié où le tutoré va pouvoir
prendre un peu de distance avec ce qu’il a vécu.
 savoirs recherchés et contenus réel
Lorsque nous interrogeons les tuteurs sur les savoirs qu’ils cherchent à développer chez les tutorés, la
question du positionnement est cité 24 fois, soit positionnement professionnel, soit positionnement
en équipe …
En 2010, l’enquête DGOS relevait que le tutorat avait un rôle dans l’acquisition d’une aisance, qui
permettra au tutoré d’intervenir de manière plus assertive en réunion.
En 2012, l’équipe de SJDD (Centre Hospitalier Saint Jean de Dieu – Lyon) : « apprendre à dire JE »
« s’affronter, défendre une position en l’argumentant ». Viennent ensuite dans les savoirs que les
tuteurs cherchent à développer : la qualité relationnelle et la capacité à prendre du recul.
Sur les thématiques les plus fréquentes repérés par les tuteurs : la relation à l’équipe et le
positionnement…mais aussi la gestion de crise, violence, agressivité ; les processus psychiques.
En 2010, l’enquête DGOS pointait un contenu varié : situations mal vécues, cas clinique, clarifications
théoriques, connaissances des services et des structures. On ne retrouve que très marginalement
(deux fois) dans l’enquête ce dernier item.
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 Impact sur les tutorés : le vécu des tutorés
Pour 31 tutorés sur les 34 tutorés interrogés le tutorat a été utile ou nécessaire (choix entre quatre
item utile/nécessaire/ moyennement utile / inutile). Plus de la moitié d’entre eux disent que cela les a
incités à des lectures professionnelles. Le groupe tuteurs de Saint Cyr au Mont d’or avait réalisé un
document qui repérait parmi d’autres cet indicateur comme un indicateur de professionnalisation des
effets du tutorat (Annexe 2). Quatre tutorés seulement disent que cela les a incités à écrire. Ceci parait
logique puisque cette phase est sans doute à venir dans le parcours professionnel.
Peu envisagent un changement d’établissement : Cet item se révèle peu pertinent en termes d’analyse
(il aurait fallu une comparaison avec un échantillon n’ayant pas eu de tutorat). D’autant qu’au travers
des questionnaires la question de la fidélisation des professionnels comme objectif est moins présente
qu’en 2009. En 2010, l’enquête DGOS notait que cet investissement était rentable pour fidéliser dans
la spécialité à défaut de fidéliser dans l’établissement.
 Impact sur les tutorés : le vécu des « témoins »
Les témoins sont les cadres de santé et médecins qui ont un regard distancié sur l’évolution des jeunes
professionnels. Nous leur avons demandé quels étaient pour eux les impacts de ce parcours tutoral
sur différents aspects de la vie professionnelle des tutorés :



Sur la relation de soin (17/21) : meilleure compréhension des mécanismes psychiques et
meilleure aisance dans la relation d’aide.
Sur la relation à l’équipe (17/21) : affirmation au sein de l’équipe, prise de parole
Sur les capacités d’auto-évaluation (16/21) : amélioration de la capacité réflexive
Tous pensent que ce dispositif est un dispositif de formation pertinent.
 Situations où le tutorat se révèle utile
Pour les tuteurs et les tutorés les situations où le tutorat se révèle utile sont les mêmes :
 Le positionnement au sein de l’équipe
 La gestion de crise
 Les prises en charge complexes
Ces situations sont en fait indicatives de ce qui fait difficulté en début de carrière pour un jeune
professionnel.
En 2009, les professionnels interrogés estimaient à plus de 85 % que le dispositif permettait une
meilleure implication dans une équipe mais prendre la parole en groupe était un objectif non atteint
pour 32% des médecins et 24% des cadres.
En 2010, il était noté que la gestion des situations de crise vient percuter la représentation du soin
pour les nouveaux arrivants et cela nécessite un travail de distanciation permis par le tutorat.
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 Facteurs influençant la pertinence du dispositif:


Pour les tuteurs : l’implication et la motivation du tutoré, la confidentialité et régularité des
échanges, l’investissement de l’institution
Pour les tutorés : l’expérience du tuteur, la qualité de la relation
Le cadre du travail et l’investissement de l’institution sont ici soulignés par les tuteurs comme facteurs
améliorant la pertinence du dispositif.
 Avantages et inconvénients – tutorat collectif et individuel pour tuteurs et tutorés


Tutorat individuel : Personnalisation de l’accompagnement, liberté de parole et confiance /
moins de richesse que le collectif
Tutorat collectif : Richesse des échanges / difficulté d’organisation et de prise de parole pour
les tutorés. Difficultés pour les tutorés lorsque sont présents d’autres membres de l’équipe
(tuteurs ou tutorés)
 Freins et Leviers :


Les freins : Les difficultés liées aux organisations de travail et la disponibilité des acteurs. On
retrouve des problématiques de planning, d’effectifs, de parvenir à faire coïncider deux
organisations de travail.
Les leviers : L’implication institutionnelle : directions, encadrement
En 2009, l’enquête montrait que les difficultés liées aux organisations de travail représentaient 72%
des difficultés rencontrées par les tuteurs. En 2010, la difficulté à tenir le rythme des séances était
aussi citée dans l’enquête DGOS. « Cette organisation suppose une bienveillance de l’encadrement
pour que le temps consacré au tutorat ne soit pas renvoyé au bénéficiaire comme une manière de tirer
au flanc mais comme une contribution collective à la montée en compétence dont tous peuvent tirer
parti. »
Il était noté également que le tutorat repose sur l’implication forte des acteurs : direction des soins,
cadres de services, médecins et bien entendu tuteurs et tutorés.
Brigitte GARNIER tuteur à Saint Cyr au Mont d’Or lors de la journée 2012 : « de toute évidence la
viabilité du tutorat repose sur un engagement institutionnel solide dans un cadre de fonctionnement
réfléchi et stable ». L’équipe de Saint Jean de Dieu rappelait le travail effectué auprès de l’encadrement
pour amoindrir une « rivalité » cadres/tuteurs.
En conclusion, pour les différents acteurs le tutorat reste un dispositif pertinent et utile de formation,
comme cela avait été pointé en 2009 et 2010. Il vient soutenir le professionnel débutant dans les
situations complexes du soin qui sont nombreuses en psychiatrie. L’effet de ce dispositif sur une prise
de confiance en soi est confirmé. Cette confiance acquise, le tutoré va pouvoir se positionner et
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confronter ses observations et analyses en équipe. En cela, le dispositif aura aussi un impact sur les
compétences collectives.
L’évaluation fine de son efficacité réelle reste toutefois toujours en question. Les enjeux autour de la
préservation de la confiance et de la confidentialité sont ici très présents. Quelle évaluation des
compétences acquises ? Par qui ? Pourquoi ?
Mais on perçoit aussi la fragilité de ce dispositif actuellement tant il est soumis aux contraintes
organisationnelles de nos établissements. Sans une volonté institutionnelle forte et une implication
réelle des acteurs et notamment de l’encadrement, ce dispositif ne saurait être pérenne. Certains
établissements pointent aussi la difficulté de trouver des professionnels expérimentés ou volontaires
pour exercer la fonction de tuteur. La question de la reconnaissance des professionnels tuteurs, audelà d’une dimension symbolique, se pose toujours depuis la création de ce dispositif.
Jean Paul LANQUETIN – Infirmier praticien chercheur – CH Saint Cyr au Mont d’Or – GRSI – CRMC
Quelques commentaires avant l’intervention suivante :
-
-
-
-
En termes de professionnalisation dans cette étude, il apparaît que la question des besoins
demeure et donc la question des modalités de réponse et de la pertinence et de la nécessité
du tutorat comme modalité d’accompagnement demeure également - Témoins les
établissements qui n’ont pas mis en place le tutorat et qui souhaitent le faire dix après la
circulaire initiale de 2006 ou les établissements qui ont mis un terme à ce dispositif et
souhaitent le reprendre.
Un point aujourd’hui largement acquis est la différence entre accueil et adaptation au poste
et le temps tutoral. Ce sont deux temps différents dans le parcours professionnel. La prise de
poste consiste en une découverte de son environnement de travail, de sa responsabilité
professionnelle et d’un certain nombre de savoirs procéduraux. Ensuite, une fois que l’on est
familiarisé à minima avec cet environnement et ce positionnement de base, on peut aborder
la question des contenus.
L’autre dimension est la dimension intergénérationnelle que présentera également Madame
Karine Boiteau. Cette question constituait l’idée organisatrice du tutorat mais on voit bien qu’il
existe des réalités sociodémographiques assez différentes suivant les établissements. Je pense
à Clermont Ferrand, dont nous aurons une présentation cet après-midi, qui a connu un départ
massif en retraite de ses ISP (Infirmiers de Secteur Psychiatriques) sur un temps très court.
C’est le cas aussi d’établissements frontaliers qui subissent l’attractivité des pays voisins où la
question de l’ancienneté se pose. Dans ces situations, rencontrer un pair ou un « père », cette
dimension intergénérationnelle est abrasée.
De même, nous percevons bien la complémentarité des dispositifs individuels et collectifs.
On n’y travaille pas les mêmes compétences. Enfin, avec le principe de séparation des
appartenances de services, il existe une particularité organisatrice du travail en situation de
tutorat, qui le différencie du compagnonnage : c’est la possibilité de se regarder travailler dans
son équipe, parce que le ou la tutoré(e) est à l’extérieur de celle-ci.
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TUTORES, 10 ANS DEJA ! QUELLE TRANSMISSION POUR DEMAIN ? TUTEURS ET
TUTORES – CH DE SAINT CYR AU MONT D’OR
Gérard ANSELME - Tuteur
Le temps du bilan !
10 ans de pratique à Saint Cyr et quelques chiffres….
Depuis 10 ans nous avons accompagné un peu plus de 200 jeunes professionnels. A raison d’une
dizaine de séances de 2h par tutoré cela porte à plus de 4000 heures de pratique tutorale pour notre
établissement. Du tutorat collectif et un autre de groupe s’y sont ajoutés augmentant sensiblement
ces chiffres
Une singularité de notre pratique à l’hôpital de St Cyr, concerne l’inscription de tutorés éducateurs au
nombre de 9 à ce jour. Cette particularité a demandé à chacun des tuteurs un travail supplémentaire
avec une singularité enrichissante.
Rappelons-nous que le tutorat a fait suite au drame de Pau (décembre 2004) et au plan psychiatrie
santé mentale (2005-2008). Le tutorat a été pensé comme une nécessité avec la circulaire du 26 janvier
2006.
Rapidement il nous a semblé qu’un travail de métissage infirmier/éducateur s’imposait dans une
pratique les réunissant sur le terrain. Cette expérimentation justifie leur présence dans notre
dispositif.
Notre intervention se déroulera en 2 temps :
- Dans l’esprit et la dynamique de notre dispositif à St Cyr, le premier temps de parole sera pris par
des tutorés, acteurs de terrain et témoins de l’évolution des pratiques et des mutations du métier.
- Dans la continuité de leurs propos, le deuxième temps de présentation s’appuiera sur un récit de
rencontre classique entre un tuteur et sa tutorée. Cette séquence, choisie parmi 100 autres, permettra
une illustration de 10 ans d’accompagnement professionnel singulier à l’hôpital de Saint Cyr au Mont
d’Or.
Ces interventions serviront de support de discussion et d’échanges pour envisager le tutorat de
demain.
Catherine PENNY - Tutorée
J’ai travaillé de nuit en tant qu’aide-soignante de nombreuses années et je suis restée en poste de nuit
depuis que je suis infirmière.
Lors de mes études d’infirmière un travail a été réalisé sur la distance thérapeutique. Mais je me suis
senti très vite dépassée et désarmée devant des patients pour lesquels la maladie est estimée comme
non guérissable contrairement aux soins somatiques. Cette situation est rapidement devenue pour
moi difficile et épuisante.
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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Ce travail en tutorat « hors service » m’a conduit sur une autre façon d’approcher le patient et de
découvrir une démarche efficace basée sur l’observation. Je me suis alors sentie autonome et en
mesure d’occuper pleinement ma responsabilité dans le soin infirmier, en appui sur mon expérience
et ma pratique du « prendre soin » que j’avais obtenues au cours de mon parcours d’aide-soignante.
Cette acquisition de l’autonomie participe à la construction de mon identité professionnelle : elle me
conforte dans la formation et me permet de devenir enfin « acteur ».
A partir de cas cliniques et de mon ressenti verbalisé par l’espace tutoral j’ai pu mettre un sens à des
situations banales qui parfois me mettaient mal à l’aise dans la rencontre avec le patient.
Les séances du tutorat m’ont donné un élan pour la lecture, la prise de connaissance de films dédiés à
la psychiatrie et l’envie de réaliser des recherches en soins infirmiers
La nuit, lorsque l’effectif est de l’ordre de deux à trois soignants, je me sens performante pour
expliquer aux jeunes professionnels les actions prodiguées sur tel patient en fonction du contexte.
En conclusion, cela me permet de vivre en toute conformité et sérénité mon poste de travail: les
patients sont endormis mais le travail, quant à lui, n’est pas dormant ! Le tuteur, qui est infirmier avant
tout comme moi, me permet de faire des liens, de verbaliser à distance du service tout en restant très
« terrain ». Il facilite le passage de l’action à la conceptualisation.
Kenza MULLER -Tutorée
Le tutorat m’a permis de me rassurer et de travailler sur les craintes et les appréhensions
rencontrées que j’ai donc ramenées dans l’espace tutoral. Les réflexions engagées avec mon tuteur
m’ont permis une mise à distance des évènements concernés à savoir ce qui pouvait se jouer entre
moi-même, le patient et l’institution. J’ai donc été amené à faire des liens s’inscrivant dans une
démarche clinique.
Au fil des séances, j’ai pu repérer une certaine répétition dans les problématiques rencontrées, et ainsi
pouvoir imaginer une solution différente pour y répondre. Ces solutions nouvelles non théorisées en
soins infirmiers m’ont amenées à faire évoluer ma posture soignante. Le tutorat m’a aidé à me sentir
plus autonome, plus actrice et plus responsable. Je voudrais maintenant vous présenter une Vignette
clinique pour que vous saisissiez le sens que le tutorat a eu sur ma pratique dans l’unité de soin.
Mlle M. est une patiente déficitaire de 33 ans dont les troubles caractériels sont si envahissants qu’elle
a vécu toute sa vie en institution et essentiellement en milieu hospitalier. Cette patiente a été l’objet
de beaucoup de séances de tutorat. Le premier axe de travail a été de prendre de la distance avec la
charge émotionnelle induite par sa violence. Mon tuteur m’a d’abord aidée à ne plus voir la situation
seulement par le symptôme mais d’abord par ce que cela me faisait vivre en moi. J’ai été alors amenée
à prendre conscience que mes éprouvés faisait partie d’une démarche clinique métier. Ce n’est pas le
lieu ici de vous en compter la clinique. Secondairement, dans un partage singulier avec mon tuteur, j’ai
pu réajuster et investir la patiente différemment. Ce réajustement s’est consolidé et affirmé au fil des
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séances ce qui a eu pour effet de construire une relation privilégiée et qui m’a permis d’accepter et de
vivre sa violence car elle prenait sens.
Dans tous les cas, j’ai ramené auprès de l’institution un discours différent sur cette patiente qui a eu
pour effet une mise en discussion dans les réunions cliniques.
Enfin d’une façon très personnelle, ce que j’ai été amené à vivre dans l’espace du tutorat m’a donné
le sentiment d’un mieux-être au travail là où le symptôme mis en acte par la patiente avait pu participer
à des arrêts de travail du personnel soignant.
Evelyne BESSON – Tutorée
Je suis éducatrice spécialisée, je travaille au sein de l’Escale, service de réhabilitation psychosociale à
l’hôpital de saint Cyr au mont d’or.
Je fais partie des premiers éducateurs spécialisés à travailler en intra hospitalier auprès d’adultes.
Je ne me situe pas comme une jeune professionnelle (j’ai travaillé 15 ans en tant qu’éducatrice dans
le secteur social/médicosocial et 7 ans en tant que formatrice pour des moniteurs éducateurs), mais
comme une nouvelle arrivante à l’hôpital et, à ce titre j’ai bénéficié d’un suivi en tutorat.
Au sein du service, mes collègues (éducateurs et infirmiers) et moi-même avons éprouvé la rencontre
(le choc parfois) entre deux cultures professionnelles qui avaient à croiser leur regard dans le quotidien
et dans l’accompagnement du projet des patients.
Les enjeux étaient (et le sont encore) forts, riches, parfois douloureux.
Dans l’espace du tutorat, j’ai pu travailler la question de la singularité d’approche que représente la
fonction éducative/soignante auprès de personnes adultes au sein de l’hôpital psychiatrique.
Cet espace m’a permis d’élaborer une réflexion sur mon positionnement à partir de l’indifférenciation
ou du trop de différence qui se vivaient au sein de l’équipe.
Le tutorat m’a aidé à contextualité, à élucider avec une écoute et une présence « tiers », ce qui se joue
dans une équipe pluridisciplinaire au moment d’une création de service : des enjeux de rivalité, de
pouvoir, du clivage, voire du rejet.
L’accueil de ma tutrice, dans le tumulte du travail m’a permis d’exprimer mes questions, mes doutes
et mes colères et de les transformer pour pouvoir les remettre en jeu dans l’équipe.
Elle a également accueilli mes découvertes et mes bonheurs professionnels.
Pouvoir mieux me repérer et me situer n’a fait que renforcer le processus d’intégration et
d’émancipation nécessaire pour développer ma pratique et remplir mes fonctions d’éducatrice
spécialisée.
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Ce travail d’élaboration venait à certains moments se substituer au travail clinique (avec un tiers) et
d’analyse de la pratique inexistants dans le service.
Il y a des évolutions importantes au niveau politique et institutionnel pour ce qui est de la fonction
soignante à l’hôpital. Ces évolutions viennent impacter fortement le travail des professionnels quels
qu’ils soient.
Pour un nouvel arrivant, ou un jeune professionnel, cet espace de tutorat permet de penser, de se
situer par rapport à ces évolutions.
Il y a une relation étroite entre la manière dont une institution prend soin de ses professionnels et la
manière dont ces derniers vont prendre soin des patients, en particulier en psychiatrie où la psychose
vient attaquer le lien et produit du clivage.
Valérie CHAZALET - Tutorée
En guise de conclusion
Comme on a pu l'entendre aux travers de ces différentes interventions, le tutorat nous éclaire sur des
situations cliniques précises pour une meilleure prise en charge du patient. Ces échanges
tuteurs/tutorés nous permettent de prendre de la distance et de donner du sens faces aux situations
vécues. Le tutorat nous enracine dans notre posture professionnelle.
Les tuteurs sont aussi les passeurs de l'histoire de l'institution, connaissance indispensable pour que
nous puissions nous y investir. Le tutorat favorise notre intégration dans l’équipe et le travail réalisé en
tutorat peut être partagé avec ses collègues.
Le tutorat n'est pas mise en place pour le simple confort des professionnels. Il est une une réelle
nécessité pour que nous réalisions un travail de qualité auprès des patients dont nous avons la charge.
Gérard ANSELME - Tuteur
Lors de la présentation de cette intervention, nous nous sommes interrogés sur l’angle d’abord et la
manière de faire émerger les éléments saillants de notre pratique d’accompagnement tutoral.
En réunion, alors que notre collègue Bernadette relatait sa séance de la vieille, il nous est apparu
qu’une situation tirée de ce quotidien, choisie parmi cents autres, portait en elle les enseignements
que nous souhaitions vous faire partager aujourd’hui.
Cette situation n’a rien d’extraordinaire, elle constitue la quotidien des soins, elle est donc banale,
semblable à mille autres. Mais cette banalité en fait aussi sa force d’évocation. Elle comporte alors les
éléments qui nous intéressent, les éléments de reproductibilité et de transférabilité.
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Christine GUIAU et Bernadette GRAND – Tutrices
Nous sommes à la quatrième rencontre de tutorat avec Léa, infirmière dans une unité de psychiatrie
adulte depuis 2 ans, quand celle-ci me raconte :
« Il est midi quand Victor, le patient revient dans l’unité après une consultation à l’extérieur pour une
IRM digestive. Le poids des antécédents d’addiction alcoolique a laissé ses traces. Victor refuse de se
rendre à la salle à manger pour le déjeuner. Il est tourmenté, agité, ses propos sont remplis
d’inquiétude, d’angoisse d’abandon et de mort. »
Pour l’organisation de l’unité, ce n’est pas le bon moment pour écouter les craintes d’écrasement,
d’engloutissement et d’anéantissement provoquées par le tunnel de la machine qui l’absorbe……c’est
l’heure du repas, pas celle de l’entretien, et dans ce service ou le temps est compté, on a tendance à
respecter tout naturellement les modalités organisationnelles et programmatiques à la lettre près
…………mais là ? ….
Je remarque dit Bernadette qu’à ce moment elle fait référence par son vocabulaire clinique à une
séance antérieure de mise en sens du métier à travers la psychopathologie d’un patient écrasé par un
fantasme d’ensevelissement.
Léa poursuit « …….mais la détresse de Victor m’envahit et comme un signe, il me vient à l’esprit ce
souvenir d’une séance de tutorat……Un souvenir fort d’avoir échangé longuement au sujet d’une autre
histoire clinique « qui alors m’affolait ». Lors de cette précédente séance, j’avais entendu la possibilité
et l’intérêt de me laisser troubler par l’émotion de l’autre, de ne pas craindre pour mon intégrité
psychique en permettant d’être traversée par son mal être, ainsi de me laisser « glisser dans les plis »
comme Walter .Hesbeen nous y invitait lors de la deuxième rencontre de la recherche en soins
infirmiers .
…..Aussi quand Victor formule son besoin de sortir fumer, après m’être posée la question une fraction
de seconde (la cigarette c’est après le repas, surtout pas avant..) je n’hésite pas, je décide de lui
permettre de fumer « maintenant et ici » et je l’accompagne à l’extérieur de l’unité. Je me rends donc
disponible, en position d’écoute, je participe d’une réassurance en normalisant avec mes mots son
trouble après cet examen. .. Je sens que je mets tout mon énergie et investissement de jeune soignante
en mouvement. Je suis là pour ça, pour lui, à la fois sûre et satisfaite, autonome et responsable dans
ma décision comme « saisie par le métier »
A ce moment, une toile de fond se dessine sur laquelle je sais pouvoir m’appuyer. Des liens entre la
consolidation théorique du savoir, l’expérience de pratiques apportée par ma tutrice sont alors
mobilisés et la nouveauté de ma mise en chemin professionnel parmi mes collègues de l’unité sont
bien attachés !
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Pour Victor, c’était son moment, il avait besoin d’une présence disponible, et ici de ma présence…..
Mon métier est avant tout un métier de présence, d’observation, nourri d’un sens de l’occasion et dans
cette situation j’ai senti l’énergie et la simplicité pour faire ce que je pensais être le mieux pour lui.
Bien sûr, il a fallu que je m’explique dans un débat aux élans passionnés, (tiens d’ailleurs, pourquoi
toute cette passion autour de cette décision autonome ?) car m-a-t-on dit, si je donnais de « mauvaises
habitudes » aux patients ça allait devenir encore plus compliqué dans la gestion de l’unité.
Vu comme ça je n’avais plus rien à dire, ou plutôt, je n’aurais eu plus rien à dire, mais forte du travail
de formation des savoirs et portée par celui d’analyse de situations vécues, je me suis lancée dans
mon argumentation clinique, circonstanciée et contextualisée, et surtout, au-delà de mes intentions,
j’ai pu m’appuyer sur l’effet apaisant provoqué sur le patient……...
En effet, dans les suites immédiates de cette intervention, Victor a alors accepté de rejoindre le
réfectoire et de se nourrir ….et il était tranquille, le trop plein d’anxiété avait sans doute pu être levé. Il
n’est pas question de transgression du cadre de l’organisation du service mais de démarche soignante,
d’appréciation, de discernement et d’individualisation avec sa prise en compte du singulier. Une
démarche qui passe par l’observation, le raisonnement clinique issu de cette observation
circonstanciée, et un processus décisionnel, ici étayé sur l’accompagnement tutorat. Cette opération
se nomme : une démarche clinique.
Une situation banale, discrète, semblable à mille autres, lesquelles tissent le quotidien des infirmiers.
Lorsque Léa raconte, elle éprouve une grande satisfaction professionnelle. Elle a pu jouer sa partition
autrement qu’à l’habituel, elle a apporté sa touche, elle a été autonome dans sa décision et au final
tout cela a bien fonctionné. Il existe une situation confirmative sur laquelle s’appuyer pour valider
cette démarche.
Une étape qualitative é été franchie, elle est passée du « je peux faire » à la place du « je dois faire »
et de l’habitude de faire. Une habitude ne fait pas expérience, c’est le questionnement de l’habitude
qui construit l’expérience. Un questionnement posé ici en tutorat.
Léa est passée du protocole tiède et peu encourageant à l’approche singulière et à la mise en scène
et en actes « du soin et du prendre soin » pour celui dont elle s’est portée garante. C’est la « nécessaire
épreuve » élaborée pendant le travail en tutorat qui s’incarne. Ce passage difficile pour le jeune
professionnel sans idée précise de « la culture du métier », hésitant et fébrile à « s’éprouver » en
pratique sur son lieu d’exercice par crainte de jugement de ses collègues infirmiers mais aussi et
surtout, dans la confrontation à l’altérité parfois radicale du patient et de son « inquiétante
étrangeté », si peu exposée en formation initiale.
Les connaissances sont un des éléments socles de la compétence ; « Ils ne savent pas qu’ils ne savent
pas, alors ils font au mieux ». Le tuteur à distance de l’unité écoute avec une oreille neutre, un regard
extérieur les difficultés de positionnement professionnel dans l’équipe. Régulièrement reviennent en
séance, l’incompréhension des prescriptions et des projets de soin non réfléchis ; une première étape
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du processus tutoral où les plaintes laissent peu à peu la place au pourquoi, au comment, à la
construction d’une identité professionnelle qui se structure à partir de la réflexion et de la pensée.
Le tuteur amortit les vécus négatifs en « reprenant » au début l’histoire du patient, en creusant
l’apport clinique, en éclairant de sa connaissance, de sa compétence, de son savoir les endroits obscurs
et sombres de la confrontation avec la folie.
Le tuteur est là pour ça, ici et maintenant, pour impulser les concepts de continuité et de cohérence
nécessaires, ceux de la déliaison, de l’évitement, pour dénouer des problématiques de conflictualité
en lien avec la tâche primaire.
Il donne ses impressions, ses associations, ses expériences métabolisées qui ouvrent à des conseils. Le
tuteur traduit les logiques d’action, actualise les situations présentes comme des variantes du passé.
Il transmet les notions d’implication et d’identification professionnelle, fait passer les outils, le matériel
clinique à partir du terrain et du vécu en toute confidentialité….en toute singularité.
Une confidentialité qui permet de s’essayer à une parole plus personnelle, intime quand elle accueille
les ressentis, les vécus et les doutes. Parler avec un tuteur, nommer ce matériel personnel issu des
situations de soins, c’est alors le reconnaitre, l’intégrer dans sa démarche réflexive et composer avec
ses dimensions dans son métier.
Aller vers le patient ce n’est pas la même chose que de l’observer, d’attendre pour exécuter des actes
techniques c’est un immanquable recommencement d’allers et venus dans la sphère intersubjective,
dans des contrées plus ou moins sombres de la maladie, de la souffrance, de la douleur, de la morbidité
et du vide. Donner envie d’aller vers, ou de retourner vers le patient. Un mouvement, riche de sa
signification humaine, clinique et sociale qui parle du métier.
Le tutorat en offrant aux jeunes professionnels un espace, un temps d’accueil en individuel (mais aussi
en groupe ou collectivement) devient le lieu de ce qui ne peut se deviner, s’improviser, s’inventer, se
dire ailleurs et qui pourtant reste le cœur du métier en psychiatrie.
En positionnant le soin pour nos patients au centre de tout accompagnement professionnel, c’est la
culture du soin et les valeurs du « vivant » qui sont activés. Il existe un croisement entre « un
passé » enraciné par l’expérience et « un advenir » du métier » prescriptif et rentable et le tutorat
met en tensions, en différences les problématiques rencontrées par les jeunes infirmiers. Passeurs
d’histoire, conteurs de la folie d’avant et de toujours dans ses formes invariantes, facilitateurs de mises
en mots, tremplins d’inventivité et de créativité professionnelle …en direction et à l’adresse de ceux
à qui rejoignent le métier
C’est au titre d’un nécessaire complément de formation initiale, d’une dimension intergénérationnelle
de transmission des savoirs que le dispositif de tutorat reste incontournable et indispensable pour un
exercice exigeant du soin en psychiatrie.
Animé par les interrogations dues aux mutations économiques et sociales et en référence au cadre
de compétences actuel, l’adaptation à l’emploi dans les services de psychiatrie se doit d’être
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accompagnée par un pair expérimenté en partage et en transmission d’une culture professionnelle
de proximité du sujet souffrant de maladie mentale.
À partir de St Cyr et de nos argumentations de ce jour :
Imaginons que rapidement puisse se glisser une nouvelle compétence « cœur de métier » dans le
référentiel des études d’infirmiers.
Nous le formulerions : « Accompagnement professionnel en psychiatrie par la consolidation des savoirs
et le tutorat de proximité »
Il nous restera alors à nous interroger et à prévoir dans chacune de nos institutions qui seront les
tuteurs de demain ?
Avant d’ouvrir la discussion je ne résiste pas à vous livrer une citation de Benjamin Franklin dans son
cahier de correspondances,
Une citation pour vous donner à imaginer l’espace tutoral tel qu’il se présente à St Cyr après 10 ans
d’expérience :
« Tu me dis, j'oublie.
Tu m'enseignes, je me souviens.
Tu m'impliques, j'apprends »
Jean Paul LANQUETIN – Infirmier praticien chercheur
Quelques commentaires :
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On retrouve dans votre intervention l’idée de faire ressortir des savoirs faires et des savoirs
êtres. Lesquels ? La question est ouverte. Partir d’une situation, qui n’a rien d’extraordinaire,
courante, commune, dont la caractéristique est justement d’être reproductible. On est dans
une situation banale, et donc on se situe dans le cœur de métier.
La circulaire de 2006 pointait comme objectif la transmission des savoirs faires et des savoirs
êtres propres à notre exercice. Dans l’enquête, on revient aussi à cette question. Cette montée
en posture réflexive en cours d’action et après l’action est une montée en compétence.
Le tutorat individuel invite à une espace de proximité, de confidence avec cette possibilité
précieuse qui consiste à amener des ressentis et des vécus personnels (plus aisé dans ce cadre
que dans la situation de travail). Cette possibilité correspond à une invitation à la mise en mots,
au réfléchissement sur l’action. Mettre des mots sur ses actions, les mettre pour soi d’abord
pour ensuite les remettre au service de la clinique dans son équipe d’appartenance.
Echanges avec la salle :
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Le tutorat hier et aujourd’hui : Bien avant l’existence du tutorat, les infirmiers nouveaux
arrivants étaient accueillis et accompagnés par des pairs au sein de leur propre équipe.
Aujourd’hui, ce qui est différent c’est que cet accompagnement se fait à l’extérieur de l’équipe
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d’appartenance parce que la démographie infirmière l’impose. Mais ce n’est pas tout à fait
non plus le même travail.
Etre infirmier : penser mais aussi se panser soi-même. Le travail de tutorat met en avant la
nécessité de se poser dans les services. Malheureusement il a été évoqué la question des
organisations de travail qui interfèrent beaucoup. Il y a une énergie à mettre pour maintenir
ces espaces de réflexion. L’enjeu est là. Deux échelons se montrent indispensables : celui de
l’encadrement et de la direction de l’établissement et celui de l’ARS.
Le dispositif tutorat vient donner une reconnaissance de la psychiatrie en tant que spécificité
qui nécessite un accompagnement particulier.
Dans le contexte de la réforme de 2009, ce tutorat prend toute son ampleur. Les IFSI ont pour
certains intégrés le tutorat dans leur formation. Le tutorat doit perdurer justement parce que
les formations évoluent dans un sens positif. Le tutorat vient renforcer un positionnement
acquis en formation.
La question des aides-soignants : ce sont les professionnels les plus en immersion et au contact
des patients. Se pose la question du tutorat dans la transversalité. Comment faire vivre cela au
sein d’une institution ? Cette question de l’acculturation des nouveaux professionnels en
psychiatrie reste une question ouverte.
Les temps d’échange qui disparaissent : au profit d’un travail sur le terrain. Le tutorat permet
de garantir ce temps d’échange de construction entre soignants.
Quelle formation pour les tuteurs ? L’hôpital de Saint Cyr avait fait le choix de faire intervenir
un professionnel de l’IUFM (Institut de Formation des Maitres). Le choix portait soit sur le
contenu du tutorat, soit sur la pédagogie. L’analyse de pratique a été aussi source de réflexion.
Ce que n’apporte pas l’expérience c’est le « comment » on transmet. Au Vinatier, deux axes :
Quels sont les savoirs à transmettre ? Comment transmettre ?
Implication des cadres : le tuteur ne prend pas le travail du cadre. Sur saint Cyr, les tuteurs ont
rencontré les cadres et ont pu lever ces difficultés initiales par ces échanges. Il existe une
complémentarité de métier : expertise clinique pour les tuteurs, management pour les cadres.
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LE TUTORAT COMME ELEMENT CLE DE LA GESTION DE LA TRANSITION
GENERATIONNELLE DES INFIRMIERS DE PSYCHIATRIE : PRESENTATION DES
RESULTATS DE LA RECHERCHE ACTION MENEE DANS DEUX ETABLISSEMENTS D’ILE
DE FRANCE. KARINE BOITEAU – INFIRMIERE, CONSULTANTE RH, DOCTEUR EN
SCIENCES DE GESTION
Il s’agit de la première partie de ma recherche doctorale qui portait sur le tutorat comme élément clé
de la gestion de cette transition générationnelle.
Contexte de la recherche : Cette recherche a démarré en 2012 dans un contexte de pénurie majeure
d’infirmier avec 16000 postes vacants, des IFSI qui ne recrutaient plus assez de candidats avec des
places vacantes et un contexte spécifique à l’Ile de France qui est une région exportatrice en jeunes
diplômés. C'est-à-dire que beaucoup de personnes viennent se former en Ile de France du fait du
nombre important d’IFSI et qui regagnent ensuite leur région d’origine pour travailler. Et puis, il existait
également cette inquiétude concernant le nombre important de départs à la retraite entre 2006 et
2015 (un infirmier sur 5) et les enjeux de la transmission dans ce cadre particulièrement en psychiatrie
en lien avec la réforme des études.
Egalement un contexte de réformes important, mise en place du plan santé mentale, loi HPST qui vont
avoir un impact sur l’organisation des établissements et donc les organisations de travail des soignants
qui doivent intégrer des nouveaux modes de fonctionnement et de régulation.
Une rationalisation de l’activité plus importante associée à une nouvelle gouvernance qui vient
modifier dans tous les établissements de nouvelles formes de régulation.
Il y a aussi la spécificité de la psychiatrie avec la difficulté de mettre en avant l’expertise clinique avec
une moindre visibilité de cette expertise quand il s’agit de soins relationnels que de soins techniques.
On retrouve cette opposition dans les termes cure/care. La psychiatrie souffre d’un manque
d’attractivité.
A la fin de l’année 2013, la question de la pénurie qui était le point de départ de la recherche avait
disparue. Mais la question de l’attractivité et de la fidélisation a perduré. Ce projet a donc malgré tout
perduré aussi car il s’agit d’une pénurie de compétences.
Méthodologie de la recherche : Il s’agit d’une recherche-action et plus précisément d’une recherche
intervention. Pratique de recherche inscrite dans une consultation sociale dont les acteurs concernés
ont l’initiative ou le contrôle et où ils sont partie prenante de l’ensemble du processus. J’ai en effet
tenu le rôle d’un intervenant chercheur qui n’apporte pas de solution toute prête. Ce sont alors les
acteurs qui considèrent ce qui est bien par les interactions qu’il va avoir. De même, ce sont avec les
acteurs de terrain que nous allons pouvoir trouver des solutions innovantes, co-construite. Il ne s’agit
pas d’une posture de consultant.
On peut parler aussi de chercheur professionnel ou de sociologue professionnel ou de chercheur
accompagnateur de la conduite du changement.
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Dans un premier temps, nous avons constitué des groupes multi professionnels et multi hiérarchiques.
Les apports des intervenants des établissements, l’invitation parfois à faire connaissance s’est traduit
par des échanges extrêmement riches.
Ces échanges ont permis la co-construction d’un diagnostic pour chaque établissement. C'est-à-dire
essayer de comprendre pourquoi, spécifiquement dans ces établissements, il y a eu des difficultés à
recruter dans un premier temps, puis dans un deuxième temps à garder le personnel.
Cette recherche est une étude de cas contemporaine : j’ai donc été présente dans les établissements
à mi-temps pendant trois ans (la recherche s’est déroulée sur quatre ans puisqu’avant mon arrivée,
mon directeur de thèse était là pendant un an pour accompagner les établissements).
Il s’agit de deux établissements d’Ile de France.
Lorsqu’on est présent aussi longtemps dans les établissements, il y a une richesse des données
recueillies au travers de différents outils : entretiens de groupe (focus groupe), questionnaire de
satisfaction, entretiens individuels et collectifs (infirmiers, cadres, directeurs des ressources humaines,
directions des soins…), mais aussi une observation participante parce qu’il y a toujours un décalage
entre ce que l’on dit et ce que l’on fait, et enfin, la consultation de la documentation interne.
Il s’agit donc d’une méthode de recherche participative pour collecter des données dans une phase
exploratoire.
Revue de littérature : Nous avons cherché à déterminer la question de l’intention de départ, c'est-àdire qu’est-ce qui fait qu’un infirmier va quitter dans un premier temps l’unité dans laquelle il travaille,
éventuellement l’établissement, éventuellement la spécialité (la psychiatrie), et même le métier de
façon définitive puisqu’il s’agit d’une particularité du métier infirmier puisqu’on ne travaille pas
toujours jusqu’au bout de sa carrière.
Les « magnet-hospitals » ou hôpitaux magnétique. C’est un modèle américain qui est né d’une
interrogation : sur un même bassin géographique certains hôpitaux n’ont aucun problème de
recrutement et d’autres sont en réelle difficulté. La démarche a été alors de repérer les points
communs entre ces établissements attractifs.
Ces hôpitaux attractifs sont des établissements qui ont supprimé des niveaux hiérarchiques
intermédiaires, qui proposent de la formation continue, où est valorisée la qualité des soins ainsi que
la communication sur ce sujet. La question des salaires n’apparait pas comme déterminante.
Ce que ne nous dit pas la littérature, c’est comment un établissement peut se transformer en hôpital
magnétique. (C’était l’objectif de ma deuxième partie de recherche).
On retiendra que la satisfaction au travail est un élément important d’attractivité et de fidélisation. Il
s’agit d’une réponse émotionnelle positive résultant de l’évaluation du travail et des expériences de
travail. On retrouve dans la littérature la preuve qu’il y a un lien direct entre la satisfaction des
soignants au travail et la haute qualité de soins. Il y a un cercle vertueux. On pourrait dire comme
Brunel le signale dans son article, « qu’un hôpital où il fait bon travailler est un hôpital où il fait bon se
faire soigner et inversement ».
La motivation au travail : il s’agit d’un processus qui implique la volonté de faire des efforts, d’orienter
et soutenir durablement l’énergie vers la réalisation d’objectifs de travail et de concrétiser cette
motivation en comportement effectif. On est sur la mise en action.
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L’implication organisationnelle se traduit par une forte adhésion aux buts et aux valeurs de l’institution
à conditions que celles-ci soient visibles et portées par une volonté de fournir des efforts significatifs
au profit de celle-ci, avec un fort désir d’y rester.
On note donc que ce qui est important c’est la notion du sens que l’on va pouvoir retirer de son travail :
des soins de haute qualité, une autonomie dans le travail, l’organisation de son travail et tout ce qui
va être en faveur d’une orientation patient. C'est-à-dire que tout ce qui concerne une finalité
commune, la thématique « supra-groupe » : le patient. Finalement tout le monde est là dans un hôpital
dans le but d’un bénéfice au patient.
Les quatre déterminants issus de la revue de littérature (concerne tous les secteurs d’exercice) :
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Le sens, la haute qualité de soin nous ramène sur le concept de magnet hospital. Et dans cette
revue de littérature, les soignants disent qu’ils sont prêts à accepter des journées pénibles,
dures si, quand ils quittent le service, ils ont l’impression d’avoir bien travaillé et que le patient
est mieux. Si au contraire on a eu une journée très pénible et qu’en plus nous avons fait un
travail peu satisfaisant, c’est une double peine.
Un autre point important pour fidéliser le personnel est la qualité des échanges que l’on a à la
fois avec ses pairs mais aussi la hiérarchie et le médecin. Cela va alimenter une notion qui est
très importante : la notion de reconnaissance au travail.
Les conditions de travail, la charge de travail, les violences subies et la peur des agressions.
Les compétences : le tutorat, la formation, les opportunités de carrières sont autant de critères
qui vont avoir une influence sur la fidélisation. Dans la notion de compétence on retrouve la
notion de capacité à répondre aux attentes du poste que j’occupe. Est-ce que je m’estime
compétent ? est-ce que j’ai les réponses ? les ressources internes ? La réponse positive à ces
questions permet d’occuper pleinement un poste et d’y rester parce que je me sens en
capacité d’affronter les situations liées à ce poste.
Les spécificités de la psychiatrie :
On retrouve deux études intéressantes
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L’une d’elles menée au Japon (ito et alii – 2001) : Cette étude fait le lien direct entre la peur
des agressions par les patients et l’intention de départ. Ne pas comprendre les situations de
violence et ne pas être capable de les désamorcer en amont constitue une source de départ.
Un lien est également décrit avec le jeune âge et/ou la faible mobilité préalable. En effet, un
professionnel qui n’a jamais changé de poste, quand il doit changer de poste, va avoir du mal
à s’adapter s’il n’est pas accompagné et va quitter le poste.
Une étude américaine (Alexander – 1998) a pu montrer l’effet délétère d’un manque
d’opportunités professionnelles (changer de poste au bon moment notamment) et puis
l’augmentation de la charge de travail.
La problématique de recherche : Il s’agissait d’identifier les principales catégories des facteurs
d’insatisfaction des infirmiers en Ile de France dans le secteur de la psychiatrie. Il s’agissait de la
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première étape. Mais l’objectif était de savoir comment élaborer des actions de fidélisation et
d’attractivité pérennes. Comment l’établissement allait s’emparer de cette question, mettre en place
des actions qui se poursuivraient au-delà d la présence du chercheur. Cela relève d’une conduite du
changement à l’hôpital et justifiait de travailler sur une logique participative en ma présence. Ce sujet
ne sera pas développé aujourd’hui mais la deuxième partie de la thèse portait sur les leviers de la
conduite du changement.
Les données spécifiques trouvées dans les deux établissements hospitaliers pour essayer de
comprendre pourquoi les professionnels ne restaient pas en service de psychiatrie ont permis de
dégager quatre axes :
-
-
La surcharge de travail à la fois physique et émotionnelle : Cette surcharge de travail perçue
était liée à un turn-over important et un absentéisme de courte durée élevé (imprévu). Cela
crée un cercle vicieux : Les professionnels qui doivent pallier les absences inopinées s’épuisent
et finissent aussi être absents.
Cette surcharge est aussi liée à la diminution des durées de séjour avec plus de patients en
crise, une augmentation du nombre d’entrées avec la surcharge administrative que cela
demande. Les accompagnements au tribunal constituent également un facteur de surcharge
mal vécu par les infirmiers qui estimaient que cela n’était pas leur cœur de métier et qu’ils se
retrouvaient à faire du gardiennage. De plus l’absence du professionnel accompagnant
augmentait la charge de travail pour celui qui restait.
On peut parler d’un nombre de tâches en hausse, et d’une baisse de la qualité de soins perçue.
S’ajoute à cela une notion de stress car les professionnels ont l’impression qu’ils ne vont pas
arriver au bout de leur journées et des tâches qui leur sont confiées.
De plus, on retrouve un épuisement lié à la répétition de formation de nouveaux arrivants qui
ne restent pas.
Une division sexuée des tâches par rapport aux appels à renfort : Dans cet établissement, il a
été décidé d’organiser la prise en charge des patients en chambre d’isolement avec une équipe
qui pouvait être appelé ponctuellement. Cette organisation qui devait être ponctuelle est
devenue pérenne. Les infirmiers « hommes » étaient sortis de leur équipe et constituait une
équipe parallèle qui prenait en charge tous les patients en chambre d’isolement. De fait, il y
avait une perte de sens de l’activité. Les mots utilisés étaient « faire les gros bras », « posture
de maton ». Le turn-over était donc très important du côté des infirmiers « hommes ».
La perte de sens de l’activité soignante par rapport au soin relationnel. En cas de surcharge de
travail, ce sont les soins relationnels qui sont abandonnés car peu visibles. On va au contraire
garder ce qui va être visible : les soins quantifiables. Il y a une perception de baisse de la qualité
des soins. Cela fait écho avec les articles d’Estryn Béhar (2008) qui a travaillé sur le transgénérationnel et la satisfaction au travail.
L’impossibilité d’observer la qualité de son travail : cela était possible lorsqu’il existait une
transversalité (c'est-à-dire travailler au sein de différents services intra, extra, visites à
domicile…) pour voir le patient dans des états différents. Je vois le patient aller mieux dans un
autre contexte.
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Importance d’avoir une visibilité sur les politiques médicales et faire un choix d’exercice dans
une unité en fonction de ces orientations (neurosciences….). Certains infirmiers avaient ainsi
l’impression de devenir des « infirmiers piluliers ».
Déficit d’intégration des novices en faveur d’une hémorragie des compétences : avec un
besoin souligné de formation et de soutien organisationnel. Ceci en lien avec un départ à la
retraite massif des infirmiers psychiatriques, experts de ce soin et des transmissions des
savoirs qui se révèlent aléatoire. Vous avez insisté depuis ce matin sur le tutorat bien sûr mais
aussi l’accompagnement qui se fait au sein des unités par les cadres notamment. La démarche
dans cet établissement n’était pas formalisée et cela ne se faisait pas de manière homogène
sur l’établissement.
La solution envisagée était alors de travailler sur le tutorat pour créer une meilleure
atmosphère de travail et redonner une place à chacun. En effet, le tutorat a certes pour
fonction d’accueillir et intégrer les nouveaux arrivants mais aussi de valoriser les expertises
chez les infirmiers plus expérimentés. Cela permet aussi un soutien psychologique : on peut
dans le cadre d’un groupe de pairs débutants, partager ses interrogations, ses craintes
éventuelles. Tout cela permet de lutter contre l’incertitude qui conduit souvent au départ.
L’enjeu des parcours d’intégration professionnalisés : Ce travail a été mené dans une logique
participative. Les solutions devaient venir des professionnels pour qu’ils soient mises en
œuvre.
Le risque majeur d’appauvrissement des compétences en psychiatrie justifiait de travailler sur
le tutorat. Dans certains services les infirmiers restaient moins d’un an : comment devient-on
compétent en moins d’un an ? La transmission intergénérationnelle n’était pas pensée et les
savoirs infirmiers ne sont pas formalisés (constat général)
On sait qu’il faut 3 ans pour devenir compétent et 5 ans pour devenir expert.
A ces éléments s’ajoute les caractéristiques de la génération « Y ».
On se situe bien dans un défi de management trans-générationnel. Il fallait donc penser
collectivement les formations dans une volonté d’innovation managériale. Comme évoqué
depuis ce matin, cette question ne concerne pas que les soignants et leur encadrement direct.
C’est aussi une volonté institutionnelle et comme évoqué ce matin, régionale.
Il fallait donc partir de l’existant. La formation consolidation des savoirs avait existé et était
reconnue utile par tous (IDE, Cadres, DS, DRH, médecins) mais elle était tombée en désuétude
faute de participants.
Une enquête a été menée pour comprendre la situation avec la volonté d’impliquer le
personnel de l’établissement dans le projet pour rendre la démarche pérenne.
Le défi était d’accepter d’explorer de nouvelles pistes.
Quelques principes de ce nouveau parcours d’intégration :

Une formation théorique « cousue main » pour l’établissement en 3 parties (18 mois) :
Intégration dans l’établissement (connaissance de l’établissement) avec une forte
participation du personnel comme formateur, des formations spécifiques qui avaient
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prouvé leur intérêt (OMEGA par exemple) et des analyses de pratiques (ce troisième
volet intervenait à un an de la prise de poste).
Il a été décidé que ce parcours était obligatoire.

Un tutorat (différencié du compagnonnage) avec une co-construction des fiches de
mission des tuteurs. Le choix a été que le tuteur soit externe au service du tutoré. Il y
a eu une campagne de recrutement de tuteurs avec une formation (orientation
pédagogique).
Un des débats a été celui de la rémunération des tuteurs et la direction des ressources
humaines a jugé pertinent de rémunérer les tuteurs en tant que formateurs
occasionnels. Dans les faits, je ne peux pas confirmer que cela ait réellement eu lieu
car je suis partie avant la mise ne place.
Les difficultés rencontrées pendant la mise en œuvre :







Des projets concurrents étaient en cours de mise en œuvre.
Le renouvellement de la DRH et des directeurs des soins : il faut alors à chaque fois
argumenter la pertinence du projet.
Il existe également une concurrence des aires de juridiction DRH et DS à laquelle je
rajouterai celle des pôles. Gestion du recrutement, de l’intégration, de la formation
sont des aires communes sur lesquelles chacun peut intervenir : ceci peut créer des
tensions, des jeux de pouvoir.
Une difficulté de « principe » à rémunérer des tuteurs. Ceci était remis en cause par
les soignants : la transmission des savoirs ne fait-elle pas partie du travail ? Ces débats
sont restés parallèles, jamais réellement évoqués dans le cadre institutionnel.
A notre départ le tutorat est possible mais non effectif : les tuteurs sont formés et
motivés mais la mise ne œuvre ne se fait pas.
Un relai difficile auprès des cadres sup et des cadres de proximité
Un porteur de projet à la DS qui ne se sent pas légitime
Mais des éléments encourageants :



Les professionnels qui participent en tant que formateurs aux modules font preuve
d’engagement.
Les cadres devancent les contacts du service formation pour inscrire les nouveaux IDE
aux prochaines sessions. Ce qui indiquait un premier niveau de satisfaction.
Un projet qui pourrait devenir pérenne puisqu’il figure à l’agenda du service RH après
le départ du chercheur: parcours professionnels et gestion des carrières.
Quelles perspectives ? Il faut continuer à penser le trans-générationnel en psychiatrie. C’est une
démarche nécessaire, qui pour moi a un impact sur la fidélisation puisque cela vient réduire
l’incertitude. Cela permet de réduire la pénurie de compétence et augmente la satisfaction du
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personnel et donc la qualité des soins. Cette démarche dynamique est favorisée par la participation
des acteurs et doit être intégrée à une politique d’établissement pour prendre tout son sens.
Jean Paul LANQUETIN – Infirmier praticien chercheur
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-
Sur la question de la satisfaction au travail, qui est une question travaillée dans nos résultats
de recherche : Quand on demande aux collègues « c’est quoi une bonne journée de travail pour
vous? ». Ils nous répondent « c’est quand j’ai fait ce que je devais faire et que j’ai fait ce que
je voulais faire ». Lorsque nous précisons la question en leur demandant ce qu’ils voulaient
faire, ils nous répondent « accorder un temps significatif à chaque patient dont j’ai la
responsabilité». Donc un équilibre entre le travail prescrit et le rôle propre, ce même rôle
propre et le prendre soin que vous décrivez comme absents dans la pression de nos
organisations.
Un prendre soin qui est du côté de l’invisibilité que vous évoquez. Je note que cette invisibilité,
laquelle est au démarrage du plan santé mentale 2005-2008, puisque M. Douste Blasy, au
lendemain du drame de Pau (2004), disait qu’il fallait rendre hommage à ce travail invisible,
aux gestes compassionnels des soignants au quotidien qui permettent de restituer leur dignité
aux patients. Cette question de l’invisibilité est liée à l’ensemble du dispositif et à l’ensemble
de la question du prendre soin.
La question de la reconnaissance, dans le cadre de notre étude, elle, n’apparaît pas. Elle se
pose donc à l’extérieur du collectif de travail. Le collectif s’entend « sens de la tâche, partage
de l’implication, partage des valeurs ». Quand ces éléments sont partagés dans une équipe,
pluri professionnelle, la reconnaissance est alors croisée
Enfin, la difficulté que vous décrivez, celle d’arriver à un poser diagnostic partagé, d’avoir un
plan d’action et de mettre en œuvre ces actions, fait partie des constats préfigurateurs du
CRMC. Ce constat était de proposer une instance transversale qui favorise les croisements sur
des thèmes comme la formation, l’attractivité métier, la recherche en soins, avec la possibilité
d’avoir une sorte de permanence et une temporalité qui est différente de celle des
établissements.
Echanges avec la salle :
-
Quelle définition d’’un profil de tuteur ? K. Boiteau : Lors de la recherche action, le profil a été
défini collectivement. Par une sorte de démarche inverse, à partir des questions que les
tuteurs pouvaient avoir sur leur mission et la fiche préexistante. La notion d’expérience a bien
sûr été prise en compte, la motivation, la capacité à se remettre en question… Il a été question
de faire des lettres de motivation mais nous n’avons pas pu être aussi exigeants que cela.
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Etude sur deux établissements, l’étude et le plan d’action concernent-ils les deux
établissements ? Quelle collaboration entre ces deux établissements sur la mise en œuvre ? K.
Boiteau : Le diagnostic concerne les deux établissements, les établissements ont fait
séparément leur propre diagnostic mais avec des rencontres et des temps d’échange pour se
rencontrer. Une fois le diagnostic posé, sur les décisions de plan d’action les choix des
établissements ont divergé. Ainsi, la mise en œuvre d’un parcours d’intégration ne concerne
plus qu’un établissement. Le second établissement a décidé de travailler sur un projet qui lui
paraissait plus innovant : un projet de bien-être au travail. On a travaillé sur un site pilote (deux
unités) qui était le mauvais élève de l’hôpital : personne ne voulait y travailler, évènements
difficiles antérieurs (meurtre d’un patient par un autre patient, médecin chef très
charismatique décédé de maladie grave et départ du cadre de proximité). L’équipe portait une
histoire lourde avec un turn-over important et donc des soignants qui n’avaient pas vécu ces
événements. Il fallait une mise en action : espaces de paroles autour du travail (notamment
les transmissions, charte de bonne pratique de transmission) : cela a bien fonctionné avec des
résultats probants (arrêt de l’absentéisme inopiné, baisse du nombre d’événements
indésirables, arrêt des départs…). Ces équipes sont devenues les « bons élèves » de
l’établissement sur la thématique des transmissions.
On est sur un projet GRH général, on rencontre ces difficultés dans les établissements à mettre
en œuvre des projets, à les réactiver, à susciter l’intérêt, à traduire… Mon modèle de thèse est
de la sociologie de traduction : comment est-ce qu’on traduit un projet en fonction des divers
interlocuteurs. Un projet transversal. Comment est-ce qu’on intéresse les personnes,
comment est-ce qu’on leur montre l’intérêt qu’ils ont à travailler ensemble et surtout le travail
le plus important est de travailler sur la controverse, c'est-à-dire permettre aux professionnels
de dire qu’ils ne sont pas d’accord, de dire pourquoi et d’entendre l’argumentaire de l’autre.
Bien souvent les projets n’avance pas parce qu’on prête à l’autre une position, un avis négatif
sur la question sans pour autant lui demander. On se rajoute ainsi des freins.
Cette étude donne un peu de respiration. On a souvent des études quantitatives. La question
des changements est très présente. Comment continuer et s’adapter au fil des changements
pour continuer de transmettre ? Comment pérenniser cette part de pratique de transmission ?
Parce que les réorganisations et les contraintes sont fortes et nous sommes obligés d’absorber
cela et de poursuivre la transmission. C’est autour de la rencontre entre professionnels et la
controverse que cela peut se passer.
L’analyse dans le cadre de cette recherche est très intéressante car elle montre l’importance
du poids institutionnel pour conserver un tutorat pérenne avec le côté organisationnel.
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DYNAMIQUE MANAGERIALE AU CENTRE HOSPITALIER SAINTE MARIE DE
CLERMONT FERRAND : UNE CONTRIBUTION DECISIVE A LA TRANSMISSION DES
SAVOIRS. MARIE LALUQUE – CADRE SUPERIEURE DE SANTE – CHSM CLERMONT
FERRAND
Quelques mots sur le centre hospitalier Sainte Marie de Clermont Ferrand :
Le CHSM Clermont Ferrand est un des cinq hôpitaux gérés par L’Association Hospitalière Sainte-Marie
: Il s’agit d’une association à but non lucratif. La direction générale est située à Chamalières.
L’association, en évolution permanente, est devenue un des acteurs majeurs de la santé mentale en
France. Elle poursuit son développement dans le respect de l’éthique, des valeurs, de la qualité et des
usagers.
L’offre hospitalière du CH sainte Marie est organisée en 4 pôles : La Psychiatrie Adulte (282 lits et 274
places structures jour), le pôle psychiatrie de l’enfant et l’adolescent (16 lits 36 places), le pôle
psychiatrie de la Personne Agée (23 lits 20 places) et le pôle Soins longue Durée (44 lits 80 lits EHPAD).
L’établissement compte actuellement 708 soignants et éducatifs dont seulement 15 ISP, 45 médecins,
12 internes.
Je vais vous situer le contexte spécifique de cet établissement qui a conduit à développer une réflexion
particulière sur la transmission des savoirs :
Tout d’abord, des contraintes spécifiques :
Le départ massif en retraite des ISP sur un délai très court a eu pour corollaire l’arrivée de jeunes
professionnels de la génération « Y ».
Les évolutions dans les prises en charge avec des durées de séjours plus courtes et la nécessité
d’accueillir des patients porteurs de « nouvelles pathologies ». Je pense ici à ce que le Docteur Gilles
Burloux nomme « les pathologies de l’immédiateté »13.
Une forte présence et tradition syndicale au sein du centre hospitalier.
Les ISP encore en activité ne souhaitent pas s’engager dans le tutorat.
Une communauté médicale qui méconnaît le rôle propre IDE.
Des obligations légales de traçabilité de plus en plus contraignantes.
Mais il y avait aussi dans ce contexte des opportunités :
L’arrivée d’un nouveau Directeur des soins : Mr Dominique Reynaud,
Deux cadres supérieurs de santé complémentaires et qui exercent un certain leadership avec des
valeurs communes et un intérêt de la profession. De plus l’une comme l’autre, sommes attachées à un
modèle de management participatif.
La réingénierie du DE avec la définition du référentiel de compétences et l’accès à la recherche.
Et surtout des valeurs institutionnelles fortes, connues et partagées.
13
Burloux, Gilles, « Les pathologies de l’immédiateté », Soins psychiatrie, juillet-août 2009, vol 30, n°263, pp 2125.
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Notre stratégie a été alors de s’appuyer sur ces opportunités pour remettre le soin au cœur de nos
préoccupations.
Des décisions ont alors été prises :
Tout d’abord la création de la Commission pour l’Enseignement, la Recherche Infirmière et
l’Encadrement des Stagiaires (C.E.R.I.S.E.) en 2009. Etant un établissement privé nous n’avons pas
d’obligation de mettre en place une commission des soins, celle-ci est finalement son équivalent. Cette
commission a été créée, organisée et animée par les deux cadres supérieurs de santé. Son objectif est
de rassembler autour d’un projet commun, de rester au plus proche des données scientifiques
actuelles, enfin de donner un espace de respiration permettant la créativité, la réflexion, et
d’accompagner les soignants à réinvestir leur rôle propre. Cette initiative a bien sûr été soutenue par
le Directeur des soins.
Une opportunité était aussi à l’époque la possibilité de bénéficier d’une aide financière de l’ARH dans
le cadre de la formation des nouveaux embauchés, consolidation des savoirs en psychiatrie.
Nous avons aussi décidé de nous appuyer sur les caractéristiques de la génération « Y » en utilisant cet
acronyme sympathique, porteur de dynamisme avec toujours ce souhait de management participatif
en développant des groupes de travail transversaux.
Ainsi, plusieurs groupes se sont constitués dans le cadre de cette commission : un groupe « Accueil des
étudiants » (Le centre hospitalier accueille environ 400 étudiants par an), un groupe « planification »
(ce groupe composé de cadres de santé, est plutôt en charge de l’organisation et la planification des
stages) et enfin un groupe recherche.
Concrètement, nous avons ainsi mis en place différentes actions :
- La création du réseau : participation en tant qu’auditeurs à différents colloques (notamment
à l’ARSI où nous rencontrons JP Lanquetin)
- Création de 3 colloques au CHSM (Le 1er sur l’informel, le 2nd sur « Libertés et psychiatrie » et
le 3ème sur « La créativité des soignants en psychiatrie »)
- La rédaction d’une première problématique de recherche avec publication dans Santé Mentale
- La participation au GRSI (Groupe de Recherche en Soins Infirmiers) et au GCIS (Groupe de
Coordination pour les Initiatives SocleCare),
- En parallèle, nous avons sollicité la participation de cadres, infirmiers et médecins à une EPP
« Appel à renforts » et mise en place des formations « Appel à renforts ».
Sur la problématique de la transmission des savoirs, dans le contexte qui était le nôtre (pas de tuteurs),
il a fallu innover. Suite à nos échanges au sein du réseau (GRSI et GCIS), nous avons opté pour une
transmission des savoirs basée sur le rôle propre avec implémentation au sein de l’établissement du
« Soclecare »14. Ce travail a nécessité plusieurs étapes :
Il a fallu tout d’abord sensibiliser l’ensemble de l’encadrement aux enjeux de l’intégration des résultats
de la recherche sur le rôle propre infirmier en psychiatrie (l’informel) dans les projets des unités de
soins.
Six cent carnets du « SocleCare » ont été distribués aux cadres et équipes.
14
Voir à ce propos, le site www.soclecare.eu
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Le rôle des cadres de proximité a aussi été défini dans la conduite de ce projet : sensibiliser les
soignants à l’importance des résultats de recherche sur le soin informel. Il leur a été demandé
également d’intégrer les résultats de cette recherche dans leur conception managériale et dans les
projets de soins des unités.
Il s’agissait également pour nous de faire un travail en amont, au sein des IFSI et auprès des étudiants.
Ce qui est enseigné en IFSI l’est souvent sur la base du modèle médecine-chirurgie-obstétrique, une
relation où le soignant est debout au lit du patient qui, lui, est allongé. Ce qui n’est pas encore enseigné
en IFSI : c’est gérer un groupe hétérogène de 25 patients, debouts et mobiles, qui interagissent. Entrer
en relation avec eux, repérer les symptômes, anticiper les interactions potentiellement à risque et
maintenir une vision cohérente et commune des soins à dispenser dans ce tumulte.
C’est ce que nous apprend le considérable travail sur l’informel et son outil, le carnet du « soclecare ».
Les résultats à ce jour :
L’établissement a été certifié (A), le dynamisme et l’engagement de CERISE ont été soulignés. Le
groupe « CERISE » est aujourd’hui connu et reconnu. L’assise institutionnelle est donnée par le
Directeur des soins avec l’inscription du « SocleCare » dans le projet de soins et la nomination de
l’ensemble des cadres supérieurs de santé comme « référents SocleCare ».
De plus nous pouvons aujourd’hui, compter sur l’implication et le soutien de la communauté médicale
(Dr Gelly et Dr Cellier).
Un groupe de pilotage du « SocleCare » a été créé pour permettre l’implémentation dans
l’établissement avec pour objectifs stratégiques de rendre visible l’invisibilité du travail soignant, de
promouvoir la culture et les valeurs de l’informel, de favoriser sa transmission et référencer les
fonctions dans les projets de soin.
On peut dire qu’à ce jour, le rôle propre est mieux connu et soutenu, il y a une réelle possibilité de
créativité au sein de l’institution.
Nous poursuivons la dynamique :
La présentation du SocleCare dans les IFSI de la Région Auvergne est un des axes que nous mettons en
œuvre. Nous avons également pu présenter à la direction générale de l’association le « SocleCare ».
Nous avons créé un nouveau groupe dédié à l’organisation des colloques avec pour cette année, la
possibilité de localisation de l’évènement en centre-ville.
Et puis, nous débutons un travail de recherche avec la formation de 12 personnes autour d’un projet
avec Mme Geneviève Roberton.
Mais nous avons aussi de nombreux projets :
Ainsi à court terme, comme je l’évoquais, une recherche en soins (laquelle est en cours) sur les impacts
du SocleCare sur la qualité des soins.
Mais aussi l’intégration de formations collectives sur le SocleCare au centre hospitalier, l’accueil de
la prochaine réunion du GCIS au CHSM Clermont-Ferrand (septembre 2017).
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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A moyen terme, nous souhaiterions soumettre le travail de recherche dont je vous ai parlé à un appel
à projet PHRIP. Et pourquoi pas former des « ambassadeurs » SocleCare et/ou proposer des
formations SocleCare en lien avec le GCIS et le CRMC ?
Quelques souhaits aussi :
-
Qu’une aide au financement de formations SocleCare puisse être proposée aux établissements
et la reconnaissance « DPC » de cette formation (également celle intitulée « appel à renforts »
que nous avons mis en place)
En conclusion, je dirai que les valeurs institutionnelles ont constituées une ligne de cohérence pour
fédérer les soignants. Ces valeurs nous les retrouvons dans le « SocleCare ». Le « SocleCare » constitue
une base conceptuelle à laquelle le soignant pourra se référer, il s’adosse aux savoirs référencés dans
le recueil.
Pour nous, la transmission des savoirs s’appuie sur une posture réflexive, le raisonnement clinique et
des savoirs conceptuels, en l’occurrence le « SocleCare » et les concepts en Sciences Infirmières
Faisons confiance à la nouvelle génération pour découvrir d’autres habiletés de prise en soins mais
aussi la 140ème fonction et les suivantes !
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ETRE TUTEUR PROFESSIONNEL, METIER ? PEUT-ETRE … TRAVAIL ? SUREMENT !
MICHELE TORTONESE – INFIRMIERE – CENTRE HOSPITALIER « LE VINATIER » BRON
Tout d’abord, en toile de fond, quelques éléments sur le tutorat d’intégration au Vinatier:
Au Vinatier, le tutorat est toujours individuel. En 2015, 89 jeunes professionnels ont bénéficié du
dispositif pour un total de 1148,05 heures (29 en 2010, 65 en 2011, 86 en 2012, 132 en 2013, 105 en
2014).
En 2015, on compte 13 tuteurs. La plupart travaillent à temps plein dans leur service et accompagne
un ou 2 jeunes collègues. Deux à trois sont nouveaux retraités et se voient confiés entre 5 et 20
tutorats. Et moi, je suis à 60% infirmière tutrice, à la Direction des Soins. J’ai effectué 33 tutorats en
2015, plus de 100 depuis le début de ma fonction en 2011.
Je suis tutrice d’intégration depuis 2011. Entre 2011 et 2013, je travaillais à mi-temps dans un service
d’entrée de psychiatrie générale. J’ai fait l’essentiel de ma carrière en intra-hospitalier et je connais
bien la vie des unités de soins.
Depuis octobre 2013, je ne travaille plus directement en service de soins : je suis pour 60% à la direction
des soins, occupée essentiellement pour le tutorat, mais aussi une petite part d’accompagnement des
équipes de soins dans l’accueil des étudiants infirmiers et une activité assez riche avec la CISRMT ,
j’aurai a y revenir.
Pour 40% sur un poste infirmière détachée auprès de maisons relais d’Adoma, où j’ai une activité
clinique auprès des résidents, qui pour la plus grande part relèvent de soins psychiatriques.
L’accompagnement de ces personnes nécessite aussi un travail de coordination sur la filière de soin et
les réseaux médico-sociaux.
Quand Michel Nicolas et Jean Paul Lanquetin m’ont demandé d’intervenir, ils m’ont dit que l’enjeu de
cette journée est de pouvoir proposer des orientations qui pourraient faire évoluer ce dispositif dans
nos établissements et que mon positionnement spécifique sur cette mission paraissait intéressant.
Bon…
Comme je leur fais confiance, j’ai dit oui.
Ensuite tout est devenu beaucoup moins clair. Je n’arrivais même plus très bien à voir en quoi mon
positionnement était spécifique ?
J’ai donc adopté un axe méthodologique archi simple : Pareil/pas Pareil. Donc,
I- En quoi est ce que je suis une tutrice comme les autres:
Tout d’abord la clinique
J’assure donc toujours un mi-temps clinique «auprès du patient» à côté de l’activité pédagogique
spécifique de tutorat.
Comme les tuteurs qui n’assurent qu’un ou deux accompagnements, et comme les tutorés, je suis une
infirmière en exercice, engagée et parfois engluée dans une pratique, en tout cas forcement en
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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questionnement sur ma pratique. J’ai à résoudre des problèmes d’évaluation, de projet de soin et de
projet de vie, de mode de communication, de méthode d’accompagnement. Mes capacités de
réflexion et d’analyse cliniques sont toujours mobilisées et comme c’est un exercice assez solitaire, il
me faut de plus mobiliser un cadre thérapeutique et un cadre éthique intégré.
Cette similarité avec les/mes tutorés est une richesse, au-delà de la différence d’âge et d’expérience,
elle permet que la relation s’installe de pair à pair. Et c’est l’essence du tutorat, sa différence avec le
compagnonnage par ailleurs indispensable, bien sûr.
Dans le compagnonnage au quotidien et auprès du malade, la dimension affective de la vie d’équipe,
du soutien, de la solidarité et du pacte groupal autour d’une identité et d’une culture sera
prédominante.
Le tutorat, lui, est un espace artificiel et fécond, un espace du «comme si» on travaillait ensemble. Ce
«comme si» permet la mise en représentation du travail, sa formalisation et ouvre l’espace d’une
dynamique pédagogique. Comme une boite de Pétri dans un laboratoire, c’est un espace clos et
préservé qui permet de cultiver les représentations sur sa pratique, et d’expérimenter, de façon
solitaire mais accompagnée, une réflexion sur sa pratique, c’est une mise en scène pour la distanciation
et la réflexivité
Dans cette boite de Pétri, la gélose nutritionnelle pour cette dynamique pédagogique est bien sur
composée de bienveillance, de chaleur et d’affectivité assumée.
Surtout, ce «comme si» n’est valide que si il est crédible, d’où la nécessite de pouvoir s’appuyer sur
une expérience professionnelle vivante et à mon sens pas trop ancienne, j’y reviendrai
Pareil que mes collègues tuteurs aussi, la confrontation au travail pédagogique :
Cette expérience professionnelle infirmière, elle ne peut que nourrir le travail pédagogique qui doit
s’en détacher.
Réjouissons-nous de l’apparition d’une compétence 10 qui énonce cette dimension de notre exercice
mais reconnaissons que pour arriver à une position expertale en pédagogie du soin, nous en sommes
chacun a des niveaux différents mais ensemble, encore dans une étape de construction.
Pour développer cette compétence pédagogique, les tuteurs du Vinatier bénéficient d’une formation
à l’analyse de la pratique pédagogique. Après l’exposition d’un certain nombre de concepts théoriques
assez nouveaux pour nous, nous aurons à les mettre en application dans des analyses de situations
tutorales lors de 4 séances en 2017.
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II- Une situation particulière, pas pareil
Les particularités de ma pratique tutorale sont, je pense, surtout dues au grand nombre
Une influence sur les modalités dans l’exercice du tutorat
Il me semble que je suis favorisée vis-à-vis de mes collègues tuteurs qui n’en font qu’un ou 2/an, car je
bénéficie d’un certain confort. Je dispose toujours d’un bureau, d’un téléphone, d’un ordinateur, de
nombreux créneaux a proposer pour fixer les séances, de temps pour répondre ma messagerie,
d’habitude dans la façon de ranger et traiter les dossiers, de proposer des RDV, de rédiger mes
courriels. C’est du confort pour moi mais cette mécanique ritualisée apporte aussi une certaine
efficacité que le nombre permet et nécessite.
Une influence sur le contenu du tutorat exercé
Bien sûr, chaque tutoré et chaque tutorat est différent mais il y a quand même, des thèmes, des sujets,
des concepts qui reviennent.
Il y a donc pour moi une certaine fluidité, peut-être de l’efficacité dans la répétition. Je suis bien rodée!
-
Combien de fois ai-je «fait» la différence et la dynamique entre identification, compassion et
empathie!!
-Combien de fois ai-je «fait» narcissisme et état limite, puis état limite et transgression dans
le soin!!
-Combien de fois ai-je expliqué voir mimé (oui dans l’espace clos de la séance, je mime!, je
fais assez confiance à mes talents de comédienne et de clown!!) la rage destructrice du
nouveau-né affamé et désillusionné pour pouvoir placer que «Freud a dit l’objet naît dans la
haine» et/ou pour rendre compte de la phase schizo-paranoïde d’après Mélanie Klein, et de
ses liens avec la crise d’agitation du psychotique aussi persécuté qu’agressif, potentiellement
violent.
Mon numéro est bien rodé, et certains tutorés disent qu’ils s’en souviendront!
Mais le tutorat ce n’est pas que la clinique et la théorie psychologique, c’est aussi la vie d’équipe,
l’organisation du travail et la dimension institutionnelle de ce grand hôpital, dont l’architecture
fonctionnelle complexe reste, pour ces nombreux nouveaux arrivants théorique, floue ou absente
Comme je suis infirmière de psychothérapie institutionnelle, je le suis comme tutrice aussi. Je ne crois
pas qu’on puisse faire de la clinique sans traiter l’institutionnel, et tout autant je ne crois pas qu’une
question institutionnelle puisse s’examiner sans tenir compte de ce que la relation soignante fait vivre
à chaque soignant et au groupe soignant. Mon expérience professionnelle en pensée et en pratique
articule très classiquement ces deux axes
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Cette conception des soins m’a amené à m’intéresser et m’impliquer dans la vie de l’établissement. Je
siège à la CISRMT, a des instances qualité et culture. Je suis bien informée de la politique, des projets,
des avancées, des limites.
Mais, j’ai aussi beaucoup de tutorés, qui me rapportent et me confient leurs questionnements et
parfois leurs difficultés sur la vie de leur service et leur façon de comprendre l’institution. Ce nombre
de tutorés permet aussi de bien connaître l’établissement. Je me trouve, par là, au cœur d’un réseau
d’informations et dépositaire de représentations sur les interfaces infirmier/unités de soin/
pole/Hôpital.
Cette vision, large, riche, modulée et pondérée que je peux leur restituer, souvent les passionne, mais
surtout les rassure et les apaise en leur permettant une mise en perspective des difficultés de leur
pratique.
Assurer beaucoup de tutorats a aussi une Influence sur moi
Je n’ai pas eu peur de me trouver isolée, trop profondément infirmière pour ne pas trouver/créer
toutes les occasions de faire équipe. Je fais équipe à minima avec mes collègues tuteurs lors de nos
temps collectifs formalisés, lors de nos formations.
Je fais équipe avec les tuteurs retraités que je vois plus fréquemment, ma collègue Michèle surtout.
Mais je fais beaucoup équipe avec Evelyne Messiaen, mon cadre et ma collègue. Ce travail en équipe
se fait le plus souvent et assez efficacement «au self», entre la poire et le fromage et dans le
bruissement d’un moment de pause. Nous avons un temps partagé pour manger et pour, si j’en ai
besoin, déposer ce qui parfois est un peu trop compliqué ou réfléchir ensemble sur les tutorats qui me
posent problème .
Mais quand même, être infirmière en équipe, et pratiquant ces soins psychiatriques jamais totalement
réussis apporte une certaine humilité bénéfique. Là, au contraire, je dois faire l’aveu qu’il m’arrive
d’éprouver un peu d’orgueil à l’idée que plus de 100 jeunes infirmiers du Vinat «me sont passés dans
les mains».
Je lutte contre mon orgueil, je me dis que ce grand nombre permet juste de concourir à l’harmonisation
des pratiques et à la fidélisation de l’effectif infirmier. Mais, quand même, je suis bien contente d’avoir
eu l’opportunité de « faire passer » quelques éléments qui me sont chers et m’ont beaucoup aidé, des
concepts (le cadre thérapeutique), des techniques (le référencement infirmier), des valeurs (la place
centrale du soin de proximité, une conception égalitaire de la collaboration pluri-professionnelle).
Comme je ne sais pas ce qu’il en reste et ce qu’il en restera….mon orgueil se dissous dans le juste plaisir
du travail accompli.
Première conclusion
Pour la dimension de la pratique encore partagée, pour celle du partage autour de la vie
institutionnelle, et malgré mon expérience récente plutôt heureuse, vous l’avez compris, je suis plutôt
réticente à l’idée d’une professionnalisation du tutorat. C’est pour moi un travail à l’intérieur d’un
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métier. Certes une position experte mais que je craindrai de voir se dessécher en se centrant
exclusivement sur une dimension pédagogique, coupant totalement de la pratique.
Deuxième conclusion car il faut bien finir.
Et je vais vous parler de fin
Dans 15 jours, je ferai valoir mes droits à la retraite, a priori clap de fin.
Armée de toutes ces bonnes pensées sur le tutorat, j’ai pourtant eu à me poser une question cruciale.
Est-ce que je n’en reprendrai pas un peu une fois à la retraite ?
Comme pour les années à venir, j’espère bien entamer une carrière de vieille dame légèrement
indigne, j’ai décidé d’assumer haut et fort mes contradictions et, malgré ce que je viens de dire, si l’on
a besoin de moi, j’en reprendrai bien un peu.
Peut-être un peu par appât du gain….c’est vrai que le montant de la pension d’une infirmière de service
public après 40 ans de bons et loyaux service peut nous y pousser.
Mais surtout bien sur parce j’aime trop ce travail.
La contradiction va travailler, me travailler. J’espère quand même que de cette maturation pourra
émerger la perception du moment où je ne serai plus tout à fait pertinente comme tutrice.
On pourrait formuler une question technique et bizarre : Combien de temps de retraite et combien de
tutorat pour dissoudre ou conserver une tutrice ?
Pour l’instant, j’ai quand même envie de continuer un peu parce que j’aime ce travail, parce que mes
jeunes collègues sont beaux, frais, intelligents, qu’ils ont choisi ce métier et cette discipline et qu’ils
expriment plein d’envie.
Avec eux, dans leur présence et leur implication, je trouve en miroir, au moment d’y renoncer, une
reconnaissance et une validation de ce qui a fait mon engagement, être psychiste du quotidien,
psychothérapeute de proximité, « être avec » ceux qui se battent contre le drame sublime de leur folie,
porter un peu de leur douleur, profiter une peu de leur lumière et de leur poésie.
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INFIRMIERE CLINICIENNE ET TUTRICE : UN REFERENCEMENT CLINIQUE DANS ET
HORS L’EQUIPE. NOEMIE SPERER – INFIRMIERE CLINICIENNE – CLINIQUE DES
VALLEES - ANNEMASSE
Qu’est-ce qu’une infirmière clinicienne ?
Me concernant c’est avant tout une expérience. Je suis infirmière diplômée d’état depuis 2001.
J’ai donc 12 années de pratique en psychiatrie générale (adultes, adolescents, troubles du
comportement alimentaire).
Mais c’est aussi une formation qui constitue une réelle plus-value : le Certificat
d’Approfondissement de la Démarche Clinique Infirmière (CADCI).
Cette formation propose un approfondissement du raisonnement diagnostique et thérapeutique
infirmier, développe des notions comme le concept de soi, l’éthique, les relations
interpersonnelles. Mais aussi l’approfondissement de certains points comme les réactions
humaines face à la perte, la maladie, la fin de vie, la douleur. Elle propose aussi la formation à des
outils : la relation d’aide, les entretiens et techniques psychocorporelles, la consultation infirmière,
l’éducation thérapeutique. Nous y abordons également la notion de recherche en soins infirmiers
et le leadership. Cette formation se déroule sur 18 mois (169h) validée par un mémoire avec
soutenance.
Elle conduit à une équivalence master I et s’inscrit dans la lignée des infirmiers de pratiques
avancées.
Cette formation s’adresse à tous quel que soit le lieu d’exercice (généraliste).
Les Infirmières cliniciennes existent au Canada depuis plus de 30 ans avec de vrais impacts sur le
système de santé: une baisse des durée d’hospitalisation mais aussi des coûts, une baisse des
réadmissions en urgence, des complications, et une augmentation de l’accessibilité aux soins, ainsi
que l’augmentation qualitative des soins aux patients et à leurs familles
Cette formation m’a ainsi apporté une meilleure connaissance des concepts de soins infirmiers
(Peplau, Roy, Orem, Henderson, Watson…) et diagnostics infirmiers.
Les concepts de soi et relation interpersonnelles qui participent à la connaissance de soi et de
l’autre favorise les capacités d’accompagnement.
Le leadership constitue un élément essentiel de l’accompagnement des tutorés. Cette formation
permet en outre d’actualiser ses connaissances notamment sur les pratiques actuelles
La traduction au sein de l’établissement :
L’existence d’une fiche de poste constitue une légitimité institutionnelle, une reconnaissance
salariale aussi bien que symbolique…
L’articulation avec le cadre de santé est bien définie et le rôle de chacun se décline comme
suit dans les champs qui nous sont communs : Le cadre de santé est mon supérieur hiérarchique,
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il est maître de stage et a en charge les ressources logistiques: moyens matériels et personnels.
Les missions des cadres sont aujourd’hui essentiellement liées aux questions de plannings et autres
obligations institutionnelles. (unités de 80 patients)
Me concernant, j’interviens de pair à pair avec les professionnels, je suis tuteur et une ressource
pédagogique et clinique pour l’équipe.
Quelles sont mes missions dans l’unité ?
Ces missions s’articulent autour de la coordination des projets de soins, des apports cliniques mais
aussi la prise en charge des situations complexes de soins, le tutorat des étudiants, nouveaux
diplômés et nouveaux pratiquants en psychiatrie, organisation flux patients et les pré-admissions.
Dans le concret, cela me conduit à la lecture des dossiers, à participer aux transmissions et aux
synthèses médicales, ainsi que planifier et coordonner les ateliers psychothérapeutiques.
Quelles sont mes missions hors de l’unité ?
Je suis en charge de missions transversales institutionnelles : le CLUD et l’interClud psychiatrique,
la démarche qualité, le comité d'éthique, des groupes de travail institutionnels, l’animation ateliers
thérapeutiques, des consultations infirmière (douleur, évaluation du trouble de l’humeur) et la
coordination du tutorat sur l’établissement.
Ce sont aussi des missions au sein des instituts de formation : Co animation des TD de relation
d’aide UE 4, Etats limites et soins infirmiers, guide et jury de mémoire de fin d’étude
Le tutorat : Il est coordonné par le binôme que je constitue avec le directeur des soins.
J’interviens ainsi directement dans le tutorat des étudiants, celui des nouveaux pratiquants en
psychiatrie. Je suis référent auprès des instituts de formation et formateurs. Je participe par
ailleurs à la réflexion institutionnelle quant aux nouvelles directives ministérielles.
De plus, je coordonne le groupe de tuteurs (rencontres tri-annuelles).
Ces rencontres me permettent de faire un état des lieux du tutorat au sein de l’institution, de
favoriser un échange sur les pratiques et difficultés rencontrées, de transmettre des nouveautés
mais également d’uniformiser les pratiques.
En lien avec cette expertise, je participe au groupe de travail sur le référentiel infirmier en
psychiatrie (CRMC)
Nous, tuteurs, rencontrons bien sûr des difficultés : notamment sur la question de la
reconnaissance en terme de temps et de rétribution du temps investi auprès des étudiants mais
également avec le turn-over soignant qui entraine une disparition ou un épuisement de nos tuteurs
et empêche une montée en puissance des savoirs acquis.
En conclusion, mon exercice actuel d’infirmière clinicienne me permet d’étendre mes possibilités
d’accompagner de manière qualitative nos étudiants et nouveaux pratiquants. Dans le tutorat il
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s’agit d’une véritable plus-value à développer et d’une alternative à développer, forte du constat
de la dilution des savoirs en psychiatrie.
Une reconnaissance d’un parcours LMD permettant d’accéder au statut de praticien en psychiatrie
serait un véritable aboutissement.
Il demeure des difficultés, bien sûr, mais je reste convaincue que la voie des pratiques avancées
est une véritable réponse dans l’accompagnement de nos étudiants et nouveaux professionnels,
pleine de promesse pour la psychiatrie que nous voulons pour demain.
« Vous voyez les choses ; et vous demandez Pourquoi ?
Mais je rêve de choses qui n’existent pas encore ; et je demande,
Pourquoi pas ? »
George Bernard Shaw
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TUTORAT : VERS UNE PROFESSIONNALISATION ? MICHEL NICOLAS – DIRECTEUR
DES SOINS - CRMC
Ce titre sous forme de question vise à interroger les problématiques qui sont actuellement les nôtres
dans la pérennité du dispositif de tutorat au sein des établissements.
Entre difficulté pour trouver des professionnels volontaires et/ou suffisamment expérimentés, et
difficultés organisationnelles, nous avons vu que les établissements avaient su cependant créer des
espaces de travail innovants.
Le terme de professionnalisation n’est peut-être pas aujourd’hui celui qui convient mais il renvoie à
une des possibilités actuelle : faire de cette activité une profession (Larousse), nous verrons en quoi…
Sans aucun doute, dans la question de l’évolution de ce dispositif, devons-nous nous interroger sur les
moyens à mettre en œuvre pour accompagner au mieux les nouveaux arrivants dans l’exercice de leur
fonction soignante auprès des patients porteurs de troubles psychiques. Au final ce dont nous parlons
c’est aussi de la qualité des soins, tout autant que de la sécurisation d’un exercice professionnel
Dans les suites de l’enquête, le CRMC a choisi de mettre en place un groupe de travail avec la volonté
de définir ce que le tutorat pourrait ou devrait être demain. Ce groupe a réuni 16 professionnels de 15
établissements de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Etablissements privés, ESPIC ou publics.
L’objet de ce groupe était de définir un « cahier des charges du tutorat » : Quel tutorat pour nos
établissements ? Je reprendrai quelques éléments de ce travail15 disponible sur le site du CRMC.
Pour débuter nous avons cherché à définir ce qu’est le tutorat ? Dans quoi s’inscrit-il ?
Il fait partie du processus de professionnalisation. Pas une formation à proprement parler, il constitue
une passerelle entre formation initiale et pratique professionnelle. C’est un espace de décontextualisation permettant une conceptualisation du soin. Il est à différencier de l’adaptation à
l’emploi.
Quels en sont les objectifs ?
- La construction identitaire professionnelle du nouvel arrivant
- L’accompagnement d’une pensée réflexive
- La professionnalisation
Puis nous avons essayé de définir le dispositif qui nous paraissait le plus pertinent. Ainsi, pour le
groupe, le dispositif de référence reste le tutorat individuel qui va permettre au tutoré un échange
singulier autour de problématiques rencontrés par le tutoré. Cet espace de travail va permettre une
mise en perspective des situations cliniques en apportant des repères cliniques et théoriques
15
http://crmc-psy.fr/metiers-de-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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Le dispositif collectif représentera une plus-value dans la mesure où il peut permettre au professionnel
de se positionner au sein d’un groupe, expérimentant ainsi la confrontation de son point de vue (la
dispute professionnelle) et une décentration de sa pratique en travaillant sur des situations d’autres
unités.
On a vu que la question de l’implication institutionnelle était centrale quant à la pérennité de ce
dispositif. En cela la désignation d’un coordonnateur de ce dispositif est essentielle avec des missions
définie comme le recrutement des tuteurs, l’organisation, l’animation de l’équipe de tuteurs, la
communication au sein de l’établissement mais aussi à l’extérieur (IFSI)…
Nous nous sommes également interrogés sur l’évaluation du dispositif qui à mon sens reste essentielle
à la crédibilité de ce dispositif dans nos établissements. La question reste sur quels indicateurs et
critères ?
S’agit-il d’une évaluation quantitative (Nombre de rencontres, nombre de tutorés accompagnés…) ?,
d’une évaluation de la satisfaction du tutoré au travers d’un questionnaire de satisfaction ? Ou évaluet-on les effets sur la fidélisation (suivi RH), l’évolution professionnelle du tutoré et comment ?
L’enquête DGOS de 2010 précisait qu’il était difficile d’attribuer au seul tutorat l’évolution d’un
professionnel qui a bénéficié dans le même temps de formations, d’accompagnement dans l’unité, de
participation à des réunions cliniques
Le groupe a tenté de travailler sur ces différents aspects : fragile équilibre entre préservation de cet
espace original ou confiance et confidentialité sont des aspects majeurs du bon déroulement du travail
de tutorat et nécessité de confirmer la pertinence d’un dispositif d’apprentissage.
Les modalités de sélection des tuteurs ont été aussi largement débattues. En 2012, lors des deuxièmes
journées régionales, Corinne Martinez, alors chargée de la psychiatrie et santé mentale à l’ARS RhôneAlpes, disait : « N’est pas tuteur qui veut…Il faut certaines qualités expertales. Comment les
reconnaître ? »
Nous l’avons vu que l’expérience est actuellement le critère prévalent, le groupe s’est interrogé sur
d’autres indicateurs et en a listé plusieurs. Je vous les liste ici :
 Une expérience de 5 ans minimum. Le seuil fixé à trois ans par certains établissements en lien
avec leurs contraintes n’a pas été retenu.
 Il a été invoqué la nécessité d’un engagement du tuteur sur la durée : trois ans
 Des capacités pédagogiques : avec par exemple comme indicateur une implication
préexistante dans l’encadrement des stagiaires, des interventions dans les IFSI…
 Des capacités cliniques : participation active aux réunions cliniques, écrits et transmissions,
pertinence des interventions…
 Une posture professionnelle spécifique : bienveillance, écoute
 Une capacité à conceptualiser sa pratique : écrits professionnels, ou évaluable en entretien
 Un référencement clinique avec une maîtrise des concepts de soins
 Un engagement dans une dynamique de réactualisation des connaissances : lectures
professionnelles, formations….
 Une capacité d’auto-évaluation
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

Un engagement institutionnel : participations à des travaux transversaux, commissions…
Et enfin une capacité à rendre compte
Cette liste plutôt étoffée ne peut pas ne pas nous interroger. Finalement il s’agit de trouver des « perles
rares » au sein de nos établissements !
L’enjeu pour nos établissements est aujourd’hui important : Il s’agit de répondre à plusieurs
problématiques qui fragilisent l’organisation de ce dispositif :
- L’attractivité de la discipline et le turn-over (comme l’évoquait précédemment Karine Boiteau) : En
effet, à quoi bon accompagner de nouveaux professionnels si ils ne restent pas ? C’est aussi la question
de la création d’un cercle vertueux.
- L’organisation et la disponibilité des acteurs : on voit que le choix de détacher un professionnel (ou
retraité) sur cette fonction facilite la prise de rendez-vous (sans pour autant résoudre la difficulté de
disponibilité des infirmiers tutorés).
- Les difficultés à trouver des tuteurs dans certains établissements : la taille des établissements est un
facteur important dans cette problématique : Il faut au regard de ces difficultés s’interroger sur des
mutualisations : un tuteur peut-il intervenir dans différents établissements ?
- La reconnaissance nécessaire de cette fonction dont on peut envisager qu’elle s’étende au-delà de
l’actuel tutorat.
Alors, quels tuteurs demain dans nos établissements ?
Dès 2010 lors des premières journées, au cours d’un des ateliers, se posait la question « se dirige-t-on
vers une fonction d’infirmier clinicien en psychiatrie ? ». Nicole Orthous (Professeure à l’IUFM de Lyon)
lors de ces mêmes journées disait « le métier de tuteur existera peut-être. Les tutorés d’aujourd’hui
seront les tuteurs de demain, ceux qui sont formés à être tuteurs participeront à la formation des
prochaines générations de tuteurs. Quel serait ce « métier »?
A cette dernière question deux pistes de réponse :


Un infirmier clinicien ? l’exemple de la clinique des Vallées doit sans doute nous conduire à
réfléchir au sein de nos établissements. La fonction de Noémie s’étend au-delà de la question
du tutorat. C’est aussi une fonction d’appui clinique pour les équipes et de mise en œuvre de
compétences spécifiques dans la prise en charge des patients. C’est une vraie réflexion à
conduire me semble-t-il dans nos établissements. Aux côté du cadre de santé, n’y a-t-il pas
cette place à créer ? Cependant pas de statut à l’heure actuelle pour cette fonction : synonyme
de précarité (bon vouloir ou pouvoir des équipes de direction ?) ? De plus quelle
reconnaissance?
En 2012, Corinne Martinez, évoquait le tutorat comme pratique avancée. A l’époque, le cadre
règlementaire n’existait pas. Il existe aujourd’hui en partie depuis la loi du 26 janvier 2016. Il
reste à consolider par décret mais quand et comment le sera-t-il ? La pratique avancée ne doit
pas seulement être considérée comme un glissement de tâches du médecin vers le
professionnel paramédical. Il s’agit de créer un espace d’exercice original pour ces pratiques
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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avancées où le rôle de l’infirmier sera aussi d’accompagner cliniquement les équipes et les
individus, dans un souci de développement des compétences individuelles et collectives.
Quoi qu’il en soit c’est à mon sens l’évolution que doit prendre le dispositif…Métier ou
professionnalisation ? Le débat peut rester ouvert à ce stade !
Attendre la définition du contenu de la pratique et de la formation des infirmiers en pratique avancée
ne m’apparaît pas correspondre à la temporalité de nos établissements. Il nous faut sans doute
dégager d’autres pistes de réflexion et de travail …
Alors des infirmiers cliniciens dans nos établissements ? Oui sans doute … En réfléchissant un cadre de
travail incluant d’autres missions comme la recherche en soins... Avec quels moyens, quelle
formation et quelle reconnaissance ? Là aussi le débat reste ouvert !
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QUEL TUTORAT POUR L’ARS ? DR SYLVIE YNESTA, CONSEILLER "PSYCHIATRIE ET
SANTE MENTALE- SANTE DES DETENUS" DIRECTION DE L'OFFRE DE SOINS, AGENCE
REGIONALE DE SANTE AUVERGNE-RHONE-ALPES
Comme j’ai pu vous le dire ce matin, je vais vous donner des pistes concernant le cahier des charges
que je rédigerai prochainement. Comme évoqué également, ce cahier des charges s’imposera à
tout établissement qui souhaite bénéficier de financements ARS pour ce dispositif de tutorat à
l’avenir.
J’avais bien entendu préparé quelques éléments en amont mais ces éléments se sont
considérablement enrichis au cours des différentes interventions tout au long de cette journée.
Donc pour l’ARS ce dispositif sera défini comme tel :
 Il s’adressera à tout nouvel arrivant infirmier ou éducateur. Sur le métier « aides-soignants »,
les établissements ne semblent pas encore prêts.
 Le tutorat est individuel et collectif
 La nomination d’un cadre ou cadre sup coordonnateur avec rédaction d’une lettre de mission
et d’un profil de poste
 Un engagement institutionnel (directeur, directeur des soins avec inscription dans projet
établissement et projet de soins)
 Des tuteurs avec au moins 5 ans d’expérience. J’entends cependant les difficultés de certains
établissements et il pourra être accepté un seuil à 3 ans si cela repose sur une argumentation
étayée.
 Des regroupements de tuteurs (une à deux fois par an)
 Une formation des tuteurs de trois à quatre jours
 Une lettre de mission pour les tuteurs
 Les tuteurs peuvent être retraités, ou venant d’un autre établissement.
 Un tutorat débutant après 6 mois d’exercice et se déroulant dans la première année. Je sais
cependant que certains établissements connaissent des difficultés pour « absorber »
l’ensemble des nouveaux arrivants en une année. Là aussi je pourrai accepter des tutorés dans
leur deuxième année d’exercice.
 Une programmation des séances faite avec le cadre de santé de proximité afin de l’impliquer.
 Le processus de tutorat se déroule sur une année pour chaque tutoré
 Une première séance obligatoire pour tous les nouveaux arrivants
 Un dispositif d’évaluation sera mis en place
Il n’est pas de la compétence de l’ARS de définir les modalités de recrutement, le profil de poste du
tuteur. Pas plus que de définir le contenu du tutorat, cependant il semble que le SocleCare soit une
piste pertinente et je m’étonne que ce soit l’ex- région Auvergne au travers du centre hospitalier de
Clermont Ferrand qui se soit saisie la première de cet outil.
Ce qui sera financé (sous réserve de respect du cahier des charges et de production des éléments de
preuve) :
 Le temps tuteur à la fois séances individuelles et collectives
 La formation des tuteurs
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Comme auparavant les établissements ne seront pas pris en charge pour le temps de travail du
tutoré.
Je rédigerai ce cahier des charges courant janvier en lien avec le CRMC et le ferai parvenir aux
établissements.
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10 ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages :
- PERRIN-NIQUET, Annick, PERNOT, Françoise, « La construction de la professionnalité en psychiatrie,
un outil nécessaire : le tutorat », dans MORASZ, laurent, PERRIN-NIQUET, Annick, BARBOT,
Catherine, MORASZ, Clémence, « L’infirmier en psychiatrie », Editions Elsevier-Masson, 2012, p. 291299.
- ORIOFIAMMA, Roseline, et Collectif, « Etre-là, être avec : les savoirs infirmiers en psychiatrie. Récits
de pratiques d’infirmiers à l’hôpital de Maison Blanche », Editions Education permanente, 2006, 208
pages.
Revues :
- BASTIDE, Théophile, « Le tutorat, une pratique efficiente », Gestions hospitalières, août/septembre
2013, n°528, pp.588-592
- BOITEAU, Karine, BARRET, Christophe, « Gérer la transition générationnelle en hôpital
psychiatrique : du diagnostic co-construit au plan d’action», Revue internationale de psychosociologie
et de gestion des comportements organisationnels, 2016/53, vol.XXII, pp. 187-210.
- DREYER, Véronique, « Tutorat en psychiatrie, identité et temporalité professionnelles », Gestions
Hospitalières, n°530, novembre 2013, pp 546-552.
- MAHIEUX, Pascal, « Tutorat en psychiatrie : à la recherche des savoirs », Santé mentale, août 2015,
pp. 34-37.
- PERRIN-NIQUET, Annick, « Formation et pratique infirmière en psychiatrie : une structuration
mutuelle », Soins psychiatrie, n° 277, novembre/décembre 2011, pp. 14-17
- VERNOTTE, Chabha, « Une logique de compétences », Soins psychiatrie, n° 260, janvier/février
2009, pp. 42-44
- WARIN, Bernard, BERGER Patrick, GRAND Bernadette, « Le tutorat, espace original pour la pensée
clinique », Soins Psychiatrie, n°253, novembre/décembre 2007, pp 29-31.
- WITTORSKY, Richard, « Evolution des compétences professionnelles des tuteurs par l’exercice du
tutorat », Recherche et formation, 1996, n°22, pp. 35-46
Sources électroniques :
- BOITEAU, Karine, « Parcours d’intégration en psychiatrie », Site de la revue Gestions hospitalières,
http://www.gestions-hospitalieres.fr/en/article/parcours-dintegration-en-psychiatrie, 6 pages.
- BUTEAU, Magali, « la construction identitaire professionnelle de l’infirmier de secteur psychiatrique
», site internet cadredesante.com,
http://www.cadredesante.com/spip/IMG/pdf/ConstructionIdentitairePsy.pdf, 4 pages
- FORNE, Mercedes, NIEDERLENDER, Philippe, « Premiers pas d’une forme de compagnonnage en
psychiatrie », Site SERPSY, http://www.serpsy.org/formation_debat/Bilan%20Tutorat%202008.pdf,
18 pages.
- THIREAU, Fanny, LOUVET, Jérémy, « Autour d’une rencontre : dialogue sur le tutorat infirmier »,
site internet santementale.fr, http://www.santementale.fr/exclusivites/recus-a-la-redaction/autourd-une-rencontre-dialogue-sur-le-tutorat-infirmier.html, 2007, 6 pages.
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- VACHER, Frédérique, « L’écriture, le savoir et les infirmières », Site internet « Le réservoir » ,
http://www.lereservoir.eu/MALLE%20DU%20PROF/BIBLIOTHEQUE/SOCIOLOGIE%20SANTE/ECRITUR
E%20SAVOIR%20INFIRMIER.pdf, 3 pages
- « Mieux prévenir et prendre en charge les moments de violence lors des hospitalisations en service
de psychiatrie » - Site HAS - http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1722 310/fr/mieux-preveniret-prendre-en-charge-les-moments-de-violence-dans-l-evolution-clinique-des-patients-adultes-lorsdes-hospitalisations-en-services-de-psychiatrie
Textes règlementaires :
- Circulaire DHOS/O2DGS/6C n° 2006-21 du 16 janvier 2006 relative à la mise en oeuvre du tutorat
pour les nouveaux infirmiers exerçant en psychiatrie.
- Instruction N° DGOS/RH1/2016/330 du 4 novembre 2016 relative à la formation des tuteurs de
stages paramédicaux
Autres sources :
- BARTOLETTI, Martine, Groupe de travail, « Enquête sur l’impact des actions de formation du plan psychiatrie
et santé mentale. Consolidation des savoirs et intégration des savoirs – tutorat », ARH, 2009, 55 pages.
http://crmc-psy.fr/metiers-de-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie
- BROSSAT, Florence, LECOMTE, Karyn, YNESTA, Sylvie, Evaluation du « volet régional de formation » en
psychiatrie et propositions pour sa pérennisation, ARS, juillet 2013, 18 pages. http://crmc-psy.fr/metiers-depsychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie
- COMBRET, Michel, « La transmission des savoirs empiriques et des pratiques informelles en psychiatrie dans
la production de sens », Colloque « Le Tutorat infirmier en psychiatrie : quel accompagnement pour donner
sens aux pratiques », 31 janvier 2014, 13 pages.
- LEDEZ, Christophe, « Regards croisés sur les pratiques tutorales », Actes de la 1 ère journée régionale du tutorat
d’intégration en psychiatrie, Saint Cyr au Mont d’Or, février 2010, 54 pages
- LEDEZ, Christophe, NICOLAS, Michel, « Qu’est-ce qui fait tutorat ? », Actes de la 2ème journée régionale
Rhône-Alpes du tutorat d’intégration en psychiatrie, Saint Cyr au Mont d’Or, avril 2012, 39 pages
- LES CAHIERS DU TUTORAT, N°1 à 4, produit par Santé Mentale, Dominique Friard et Serge Rouvière (BristolMeyer Squibb, Otsuka Pharmaceutical France).
- MATHARAN, Judith, MICHEAU, Julie, PENSO Annick, Rapport d’étude « Etude sur le tutorat/compagnonnage
des professionnels infirmiers en psychiatrie », Plein sens, septembre 2010, 108 pages. http://crmcpsy.fr/metiers-de-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie
- NICOLAS, Michel, Enquête sur le tutorat en région Auvergne-Rhône-Alpes, juin 2016, 36 pages. http://crmcpsy.fr/metiers-de-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie
- NICOLAS, Michel, groupe de travail, « Quel tutorat en psychiatrie ? », CRMC, Juillet 2016, http://crmcpsy.fr/metiers-de-psychiatrie-competences-formation-crmc-psychiatrie
- « Regards croisés sur les pratiques tutorales », Collectif, 1ère journée Régionale Rhône-Alpes organisé par le
CH de St Cyr au Mont d’Or, Février 2010, 49 pages.
- SAUZEAU, Jacky, « Transmission des savoirs et tutorat en psychiatrie, un double enjeu pour le directuer des
soins », mémoire de directeur des soins, Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique, Rennes, 2008, 47 pages.
- WARIN, Bernard, GRAND Bernadette, « Pratique du tutorat », Document interne, CH de Saint Cyr au Mont
d’Or, 2011, 36 pages.
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ANNEXE 1 : PROGRAMME DE LA JOURNEE
8 h 30 :
9 h 30 :
Accueil des participants
Ouverture de cette journée en présence de
Jean-Charles FAIVRE-PIERRET, Directeur du CH de St Cyr au Mont d’Or,
Dr Sylvie YNESTA, Conseiller "psychiatrie et santé mentale- santé des détenus"
Direction de l'offre de soins, Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes
Michel NICOLAS, Directeur des soins, CRMC
10 h :
Retour sur l’enquête régionale CRMC
Michel NICOLAS, Directeur des soins, CRMC
10 h 30 :
Tutorés, 10 ans déjà ! Quelle transmission pour demain
Tuteurs et tutorés—CH de St Cyr au Mont d’Or
11 h
Echanges
11 h 30
Le tutorat comme élément clé de la gestion de la transition générationnelles des
infirmiers de psychiatrie : présentation des résultats de la recherche-action menée
dans deux établissements psychiatriques d’IDF.
Karine BOITEAU, Infirmière, Consultante RH, Docteur en Sciences de gestion
12 H 30 :
Repas
14 h :
Dynamique managériale au Centre Hospitalier de Clermont Ferrand : une
contribution décisive à la transmission des savoirs
Marie LALUQUE, Cadre Supérieur de Santé, CH Ste Marie de Clermont Ferrand
14 h 20 :
Etre tuteur professionnel, métier ? Peut être, travail ? Surement
Michèle TORTONESE, Infirmière, CH Le Vinatier de Bron
14 h 40 :
Infirmière clinicienne et tutrice : un référencement clinique dans et hors l’équipe
Noemie SPERER, Infirmière clinicienne, Clinique des vallées Annemasse
15 h :
Tuteurs, vers une professionnalisation ?
Michel NICOLAS, Directeur des soins, CRMC
Quel tutorat pour l’ARS ?
Dr Sylvie YNESTA, Conseiller "psychiatrie et santé mentale- santé des détenus"
Direction de l'offre de soins, Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes
15 h 45 :
Echanges
16 h 15 :
Conclusion
Jean Paul LANQUETIN, Infirmier chercheur, CH de St Cyr au Mont d’Or
Christophe LEDEZ, Directeur des soins, CH de St Cyr au Mont d’Or
Michel NICOLAS, Directeur des soins, CRMC
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ANNEXE 2 : INDICATEURS SUR LA PROGRESSION DES INFIRMIERS A L’ISSUE DU
TUTORAT ET DES FORMATIONS DU CORPUS « CONSOLIDATION DES SAVOIRS ».
REALISE PAR LE GROUPE TUTEUR DU CH DE ST CYR AU MONT D’OR
Le dispositif tutorat arrive à ses dix ans de fonctionnement sur nos établissements, suivant en cela
le cadrage de la circulaire fondatrice de 2006. Le moment de revenir sur ce dispositif et d’essayer à
distance d’en évaluer, autant que faire se peut, ses effets auprès de nos professionnels infirmiers et
éducateurs.
Le terme « indicateur sensible » correspond à des repérages répétés et croisés effectués par les
membres du groupe tuteur du Centre Hospitalier de Saint Cyr au Mont d’Or. Ces indicateurs ont pu
être relevés dans la professionnalisation des infirmiers en situation de parcours de tutorat mais ces
critères ne peuvent pas tous être interprétés dans une causalité linéaire directe. Au-delà d’un effet
tutorat, d’autres variables peuvent entrer en jeu ne nous permettant pas, à ce stade, d’isoler,
d’affirmer et de surdéterminer la place centrale de ce dispositif dans les acquisitions d’un parcours
professionnalisant. La validation de ce repérage nécessiterait une enquête distincte auprès des
professionnels en poste ayant bénéficié de cet accompagnement tutoral depuis sa mise en place. Nous
avons retenu ci-dessous 11 critères sur lequel le tutorat a pu avoir une influence en termes de
développement d’une capacité.
Pour notre part, nous constatons que la réunion et le croisement de plusieurs de ces capacités est en
faveur d’un effet tutorat.
Les critères n’apparaissent pas par ordre d’importance ou par ordre chronologique dans leurs
acquisitions.
Capacité d’écrire :
Pertinence des transmissions d’informations cliniques et des transcriptions des contenus cliniques :
dossier de soins, synthèses infirmières…
Recours aux éléments conceptuels. Envie et capacité à écrire sur sa pratique.
Capacité de prendre la parole :
Fréquence de la prise de parole en réunion ou primat de la parole sur des moments « stratégiques »
qui peut venir également sceller les contrats narcissiques d’équipe à un niveau local.
Qualité des interventions (aspect clinique, répertoire du vocabulaire professionnel, repérage des
éléments de vécu, finesse des observations cliniques).
Art et manière de prendre la parole en équipe (après essai ou calibrage de cette parole dans les
interstices et les temps informels)
La parole advient quand il y a suffisamment de construction interne. Elle s’affirme avec le sentiment
de sécurité interne.
Capacité à passer du « nous » ou du « on » au Je.
En lien avec le critère précédent, l’affirmation de la singularité du Je dans sa parole professionnelle.
L’utilisation de « je » positionne l’infirmier dans son individualité en lui faisant quitter le « nous » ou le
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« on » indifférencié du groupe professionnel de proximité ou de l’équipe. Cette affirmation du « je »
expose et soutien sa parole propre, sa subjectivité et ses arguments. Elle permet une distanciation du
groupe en s’éloignant de la protection lié à l’anonymat de l’ « équipe ».
Elle singularise alors l’implication et affirme la dimension du rôle propre.
Capacité à gérer et à aller sur des situations sensibles.
Intervention sur des situations sensibles, exposantes et/ou complexes. Affirmation d’un
positionnement dans et sur la situation, suivi d’un temps de prise de recul.
Cette décision d’intervenir, en premier intervenant, sur une situation suppose une qualité
d’observation et d’analyse, une décision et une manière de prendre « sur soi ». Il s’agit donc d’une
démarche clinique. Il existe alors un raisonnement clinique qui se traduit par un processus décisionnel.
L’intervention peut supposer un engagement et une implication dans la situation. De même, la
priorisation de la réponse ou de l’intervention peut supposer une intériorisation des savoirs.
Des éléments de satisfaction peuvent être observés, il s’agit d’une « aventure » singulière.
Capacité de travail clinique en équipe
Demande d’espaces de réflexion et d’analyse clinique.
Qualité du positionnement avec ses collègues, repérage, répartition et jeu avec les fonctions phoriques
(distribution souvent implicite des rôles) dans le groupe au travail.
Ecoute et échange avec ses collègues autour de la clinique. Retour d’expérience en post action sur les
situations cliniques du quotidien dans un mouvement d’essai / corrections qui sont les éléments
d’posture réflexive. Validation et appropriation des « beaux gestes » reconnus par le groupe de
proximité au travail.
Capacité à appréhender le portage psychique de l’unité (après la première année)
Il s’agit essentiellement de porter ici la continuité des différents niveaux d’investissements lié à la vie
de l’unité (ou de l’UF) dans ses différentes dimensions. Soit : la régulation et contenance du groupe
soigné, une vision globale de l’unité, la capacité à faire des liens, à faire avec l’inattendu. Cette capacité
mobilise des connaissances sur les dynamiques en cours, les interlocuteurs multiples, les éléments
cliniques saillants individuels et groupaux, la connaissance des collaborateurs et des actions des autres
professionnels, les sources des multiples sollicitations, les trames organisationnelles et les savoirs
procéduraux locaux. Il s’agit donc de porter une vision globale de l’unité.
La gestion de l’ensemble de ces éléments et de ces informations oblige à un décentrage de la tâche et
de l’activité métier programmé et nécessite des opérations de reprogrammation mentale de ses
actions.
Cette capacité constitue un des exercices spécifiques du travail infirmier en unité d’hospitalisation en
psychiatrie. L’expression souvent entendu de faire le « deuxième » suppose alors que c’est bien le
« premier » qui s’emploie à ce portage psychique et mentale particulier avec ses nombreuses
reprogrammations.
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Capacité intellectuelle
Cette capacité s’illustre notamment par un retour à un lectorat professionnel. Lecture d’articles,
d’ouvrages et partage de ces derniers, lectures de documentations, fréquentation du centre de
documentation, participation à des congrès, ouverture à des offres de formation mais aussi et surtout
une ouverture qui regarde au-delà des murs de son unité d’affectation. Ces fréquentations et ce retour
d’un lectorat arrivent pendant la durée de l’accompagnement en tutorat et reconsidère le vécu initial
d’apprentissage scolaire souvent constaté. Le moteur est la curiosité. Les ressources théoriques et
bibliographique soutiennent la pensée et contribuent à générer du tiers dans les relations avec les
patients.
Capacité à historiciser
Cette capacité parle du mouvement qui consiste à croiser deux types de temporalité. Une temporalité
immédiate, celle du symptôme et une temporalité plus longue, faite de passé, de présent, et ouvrant
sur un devenir, le Chronos. Une vectorisation temporelle liée à la permanence des soins et à l’histoire
du sujet. Au-delà de l’anamnèse, les éléments cliniques du présent sont reliés à des éléments
antérieurs en lien avec l’histoire du patient, mais aussi l’histoire de l’unité, de l’équipe et de
l’institution. Cette capacité invite à inscrire une présentation ou une situation du moment dans un
ensemble plus vaste susceptible de les contenir. Des éléments antérieurs se déploient et éclairent le
présent comme une variable du passé.
Capacité à la transgression novatrice
Cette capacité propose un renouvellement des modes d’accès ou des actions en direction du patient.
Sa particularité est de dépasser ce qui se fait « habituellement » dans l’unité. La transgression
innovante est entendue à cet endroit. Elle suppose un appui sur l’acceptation que sa personne
« habite » son rôle professionnel et elle concerne l’utilisation choisie de ressources personnelles à des
fins professionnelles. Le processus de professionnalisation est entendu à cet endroit. Cette capacité
suppose du jeu dans sa relation à son groupe d’appartenance et donc une capacité à se dégager des
pressions de conformités groupales locales. Le sens de cette capacité est à entendre à cet endroit, elle
constitue un moteur de l’innovation,. Il s’agit aussi de poser sa signature, son style et donc sa
singularité dans ces renouvellements des modes d’accès au patient.
Capacité de métaconnaissance de son action
Cette capacité de métaconnaissance de l’action invite à une possibilité de mise en mots de ses actions
et du sens qu’on peut leur porter. Elle suppose donc une subjectivation de son travail et de son
implication dans celui-ci. Cette capacité et cette habileté invite à une mise en représentation
finalisante de son action, c’est-à-dire à inscrire son action du moment dans un scénario professionnel
plus vaste orienté vers un but ou des objectifs à plus long terme, là où l’activité réelle est souvent en
défaut de symbolisation langagière.
Le dispositif tutorat permet et invite à ce passage de boucles de rétroaction courtes à des boucles de
rétroaction longues. Cette capacité intègre également une posture réflexive.
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Capacité métacognitive.
Cette capacité peut se lire comme une possibilité de repérer pour soi le cheminement que prend
l’ensemble de ces acquisitions. Il s’agit de la capacité de se porter le constat de se voir « apprendre en
train d’apprendre » et d’en repérer les voies d’accès.
Le tutorat participe à l’intégration de ces capacités. L’idée de ce repérage tient à un constat, certaines
de ces capacités n’étaient pas là et sont apparus dans le décours du temps d’accompagnement du
tutorat. Les séances individuelles (voir groupales ou collectives) peuvent permettent l’objectivation de
l’apparition de ces savoirs professionnels.
Les séances favorisent une lecture plurielle et décentrée des situations de soins vécues et le tuteur est
en position de reprendre ces situations et leurs interactions pour en donner une traduction, une
lecture et une lisibilité des logiques d’action qui les sous-tendent. La situation de soins présente,
toujours singulière, peut être vue en situation tutorale comme une des variables du passé.
Ce repérage ne prend pas en compte les acquisitions et les connaissances liées aux savoirs
académiques et aux concepts. Il s’intéresse, avant tout, aux savoirs de base et aux savoirs d’action
qui sont électifs de la mise en place originale du dispositif et du cadre du tutorat d’intégration.
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ANNEXE 3 : TUTEUR EN PSYCHIATRIE, PASSEUR DE SAVOIRS
Le plan psychiatrie et santé mentale (PPSM) 2005-2008 avait identifié comme priorité la mise en place
d’un dispositif global et cohérent visant une meilleure adaptation à l’emploi des nouveaux infirmiers
exerçant en psychiatrie, en complément de leur formation initiale. Cette priorité a été reprise dans le
PPSM 2011-2015.
Cette volonté a été déclinée dans la circulaire DHOS du 16 janvier 2006. Celle-ci prévoyait, outre la
généralisation de la mise en œuvre de la formation « Consolidation et intégration des savoirs et des
pratiques en soins pour l’exercice infirmier en psychiatrie », l’instauration d’un tutorat permettant au
personnel infirmier qui exerce pour la première fois en psychiatrie, de bénéficier d’un encadrement de
proximité par des pairs expérimentés.
Après 10 années de fonctionnement, le dispositif est en passe d’être évalué pour faciliter une meilleure
représentation de sa mise en œuvre et de ses multiples modalités, la circulaire ayant laissé une
certaine marge de manœuvre aux établissements.
A titre d’illustration l’équipe du CRMC a rencontré un acteur du dispositif au CH de Saint-Cyr-au-Montd’Or. Gérard Anselme, infirmier de secteur psychiatrique, tuteur et jeune retraité livre des impressions
de son expérience dans cette fonction particulière dans le contexte de la mise en place du dispositif
du tutorat à St-Cyr-au-Mont-d’Or
Comment devient-on tuteur ?
Quand le tutorat a été mis en place à St-Cyr, le choix des tuteurs s’est fait suivant deux critères
principaux : il fallait évidemment qu’ils soient expérimentés, et il fallait aussi qu’ils soient disponibles.
La plupart des professionnels qui sont ensuite devenus tuteurs ont participé à la conception et la mise
en place du dispositif. La désignation des tuteurs s’est faite ensuite assez naturellement, un peu par
cooptation. C’est pour des raisons pratiques, parce qu’il n’y avait pas suffisamment d’anciens
professionnels disponibles dans les unités, qu’on a décidé de faire appel à des retraités pour assurer
cette fonction, même si certains collègues, et c’est mon cas, se sont engagés dans cette démarche
avant même de prendre leur retraite.
Si on choisit d’être tuteur, ce n’est pas simplement pour arrondir sa retraite. Il y a un vrai plaisir à se
remobiliser dans une fonction nouvelle et différente. Cette nouvelle fonction est un vrai prolongement
du métier d’infirmier, tel qu’on l’a exercé tout au long de sa carrière. Le fait d’être à la retraite facilite
l’organisation des rencontres avec les jeunes professionnels, que j’appelle les « tutorés » : on est plus
disponible à la fois psychiquement et en terme d’emploi du temps, on est dégagé des contingences
institutionnelles et d’un certain nombre d’obligations. Tout cela facilite la relation, et simplifie les
choses autant pour le tuteur que le jeune professionnel.
Cela dit, devenir tuteur suppose un engagement. Chaque séance avec un « tutoré » implique entre
deux et trois heures. J’assiste pour ma part huit « tutorés » . Et pour pouvoir s’adapter aux exigences
et aux contraintes professionnelles des infirmiers, cela nécessite beaucoup de flexibilité.
Quelles sont les qualités requises pour devenir tuteur ?
La première qualité du tuteur, sinon la principale, est d’avoir de l’expérience. Le tuteur a vécu une
somme d’évènements qui font expérience. Le tuteur ne se positionne pas comme quelqu’un qui aurait
plus de savoirs, mais comme quelqu’un qui a vécu davantage d’expériences. C’est le cœur de la
démarche à St-Cyr. Quand on interroge les professionnels, et particulièrement les plus jeunes, chacun
s’accorde sur l’importance de pouvoir compter sur des professionnels plus expérimentés, des « anciens
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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», au sein des équipes. Même si les personnes interrogées ne parviennent pas à en expliciter
clairement les raisons, le fait de côtoyer des « anciens » facilite l’apprentissage du métier, alors que
leur absence représente une difficulté. Se parler, se côtoyer permet la transmission.
Est-ce que le tutorat est un dispositif indispensable pour faciliter l’intégration des jeunes ou
nouveaux professionnels de la psychiatrie ?
A St-Cyr, bénéficier de l’accompagnement d’un tuteur n’est pas obligatoire. La seule obligation est
d’assister à une première séance individuelle qui intervient environ un an après l’arrivée du
professionnel dans l’établissement. En effet, pour tirer un bénéfice du dispositif, cela suppose un
minimum de matériel et de vécu. Ensuite, le professionnel choisit ou non de s’inscrire dans le dispositif.
S’il choisit de le faire, il s’engage dans une démarche qui impose de la rigueur mais qui se déroule à
son rythme. C’est cette capacité de choix laissée au professionnel qui participe de la richesse et de
l’intérêt du dispositif. Si on considérait le tutorat comme indispensable, il devrait logiquement devenir
obligatoire et on le transformerait en un dispositif figé et contraignant. A Saint-Cyr, il n’y a pas de
pression associée au tutorat en tant que complément de formation imposé.
Le tutorat est surement nécessaire, notamment en psychiatrie, car les nouveaux professionnels
manquent d’expérience et de repères cliniques, notamment vis-à-vis de tout ce qui relève de la
psychopathologie. Ce qui distingue très nettement la formation des jeunes IDE des anciens ISP, est que
ces derniers arrivaient dans des institutions après de nombreux stages, souvent longs, qui
constituaient en eux-mêmes des expériences. Ces stages nous permettaient de côtoyer dans la durée
– les stages duraient près de 8 mois - des professionnels aguerris. Ce contact et cette expérience sont
beaucoup plus limités aujourd’hui, notamment en psychiatrie. Je dirais donc que le tutorat est un
dispositif probablement nécessaire, mais il serait surement plus utile de poser cette question aux
professionnels qui en bénéficient.
Quel type de relation se noue-t-elle entre le tuteur et le professionnel ?
Il s’agit d’une relation didactique, née de la rencontre entre deux personnes qui font le même métier
mais qui ont des fonctions différentes. Cette relation est forcément dissymétrique et il y a donc
automatiquement une forme de rapport d’enseignement parce qu’il y a transmission d’un certain
rapport au savoir et à l’expérience. Pour autant, il ne s’agit pas d’une relation de « maitre à élève »,
mais plutôt d’une relation singulière, très individualisée. Le tuteur n’est pas là pour le patient, même
si le patient est évidemment en toile de fond, mais pour le professionnel. Les séances s’articulent
autour des difficultés et les questions identifiées par le « tutoré », sans obéir à un programme.
L’échange qui en résulte est naturel et informel. Il vise à ce que le « tutoré » devienne acteur
responsable de sa relation avec l’objet théorique, l’objet savoir.
La relation est singulière parce que chaque professionnel accompagné a un parcours de vie différent :
pour les uns il s’agit de la première expérience professionnelle, d’autres ont exercé dans d’autres
disciplines, alors que certains ont déjà une expérience professionnelle dans un autre métier.
Il s’agit aussi d’une relation de confiance facilitée par le fait que le contenu reste étanche et que le
tuteur n’a pas de comptes à rendre à l’institution. Ce lien de confiance autorise le « tutoré » à livrer de
l’intime ce qui est nécessaire pour travailler la clinique, et grâce à cela dessiner ce qui relève de la
distance professionnelle.
Il s’agit enfin d’une relation de réciprocité. Le tuteur doit modifier également ses représentations du
soin au contact des « tutorés » dont le contexte de la pratique n’est plus le même que celui qu’il a pu
connaitre. Le tuteur offre un modèle implicite d’un professionnel qui a traversé des expériences plus
ou moins difficiles et qui malgré ces difficultés a su garder du plaisir et du sens à sa pratique. C’est la
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valeur signifiante de la position et de l’exemple qui vaut tous les discours. Le sens c’est ce minimum
de plaisir.
Quelles sont les principales interrogations qui reviennent lors des séances de tutorat ?
Les principales thématiques abordées dans le cadre du tutorat tournent essentiellement autour de la
question de savoir comment faire de la clinique. Les professionnels souffrent souvent de ne pas faire
suffisamment de « soin relationnel », alors que s’ils ont choisi de faire de la psychiatrie, c’est bien pour
cela. Les questions concernent donc les obstacles à la mise en oeuvre de ces soins dits « relationnels »
: absence de travail clinique, peur de s’exprimer, ignorance de la psychopathologie, usage de la
chambre d’isolement, rapport à la violence et à l’agressivité des patients, gestion des passages à l’acte
et des situations de débordement, rapport aux figures d’autorité, manque de temps, excès de
procédures.
L’exercice en psychiatrie fait vivre en une journée toute une variation d’humeurs internes, très denses,
et parfois excessives. Les états émotionnels des professionnels sont très variables d’heure en heure,
et il est nécessaire de les apprivoiser et d’apprendre à donner du sens à ce que l’on vit, avant d’entamer
une démarche clinique.
Même si l’exercice de l’infirmier en psychiatrie a évolué, pour autant il recèle nombre de constantes
que le tuteur s’efforce de faire pointer du doigt aux jeunes professionnels.
Y-a-t-il un modèle préférentiel de tutorat ?
Le modèle de tutorat de St Cyr est expérimental. Il se fonde beaucoup sur la singularité et le groupe. Il
n’est pas dans une éthique « formalisante ». C’est autre chose qu’une approche formative classique.
Visiblement les « tutorés » en sont satisfaits.
Ailleurs souvent les séances sont définies très en avance, il y a des programmes et des thèmes imposés.
A St-Cyr, les seuls programmes définis préalablement concernent les séances de groupe, qui
regroupent plusieurs tuteurs et plusieurs « tutorés », et qui abordent des thèmes identifiés en séances
individuelles.
Entretien réalisé et retranscrit par
Julien Von Raesfeldt (CRMC)
Juillet 2016
Actes de la 4ème journée régionale Auvergne-Rhône-Alpes du tutorat en psychiatrie – 2016.12.15
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